Catégorie : Droit de l’UE

Le droit de l’Union européenne prime sur le droit des Etats membres, cree un cadre commun, veille aux  droits des citoyens et des entreprises . Ce blog privilegie une veille sur certains themes  priorisés  ou en cas de momentum spécifique ( PFUE, guerre en  Ukraine, etc)

  • Que s’est il passé pendant la Commission Von der Leyen I (mandature 2019-2024) ?

    La Commission von der Leyen I- une mandature exceptionnelle dan tous les sens du terme Quid de la suite ?

    Avec nos premiers étudiants de la toute jeune filière « affaires européennes » #Essec BS

    https://www.linkedin.com/posts/viviane-de-beaufort-0aa7208_que-sest-il-pass%C3%A9-pendant-la-commission-activity-7282003860892569600-qg2u?utm_source=share&utm_medium=member_desktop

    A partir entre autres d’un policy paper d’Elise BERNARD de la Fondation Robert Schumann – 2 décembre 2024 (avec Juliette Bachschmidt chargée de recherche, Marie Cohignac, Lilian Lallemand, Maxime Painot, Fabio Tomasic, Constance Bonny).

    https://server.www.robert-schuman.eu/storage/fr/doc/questions-d-europe/qe-771-fr.pd

    Nos clés de lecture du bilan de mandature

    Il y a eu le Brexit qui s’en souvient encore ? Et pourtant les négociations post-retrait ont été très délicates et resteront un haut fait de cette Commission, et surtout de Michel BARNIER, ancien commissaire (no comment sur l’acceptation courageuse de servir de fusible pour un 1er gouvernement post élections en France, fin 2024) : il a pu aboutir au maintien de l’unité européenne, à un protocole sur l’ Irlande du Nord qui évitait un retour en arrière désastreux, et la poursuite sans trop de chaos des relations UE-Royaume-Uni. A date, avec les travaillistes au pouvoir, des rapprochements sont possibles car in ou out, le RU demeure un partenaire important et notamment sur les perspectives de défense.

    L’ambitieux Pacte vert : des objectifs climatiques ambitieux calés sur l’Accord de Paris, une déclinaison de nombreux textes , une politique de neutralité carbone, la protection de la biodiversité comme objectif, taxonomie, des mesures comme l’interdiction des voitures termiques ou des produits issus de la deforestation, des textes imposant aux entreprises des r-gles ESG : CSRD, CS3D… Mais des résistances internes en fin de mandat se semblent se conforter pour 2025 et il faudra demeurer vigilant pour arriver à identifier ce qui en reste et ce qui et « canceled » lors de la mandature 2024-2029.

    La terrible surprise de la période une pandémie, rien que çà avec le Covid-19 : la capacité de résilience et la réactivité de l’UE a largement permis d’éviter le pire en termes d’éclatement du marche intérieur notamment avec les corridors de libre circulation ; mieux une coordination sanitaire à échelle européenne s’est mise en place alors même que l’UE ne possède pas la compétence de la politique de Santé directement : stratégie vaccinale solidaire, commandes groupées, et pour le moyen terme la création de HERA. On espère avoir tiré des leçons pour l’avenir pour anticiper d’autres cas de figure tout en espérant que d’autres virus de ce type ne contaminent pas de nouveau la planéte, au moins à court terme (car les scientifiques nous le disent « ne rêvons pas »).

    Enfin, un emprunt européen pionnier dans l’histoire de l’UE (EUROBOND) à partir d’une solidarité budgétaire pour relancer l’économie des Etats post-pandémie, avec une flexibilité budgétaire exceptionnelle et un droti des aides d’Etat exceptionnellement assoupli. Cette capacité d’emprunt sera t-elle réutilisée pour d’autres investissements à faire en commun ,notamment dans la défense? Voila une question pour la prochaine mandature

    Souveraineté numérique : Du côté du numérique, l’objectif essentiel etait de créer un cadre législatif sur l’utilisation des nouvelles technologies aptes à préserver les droits essentiels des citoyens et de portée extra territoriale (DMA, DSA, AI Act), mais il y a également eu des initiatives sur la 5G, le cloud, et les semi-conducteurs. Enfin, la question de la compétitivité des acteurs européens du numérique

    Agression russe en Ukraine : sanctions économiques, soutien militaire et humanitaire, stratégie industrielle de défense.

    Migration et asile : un paquet global dit Pacte sur la migration , la gestion au jour le jour de l’accueil des réfugiés ukrainiens , mais continue à se poser la question lancinante des immigrés clandestins dont l’afflux ne cesse pas même si il est inégalement réparti selon les Etats membres. Précisement, des réformes pour un partage équitable des responsabilités entre Etats et surtout une approche pérenne des ressources que representent ces réfugiés plutot que permettre la débandade de mesures nationales dont certaines farfelues et toutes inefficaces (creation de murs, accord entre l’Italie et l’Albanie, etc

    État de droit : la conditionnalité de l’octroi des fonds structurels européens au respect des valeurs fondamentales a été une question majeure notamment face à la rupture de l’Etat de Droit en Pologne puis Hongrie. Celle-ci actée, même si il demeure compliqué de la mettre en oeuvre politiquement constitue une bonne base de mesure de rétorsion face à un Etat ou des Etats membres qui voudraient s’affranchir de nos valeurs et principes essentiels

    Le « grand  » Elargissement vers l’Est : l’engagement d’accélerer les procédures des Etats candidats dont l’Ukraine pour des raisons évidentes, mais sans laisser sur place les Balkans qui candidatent depuis des années est pris. Demeure un dilemne important quant à son application

    Enfin, la question critique de la Cybersécurité européenne s’est invitée à la table de l’UE qui a tenté d’ organiser une réponse aux cyberattaques notamment russes et pris des initiatives pour protéger les infrastructures critiques de l’UE.

    ——————————————————–

    L’article

    Introduction

    Le bilan de la première mandature d’Ursula von der Leyen (2019-2024) jette les bases des priorités pour son second mandat, inauguré en novembre 2024. Face à une Europe en transformation, cette période a été marquée par la nécessité d’adapter la gouvernance européenne à des crises successives et à des enjeux stratégiques sans précédent. Ce regard rétrospectif met en lumière les avancées réalisées et les défis persistants qui orienteront les futures réformes.

    Dès l’été 2019, la nomination d’Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne marque un tournant dans le rôle que veulent tenir les États membres dans le processus de sélection[1]. En 2019, le PPE remporte de nouveau le plus de sièges aux élections européennes, mais son candidat, Manfred Weber, manque de soutien au sein du Conseil européen. Face à l’incapacité à trouver un accord autour des candidats officiels[2], Ursula von der Leyen, alors ministre allemande de la Défense et membre du PPE comme Manfred Weber, est proposée par le Conseil européen. Malgré les critiques tenant au fait qu’elle n’était pas candidate (Spitzenkandidatin) et la remise en question du processus inauguré en 2014, sa candidature est approuvée par le Parlement européen, mais avec une faible majorité (383 voix, alors que la majorité absolue était de 374 voix). Cette approbation étroite met clairement en évidence les divisions au sein du Parlement européen, et notamment au PPE, et marque une certaine défiance à l’égard du Conseil.
    Celle-ci se manifeste lors de la formation du « collège » des commissaires, à l’automne 2019. Trois des candidats proposés par leurs gouvernements respectifs n’obtiennent pas la confiance des députés européens : Sylvie Goulard (FR, RE), ancienne ministre, désignée pour le portefeuille du Marché intérieur[3], László Trócsányi, (HU, PPE), ancien ministre, proposé comme commissaire chargé du Voisinage et de l’Élargissement[4] et Rovana Plumb (RO, S&D), ancienne ministre, pressentie au portefeuille des Transports[5]. Ces rejets, en touchant chacun des trois groupes politiques formant la nouvelle majorité, soulignent les exigences de plus en plus strictes en matière de transparence et d’éthique.
    Entre 2019 et 2024, la Commission européenne, qui s’annonce géopolitique, est marquée par des crises majeures qui viennent façonner les politiques européennes : le Brexit, la lutte contre le changement climatique, la pandémie de Covid-19, la compétition numérique avec les GAFAM, l’agression par la Russie de l’Ukraine, la situation migratoire et la question renouvelée de l’élargissement. A l’image de l’incident du sofa à Ankara, dans chaque situation ponctuant cette mandature, la question de la place à trouver – rapidement – pour la Commission européenne se pose et dispose d’une couverture médiatique jusque-là inédite. 

    Tenir bon à la table des négociations du Brexit

    L’histoire a surtout retenu le rôle central de Michel Barnier, qui n’est plus commissaire à ce moment-là, dans le règlement de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Nommé négociateur en chef par Jean-Claude Juncker au lendemain du référendum britannique en 2016 pour assurer la mise en œuvre de l’article 50 du TUE[6], il est renouvelé dans cette fonction par Ursula von der Leyen fin 2019. A ce titre, il supervise l’élaboration de l’accord de retrait entre le Royaume-Uni et l’Union européenne[7]. Son incarnation de ce qu’on peut appeler la position européenne unie vis-à-vis du Brexit semble avoir fait oublier que les négociations sont toujours en cours et suivies par Maroš Šefčovič depuis 2021.
    En charge de la mise en œuvre de l’accord de retrait[8], il veille, entre autres, à éviter le retour d’une frontière « fermée » sur l’île d’Irlande, car la sortie du Royaume-Uni de l’espace « communautaire » signifie le retour d’une frontière extérieure de l’Union, sur l’île entre Eire et Ulster. Cette question de la frontière entre la République d’Irlande (État membre de l’Union européenne) et l’Irlande du Nord (entité constitutive du Royaume-Uni) pourrait porter atteinte à la paix sur l’île. L’Accord du Vendredi saint, signé en 1998, avait mis fin à plusieurs décennies de conflit en supprimant une frontière visible et en permettant la libre circulation des biens et des personnes. Ainsi, un Protocole d’Irlande du Nord est inclus dans l’accord de retrait du Royaume-Uni, il maintient l’Irlande du Nord dans le marché unique européen pour les biens, tout en laissant le reste du Royaume-Uni en dehors de celui-ci. En pratique, cela signifie des contrôles douaniers entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni, principalement en mer d’Irlande. Ces contrôles ont d’ailleurs constitué une source de tension pour les unionistes nord-irlandais (DUP) et le Protocole a suscité de fortes objections chez les partisans du Brexit. 
    Dans ce contexte, Maroš Šefčovič est chargé des discussions sur le Protocole afin de trouver des solutions qui respectent à la fois l’intégrité du marché unique et les sensibilités politiques du Royaume-Uni et de l’Irlande. Son rôle est plus discret du fait de ces questions certes sensibles, mais techniques et diplomatiques, indispensables pour garantir la stabilité en Irlande du Nord et éviter un retour aux tensions du passé. A l’heure actuelle, on peut en déduire qu’il remplit sa mission correctement, non pas parce que les critiques à son égard sont plus que rares, mais parce que dans la lettre de mission renouvelant sa place dans la Commission von der Leyen II, il reste chargé des relations Union européenne – Royaume-Uni[9].

