5. Ukraine : Un mois qui a changé l’Europe … et (hélas) la suite depuis…

Avertissement : Le 9 juin, les élections européennes ont une importance historique! l’Europe a connu de grands bouleversements géopolitiques, économiques et sociaux et montré sa résilience . A la croisée des chemins se dessine la survie de nos valeurs démocratiques et notre capacité à repenser la place du Vieux continent dans ce monde chahuté, alors que l’écart entre la perception citoyenne et la réalité de l’Union européenne s’aggrave. Aussi, l’Essec soutenue par le DG Vincenzo Vinzi s’est engagée dans une série d’actions pour tenter de mieux faire comprendre les enjeux des européennes ; Irené Essec et la filière géopolitique que dirige Aurélien Colson, ma Chaire Jean Monnet et le Centre Européen de Droit et Economie (CEDE) proposent diverses iniatiatives.

Parmi elles , une série d’ articles autour des grands enjeux des élections européennes symboliquement priorisés pour 9 mai  Journée de l’Europe / 9 juin élection des députés au PE en France. Cet article est le 5ème de notre série

Table of Contents

Grain de sel Gabriel Bluet & VdB :

Etapes européennes importantes de la guerre en Ukraine : 2 ans? Non 10 ans ! : https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/guerre-en-ukraine-chronologie-des-evenements/

Une surprise, vraiment ou une folie annoncée impréparée (par nous)?

Dans la nuit du 21 février au 22 février 2022, la Russie a lancé l’invasion de l’Ukraine que l’Europe et les autres puissances pensaient improbable, préparée manifestement de longue date (pour V. Poutine il s’agit de « simple opérations militaires justifiées » par le souci de porter secours aux minorités russophones, mais c’est bien de chars et de bombes sur des civils aussi, dont il s’agit et désormais d’une guerre voire d’une guerre totale : Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré vendredi 22 mars que la Russie était « en état de guerre », marquant un important basculement sémantique. Poutine réélu, l’économie, la défense et l’armée russe ne servent désormais plus qu’un objectif principal : accélérer l’offensive en Ukraine. La détermination brutale (ou la folie) du président Poutine a bousculé toutes les certitudes et forcé l’Union européenne à une adaptation inédite et en mode urgence. Après le #Brexit, la #Covid, voilà peut être la crise la plus importante pour l’Union européenne qui doit démontrer sa résilience et sa capacité à avancer en mode collectif avec un système institutionnel qui demeure inadapté du fait d’une capacité de blocage d’un Etat sur les 27 (veto). La coopération renforcée pourrait être utilisée pour éviter des actions d’Etats membres isolées ou de groupes d’Etats membres se sentant plus concernés par la situation en Ukraine – Ces réactions nationales ne tiendront qu’un temps, dans un contexte éminemment instable et dangereux.

Lire « Les conséquences de la guerre en Ukraine pour le projet européen – Europanova »

Cette « agression » aura aussi des conséquences économiques lourdes, oblige dans l’immédiat à mobiliser une capacité d’accueil de réfugiés politiques, interpelle sur la capacxité de défense de l’UE et doit, hélas, faire anticiper un risque de 3ème guerre mondiale sans doute différente des précédentes mais qui fait froid dans le dos. Rien ne sera plus comme avant? La raison d’être du projet commun de nos pays: faire respecter et respecter nous mêmes des valeurs de démocratie, de paix, de respect des populations est mise à mal.

Alors que faire ? Distinguer court terme et long terme

Bref les quatre premières semaines (22 février- 22 mars) ont ressemblé à un crash test et en mode triple salto arrière, la crédibilité de plus long terme de l’UE, sur sa place dans le monde aux côtés (mais pas sous les ordres des USA?), quant à sa relation à la Chine déjà fort compliquée (comme on dit), mais aussi avec des acteurs plus périphériques comme l’Inde et même des candidat à l’adhésion comme la Serbie en dissidence par rapport à la position de l’UE envers la Russie

Les 1ères sanctions prises en urgence et qui se développent progressivement interrogent sur leurs conséquences sur la population russe, elle aussi victime d’un autocrate procède à une désinformation massive de son peuple. Les massacres à KIEV et la suite ont remis en cause une éclaircie liée à de possibles négociations après des propositions de l’Ukraine d’adopter un statut d’Etat neutre, l’opinion publique mondiale réalise l’ampleur du problème et le danger. Sur le terrain les combats s’enlisent !

https://www.sudouest.fr/international/carte-guerre-en-ukraine-quels-sont-les-territoires-perdus-ou-reconquis-par-kiev-en-deux-ans-de-conflit-18692287.php

Thèmes priorisés:

1. Des violations du droit international aux bombes sur les civils- crime de guerre ?

Le récit du drame ukrainien commence avec l’ abandon progressif des règles du droit international de la Russie. Comme l’évoque la Fondation Robert Schuman, la diplomatie russe s’est longtemps attachée au respect strict et formel des règles du droit international, s’y « cramponnant » parfois pour résister aux revendications des peuples. Même lors de la succession de l’URSS, cette constante a été respectée. Cependant, les agissements en Crimée et dans le Donbass depuis 2014 marquent l’abandon de ce formalisme, alors même que la diplomatie du Kremlin met en avant la nécessité de conclure de nouveaux traités avec les Etats-Unis et les Etats européens pour consacrer ses revendications.