    A lire aussi : Brexit : trois ans après, quel bilan pour le Royaume-Uni et ses relations avec l’Union européenne ?

    Faire de l’Europe le leader mondial de la lutte contre le réchauffement climatique

    L’un des projets phares de la Commission von der Leyen I est le Pacte vert pour l’Europe, lancé dès décembre 2019. Ce plan ambitieux vise à faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050. A cette fin, il prévoit des réformes majeures dans plusieurs secteurs comme l’énergie, les transports, l’industrie et l’agriculture[10]. 
    Frans Timmermans, premier vice-président, a été l’artisan de la conception et de la mise en œuvre du Pacte vert, priorité initiale de la Commission, comme en témoigne sa lettre de mission. Il est non seulement responsable de la supervision des politiques environnementales et climatiques, mais est surtout chargé d’un rôle transversal impliquant la coordination de différentes politiques et initiatives au sein de la Commission pour assurer la cohérence du Pacte vert. En effet, le Pacte se présente comme un plan de transformation radicale de l’économie européenne, visant à concilier croissance économique et réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, tout en assurant une transition juste pour les citoyens et les industries.
    C’est ainsi qu’en 2021, la Commission fait adopter la Loi sur le climat fixant l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 et l’ « Ajustement à l’objectif 55 », visant une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Dans ce cadre, plusieurs dispositions ont pu être adoptées : réformes du système d’échange de quotas d’émission (ETS) afin de renforcer la tarification du carbone ; promotion d’énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique ; stratégies pour l’hydrogène et des technologies vertes pour décarboner les secteurs difficiles, comme l’industrie lourde ou l’aviation.  
    L’objectif affiché est de faire en sorte que l’Union européenne soit à la pointe de la lutte contre le changement climatique. Frans Timmermans affiche une volonté forte dans son action, en jouant un rôle de premier plan dans la diplomatie climatique. Ainsi, il représente l’Union européenne lors des négociations internationales sur le climat, notamment lors des Conférences des Nations unies sur le climat (COP), où il affirme vouloir positionner l’Europe comme un leader mondial dans la lutte contre le changement climatique. 
    Malgré son intention affichée de ne laisser personne de côté dans cette transformation verte, la principale difficulté est de faire face aux résistances. Celle de la Pologne d’abord, malgré le Mécanisme pour une transition juste, qui vise à soutenir les régions les plus touchées par la transition énergétique, en particulier celles dépendantes du charbon. La crise dite de l’azote dans son pays d’origine durant l’année 2023 illustre particulièrement ce défi global qui a eu raison des ambitions, tant au niveau européen que national, portées par Frans Timmermans. Quand il quitte la Commission européenne en 2023[11], son portefeuille est réparti entre Maroš Šefčovič et Wopke Hoekstra. Mais, à un  an de la fin de la mandature, la mécanique du Pacte vert se grippe et la commissaire désignée Teresa Ribera en a fait les frais durant son audition

    A lire aussi : Pacte vert- Green deal : so what?

    Répondre à la crise pandémique

    La pandémie de Covid-19 a été un test sans précédent pour la Commission. Tout au long de la crise, Ursula von der Leyen, qui est médecin, se pose en figure publique de la réponse européenne en multipliant les interventions pour communiquer sur la gestion de la pandémie, promouvoir les mesures de santé publique et défendre les initiatives prises par la Commission. Certes, la santé publique demeure une compétence principalement nationale, mais l’urgence de la situation oblige à mobiliser les institutions européennes et coordonner les efforts des États membres face à une situation où des réponses initialement fragmentées menaçaient l’Union[12].
    Plus discrète mais non moins efficace, Stella Kyriakides, commissaire à la Santé et à la Sécurité alimentaire, dirige, dès le début de la pandémie en 2020, le groupe de coordination entre les États membres (EU Health Security Committee) pour échanger des informations sur l’évolution de la pandémie et harmoniser les mesures prises pour protéger la santé publique. 
    Une des réalisations les plus notables est la stratégie de vaccination de l’Union, lancée en juin 2020, afin de garantir l’accès équitable aux vaccins pour tous les États membres[13]. Stella Kyriakides se présente comme ayant supervisé les négociations centralisées avec les grandes entreprises pharmaceutiques, pour regrouper les achats de vaccins[14], dans des Accords d’achat anticipé (Advance Purchase Agreements), permettant à l’Union européenne de garantir des centaines de millions de doses de vaccins à des prix négociés et de sécuriser l’approvisionnement de tous les États membres. Ce qui lui permet ensuite d’envisager l’initiative COVAX, une plateforme internationale visant à garantir un accès équitable aux vaccins pour les pays à revenu faible et intermédiaire, car elle insiste pour faire preuve de solidarité mondiale en contribuant financièrement et en leur fournissant des doses de vaccins.
    Elle a également joué un rôle dans le suivi des variants du virus et la mise en place de capacités de test, en collaboration avec l’agence européenne des médicaments (EMA) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), pour surveiller l’apparition de nouveaux variants et ajuster la réponse européenne en conséquence. Elle œuvre aussi à la mise en place d’un programme pour accélérer la recherche génomique afin de détecter et suivre les variants, tout en coordonnant la distribution de kits de tests et de matériel médical à travers l’Europe par le mécanisme de protection civile. Par extension, la lutte contre la désinformation sur les vaccins et la confiance dans la vaccination ont constitué un pan essentiel de sa mission, en s’appuyant sur des données scientifiques et des évaluations rigoureuses effectuées par l’Agence européenne des médicaments, en publiant les résultats des essais cliniques[15].
    Enfin, sont prévus des fonds supplémentaires pour les systèmes de santé des États membres grâce aux programmes comme REACT-EU, qui a fourni un financement aux pays pour soutenir leurs réponses sanitaires et économiques à la pandémie et des mesures pour mieux se préparer aux crises futures. Avec la création de l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA), l’objectif est de garantir que l’Europe puisse anticiper, réagir rapidement et coordonner les réponses aux futures crises sanitaires, notamment en s’assurant que l’approvisionnement en vaccins, médicaments et équipements médicaux devienne plus rapide et plus efficace. 

    A lire aussi : #Covid19 : chronologie de la pandémie en Europe

    La création d’un emprunt européen

    Malgré ces avancées majeures en matière de construction de l’Europe de la santé, les observateurs se concentrent sur le plan de relance – historique – de 750 milliards €, en juillet 2020, financé par des emprunts communs au nom de l’Union européenne, pour permettre aux acteurs économiques de se remettre de la crise liée à la pandémie. Ce plan marque une étape importante vers une solidarité budgétaire accrue au sein de l’Union européenne. En effet, pour faire face à l’impact économique majeur de la pandémie, des mesures exceptionnelles sont prises, notamment la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance, qui permet aux États membres de dépasser les règles strictes en matière de déficit budgétaire pour investir massivement dans le soutien à leurs économies[16]. Toute chose inimaginable en temps normal, notamment pour les Allemands. Cette suspension donne aux États membres la flexibilité budgétaire nécessaire pour soutenir les entreprises et les travailleurs durement touchés par les confinements et les restrictions économiques, tout en lançant des programmes d’aide économique au niveau national. Margrethe Vestager, vice-présidente chargée de la concurrence, veille à ce que la législation reste stricte pendant cette période, en contrôlant les fusions et acquisitions susceptibles de désavantager le marché européen. Thierry Breton, chargé du marché intérieur, est présent sur tous les fronts. Il supervise l’accélération de l’adoption du télétravail, de l’enseignement à distance et des services publics numériques en plus du renforcement de la production industrielle de fabrication vaccinale. Tout n’aurait toutefois pas été possible sans l’excellence européenne en matière de recherche[17].