Cette évolution (qu’on qualifiera de dérapage) aboutit le 21 février 2022 à la signature de décrets reconnaissant l’indépendance des provinces ukrainiennes de Donetsk et Louhansk les qualifiant de « républiques populaires ». Poutine a ensuite ordonné à la Défense russe de se tenir prête à « maintenir la paix » dans les provinces séparatistes (« perversion » du concept de maintien de la paix selon le Secrétaire Général des Nations Unies) et conclu des traités « d’amitié, de coopération et d’entraide » avec celles-ci. La Russie a avancé plusieurs motifs pour justifier le déclenchement des opérations militaires contre l’Ukraine. Les déclarations du président Poutine ont, successivement, nié l’existence de l’Ukraine en tant qu’Etat, accusé le gouvernement ukrainien de provocations militaires et qualifié le rapprochement entre l’Ukraine et l’OTAN de menace contre les intérêts russes (l’Ukraine est devenue un partenaire privilégié de l’OTAN en 2020). Mais il est surtout frappant d’identifier que son récit est basé sur la théorie selon laquelle le régime ukrainien porte une idéologie nazie dénonçant un projet génocidaire à l’encontre des populations russophones. Dans le même temps, les autorités russes ont mené une campagne massive de propagande sur les réseaux sociaux, via les comptes gouvernementaux, afin de décrédibiliser l’Ukraine et ses alliés. Les médias ont fait l’objet de censures et les réseaux sociaux étrangers, notamment Meta.

De son coté, dès le déclenchement des hostilités, le président Volodymyr Zelensky a dénoncé une violation du droit international et de la souveraineté de l’Ukraine, appelé ses citoyens à prendre les armes et demandé à la communauté internationale de lui apporter son soutien. Le 26 février 2022, l’Ukraine a déposé une requête introductive d’instance auprès de la Cour Internationale de Justice, l’organe judiciaire principal de l’ONU. Entretemps, plusieurs observateurs internationaux ont pointé du doigt des crimes de guerre avec des civils volontairement ciblés. Des enquêtes internationales sont diligentées pour que des procès puissent un jour avoir lieu.

BREAKNEWS: le commissaire européen à la justice Didier Reynders a déclaré en ce mois d’avril 2024 qu’un tribunal spécial pourrait être créé d’ici la fin de l’année: « deux options principales sont envisagées : un tribunal international basé sur un accord multilatéral ou une solution simplifiée basée sur un accord bilatéral entre l’Ukraine et le Conseil de l’Europe ». Ce tribunal serait créé pour juger le président russe Vladimir Poutine ainsi que d’autres hauts responsables politiques/militaires russes.

Le destruction du pays se poursuit tandis que dans une perspective de long terme la reconstruction commence à être pensée, avec le soutien de l’Union européenne.

2. Union sacrée sur les sanctions et aide à l’Ukraine ?

Bien en amont, alors que la tension se faisait sentir aux frontières ukrainiennes, l’Union européenne préparait ses sanctions en cas d’escalade militaire. Lorsque les bombes et les missiles russes se sont abattus sur l’Ukraine, suivis par des convois de blindés, l’Union Européenne a décidé d’adopter des sanctions inédites, affichant l’unité dans la condamnation de la guerre. D’autres organisations internationales ont réagi de concert : le  Conseil de l’Europe a suspendu les droits de représentation de la Russie ; l’OTAN a entrepris de renforcer ses troupes présentes dans les pays Baltes.

Avancée européenne : la violation des sanctions européennes contre la Russie ajoutée à la liste des infractions pénales de l’Union européenne

Extrait de l’analyse de Didier Rebut – Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas – Directeur de l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris – Membre du Club des juristes

Face aux violations des sanctions prises par l’Union européenne à l’égard de la Russie, à la suite de l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, le Conseil de l’Union européenne a décidé d’adopter une décision destinée à ajouter la violation de ces sanctions à la liste des infractions pénales de l’Union européenne. L’Union européenne (UE) a adopté 13 paquets de sanctions économiques (le dernier le 23 février 2024) : embargo sur le pétrole, le charbon et l’or russes qui interdisent leur achat et leur importation dans les États membres, interdictions de vente de certains produits à la Russie comme des biens de haute technologie et les armes. gel des avoirs dans l’UE de la banque centrale russe, de Vladimir Poutine et d’un grand nombre de personnes et entités liées au gouvernement russe? etc.

Ces sanctions ont parfois fait l’objet de de violations pour éviter leur application. L’embargo sur le pétrole aurait ainsi été violé par des entités étrangères ayant acheminé du pétrole russe par des pays tiers. Des avoirs auraient été dissimulés derrière des sociétés écrans ou des prête-noms. Des sanctions auraient même été insuffisamment appliquées dans des États membres. Le montant des avoirs russes gelés en Hongrie s’élèverait à 3000 $, ce qui a été dénoncé par la Commission. Le droit de l’UE ne punit pas la violation de ces manquements à ces sanctions. Cette violation relève des droits nationaux qui diffèrent beaucoup les uns par rapport aux autres. Ceux-ci ne punissent généralement pas ces violations en elles-mêmes, l’infraction douanière ou ule blanchiment d’argent en découlant. C’est pour uniformiser et rendre effective la sanction de ces violations que le Conseil a décidé de les ajouter à la liste des infractions de l’UE. Décision remarquable parce qu’elle ouvre la voie à une répression pénale des violations des sanctions économiques prises contre la Russie. Cette décision est aussi remarquable par sa portée qui n’est pas limitée aux seules violations des sanctions contre la Russie, puisqu’elle concerne l’ensemble des sanctions économiques du même type prises par l’UE. L’UE va ainsi se doter d’un dispositif répressif comparable à celui des États-Unis qui punit la violation des mesures d’embargos décidées par les autorités américaines.

Cette décision est enfin remarquable en droit de l’UE car elle donne lieu à la première augmentation par le Conseil de la liste des infractions de l’UE, énumérées par l’article 83 § 1 du Traité du fonctionnement de l’UE (TFUE): terrorisme, traite des êtres humains, exploitation sexuelle des femmes et des enfants, trafic illicite de drogues, trafic illicite d’armes, blanchiment d’argent, corruption, contrefaçon de moyens de paiement, criminalité informatique et criminalité organisée. Le Conseil a donc ajouté la violation des sanctions économiques de l’UE à la liste des infractions pour lesquelles l’UE a une compétence directe. Cette décision remonte à la Présidence française de l’UE et l’ approbation a été obtenue, à l’unanimité comme le prévoit l’article 83 § 1 TFUE, lors de la Présidence la République tchèque. La décision du 28 novembre n’est cependant qu’une étape dans la création et l’entrée en vigueur des sanctions pénales applicables à la violation des mesures restrictives prises par l’UE. Une proposition de directive par la Commission va mettre en œuvre la décision et sera soumise au Parlement et au Conseil aux fins d’adoption d’une directive.

Cette application va incomber aux États membres compte-tenu de la nature pénale des sanctions qui seront applicables à la violation de ces mesures. Cela les obligera à transposer la directive en créant les infractions établies par cette directive et en respectant les règles de répression qu’elle a fixées. Il en découlera une uniformisation de la répression de ces violations. La poursuite de ces violations pourrait être confiée au Parquet européen.

Retour sur les sanctions économiques

L’Union européenne a adopté des sanctions visant des personnalités et dignitaires du régime russe, incluant le président Poutine et le ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov (gel des avoirs, interdiction de voyage sur le territoire de l’Union, etc.), mais surtout des sanctions économiques à portée générale (interdictions d’exportation et d’importation de marchandises en provenance ou à destination des deux provinces ukrainiennes non contrôlées par le gouvernement, restrictions d’accès de la Russie aux marchés de capitaux de l’UE et à ses marchés et services financiers). Au fil des mois, une escalade s’est poursuivie entre l’Union européenne et la Russie. L’Europe estime ces sanctions efficaces et entend poursuivre leur intensité en les harmonisant,

Principales sanctions et mesures de l’UE contre la Russie :

•Réduction de l’accès de la Russie aux marchés européens des capitaux •Interdiction de vente d’avions et d’équipements aux compagnies aériennes russes 

•Gel des avoirs de Vladimir Poutine et d’oligarques russes •Exclusion du système bancaire Swift de plusieurs banques russes

•Gel des avoirs de la Banque centrale russe hors de Russie

•Fermeture de l’espace aérien européen à l’aviation russe •Interdiction de diffusion dans l’UE des médias Russia Today et Sputnik 

•Embargo sur le charbon russe

•Fermeture des ports de l’UE aux bateaux russes

•Fermeture des routes de l’Union aux transporteurs russes

Recapitulatif des sanctions intervenues par paquets

Des divergences ont parfois poussé l’un ou autre Etat à tergiverser. ar exemple la Pologne à remis en question un compromis, au sujet du gel de fonds européens destinés à la Hongrie pour non-respect de l’état de droit, présenté par la présidence du Conseil. Un accord entre Etats membres qui avait permis de lever le veto de Budapest au plan d’aide de 18 milliards d’euros à l’Ukraine”. Finalement, l’aide macro-économique destinée à l’Ukraine en 2023 a été débloquée par la levée du veto polonais. Mais tout ceci fait refléchir au nom de l’efficacite collectoive et de la démocratie à la légitimité du veto d’un Etat contre 27!

Comment atteindre Poutine?

C’est sans doute le plan N°6 qui consiste en un embargo sur le pétrole russe pour assécher ses ressources qui a ete le plus dur à négocier: la Commission européenne a proposé un plan soutenu par le PE avec quelques nuances.

  • plafonnement des prix en ce qui concerne le transport maritime de pétrole russe à destination de pays tiers
  • ajouts à la liste des articles faisant l’objet de restrictions susceptibles de contribuer au renforcement militaire et technologique de la Russie
  • restrictions supplémentaires aux échanges commerciaux avec la Russie et à la fourniture de services à ce pays
  • inscription de 30 personnes et 7 entités supplémentaires sur la liste

3. Réactions des entreprises

Le secteur privé s’est parallèlement en partie mobilisé pour quitter la Russie et nombre de grandes entreprises ayant une présence importante en Russie ont annoncé leur retrait du pays.

Les banques : provisionnement et désengagement

1. CASA  affiche 600 millions d’euros en provisionnement de prudence: actif net de sa filiale ukrainienne (200 millions) , 350 millions de provisions sur risques « non avérés » sur son portefeuille de crédits ou de garanties exposé à la Russie et 43 millions sur des risques avérés. Le groupe a une zxposition à la Russie, qui a vite baiss – la banque ayant stoppé tout nouveau financement .

2. Société Générale a du céder sa filiale russe Rosbank: impact négatif de 2 milliards d’euros sur le compte de résultat.

3. BNP Paribas a déprécié 90% de la valeur comptable de sa filiale ukrainienne (160 millions), aux deux tiers fermés en raison de la guerre.

Des pertes lourdes au fil du temps qui passe et de l’attitude de plus en plus dure de Poutine à l’égard des entreprises étangères: Moscou exige des remises d’au moins 50 % sur les ventes d’actifs étrangers et n’a cessé de durcir les conditions de sortie, acceptant souvent des commissions nominales de l’ordre d’un rouble.