    Ériger une souveraineté numérique

    La mandature 2019-2024 est marquée par la transformation numérique de l’Europe, avec l’adoption de plusieurs initiatives dans le cadre de la stratégie pour la « Décennie numérique » de 2021. L’objectif est de renforcer la souveraineté numérique de l’Europe, notamment en matière de protection des données avec le Règlement général sur la protection des données et en développant une infrastructure numérique européenne, incluant la technologie 5G et les semi-conducteurs[18].
    Margrethe Vestager et Thierry Breton jouent un rôle central dans cet objectif visant à faire de l’Europe un leader mondial dans la transformation numérique d’ici 2030. Leur action porte sur quatre axes. D’abord, développer les compétences numériques chez les citoyens et les travailleurs : 80 % de la population européenne doit disposer des compétences de base d’ici 2030. Ensuite, développer une connectivité numérique robuste, avec la couverture 5G pour tous les citoyens européens, ainsi que l’expansion des capacités de cloud[19] et de traitement des données, y compris les infrastructures de nouvelle génération comme les supercalculateurs. Puis, encourager l’adoption de technologies numériques par les entreprises, y compris les PME avec l’objectif de rendre 75 % des entreprises européennes utilisatrices de technologies comme l’intelligence artificielle, la blockchain et les données massives. Enfin, dernier axe : promouvoir la numérisation des services publics afin de garantir que tous les citoyens européens aient accès à des services publics en ligne d’ici 2030. Le tout en assurant la protection des droits des citoyens, l’égalité d’accès à la technologie, et ce que l’on peut appeler la souveraineté numérique. En d’autres termes, la nécessité pour les Européens d’avoir le dernier mot, quand cela les concerne, dans le domaine numérique.
    En sa qualité de commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager manifeste une approche proactive dans la régulation des grandes plateformes technologiques. Ses actions en exécution visent à garantir un environnement numérique compétitif, en évitant que des géants de la tech ne dominent trop le marché et ne nuisent à l’innovation européenne. C’est au titre de ces fonctions qu’elle supervise plusieurs enquêtes antitrust et inflige des amendes importantes à certaines de ces entreprises pour abus de position dominante. Elle apparaît comme la grande gagnante des contentieux qu’elle oppose aux entreprises américaines. Cette stratégie s’inscrit dans la volonté de créer un cadre plus juste pour les acteurs du marché européen, en particulier les petites entreprises et les start-ups. Les impulsions législatives, connues sous le nom de DMADSAAI ActData governance Act, les initiatives tenant à la cybersécurité et l’Internet des objets (IoT)[20], font que ces technologies ne sont pas réservées aux grandes entreprises, mais bénéficient à l’ensemble du tissu économique européen. Ses attributions spécifiques sont particulièrement bien interconnectées avec celles de Thierry Breton et reflètent leur approche complémentaire de la transformation numérique.
    La fin de la mandature est marquée par le départ de Thierry Breton en septembre 2024 et sa défiance affichée à l’égard de la présidente von der Leyen mais il ne doit pas nous amener à oublier que le binôme qu’il a formé avec Margrethe Vestager s’est montré efficace dans l’élaboration des outils permettant la souveraineté numérique européenne. En tant que commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton est responsable de la souveraineté technologique de l’Europe, des infrastructures numériques critiques, de la politique industrielle numérique et de la mise en œuvre des nouvelles technologies (intelligence artificielle, cloud, 5G, cybersécurité). Son rôle se concentre alors sur les infrastructures, la numérisation des entreprises, les chaînes de valeur technologiques et le soutien à l’innovation industrielle, afin d’assurer l’autonomie stratégique dans les technologies clés. Son action s’est concentrée sur la construction d’une Europe technologiquement indépendante dans les domaines de l’intelligence artificielle, du cloud computing, et des infrastructures numériques. 
    En matière de production législative, il lance en particulier le règlement sur les semi-conducteurs (Chips Act) visant à renforcer la production européenne et réduire la dépendance de l’Union aux fabricants non-européens. Il supervise l’allocation des fonds de relance pour soutenir la transformation numérique des entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises, et pour financer des projets d’infrastructures numériques, dans le cadre du plan NextGenerationEU. Il se prononce enfin en faveur d’une industrie de défense solide
    Les deux commissaires ont d’ailleurs donné plusieurs conférences de presse ensemble tout au long de la mandature. Si Thierry Breton communique sur la création d’un environnement favorable à l’innovation, à l’investissement dans les infrastructures et à la réduction de la dépendance de l’Europe aux technologies non européennes, Margrethe Vestager veille à ce que cet environnement numérique reste équitable et concurrentiel, en réglementant les excès de pouvoir des grandes plateformes technologiques non européennes et en promouvant un marché plus transparent et juste. Ils se sont prononcés d’une seule voix sur les besoins en matière de protection cyber, dans cette mandature marquée par l’émergence d’ennemis multipliant les violations du droit international. 

    Contrer l’agression russe en Ukraine

    La première manifestation de volonté de nuire, en provenance de Russie en février 2020, est une cyberattaque qui paralyse les urgences d’une clinique de Düsseldorf[21]. Ces cyberattaques russes dans les pays de l’OTAN se multiplient ensuite pour enregistrer une augmentation de 300% entre 2020 et 2022, et de 250% en Ukraine. Les opérations soutenues par le Kremlin montent en puissance pendant l’année 2021. Ilya Vitiuk, chef du département de cybersécurité au service de sécurité de l’Ukraine, explique qu’elles ciblent en particulier le secteur de l’énergie, la logistique, les installations militaires, ainsi que les bases de données gouvernementales et les ressources d’information dans les mois précédant l’invasion russe.
    Au matin du 24  février 2022, alors que les troupes russes prennent le contrôle de la centrale de Tchernobyl, d’un aéroport militaire situé à 25 kilomètres de Kiev et bombarde les centres urbains, la Commission européenne adopte immédiatement une position ferme et unie, à la fois pour soutenir l’Ukraine financièrement, militairement et politiquement, mais aussi pour imposer des sanctions économiques massives, en coordination avec les alliés non européens. Malgré la participation du budget de l’Union au financement des industries de défense – un fléchage déjà mis en place sous Jean-Claude Juncker – et l’adoption de 14 trains de sanctions, l’absence de vision stratégique sur le long terme semble avoir privé l’Union européenne, qui n’est pas un État, d’une voix forte face au conflit qui a éclaté à ses portes[22]. 
    Josep Borrell, Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission, s’active pour élaborer la réponse diplomatique et sécuritaire de l’Union européenne à l’invasion russe de l’Ukraine. Dès les premiers jours de l’invasion, il condamne fermement l’attaque russe et plaide pour une réponse européenne unie. Il travaille avec les représentants des États membres pour coordonner l’application des sanctions et mettre en place en urgence des actions dans le domaine de défense. La Boussole stratégique est adoptée en mars 2022. Il utilise la facilité européenne pour la paix, initiée en mars 2021, pour financer l’envoi d’équipements militaires à l’Ukraine. Une Action de soutien à la production de munitions (ASAP) : destinée à stimuler la production de munitions et de missiles dans l’Union est mise en place en juillet  2023 et des règles visant à encourager les acquisitions conjointes dans l’industrie de la défense de l’Union (EDIRPA) sont approuvées en octobre 2023. Après deux ans de guerre en Ukraine, la Commission européenne a dévoilé en mars 2024 la première stratégie industrielle de défense (EDIS) et un nouveau programme pour l’industrie de la défense (EDIP). En juillet 2024, l’Union européenne décide d’utiliser les intérêts des avoirs russes gelés en Europe pour aider l’Ukraine. Sous sa direction, l’Union européenne met en place une mission de formation des forces armées ukrainiennes, (EUMAM), afin de renforcer leurs capacités à faire face à l’agression russe, 
    Enfin, il soutient les efforts européens d’accueil des millions de réfugiés ukrainiens fuyant les combats. Il plaide en faveur d’une solidarité entre les États membres pour partager le fardeau de l’accueil des réfugiés, tout en veillant à ce que l’Union européenne mette à disposition des fonds pour les soutenir. Ce retour de la directive 2001/55/CE, dès le 2 mars 2022, remet– dramatiquement – au cœur du débat la question migratoire en Europe. En effet, l’Union européenne se retrouve rapidement et directement confrontée à un défi d’une ampleur sans précédent, à savoir l’accueil d’un nombre élevé́ de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, dans un laps de temps très restreint. 

    A lire aussi : Rassurer l’Ukraine, un défi permanent pour l’UE

    Repenser la migration et l’asile

    Trois mois avant le début de l’offensive russe, la Pologne et la Lituanie s’étaient retrouvées face à un flux inhabituel de migrants en provenance de Biélorussie. Les représentants de ces États, responsables de cette frontière extérieure de l’Union, dénoncent alors une tentative de déstabilisation. Cette instrumentalisation, à l’approche de l’hiver, pousse la Commission à proposer un règlement, dans les jours qui suivent, comportant des mesures visant à prévenir et à restreindre les activités des opérateurs de transport pratiquant ou facilitant le trafic de migrants ou la traite des êtres humains à destination de l’Union européenne. Cette prise de conscience de l’instrumentalisation des flux migratoires[23], associée au besoin de renforcer le Régime d’asile européen commun, conditionne profondément l’adoption du nouveau Pacte sur la migration et l’asile en avril 2024. Pourtant annoncé dès juillet 2019 comme une priorité, l’objectif est explicite dans la lettre de mission adressée à Ylva Johannson, avec la sécurité interne par la prévention du terrorisme ; ce sera l’un des derniers textes adoptés de la 9e législature. 
    Les dix textes visant à réformer les règles en matière d’asile sont examinés par le Conseil et aboutissent en décembre 2021 à l’adoption du règlement relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile[24]. En avril 2024, le Parlement européen vote en faveur du paquet législatif sur la migration et l’asile et, le 14 mai, le Conseil l’adopte. L’objectif est de rendre le droit d’asile en Europe « plus juste et plus solide » eu égard aux défis liés à l’augmentation des flux migratoires et des demandes d’asile. Le pacte propose de renforcer les frontières extérieures de l’Union et d’améliorer les retours des migrants en situation irrégulière. Son objectif consiste aussi à renforcer la coopération entre les États membres tout en garantissant des procédures d’asile équitables et efficaces. Il inclut des mécanismes pour une meilleure répartition des demandeurs d’asile au sein de l’Union et un soutien accru aux pays, dits en première ligne, autour de la mer Méditerranée. Cependant, le Règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration ne prévoit pas une refonte des règles du système Dublin comme annoncée au départ[25], mais il introduit un partage équitable des responsabilités entre les États membres. C’est là que des désaccords demeurent. Le règlement sur les conditions nécessaires pour les demandeurs d’asile fixe les règles d’octroi d’une protection internationale au sein de l’Union. Le règlement sur la procédure de retour à la frontière fixe les conditions de retour des personnes dont la demande d’asile a été rejetée. La directive fixe les règles concernant les conditions d’accueil des demandeurs d’asile. Les questions tenant aux conditions d’accueil et d’admission humanitaire ne sont pas en reste, elles sont pourtant invisibilisées par la crainte d’un flux migratoire non maîtrisé qu’il soit issu d’une attaque hybride[26] ou non. En effet, la gestion de la migration et des frontières fait partie d’un domaine de dépense prioritaire : en 2023, le budget dédié à la gestion de la migration a augmenté de 2 milliards €, notamment en raison de l’intensité des flux migratoires en provenance d’Ukraine. 
    La mandature 2019-2024 s’ouvre et se clôture avec une attention particulière portée à Frontex. L’Agence, mise en cause à plusieurs reprises,  se voit renforcée par un règlement en novembre 2019[27] et à l’automne 2024, il est question de procéder à une nouvelle réforme.
    Ainsi, le Conseil, a estimé en octobre 2023 « que les motifs de la protection temporaire persistent » et décidé de prolonger son application d’une année, jusqu’au 4 mars 2025, puis de nouveau d’une année jusqu’à la date du 4 mars 2026. Par conséquent, la protection temporaire est maintenue à l’égard des personnes déplacées d’Ukraine, et pourrait être encore prolongée si le Conseil l’estime nécessaire.