Le secteur de l’énergie

Parmi les pétrolières et gazières occidentales: le 27 février, BP annonçait céder sa participation de 20 % dans la pétrolière russe Rosneft en réaction à l’invasion de l’Ukraine. Le lendemain, Shell se séparait de ses parts dans plusieurs projets communs avec Gazprom en Russie, dont le gigantesque projet gazier Sakhaline-2. Une semaine plus tard, Shell ajoutait qu’elle retirera au plus vite les hydrocarbures russes de ses approvisionnements. Le fond souverain norvégien Equinor, l’Américain ExxonMobil, l’Italien Eni complètent la liste des acteurs.

TotalEnergies qui a condamné l’agression militaire russe le 1er mars, s’est engagée à ne plus apporter de capital à de nouveaux projets dans le pays. Mais elle ne renonce pas à ses activités en Russie plaidant le fait que le gaz qu’elle produit est importé par les Etats de l’UE qui en ont besoin malgré les efforts pour trouver des approvisionnements substituables. La Russie représente pour TotalEnergies, 17 % de sa production mondiale d’hydrocarbures. « l’enjeu stratégique du pays pour la compagnie française est lié au gaz naturel », Patrice Geoffron, professeur d’économie à Paris-Dauphine et directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières (CGPEM). Cette énergie est au cœur de la nouvelle stratégie du groupe, dévoilée lors du changement de nom de Total en TotalEnergies, il y a un an. « Un tel retrait fragiliserait la capacité de Total à être un acteur de premier rang sur le GNL. Et à plus long terme, sa capacité à importer de l’hydrogène décarboné en provenance de Russie », anticipe Patrice Geoffron. Soit deux axes au cœur de sa nouvelle stratégie. La Russie, « c’est 3 % à 5 % des revenus de TotalEnergies, on gérera », Patrick Pouyanné – 24 février

Mais pour celles demeurées sur place pour diverses raisons à examiner au cas par cas, les accusations de «complicité de crimes de guerre» pourraient tomber, les entreprises sont en effet tenues, par la loi russe, de contribuer à la mobilisation. L’université de Yale qui avait dés le départ identifié les entreprises présentes en Russie actualise régulièrement ses données afin de publication

Pour la France:

Auchan-Retail,Babolat, Camille Albane salons franchisés,Clarins, Coface,Dessange International, Étam, Foraco, Groupe Le Duff, Groupe Savencia, Héliski Russie, Jean Cacharel, La Redoute, Lacoste, LACTALIS, Les cheveux de Mod, Orano, Groupe Provalliance (Jean Louis David) filiales ,Société Bic, SoudainAffaires, Véolia , Vinci SA , Ligne mondiale Affaires

Pour les Assemblées Générales 2024, le Forum pour l’Investissement Responsable a choisi d’interpeller les groupes du CAC40 demeurés sur place avec ce questionnement

Question 1 : À ce jour, vous opérez toujours en Russie selon le KSE Institute1 et/ou l’Université de Yale2.
Quel est le nombre actuel de salariés employés par votre entreprise en Russie ? Nous souhaiterions aussi savoir, au moment où vous avez pris la décision de rester sur le territoire de la Fédération de Russie, comment vous avez pris acte que vos activités étaient conformes à vos propres engagements en matière de droits humains et qu’elles ne portaient pas atteinte aux droits de vos salariés ou d’autres parties prenantes ? Quelles mesures avez-vous prises pour vous assurer de pouvoir identifier les risques droits humains liés à vos activités enR ussie et ceux liés au conflit russo-ukrainien ainsi que les impacts, en termes de droits humains, de vos activités sur les personnes et sur le conflit? En septembre 2022, la Douma a adopté une loi fédérale (n°31-FZ) dont l’article 9 dispose que les entreprises étrangères opérant en Russie participent à la mobilisation. Quel process avez-vous mis en place pour contrôler la participation à l’effort de guerre ? En cas de mobilisation, comment est-ce conforme avec vos engagements en matière d’éthique et de droits humains ? Dans ce contexte, comment vous assurez-vous que votre entreprise ne viole pas le droit international humanitaire et ne se rend pas complice des potentiels crimes de guerre commis par l’armée russe en Ukraine ?
Question 2 : Votre gouvernance en matière de droits humains et de gestion des risques liés aux droits humains dans les zones dites affectées par des conflits ou à haut-risque, a-t-elle évolué depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 ? Quels enseignements avez-vous tirés de ce conflit et comment cela a-t-il influencé votre façon de gérer ces situations ?
Question 3 : En cas d’un nouveau conflit impliquant une de vos zones d’activités dans le monde, comment vous assurez-vous que les risques droits humains sont pris en considération dans la décision de maintenir vos activités ou non ? Selon quel processus de gouvernance : consultation du Conseil d’administration, des membres de la direction, des syndicats, échanges avec les investisseurs, engagement avec des populations locales et des Organisations non gouvernementales locales ? Comment intégrez-vous les équipes droits humains dans ces prises de décisions ?
Question 4 : Quelle est désormais votre politique sur le développement de nouvelles activités dans des zones à haut risque (1) ? Avez-vous mis en place une politique de diligence raisonnable renforcée sur ces zones ?

4. La posture militaire

  • Sur le plan militaire, le refus d’engagement est une ligne claire pour éviter une escalade cobelligérante, donc nous ne sommes pas officiellement en guerre !
  • Cependant, l’Union européenne a fourni des armes à l’Ukraine la présidente de la Commission européenne a annoncé la décision de l’UE de financer l’acheminement d’armes. Le 28 février le Conseil a adopté deux décisions PESC (2022/338 et 2022/339) portant financement de la fourniture d’armes à l’Ukraine, par la Facilité européenne pour la paix (FEP), établie en mars 2021 par la décision (PESC) 2021/509. Il s’agit d’un fonds extrabudgétaire financé par des contributions étatiques selon la clé du produit national brut, car les dépenses opérationnelles dans le domaine de la défense ne peuvent pas être financées par le budget de l’Union (art. 41 § 2 du Traité sur l’Union européenne, TUE). La principale nouveauté de la FEP est la possibilité de financer des armes létales.
  • On a largement passé le cap des missions de pacification et de sauvegarde des civils du cadre de Petersberg et certains dont le président français évoquent clairement le sujet d’une participation directe, même si il est enore isolé.

Il est remarquable que le Conseil ait pu atteindre l’unanimité requise, qui plus est dans un délai si rapide et malgré au départ des positions bien différentes, notamment pour l’Allemagne. Mais quid de la suite tandis que les USA se désengageront vraisemblablement à terme.

5. Mobilisation pour l’accueil des réfugiés ukrainiens

Parce que la guerre frappe avant tout les populations civiles, les ukrainiens fuient les frappes russes. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés plus d’un million de personnes ont fui l’Ukraine et cinq millions d’autres devraient arriver. En Pologne, principale destination des réfugiés ukrainiens, les chiffres semblent plus élevés. « Près de 600 000 réfugiés sont arrivés dans notre pays», a indiqué Wladyslaw Ortyl, président de la voïvodie polonaise de Podkarpackie (Basses-Carpates). Si le poids de la crise naissante des réfugiés est actuellement supporté par les États de l’UE voisins de l’Ukraine: Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la Roumanie, on s’attend à ce que la plupart des pays et régions européens en ressentent bientôt aussi les effets. C’est pourquoi l’UE a décidé de réorienter ses fonds de cohésion régionaux pour soutenir les pays les plus mobilisés.

Pour faire face à cette crise, l’UE a simplifié les contrôles aux frontières. Selon les règles qui étaient en vigueur, les citoyens ukrainiens pouvaient entrer dans l’UE sans visa mais ne pouvaient y rester que 90 jours. Les Vingt-Sept ont accepté, jeudi 3 mars, à l’unanimité d’accorder une « protection temporaire » dans l’UE aux réfugiés fuyant la guerre en Ukraine, qu’ils soient ressortissants ukrainiens ou résidents de longue date dans ce pays, une décision jugée « historique » par Bruxelles. Le statut de protection temporaire s’appliquera pendant un an, mais pourra être étendu à trois ans. Les prochaines étapes seront particulièrement intéressantes à observer…

6. Les candidatures à l’adhésion à l’UE en mode accéléré

Peu après l’invasion de son pays, le Président Zelenski a demandé à l’Union européenne « l’adhésion de l’Ukraine via une nouvelle procédure spéciale » et dans un même mouvement, la Moldavie et la Géorgie ont fait acte de candidature. Ses candidatures soutenues par les États membres d’Europe centrale qui ont appelé l’UE à prendre des « décisions rapides et courageuses notamment en faveur de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE d’ici à 2030″ ne doit occulter d’une part que ces décisions requièrent l’unanimité des États membres, d’autre part que des conditions politique et économiques déclinées autour du concept « d’acquis communautaire » sont exigées. (C’est pas gagné et c’est pas maintenant.)

Un processus d’adhésion est long , très long et faire l’impasse sur le principe des acquis de l’UE serait folie et par ailleurs impossible en droit. Cependant il est possible de décider vite de la vocation de chacun de ces 3 Etats à être candidat en qualifiant leur caractère européen et ce, sans préjuger de la suite des négociations d’adhésion ; décision qui les placeraient dans une relation privilégiée avec l’Union européenne et les aideraient quant à leur relation avec la Russie. Mais ce signal doit être lancé en connaissance de cause quant aux la Russie le vivant mal pourrait augmenter encore son attitude belliqueuse. C’est donc à peser.L’Ukraine a formulé sa demande d’adhésion el 28 février et les pays européens lui ont accordé le statut de candidat. Le pays se prépare donc par l’alignement de ses politiques sur les standards européens.

7. Bouleversement du modèle énergétique européen

Au-delà des conséquences directes de la crise en Ukraine, des changements structurels sur le plan de l’énergie se sont inéluctablement engagés en réaction à l’agression russe. Aujourd’hui, l’Europe importe de Russie environ 40 % de son gaz, 35 % de son pétrole brut et plus de 40 % de son charbon. La prise de conscience brutale de cette dépendance oblige l’UE à repenser son modèle énergétique pour des raisons d’indépendance alors qu’elle était en train d’y procéder pour des raisons écologiques (voir les objectifs et dispositifs du FIT55). C’est plus particulièrement, l’Allemagne qui s’est trouvé confrontée à sa dépendance au gaz russe et appelle l’UE à revoir sa politique énergétique collectivement. « L’attaque russe doit aussi réveiller l’Europe en matière de politique énergétique. La politique énergétique est une politique de sécurité »: Robert Habeck, vice-chancelier allemand et ministre de l’Économie et de la protection du climat. Berlin a du renoncer au projet Nord Stream 2 et un moment reconsidéré même la perspective d’un retour au nucléaire, exclu du mix énergétique allemand après Fukuyama, l’hypothèse est abandonnée (pour le moment?). Parallèlement, Olaf Scholz a réouvert des mines de charbon et annoncé un engagement ferme en faveur de la construction de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) pour importer des volumes supplémentaires de gaz fossile des États-Unis et du Qatar, mais l’opposition pourraient vouloir que le gouvernement aille encore plus loin.