    A lire aussi : Asile et immigration : révision et refonte de Schengen ?

    Garantir l’État de droit

    En 2019, l’élargissement est au point mort. Lors du Conseil du 15 octobre 2019, la France, les Pays-Bas, le Danemark et l’Espagne se prononcent contre l’ouverture des négociations avec l’Albanie. La question des négociations pose alors problème. Ainsi, à la demande de la France, la Commission adopte une nouvelle méthodologie en matière d’élargissement afin de redynamiser le processus. Pour pallier un manque de vision stratégique, la nouvelle méthodologie prévoit un regroupement et une hiérarchisation des chapitres : les trente-cinq chapitres de négociation existants sont réunis en six groupes. Le groupe de chapitres dits « fondamentaux », sur l’appareil judiciaire et les droits fondamentaux (chapitre 23), la justice, la liberté et la sécurité (chapitre 24), les marchés publics (chapitre 5), les statistiques (chapitre 18) et le contrôle financier (chapitre 32), doit être ouvert en priorité et n’être fermé qu’à la toute fin de la négociation, les progrès dans les chapitres de ce groupe conditionnant l’ouverture des autres groupes. 
    La communication « Renforcer le processus d’adhésion – Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux », validée en mars 2020 par le Conseil, prévoit que seul un élargissement pour deux États semble alors envisageable. L’offensive russe en Ukraine vient changer la donne. Dès le 28 février 2022, Kiev dépose sa candidature d’adhésion à l’Union européenne. Le 3 mars, la Moldavie et la Géorgie font de même. Consécutivement à l’avis positif de la Commission, l’Ukraine et la Moldavie reçoivent le statut de candidat en juin 2022. La Géorgie n’obtient pas cet avis positif car des efforts supplémentaires sont nécessaires[28]. Pour marquer le coup, la présidente de la Commission européenne s’engage à faire de l’adhésion de l’Ukraine, en particulier, une réussite. Le commissaire à l’élargissement, Oliver Varhélyi[29], se prononce à peine, voire brille par son absence.
    L’année 2022 remet donc l’élargissement sur le devant de la scène avec le dépôt de candidature de trois anciens États issus de l’ancienne Union soviétique (URSS), puis du Kosovo. Quatre nouveaux États viennent donc s’ajouter aux « anciens » candidats : Turquie, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie et Albanie. La Bosnie-Herzégovine se voit reconnaître le statut de candidat fin 2022. A la fin de la mandature, la Commission a rendu un rapport sur dix États qui voudraient rejoindre l’Union et sur leur état d’avancement[30].
    Les « six pays des Balkans occidentaux » ne semblent plus avoir la cote en cette fin de mandature. La Commission se montre particulièrement ferme en ce qui concerne le respect de l’État de droit[31]. Ceci va de pair avec la nouvelle méthodologie et ce sentiment désagréable que les États, une fois dans l’Union, pourraient adopter des mesures contraires. En cela, la Commission affiche une certaine cohérence. Si elle évalue les manquements des candidats en matière d’État de droit au moment des négociations, elle fait de même avec ses États membres. Depuis 2020, elle présente son rapport annuel sur l’État de droit et, en 2022, elle décide de conditionner les fonds de relance au respect des règles en la matière[32], dans la continuité des décisions de la Commission Juncker prises au nom de l’article 7 du TUE, à propos de la Pologne et de la Hongrie. Cette dernière entame ainsi un jeu de poids et contrepoids pour conditionner son blocage des décisions en faveur de l’Ukraine.
    En parallèle, le commissaire à la justice, Didier Reynders, passe à l’action en 2020 en réponse aux réformes législatives et décisions gouvernementales perçues comme des atteintes à l’indépendance de la justice, à la liberté des médias et aux droits fondamentaux. A l’issue de l’examen de ces réformes judiciaires, il notifie à la Hongrie ses préoccupations en ce qui concerne la nomination des juges ou les restrictions sur la possibilité de contester la légalité des décisions judiciaires et des mesures qui ont permis des interférences politiques dans le système judiciaire. Un nouveau litige s’ouvre à propos d’un paquet législatif supposé garantir la Hongrie contre les interférences étrangères, en cette fin de mandature.

    A lire aussi : Rapport 2023 sur l’Etat de droit

    Le 27 novembre 2019, à l’issue de la procédure des auditions le Parlement européen avait approuvé par 461 voix, contre 157 et 89 abstentions le collège des commissaires – constitué alors de douze femmes et quinze hommes. En 2024, outre qu’il y a une femme de moins, on est frappé par la faible majorité acquise lors du vote, la plus faible depuis 1995[33]. A l’issue des auditions, aucun candidat commissaire n’a été cette fois désavoué par les députés. Le 27 novembre 2024, la Commission von der Leyen II est entérinée par 370 voix, contre 282 et 36 abstentions. La question se pose donc de savoir si les votes exprimés contre le nouveau collège sont le signe d’un désaccord sur les réalisations de la mandature 2019-2024 ou s’ils traduisent des inquiétudes sur les priorités annoncées pour le nouveau mandat (2024-2029).

    Quelles Priorités pour la mandature 2024/2029 ? Nos clés de lecture

    Il y a eu le rapport Letta puis le rapport DRAGHI qui très certainement marquent de leur sceau un programme déjà largement dessiné autour de la compétitivité

    Et il y a des équilibres politiques nouveaux et mouvants avec au centre un #PPE régnant tant au Parlement Européen que dans une majorité d’Etats membres en 2025 et, à la Commission bien évidemment où Mme von der Leyen s’annonce comme puissance régnante. Ces deux données l’une économique,l’autre politique permettent sinon de prevoir avec certitude les 5 ans à venir de prioriser les objectifs, les défis voire les dilemnes

    Le programme officiel de la Commission – Un peu de tout 🙂 …

    Prospérité et compétitivité durables
    L’Union européenne simplifiera les réglementations pour les entreprises, notamment les PME, tout en mettant en œuvre un pacte pour une industrie propre visant à réduire les émissions et les coûts énergétiques. Elle se concentrera également sur le comblement des pénuries de compétences et l’accélération de la transition numérique pour stimuler la compétitivité.
    Transition écologique et innovation
    L’UE renforcera son rôle de leader en matière de durabilité avec un pacte industriel vert et des initiatives pour une économie circulaire. Elle investira massivement dans des technologies stratégiques comme l’intelligence artificielle, les biotechnologies et les données, tout en visant la neutralité carbone d’ici 2050 grâce à des technologies propres.
    Justice sociale et qualité de vie
    L’Union s’engage à déployer un plan pour des logements abordables, à lutter contre la pauvreté et à garantir des transitions équitables dans le travail en renforçant les droits sociaux. Elle encouragera également une meilleure gestion de l’impact du numérique sur le monde du travail.
    Sécurité et défense européennes
    Pour renforcer sa souveraineté, l’UE construira une véritable Union européenne de la défense, mutualisera les ressources et développera des capacités stratégiques. Elle protégera les infrastructures critiques grâce à une cybersécurité accrue et se préparera aux crises sanitaires, chimiques ou cybernétiques.
    Migration et gestion des frontières
    L’Europe appliquera le pacte sur la migration et l’asile avec des procédures plus équitables. Elle triplera les effectifs de garde-frontières, modernisera la gestion des frontières et développera des voies légales pour la migration tout en luttant fermement contre les trafics d’êtres humains.
    Leadership global et partenariats stratégiques
    L’UE maintiendra un soutien fort à l’Ukraine tout en renforçant ses partenariats mondiaux. Elle développera sa diplomatie climatique pour promouvoir les énergies propres et augmentera son influence internationale grâce à des accords stratégiques adaptés aux enjeux contemporains.

    Alors que le discours de réélection d’Ursula Von der Leyen, la composition de la Commission , la déclaration des chefs d’Etat à Budapest semblent répondre à ces objectifs ambitieux et globaux , on ne peut s’empêcher de questionner la capacité des institutions à coopérer entre elles face aux défis externes qui ces temps ci sont des dangers ; à avancer vers un marche intérieur plus intégré (notamment marché des capitaux et numérique et defense) et celle de faire face à des previsions (US, Chine) ou des imprévus géopolitiques (Mercosur, Afrique, Syrie) qui viendraient bousculer une mandature dont le début semble déjà éminemment compliquée ?

    Merci de nous suivre sur ce BLOG

    Nous avons prévu ces mois-ci de travailler particulièrement sur la Pologne, l’Allemagne, les relations avec les US et la Chine, les defis migratoires , le retro pedalage sur le green Deal , les politiques de l’ énergie et du numérique au gré des news, analyses des médias et thin tanks partenaires, travaux du CEDE

  • Budget UE : priorités et débats pour 2025

    Dans un accord conclu avec les États membres le samedi 16 novembre, le Parlement a défendu un budget européen ambitieux pour l’année 2025, en veillant à ce qu’il réponde aux enjeux actuels et améliore la vie des citoyens.

    Un budget 2025 axé sur le climat, la santé, l’aide humanitaire et la gestion des frontières

    Lors des négociations avec les États membres, le Parlement a obtenu plus de 230 millions d’euros de financement supplémentaires par rapport au projet de proposition de la Commission, afin de mieux se concentrer sur les programmes et politiques clés de l’UE visant à améliorer la vie des citoyens, à encourager la compétitivité et à faire face aux enjeux actuels, comme le climat, la santé, la migration ou la défense. Les négociateurs ont également convenu d’une solution pour couvrir les coûts de remboursement de l’instrument européen pour la relance (EURI).
    Les chiffres préliminaires s’élèvent à 199,44 milliards d’euros en crédits d’engagement et 155,21 milliards d’euros en crédits de paiement.

    Tous les détails sont à lire dans ce communiqué de presse.



    Après le vote de mercredi, la Présidente du Parlement promulguera le budget.

    Procédure budgétaire
    Débat: mardi 26 novembre
    Vote: mercredi 27 novembre
    Conférence de presse: mardi 26 novembre à 14h30 avec Victor Negrescu (S&D, RO) rapporteur sur le budget 2025 (section III – Commission) at Niclas Herbst (PPE, DE) rapporteur pour les autres sections (en cours de confirmation)

    Un nouveau cadre de gouvernance économique

    La Commission a présenté le premier paquet d’automne du Semestre européen depuis l’entrée en vigueur, en avril 2024, de l’ambitieuse réforme générale du nouveau cadre de gouvernance économique de l’UE. Il s’agit d’une étape essentielle dans la réalisation des objectifs de la réforme consistant à simplifier le cadre et à renforcer sa transparence, son efficacité et son appropriation au niveau national.

    Le nouveau cadre aide les États membres à parvenir à la stabilité macroéconomique, à la croissance et à la viabilité budgétaire, trois éléments indispensables pour que l’UE conserve sa puissance économique dans l’environnement mondial difficile d’aujourd’hui. Il encourage également les réformes et les investissements qui jetteront les bases d’une stabilité économique à long terme et d’une croissance durable. En bref, le nouveau cadre aide l’UE à se doter d’une économie plus résiliente, plus équitable, plus compétitive et plus sûre au bénéfice de ses citoyens.

    Le paquet d’automne du Semestre européen intervient alors que l’économie de l’UE renoue avec une croissance modeste après une longue période de stagnation. Pour la suite, il est prévu que, même si les États membres procèdent à un ajustement budgétaire lorsque cela est nécessaire, l’investissement public augmentera en 2025 dans presque tous les États membres, la facilité pour la reprise et la résilience de NextGenerationEU et les fonds de l’Union contribuant pour beaucoup à cette augmentation dans plusieurs d’entre eux.

    Des règles plus simples tenant compte des défis budgétaires différents

    Le nouveau cadre de gouvernance économique établit des règles budgétaires plus simples et plus transparentes. Il repose sur un indicateur opérationnel unique, à savoir la trajectoire pluriannuelle des dépenses nettes de chaque État membre, qui facilitera le suivi de la conformité. Le cadre instaure également une surveillance fondée sur les risques adaptée à la situation budgétaire de chaque État membre et permet un ajustement budgétaire plus progressif s’il est étayé par des réformes et des investissements spécifiques.

    Le nouveau cadre permet une réduction progressive et réaliste des niveaux de dette publique, qui ont considérablement augmenté à la suite de la pandémie de COVID-19 et de la crise énergétique qui s’en est suivie. Des finances publiques saines sont une condition préalable à la stabilité macroéconomique et à une croissance économique durable.

    Promotion des réformes et des investissements propices à la croissance

    En vertu du nouveau cadre, tous les États membres incluent, dans leurs plans à moyen terme, des réformes et des investissements répondant aux priorités communes de l’UE et aux défis structurels recensés dans les recommandations par pays émises dans le cadre du Semestre européen. Ces priorités communes sont notamment la transition écologique et numérique, la résilience sociale et économique, la sécurité énergétique et le renforcement des capacités de défense.

    Évaluation des plans à moyen terme

    Les plans à moyen terme sont la pierre angulaire du nouveau cadre de gouvernance économique. L’intégration des objectifs en matière de politique budgétaire et de réformes et d’investissements dans un plan à moyen terme unique permet de créer un processus cohérent et simplifié.

    La Commission a achevé l’évaluation de 21 des 22 plans présentés.

    Sur ces 21 plans, la Commission a conclu que 20 satisfont aux exigences du nouveau cadre et fixent une trajectoire budgétaire crédible propre à placer la dette des États membres concernés sur une trajectoire descendante durable ou à la maintenir à des niveaux prudents. Ces États membres sont la Croatie, Chypre, la Tchéquie, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la France, l’Irlande, la Grèce, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, l’Espagne et la Suède.

    Pour ces États membres, la Commission recommande que le Conseil approuve la trajectoire des dépenses nettes prévue dans ces plans. Dans le cas des Pays-Bas, la Commission a proposé que le Conseil recommande une trajectoire des dépenses nettes cohérente avec les informations techniques qu’elle a transmises en juin.   

    La Commission poursuit l’évaluation du plan à moyen terme de la Hongrie.

    Pour cinq des 20 plans à moyen terme qui ont été évalués positivement par la Commission, la trajectoire des dépenses nettes est fondée sur une prolongation à sept ans de la période d’ajustement (qui a une durée normale de quatre ans). Cette prolongation est sous-tendue par un ensemble d’engagements en matière de réformes et d’investissements inclus dans les plans. Dans ces cinq cas, la Commission a estimé que les mesures incluses dans les plans remplissaient les critères justifiant une prolongation. Il s’agit des plans à moyen terme de la Finlande, de la France, de l’Italie, de l’Espagne et de la Roumanie.

    Évaluation des projets de plans budgétaires pour 2025

    La Commission a également évalué les projets de plans budgétaires (PPB) pour 2025 présentés par 17 États membres de la zone euro et a examiné si ces projets constituent une première étape appropriée dans la mise en œuvre des plans à moyen terme de ces États membres.

    Pour évaluer un PPB, la Commission regarde la croissance des dépenses nettes sur la période 2024-2025 et évalue si les dépenses nettes respectent les limites fixées par l’État membre dans son plan à moyen terme, pour autant que ce plan soit disponible et qu’il ait été jugé conforme au nouveau cadre.

    La Commission considère que huit États membres de la zone euro respectent les recommandations budgétaires, sept ne les respectent pas pleinementun ne les respecte pas et un risque de ne pas les respecter. Selon les évaluations menées:

    • la Grèce, Chypre, la Lettonie, la Slovénie, la Slovaquie, l’Italie, la Croatie et la France respectent les recommandations, étant donné que leurs dépenses nettes devraient se situer dans les limites fixées;
    • l’Estonie, l’Allemagne, la Finlande et l’Irlande ne respectent pas pleinement les recommandations, étant donné que leurs dépenses nettes annuelles (Finlande), cumulées (Estonie, Allemagne) ou annuelles et cumulées (Irlande) devraient dépasser les limites fixées;
    • le Luxembourg, Malte et le Portugal non plus ne respectent pas pleinement les recommandations: si leurs dépenses nettes devraient bien se situer dans les limites fixées, les mesures d’aide d’urgence qu’ils ont prises dans le domaine de l’énergie, en revanche, ne seront pas supprimées, comme le Conseil l’a recommandé, d’ici à l’hiver 2024-2025;
    • les Pays-Bas ne respectent pas les recommandations, étant donné que leurs dépenses nettes devraient dépasser les limites fixées;
    • la Lituanie risque de ne pas respecter les recommandations, étant donné que ses dépenses nettes devraient dépasser les taux que la Commission considère comme une première étape appropriée dans la mise en œuvre du nouveau cadre de gouvernance économique.

    Adoption des prochaines étapes dans le cadre de la procédure pour déficit excessif

    La procédure pour déficit excessif (PDE) forme le «volet correctif» du pacte de stabilité et de croissance.

    Le paquet d’automne présente les recommandations de la Commission relatives aux trajectoires pluriannuelles des dépenses nettes visant à corriger le déficit excessif des huit États membres faisant actuellement l’objet d’une PDE (Belgique, France, Hongrie, Italie, Malte, Pologne, Roumanie et Slovaquie).

    Pour la plupart de ces États membres, les trajectoires correctives sont fondées sur les trajectoires des dépenses nettes qu’ils ont eux-mêmes fixées dans leurs plans à moyen terme, conformément à l’objectif, inscrit dans le nouveau cadre de gouvernance économique, de mettre particulièrement l’accent sur l’appropriation nationale des engagements budgétaires.

    En l’absence de plan ou de recommandation sur le plan à moyen terme, comme c’est le cas pour la Belgique et la Hongrie, la trajectoire corrective incluse dans la recommandation formulée au titre de la PDE est fondée sur la trajectoire de référence de quatre ans transmise par la Commission, mise à jour sur la base des données les plus récentes.

    Le paquet comprend également, pour l’Autriche et la Finlande, un rapport établi au titre de l’article 126, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui évalue si ces États membres respectent le critère du déficit.

    L’Autriche a déclaré que son déficit dépasserait la valeur de référence de 3 % du PIB en 2024, et la Commission ne prévoit pas, dans l’hypothèse de politiques inchangées, que le déficit de l’Autriche passera sous cette valeur de référence en 2025 ou en 2026. La Commission envisagera donc de proposer au Conseil de constater l’existence d’un déficit excessif en Autriche. Les autorités autrichiennes ont fait part de leur intention de prendre les mesures nécessaires pour ramener le déficit en dessous de 3 % en 2025. La Commission est prête à évaluer de nouvelles mesures dès qu’elles auront été formellement approuvées par le gouvernement autrichien et suffisamment détaillées.

    Dans le cas de la Finlande, qui prévoit également un déficit supérieur à 3 % du PIB pour 2024, la Commission n’a pas l’intention de proposer l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif, puisqu’il n’est plus prévu que le déficit dépasse la valeur de référence dès 2025 sans mesures supplémentaires.

    Rapports de surveillance post-programme

    Les rapports de surveillance post-programme évaluent la situation économique, budgétaire et financière des États membres qui ont bénéficié de programmes d’assistance financière (Chypre, Grèce, Irlande, Portugal et Espagne), en mettant l’accent sur leur capacité de remboursement. Ils concluent que les cinq États membres demeurent tous en mesure de rembourser leur dette.

    Prochaines étapes

    Le Conseil et l’Eurogroupe vont maintenant débattre des éléments présentés dans le paquet budgétaire d’automne du Semestre européen.