Une importante fuite de gaz dans la mer Baltique aux abords des gazoducs russes Nord Stream et Nord Stream 2 a été détectée le 27 septembre, à la suite de deux explosions enregistrées la veille. Les autorités suédoises et danoises n’excluent pas l’hypothèse d’un sabotage.

8. Guerre en Ukraine : vers de grandes famines ?

C’est une des conséquences dramatiques de cette guerre. Lundi 14 mars 2022, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a mis en garde contre le risque d’une guerre qui pourrait entraîner “un ouragan de famines” dans de nombreux pays. “L’Ukraine est en feu” et “le pays est en train d’être décimé sous les yeux du monde“, “Nous devons faire tout notre possible pour éviter un effondrement du système alimentaire mondial”Les prix des céréales ont déjà dépassé ceux du début du printemps arabe et des émeutes de la faim de 2007-2008″. “L’indice mondial des prix des denrées alimentaires de la FAO est à son plus haut niveau jamais enregistré”. “45 pays africains et pays les moins avancés importent au moins un tiers de leur blé d’Ukraine ou de Russie – 18 de ces pays en importent au moins 50%. Dans de nombreux pays, le spectre des émeutes de la faim refait surface. En attendant, c’est la sécurité alimentaire des Ukrainiens qu’il s’agit de défendre. Alors que les besoins humanitaires “augmentent rapidement” le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires, Martin Grifiths, a annoncé débloquer 40 millions de dollars du Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) des Nations Unies afin d’”atteindre les personnes les plus vulnérables”

9. Une Europe géopolitique à naître ?

Le retour de la guerre en Europe marque la fin d’une illusion et pourrait paradoxalement constituer un acte de (re)naissance pour l’Europe: « parce que tout ce que nous devons comprendre, c’est que pour faire la paix, il faut être deux, mais pour faire la guerre, il suffit d’une seule partie — c’est exactement ce que nous dit M. Poutine . Nous devons réfléchir à l’instrument de coercition, aux représailles et à la contre-attaque face à des adversaires téméraires » Joseph Borell, chef de la diplomatie de l’UE qui concut (en espérant) qu’il s’agit de « l’acte de naissance de l’Europe géopolitique ».

Face à cette nouvelle posture, l’UE engage une nouvelle stratégie militaire. L’ébauche du nouveau document stratégique de l’UE avait été officiellement soumise aux ministres des Affaires étrangères de l’UE en novembre dernier. La version finale devrait être adoptée par les dirigeants européens en mars, sous la #PFUE. « Le retour de la guerre en Europe, ainsi que des changements géopolitiques majeurs, remettent en question notre capacité à promouvoir notre vision et à défendre nos intérêts », peut-on lire dans le projet de document: « Un environnement de sécurité plus hostile nous oblige à faire un bond en avant et à accroître notre capacité et notre volonté d’agir, à renforcer notre résilience et à assurer la solidarité et l’assistance mutuelle ». Certains États membres d’Europe de l’Est ont fait valoir que pour que l’UE devienne un poids lourd géopolitique, elle doit jouer un rôle en matière de sécurité non seulement en Afrique, mais plus encore dans son voisinage oriental.

En conséquence, et en raison de l’escalade des tensions, l’UE a consacré un soutien plus conséquent à ses partenaires orientaux, notamment en matière de sécurité et de défense. En ce qui concerne les dépenses de défense, la nouvelle version indique qu’« il devient urgent de dépenser plus et mieux » en coordination entre les États membres et au niveau de l’UE. L’Union « définira des objectifs en matière d’augmentation et d’amélioration des dépenses de défense » d’ici à la mi-2022, la Commission européenne étant chargée d’élaborer des mesures incitatives supplémentaires pour les investissements collaboratifs.

10 – Livraisons de chars à l’Ukraine : cobelligérance ?

La Russie menace depuis plusieurs mois les soutiens à l’Ukraine de les considérer comme cobelligérants et donc engagés dans le conflit. Qu’en est-il du point de vue du droit international ? Le soutien militaire à l’Ukraine par la livraison d’armes est légal au regard du droit international. Comme le résume le Club des Juristes, la résolution ES-11/1 du 2 mars 2022 de l’Assemblée générale des Nations Unies condamne l’invasion russe et « raffirme [l’]engagement [des Nations Unies] envers la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues ». La Russie est également reconnue comme coupable d’agression.

Or, selon l’article 41 des articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, « les Etats doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave » d’une obligation du droit international général. L’envoi d’armes à l’Ukraine est donc licite voire encouragé, pour mettre fin à la violation russe. De même, l’Ukraine étant considérée comme en légitime défense, elle peut utiliser les armes livrées de manière offensive, y compris en Crimée toujours reconnue comme partie intégrante du pays. Cette livraison d’armes ne constitue par ailleurs pas un cas de cobelligérance, dont la définition reste floue.

La cobelligérance désigne la situation dans laquelle des pays se battent contre un ennemi commun, sans pour autant partager un traité d’alliance formel. On peut par exemple citer la lutte contre Daech au cours de la guerre civile syrienne, rassemblant des pays non alliés comme la Russie et les Etats-Unis. Les pays livrant du matériel à l’Ukraine, que ce soit les membres de l’OTAN mais aussi le Maroc ou encore Taiwan, ne sont donc pas cobelligérants puisqu’ils ne sont pas en guerre contre la Russie. Dans l’autre sens, l’Iran et la Corée du Nord, qui ont fourni un soutien matériel à la Russie, ne sont pas en situation de cobelligérance. Il ne s’agit cependant que d’une définition usuelle, ce terme n’étant pas employé en droit international. On parle plutôt de « partie au conflit », c’est-à-dire un membre impliqué dans la guerre, directement ou indirectement. 