    Une fois que les plans à moyen terme auront été approuvés par le Conseil, la Commission vérifiera si les États membres respectent les engagements prévus dans ces plans pendant toute la période couverte par ceux-ci. Les États membres présenteront des rapports d’avancement annuels afin de faciliter ce suivi et le contrôle du respect des engagements pris.

    La Commission présentera dans les semaines à venir la deuxième partie du paquet d’automne du Semestre européen, y compris la stratégie annuelle pour une croissance durable, la recommandation pour la zone euro, le rapport sur le mécanisme d’alerte et la proposition de rapport conjoint sur l’emploi.

    https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_24_5922

    Premier budget annuel après la révision du cadre financier à long terme de l’UE

    En février 2024, lors de la révision du budget à long terme de l’UE, le Parlement a obtenu des augmentations substantielles pour des priorités phares comme le soutien à l’Ukraine, que les députés ont pu maintenir pour le budget 2025.


    Ils ont également assuré une solution pour couvrir les coûts de remboursement de l’instrument européen pour la relance (EURI), qui représentent près du double du montant initialement prévu pour 2025, tout en protégeant le financement de programmes essentiels comme Erasmus+ ou la recherche.


    Le Parlement a obtenu des fonds supplémentaires pour les programmes européens

    Les députés ont obtenu des fonds supplémentaires pour des programmes essentiels dans le budget annuel 2025. Ils ont négocié avec succès un montant supplémentaire de 230,7 millions d’euros par rapport au projet de proposition de la Commission, concentrés sur des initiatives clés comme la recherche, la santé, l’éducation, les jeunes agriculteurs, la coordination des systèmes de sécurité sociale, les réponses d’urgence aux catastrophes naturelles, l’action pour le climat, l’aide humanitaire, la mobilité militaire et la gestion des frontières.


    En plus de ces fonds supplémentaires, des augmentations importantes, provenant des économies réalisées précédemment, bénéficieront au budget 2025, dont 422 millions d’euros pour Erasmus+ et 20 millions d’euros pour Horizon Europe
    Retrouvez ici les détails de l’accord. 

    Le budget 2025 a été approuvé par 418 voix pour, 185 contre et 67 abstentions. Le Conseil avait déjà avalisé l’accord le 25 novembre. 


    Citations

    Johan Van Overtveldt (ECR, BE), Président de la commission des budgets, a déclaré : “Ce budget répond aux préoccupations urgentes, y compris l’agression russe dans sa guerre contre l’Ukraine, les pressions migratoires actuelles, l’escalade de la crise au Moyen-Orient, l’impact des catastrophes naturelles et, surtout, la compétitivité de nos économies. Il permettra à l’UE de répondre efficacement à ces réalités urgentes”. (Regardez l’enregistrement vidéo intégral du discours en plénière).



    Victor Negrescu (S&D, RO), rapporteur général pour le budget 2025 de l’UE (pour la section III – Commission), a déclaré : “Avec près de 200 milliards d’euros, le budget 2025 de l’UE est supérieur de 6 % à celui de 2024, ce qui représente une augmentation de 10 milliards d’euros qui permettra de répondre aux besoins des Européens tout en remboursant la relance économique post-pandémie de l’Union sans réduire les programmes phares.

    En approuvant notre budget pour l’année prochaine, nous envoyons un message fort aux citoyens européens: malgré le contexte politique et économique difficile, l’UE est en mesure de se doter des moyens financiers nécessaires pour mettre en œuvre ses politiques et répondre aux besoins de sa population”. (Regardez l’enregistrement vidéo intégral du discours en plénière).



    Niclas Herbst (PPE, DE), rapporteur pour les autres sections, a déclaré: “Le budget de l’UE pour 2025 constitue une avancée prometteuse pour les années restantes du cadre financier pluriannuel (CFP 2021-2027). Je peux confirmer que nous avons défendu avec succès les principales priorités du Parlement, notamment a cybersécurité, et la mise en place de l’intelligence artificielle dans les institutions européennes. Cet accord témoigne de notre engagement et de notre responsabilité à l’égard de nos citoyens”. (Regardez l’enregistrement vidéo intégral du discours en plénière). 



    Contexte

    Plus de 90 % du budget de l’UE finance des activités dans les États membres et à l’extérieur, au bénéfice des citoyens, des régions, des agriculteurs, des chercheurs, des étudiants, des ONG et des entreprises. Contrairement aux budgets nationaux, le budget de l’UE est principalement destiné à l’investissement, afin de générer de la croissance et des opportunités sur l’ensemble du territoire européen.

    L’UE compte 27 pays et une population totale de 450 millions d’habitants. Compte tenu de ces chiffres, le budget européen annuel est relativement modeste – en moyenne 160 et 180 milliards d’euros par an en 2021-2027. Ce montant est comparable au budget national du Danemark, qui compte 5,6 millions de personnes, et est inférieur d’environ 30 % au budget de la Pologne, qui compte 38 millions d’habitants (Source: Commission européenne).

    Le débat sur la politique de cohésion de l’UE dans ce budget 2025


     29 nov. 2024

    Les six États membres « réitèrent leur soutien aux principes qui sont au cœur de la politique de cohésion telle qu’elle est définie dans le traité », indique le document, ajoutant qu’ils « doivent insister pour que ces principes continuent d’être respectés dans les plans définis pour le futur cadre financier pluriannuel ». [Attila Husejnow/SOPA Images/LightRocket via Getty Images]

     Euractiv fait partie de The Trust Project >>> 

    Languages: English | Deutsch | Bulgarian

        

    L’Allemagne, premier contributeur net au budget de l’Union européenne (UE), et la Pologne, premier bénéficiaire net, ont uni leurs forces pour façonner l’avenir de la politique de cohésion de l’Union, souhaitant qu’elle soit plus étroitement liée aux réformes tout en maintenant le rôle des régions.

    Aux côtés de la France, de l’Irlande, de la Roumanie et de la Slovénie, l’Allemagne et la Pologne, qui disposent toutes deux d’une structure fédérale, ont présenté un document de synthèse informel lors d’une réunion des ministres chargés de la politique de cohésion, jeudi 28 novembre.

    Le document appelle à « encore plus d’incitations pour les réformes structurelles » dans la politique de cohésion de l’UE de 2028 à 2034, dont les propositions sont attendues par la Commission européenne nouvellement élue d’ici la mi 2025.

    Les fonds de cohésion, qui représentent actuellement un tiers des dépenses totales de l’UE, font l’objet d’une attention accrue de la part des responsables politiques de l’UE, qui cherchent à réformer le budget de l’Union afin de mieux l’adapter aux nouvelles priorités. Il s’agit notamment de stimuler la compétitivité économique et la capacité de défense. En outre, sa structure de planification sur sept ans, appelée cadre financier pluriannuel (CFP), est considérée comme trop rigide.

    En conséquence, la part de la politique de cohésion dans les dépenses totales de l’UE a été remise en question. Une présentation interne de la Commission a récemment fait allusion à une éventuelle fusion des fonds de cohésion avec d’autres postes de dépenses, tels que l’aide aux agriculteurs, dans des « plans nationaux » uniques.

    Les six États membres « réitèrent leur soutien aux principes qui sont au cœur de la politique de cohésion telle qu’elle est définie dans le traité », indique le document, ajoutant qu’ils « doivent insister pour que ces principes continuent d’être respectés dans les plans définis pour le futur cadre financier pluriannuel ».

    Selon l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), l’Union devrait viser à améliorer la « cohésion économique, sociale et territoriale », en mettant l’accent sur la « réduction des disparités entre les niveaux de développement » des régions.

    Toutefois, les six États membres souhaitent également que la politique de cohésion contribue au renforcement de la compétitivité, à une transition équitable et à la résilience de l’UE, qu’ils espèrent voir mise en œuvre grâce à un lien plus fort avec les réformes.

    Ils demandent également que les gouvernements régionaux, tels que les « Länder » allemands ou les « województwa » polonais, « jouent un rôle central dans la conception et la mise en œuvre des programmes, ainsi que dans la sélection des projets ».

    Enfin, ils espèrent que le nouveau commissaire européen chargé du Budget, le Polonais Piotr Serafin, présente ses propositions « le plus tôt possible en 2025 », afin de permettre des négociations rapides entre les États membres.

    Cela pourrait être facilité par le fait que l’Allemagne tiendra ses élections nationales le 23 février — au lieu de septembre — ce qui ouvrirait la voie à des propositions plus précoces. En outre, la Commission européenne semble vouloir attendre la mise en place d’un nouveau gouvernement à Berlin pour dévoiler ses projets de réforme budgétaire.

    Dans les faits, l’Allemagne est le plus grand contributeur net au budget de l’UE, ayant versé 17,4 milliards d’euros de plus qu’elle n’en a reçus en 2023, tandis que la Pologne est le plus grand bénéficiaire net, avec un excédent de 8,2 milliards d’euros, d’après les chiffres de l’Institut économique allemand (IW).

    L’UE a besoin de renforcer sa politique de cohésion, rappelle le président du Comité européen des régions

    La politique de cohésion est essentielle pour la compétitivité de l’Union européenne et ne doit pas être considérée comme une « politique de charité », a rappelé lundi 9 septembre le président du Comité européen des régions, Vasco Cordeiro.

    En concurrence pour les fonds

    Cependant, l’harmonie actuelle pourrait ne pas durer longtemps, car les deux États établissent également des priorités concurrentes en ce qui concerne les domaines sur lesquels la politique de cohésion devrait se concentrer. Dans un document distinct, la Pologne — accompagnée de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie — demande des moyens de cohésion « supplémentaires et adéquats » pour les pays limitrophes de la Russie ou de la Biélorussie, étant donné leur situation sur la « ligne de front de la sauvegarde de la stabilité et de la prospérité de l’UE contre les menaces extérieures ».

    « L’effet de la guerre a frappé beaucoup plus fort aux portes des entreprises, des ménages et des personnes dans les États membres de l’UE qui bordent les pays agresseurs », écrivent-ils, soulignant la baisse des flux touristiques, la prudence accrue des investisseurs étrangers et l’augmentation des dépenses militaires en pourcentage du PIB.

    Les régions allemandes, quant à elles, aimeraient également bénéficier de fonds européens supplémentaires, étant donné les lourdes charges liées à la transition de l’industrie automobile, ce qui, selon elles, justifie que l’UE consacre également des fonds à des régions riches telles que la Bavière et le Bade-Wurtemberg.

    Vendredi 29 novembre, les représentants des régions automobiles de toute l’Europe se réuniront à Monza, en Italie, pour solliciter un instrument européen dans le cadre du prochain CFP, afin de soutenir une transition juste et équitable dans les régions où se trouvent des industries automobiles et des fournisseurs, comme l’a indiqué le Comité européen des régions.

    https://www.euractiv.fr/section/economie/news/politique-de-cohesion-de-lue-lallemagne-et-la-pologne-plaident-pour-un-role-accru-des-gouvernements-regionaux/

  • La confiance dans les institutions européennes est à son plus haut niveau depuis 2007

    Selon la dernière édition de l’Eurobaromètre, publiée vendredi 29 novembre, 51 % des Européens déclarent avoir confiance dans les institutions de l’Union – contre seulement 33 % pour leurs gouvernements nationaux. Depuis la pandémie, l’écart entre la confiance octroyée à l’Union européenne et aux gouvernements des États membres s’est considérablement creusé.

    Ressource : L’enquête ESSEC sur les perceptions étudiantes de l’Union européenne.

    Plus de la moitié (51 %) des répondants à l’Eurobaromètre d’automne ont déclaré avoir « plutôt confiance » dans l’Union européenne — soit le taux le plus élevé depuis 2007. Dans le même temps, seulement un tiers (33 %) des Européens déclarent avoir confiance dans leur gouvernement, et 37 % dans leur Parlement national.

    D’importantes disparités subsistent cependant entre États membres.

    • La France est le pays dont la population est la plus dubitative vis-à-vis de l’Union européenne : seulement 35 % des Français déclarent avoir « confiance » dans l’Union.
    • À l’inverse, dans trois pays (Danemark, Lituanie et Portugal), plus des deux-tiers des répondants disent avoir plutôt confiance dans les institutions européennes — des chiffres toutefois légèrement en baisse par rapport au début d’année.
    • Le soutien en faveur de la monnaie unique a quant à lui atteint son niveau le plus élevé (74 %) depuis au moins 2004, année de publication des premiers Eurobaromètres.

    En Pologne et en Lettonie, la confiance dans les institutions européennes a considérablement augmenté depuis avril : + 11 et + 10 points de pourcentage respectivement. C’est en Hongrie que l’on constate une des baisses les plus importantes — 41 % disaient avoir tendance à « ne pas avoir confiance » dans l’Union en avril, contre 47 % aujourd’hui.

    Quel sens donner à ce gain de confiance dans le cycle européen actuel ?

    • Il s’agit de la première enquête de l’Union réalisée à l’échelle des 27 États membres depuis les élections européennes de juin, qui ont vu une nette progression des forces politiques de droite — notamment eurosceptiques — et un affaissement du centre.
    • Contrairement à 2007, lorsque 57 % des Européens déclaraient avoir « plutôt confiance dans l’Union » (soit le niveau le plus élevé), la croissance observée ces dernières années est stable depuis la pandémie de coronavirus.

    Les principales préoccupations des Européens le montrent : de la guerre en Ukraine à l’immigration ou la situation internationale, les habitants des 27 considèrent l’échelon européen comme étant le plus pertinent pour faire face aux crises qui pèsent sur l’Union. Un tiers des répondants considère par ailleurs que celle-ci devrait prendre des mesures à moyen terme pour renforcer la sécurité et la défense européenne — qui occuperont une place centrale dans l’agenda de la prochaine Commission.

    https://legrandcontinent.eu/fr/2024/11/29/la-confiance-dans-les-institutions-europeennes-est-a-son-plus-haut-niveau-depuis-2007/

    Une nouvelle enquête Eurobaromètre montre un niveau record de confiance dans l’UE

    Le dernier Eurobaromètre publié aujourd’hui révèle le plus haut niveau de confiance dans l’Union européenne depuis 2007 et le soutien le plus élevé jamais accordé à l’euro. L’enquête montre également que les Européens ont une vision plus optimiste quant à l’avenir. Ils aimeraient voir une UE plus forte et plus indépendante, en particulier face aux défis mondiaux actuels. 

    La confiance dans l’UE est à son plus haut niveau en 17 ans

    51 % des Européens ont tendance à faire confiance à l’UE, le résultat le plus élevé depuis 2007. La confiance dans l’UE est la plus élevée parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans (59 %). 51 % des Européens ont déclaré faire confiance à la Commission européenne, ce qui constitue un autre record depuis 17 ans.

    Près de trois quarts des répondants (74 %) déclarent se sentir citoyens de l’Union, le niveau le plus élevé depuis plus de deux décennies. En outre, plus de six citoyens de l’Union sur dix (61 %) sont également optimistes quant à l’avenir de l’UE.

    Dans le même temps, 44 % des citoyens de l’Union continuent d’avoir une image positive de l’UE, tandis que 38 % d’entre eux en ont une image neutre et 17 % une image négative.

    Des tendances positives ont également été observées dans la plupart des pays concernés par l’élargissement ayant fait l’objet de l’enquête. La majorité des citoyens ont tendance à faire confiance à l’UE* en Albanie (81 %), au Monténégro (75 %), au Kosovo (70 %), en Géorgie (58 %), en Macédoine du Nord et en Bosnie-Herzégovine (56 % pour ces deux pays) et en Moldavie (52 %). En Turquie, 42 % des personnes interrogées (quatre points de pourcentage de plus que lors de l’enquête précédente) ont tendance à faire confiance à l’UE, et 38 % en Serbie (+ 2 points de pourcentage). 38 % des répondants britanniques (+ 6 points de pourcentage) partagent également ce point de vue.

    Les Européens veulent une UE plus forte, plus indépendante et plus durable

    Près de sept répondants sur dix (69 %) conviennent que l’UE dispose d’un pouvoir et d’outils suffisants pour défendre les intérêts économiques de l’Europe dans l’économie mondiale. De même, 69 % d’entre eux s’accordent à dire que l’Union européenne est un havre de stabilité dans un monde en crise.

    Selon les Européens, la sécurité et la défense (33 %) devraient constituer le principal domaine d’action prioritaire de l’UE à moyen terme, suivi par la migration (29 %), l’économie (28 %), le climat et l’environnement (28 %) et la santé (27 %). Par ailleurs, 44 % des citoyens européens pensent que c’est la garantie de la paix et de la stabilité qui aura la plus forte incidence positive sur leur vie à court terme, suivie par la sécurité alimentaire, sanitaire et des approvisionnements industriels dans l’UE et la gestion des migrations (toutes deux 27 %).

    En ce qui concerne les domaines d’action spécifiques de l’UE dans le secteur propre, les Européens estiment que l’UE devrait d’abord donner la priorité aux énergies renouvelables (38 %), puis aux investissements dans l’agriculture durable(31 %), aux infrastructures énergétiques (28 %) et aux investissements dans les technologies propres (28 %).

    Soutien historiquement élevé à l’euro et optimisme croissant à l’égard de l’économie 

    L’enquête Eurobaromètre a enregistré le soutien le plus élevé jamais accordé à la monnaie unique, tant dans l’ensemble de l’UE (74 %) que dans la zone euro (81 %). En ce qui concerne la perception de la situation de l’économie européenne, 48 % des Européens (+ un point depuis le printemps 2024) la jugent bonne, tandis que 43 % (+ deux points) la jugent mauvaise. La perception de la situation de l’économie européenne ne cesse de s’améliorer depuis l’automne 2019. Bon nombre de citoyens (49 %) pensent que la situation économique européenne restera stable au cours des douze prochains mois.

    La réaction de l’UE à la guerre en Ukraine bénéficie d’un soutien continu

    Face à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, près de neuf Européens sur dix (87 %) soutiennent l’idée d’apporter une aide humanitaire aux populations touchées par la guerre. 71 % des citoyens de l’Union sont favorables à des sanctions économiques contre le gouvernement, les entreprises et les particuliers russes, et 68 % acceptent l’idée d’apporter un soutien financier à l’Ukraine. Six personnes sur dix approuvent l’octroi par l’UE du statut de pays candidat à l’Ukraine et 58 % sont d’accord avec le financement par l’UE de l’achat d’équipements militaires en vue de les fournir à l’Ukraine.

    La guerre en Ukraine continue d’être considérée comme la question la plus importante au niveau de l’UE (31 %) sur 15 thèmes (suivie de l’immigration à 28 % et de la situation internationale à 22 %), tandis que 76 % des répondants européens conviennent que l’invasion de l’Ukraine par la Russie constitue une menace pour la sécurité de l’UE.

    Contexte

    L’Eurobaromètre standard 102 (automne 2024) a été réalisé entre le 10 octobre et le 5 novembre 2024 dans les 27 États membres de l’UE. Au total, 26 525 citoyens de l’Union ont été interrogés en face-à-face. Des entretiens ont également été menés dans neuf pays candidats et candidats potentiels (tous à l’exception de l’Ukraine) et au Royaume-Uni.

    Pour en savoir plus

    Eurobaromètre standard 102

    https://europa.eu/eurobarometer/surveys/detail/3215

  • Salaire minimum en Europe : les syndicats alertent

     Thomas Moller-Nielsen | EURACTIV.com | translated by Marine Béguin– 18 nov. 2024

    Dans un rapport publié lundi 18 novembre, la CES — la plus grande organisation syndicale d’Europe — indique qu’un « manque de volonté politique » a conduit de nombreux États membres, dont la France, la Pologne et les Pays-Bas, à manquer la date butoir du 15 novembre pour la transposition de la directive européenne sur le salaire minimum. Quelques jours avant cette date, huit États membres avaient officiellement ratifié la directive : la Belgique, la République tchèque, le Danemark, l’Allemagne, la Hongrie, la Lituanie, la Roumanie et la Suède.