10. La suite au fil des dates et d’articles proposés sur le blog

  • Le 8 février, le Président ukrainien traverse l’Europe pour appeler les pays européens, notamment le Royaume-Uni à fournir des avions de combat.
  • Le 9 février, Volodymyr Zelensky rejoint Bruxelles, en s’adressant d’abord aux eurodéputés réunis au Parlement européen. “Si l’Ukraine tombe, c’est votre mode de vie qui disparaîtra, celui des Vingt-Sept”, prévient-il.
  • 25 février 2023 : un dixième train de sanctions européennes contre la Russie est adopté
  • 23 mars 2023 : les Vingt-Sept approuvent un plan de livraison d’un million de munitions à l’Ukraine d’ici à 12 mois. Quatre milliards d’euros seront nécessaires pour assurer ces livraisons, dont deux milliards fournis par l’Union européenne via la Facilité européenne pour la paix, un instrument de financement des dépenses communes en matière de défense. Si les Etats membres puiseront dans leurs stocks, ils prévoient aussi de réaliser des achats de munitions ensemble. 
  • 4 avril 2023 : la Finlande devient le 31e membre de l’Otan, la Suède attend encore les feux verts de la Turquie et de la Hongrie. 
  • 5 mai 2023 : la Commission européenne propose un onzième train de sanctions contre la Russie qui a pour objectif d’empêcher le Kremlin de contourner les sanctions via des Etats tiers. En particulier via l’importation depuis ces pays neutres ou alliés – Chine, Iran, Emirats arabes unis, Ouzbékistan, Arménie ou encore Syrie
  • 14-16 mai 2023 : en déplacement en Europe, Volodymyr Zelensky appelle ses alliés à intensifier leur soutien militaire et notamment l’envoi d’ avions de combat
  • 21 juin 2023 : l’UE et ses alliés annoncent 60 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine pour sa reconstruction, lors d’une conférence à Londres les 21 et 22 juin 2023 où intervient le lancement de l’ ”Ukraine business compact”, initiative invitant le secteur privé dans le monde entier à participer aux efforts de reconstruction. 
  • 23 juin 2023 : onzième train de sanctions européennes contre la Russie
  • 15 novembre 2023 : la Commission européenne propose un douzième train de sanctions contre la Russie aux Etats membres de l’UE
  • 14 décembre 2023 : le Conseil européen décide d’ouvrir les négociations d’adhésion à l’UE avec l’Ukraine sans le vote de la Hongrie. L e Conseil européen ouvre les négociations avec la Moldavie, victime collatérale de la guerre en Ukraine et elle aussi candidate depuis juin 2022 et la Géorgie,
  • 14 décembre 2023 : le Conseil européen adopte le douzième paquet de sanctions contre la Russie : interdiction du commerce de diamants et sanctions frappant le pétrole russe étendues au gaz de pétrole liquéfié (GPL).
  • 1er février 2024 : les Vingt-Sept accordent une aide de 50 milliards d’euros à l’Ukraine
  • 23 février 2024 : les Vingt-Sept adoptent un treizième train de sanctions contre la Russie
  • 26 février 2024 : Emmanuel Macron affirme que l’envoi de troupes au sol dans le pays ne doit pas “être exclu
  • 27 avril 2024 , le chef de l’Etat français déclare “ouvrir le débat” sur la défense européenne afin de mettre toutes les options “sur la table”, y compris l’inclusion de l’arme nucléaire française.
  • 18 mars 2024 : les Vingt-Sept adoptent un fonds de cinq milliards d’euros pour soutenir militairement l’Ukraine en adoptant formellement la réforme de la Facilité européenne pour la paix, instrument européen destiné à financer les actions de l’UE en matière de défense.
  • 21 mai 2024: Les Vingt-Sept ont approuvé l’utilisation des bénéfices générés par les actifs russes gelés dans l’Union européenne. Une décision qui doit permettre de récupérer jusqu’à 3 milliards d’euros par an afin d’armer l’Ukraine.
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11 – L’UE impose des droits de douane « prohibitifs » sur les importations de céréales russes

GDS : Dans le contexte de guerre, des droits de douane prohibitifs sont une arme commerciale redoutable. L’UE s’en empare et veut faire cesser toute importation de céréales russes ou biélorusse.

Valdis Dombrovskis, commissaire européen en charge du Commerce. [EPA-EFE/RONALD WITTEK]

Les États membres de l’Union européenne ont approuvé jeudi (30 mai) une augmentation importante des droits de douane sur les céréales, les oléagineux et les produits dérivés provenant de Russie et de Biélorussie (proche allié de Moscou) dans le but de suspendre les importations de ces produits dans le bloc.

« Les nouveaux droits de douane fixés aujourd’hui visent à stopper concrètement les importations de céréales russes et biélorusses dans l’UE », a déclaré le ministre belge des Finances, Vincent Van Peteghem, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’UE.

« C’est une nouvelle façon pour l’UE de montrer son soutien à l’Ukraine », a-t-il poursuivi.

La décision, validée par les ministres européens au Commerce réunis à Bruxelles jeudi, reviendra à taxer fortement à partir du 1er juillet les céréales, oléagineux et leurs dérivés, entre autres produits, pour lesquels les droits d’importation dans l’UE sont actuellement faibles ou nuls, peut-on lire dans un communiqué du Conseil.

Des sources diplomatiques européennes ont confié à Euractiv que le règlement avait été approuvé avec le soutien d’une majorité écrasante d’États membres. Tous les pays ont voté en faveur de la loi, sauf la Hongrie qui se serait abstenue.

La mesure douanière devait être entérinée par une majorité qualifiée d’États membres (15 pays représentant 65% de la population du bloc), sans requérir l’aval des eurodéputés. Un processus plus aisé et rapide que l’adoption d’un embargo total, qui aurait nécessité l’unanimité des Vingt-Sept.

L’objectif de la proposition, présentée en mars derniers par la Commission européenne, est d’empêcher la « déstabilisation » des marchés de l’UE, d’arrêter l’exportation illégale de céréales volées par la Russie en Ukraine et de stopper le financement de la guerre russe en Ukraine grâce aux exportations dans l’Union.

Les droits de douane n’affecteront pas les exportations vers les pays tiers transitant par l’UE, afin de préserver la sécurité alimentaire mondiale.

« Notre engagement en faveur de la sécurité alimentaire mondiale demeure inébranlable et nous veillons à ce que les pays en développement ne soient pas affectés par ces mesures », a déclaré Valdis Dombrovskis, commissaire européen en charge du Commerce. « Nous maintiendrons ce soutien aussi longtemps qu’il le faudra », a-t-il ajouté.

Les engrais ne seront pas concernés non plus.

L’UE veut imposer des droits de douane sur les céréales russes

La Commission européenne a proposé d’augmenter les droits de douane sur les importations de céréales et d’huiles russes et biélarosses afin à la fois de ne pas déstabiliser le marché européen, de ne pas financer l’agression russe contre l’Ukraine et d’essayer de calmer les manifestations des agriculteurs.

Financement de la machine de guerre russe

Vincent Van Peteghem a insisté sur le fait que la nouvelle mesure permettra d’empêcher le Kremlin d’utiliser les revenus des exportations vers l’UE pour financer sa guerre contre l’Ukraine.

Depuis le début de son invasion du pays en 2022, les importations européennes de céréales russes ont dépassé la moyenne quinquennale, l’Italie, la Lettonie et l’Espagne étant les principaux importateurs, selon les données de la Commission européenne.

La Russie a exporté 4,2 millions de tonnes de céréales, d’oléagineux et de produits dérivés vers l’UE en 2023, pour un montant de 1,3 milliard d’euros. Concernant les seules céréales, elle a importé 1,5 million de tonnes l’an dernier, contre 960.000 tonnes en 2022, sur fond d’envolée de la production russe la saison dernière.

Les importations de céréales russes, très inférieures aux volumes venant d’Ukraine, constituent une infime partie (environ 1%) du marché européen.

Perturbations du marché européen et vol de produits ukrainiens

« Même si la Russie reste un fournisseur relativement modeste pour l’UE, elle est l’un des principaux producteurs et exportateurs mondiaux, et est en capacité de réorienter d’importants volumes vers l’UE pour en perturber le marché », a fait valoir le Conseil dans son communiqué.

L’UE activera une clause d’exception pour faire en sorte que Russie et Biélorusse n’aient plus accès aux quotas céréaliers de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) leur offrant un meilleur traitement tarifaire.

Dans les différents trains de sanctions adoptées contre Moscou depuis 2022, les Européens avaient pris soin de ne cibler ni le secteur agricole, ni les engrais: ils redoutaient de déstabiliser les échanges et de fragiliser la sécurité alimentaire de pays d’Asie et d’Afrique dépendant de l’agriculture russe.

Une situation qui indignait Kiev, à l’heure où l’UE plafonne ses importations de produits agricoles ukrainiens exemptés de droits de douane par peur de déstabiliser le marché unique.

Parallèlement à cela, le Conseil note également qu’« il existe des preuves » que Moscou « s’approprie illégalement de grandes quantités » de céréales et oléagineux dans les territoires ukrainiens qu’elle occupe, les achemine vers ses marchés d’exportation et les étiquète comme étant russes.

Les nouveaux droits de douane visent également à endiguer ce phénomène.

Aller plus loin

Les nouveaux droits de douane sont suffisamment élevés pour décourager les importations dans l’UE, avec des droits à 93 ou 95 euros par tonne pour le blé tendre, le seigle, l’orge, le maïs ou le sorgho, et un droit de 50% « ad valorem« , c’est-à-dire proportionnel à la valeur de la marchandise, pour d’autres produits (huiles, légumes…).

Cependant, certains veulent aller plus loin.

Lors de la réunion des ministres du Commerce jeudi, un groupe de pays a réclamé des mesures plus ambitieuses. La République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Lituanie et la Suède ont soutenu une déclaration commune présentée par la Lettonie demandant des restrictions sur d’autres produits agricoles russes.

Selon une version préliminaire de déclaration commune consultée par Euractiv, les délégations ont appelé la Commission à poursuivre les discussions avec les États membres et à soumettre « dès que possible » une proposition visant à étendre les restrictions à « gamme plus large de produits » en provenance de Russie et de Biélorussie.

« Il est dans l’intérêt commun de l’UE de s’assurer que les restrictions à l’importation sont aussi larges et strictes que possible afin, entre autres, d’atténuer les inquiétudes de la communauté agricole de l’UE quant au risque de déstabilisation du marché », peut-on lire dans le texte.

En février, la Lettonie a été le premier pays de l’Union à approuver une interdiction unilatérale totale des importations de produits agricoles en provenance de Russie et de Biélorussie jusqu’en 2025, autorisant uniquement leur transit.

https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/lue-impose-des-droits-de-douane-prohibitifs-sur-les-importations-de-cereales-russes

Et la suite s’écrit chaque jour avec des morts en Ukraine, des réfugiés, des menaces à l’ordre mondial… que l’Union européenne tienne bon est la seule chose à nous souhaiter!

Voir le dossier de Toute l’Europe