    Photo : Des syndicats et des travailleurs manifestent contre les licenciements potentiels dans l’usine de Forest du constructeur automobile Audi, Bruxelles, Belgique, 16 septembre 2024. [EPA-EFE/OLIVIER MATTHYS]

    « Les gouvernements nationaux doivent travailler avec les syndicats pour tenir pleinement les promesses de la directive », affirme Tea Jarc, secrétaire confédérale de la CES. « Si [les gouvernements] continuent à ne pas le faire, la Commission devrait assurer sa mise en œuvre », précise-t-elle.

    Approuvée en octobre 2022, la directive européenne exige que les États membres qui ont des salaires minimums légaux introduisent une série de mesures visant à garantir l’« adéquation » des salaires des travailleurs. Elle propose — mais n’exige pas — qu’un salaire minimum adéquat soit fixé à un niveau d’au moins 60 % du salaire médian brut du pays et 50 % de son salaire moyen brut. Elle invite également les États membres dont le taux de couverture des négociations collectives est inférieur à 80 % à élaborer des « plans d’action » nationaux afin de porter ce taux à un niveau supérieur.

    Affaiblissement des dispositions nationales

    Mais une tendance opposée d’abaissement des normes se dessine :

    • En République tchèque par exemple, le gouvernement a modifié sa loi pour supprimer le concept de « salaires garantis » dans le secteur privé, et n’a pas « consulté les partenaires sociaux » à propos de ce changement.
    • Du côté du Luxembourg, le ministère du Travail a cherché à autoriser des délégués non syndiqués à négocier des conventions collectives à la place des syndicats lorsque ces derniers n’ont pas de présence au niveau national, selon le rapport de la CES.
    • Le gouvernement letton cherche quant à lui à introduire le droit pour les entreprises de se retirer unilatéralement des conventions collectives et à supprimer les conventions collectives en tant que « facteur décisif » obligatoire dans les marchés publics.
    • L’une des principales organisations patronales bulgares a annoncé qu’elle s’opposait au projet du gouvernement visant à augmenter le salaire minimum, arguant que celui était déjà trop élevé. La Bulgarie est l’un des pays les plus pauvres de l’Union européenne (UE).

    Autre lire aussi : La Belgique, cinquième pays de l’UE dont le salaire minimum dépasse 2 000 euros brut.

    Une recette anti-demande ?

    L’étude de la Confédération européenne des syndicats intervient dans un contexte de baisse des salaires réels (qui tiennent compte de l’effet de l’inflation des prix) dans l’ensemble de l’UE depuis les deux dernières années — les salaires réels ayant baissé de 0,7 % l’année dernière, après avoir chuté de 4,3 % en 2022. En 2023, les salaires réels ont diminué pour la deuxième année consécutive dans l’UE, les augmentations de salaires nominaux n’ayant pas permis de compenser l’inflation persistante. C’est ce qu’il ressort de étude publiée jeudi le 21 mars)

    A lire aussi : Des bénéfices qui ne profitent pas aux travailleurs en 2023, selon une organisation syndicale.

    Le rapport, réalisé par la section de recherche de la Confédération européenne des syndicats (CES), qui représente 45 millions de travailleurs européens, révèle que les salaires réels — qui tiennent compte de l’inflation — ont baissé de 0,7 % en 2023, après avoir chuté de 4,3 % en 2022.

    Un portefeuille de commissaire dilué

    Les inquiétudes des travailleurs ont été exacerbées par la décision de la présidente de la Commission européenne, de remanier le portefeuille « Emploi et Droits sociaux » au sein du collège de commissaires. Le poste sera désormais intégré dans un portefeuille plus large « Personnes, Compétences et État de préparation », dont est responsable  Roxana Mînzatu.

    VDB Ajouter « pourtant dans son EN lire + : https://www.euractiv.fr/section/economie/news/directive-sur-le-salaire-minimum-les-syndicats-alertent-contre-linaction-des-etats-membres/?utm_source=Euractiv&utm_campaign=320516d1f7-EMAIL_CAMPAIGN_2023_11_03_09_29_COPY_30&utm_medium=email&utm_term=0_-340ef6fac4-117124648

  • Antonio Costa : quel nouveau président du Conseil européen?

    Grain de sel : C’est donc Antonio Costa , portuguais qui succède à Charles Michel à la présidence du Conseil européen. il a érté élu à la majorité qualifiée renforcée pour deux ans demi renouvelable une fois (au moins 72 % des Etats membres expriment un vote favorable et les Etats représnetnent au moins 65 % de la population de l’UE).

    Pour rappel, les États sont en grande partie dirigés par des gouvernements PPE augurant de possibles oppositions à sa vision. Alors qu’il a décrété à ce sujet vouloir tester de nouvelles méthodes de travail qui donnent plus de pouvoir aux 27 ambassadeurs de l’UE, un de ses défis concerne la bonne relation institutionnelle avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen quelque peu malmenée du temps de Charles Michel.

    Président du Conseil : quel rôle ?

    Le rôle du président du Conseil européen est défini par le Traité sur l’Union européenne (TUE)  :

    • présider et animer les travaux du Conseil européen ;
    • assurer la préparation et la continuité des travaux du Conseil européen en coopération avec le président de la Commission européenne, et sur la base des travaux du Conseil des affaires générales (lire ci-dessous) ;
    • œuvrer pour faciliter la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen ;
    • présenter au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du Conseil européen ainsi qu’un rapport écrit annuel.
    • assurer, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, en coopération avec le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
    • Enfin, il représente l’UE lors des sommets internationaux, en compagnie de la présidence de la Commission.

    C’est une fonction encore récente: 2009 qui doit s’articuler avec la présidence tournante du Conseil de l’UE.

    Le président convoque les réunions du Conseil européen deux fois par semestre et en cas de force majeure . Au moins un mois avant la réunion du Conseil européen, il soumet au Conseil des Affaires générales (CAG) – – un projet d’ordre du jour ainsi qu’un “projet d’orientation pour le Conseil européen”. Ces deux textes font l’objet d’un débat au CAG.

    Jeu d’équilibriste politique

    Le choix du président du Conseil européen dépend de ce subtil jeu d’équilibriste diplomatique mené par les Etats membres pour se répartir les “top jobs” de l’UE. Une équation complexe qui tente de respecter une certaine équité entre les pays de l’Ouest, de l’Est, du Nord, et du Sud mais aussi les familles politiques ou encore la parité.

    Quelles ambitions pour Costa ?

    Ces derniers mois, le Portuguais a fait le tour des capitales européennes pour connaître les priorités des dirigeants de l’UE pour les cinq années à venir, alors que l’Union fait face à des enjeux majeurs, telle que le dossier ukrainien, l’anticipation la « guerre commerciale » avec la Chine, Donald Trump à la Maison-Blanche , le budget pluriannuel de l’Union mais aussi la pérennité du Green Deal.

    Qui est il ? Un responsable politique pragmatique

    Né le 17 juillet 1961 à Lisbonne, António Costa est le fils d’une journaliste politique et d’un écrivain communiste. Il descend d’une grande famille de l’ancien comptoir colonial de Goa, en Inde. Après des études en droit et en sciences politiques, il devient avocat avant d’être nommé, à 34 ans, secrétaire d’État aux Affaires parlementaires dans le gouvernement minoritaire d’António Guterres, l’actuel secrétaire général de l’ONU. Il occupera ensuite le poste de ministre de la Justice. Son pragmatisme lui a permis d’étendre son influence au-delà de sa famille politique, les socialistes. En 2020, il rend visite au Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orbán et contribue à le convaincre de ne pas bloquer le plan de relance européen post-Covid, crucial pour le Portugal. Habile tacticien, a prouvé qu’il était capable de mener des négociations délicates ou de transformer ses revers en opportunités.

    Un contexte chargé

    Malgré quatre décennies d’expérience et sa réputation de responsable compétent, António Costa ne s’attend pas à un mandat de tout repos. Seuls quatre Premiers ministres européens sont de centre gauche, dont le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, dont le pays traverse une période difficile, et le chancelier allemand Olaf Scholz, sera confronté à des élections anticipées et vraisemblablement les perdra.

    Il devra composer avec l’affaiblissement du couple franco-allemand. Dans ce contexte la présidence de la Pologne pourra t elle aider?

    Une nouvelle approche

    António Costa propose une nouvelle approche institutionnelle, en donnant aux 27 ambassadeurs de l’UE la possibilité de participer au COREPER — responsable de la préparation des travaux de toutes les sessions du Conseil — et de finaliser les communiqués des sommets avant que les dirigeants de l’Union ne se réunissent pour discuter et souhaite aussi organiser des « retraites »  au cours desquelles les dirigeants de l’UE se rencontreront « dans le cadre de réunions informelles pour discuter sans la pression de produire des conclusions sur papier »

    Une nouvelle dynamique institutionnelle ?

    Durant la précédente législature, les tensions entre Charles Michel et Ursula von der Leyen étaient visibles lors des sommets internationaux.

    António Costa bâtisseur de consensus?

    Organiser des réunions de coordination avant le sommet de l’UE,pour nous assurer que l’agenda ést construit de manière à ce que personne ne marche sur personne d’autre avec un accent sur les relations avec la Conférence des présidents du PE.

    António Costa, socialiste venu du Sud

    Depuis sa prise de fonction le 1er décembre, le nouveau président du Conseil européen, António Costa, 63 ans, a respecté un agenda bien rempli : visite en Ukraine avec un entretien avec le président Zelensky ; réunion de travail avec la présidente de la Commission européenne pour afficher l’apaisement des relations entre les deux côtés de la rue de la Loi ; rencontre préparatoire avec les dirigeants des Balkans occidentaux avant le sommet le 18 décembre.

    António Costa s’est rendu à Londres le 13 décembre pour rencontrer le Premier ministre britannique Keir Starmer, instigateur du « EU Reset ».

    Il présidera son premier Conseil le 19 décembre. En moins de deux semaines, l’ancien Premier ministre portugais (2015-2024) occupe le terrain bien décie à assurer la continuité et la stabilité des travaux du Conseil européen en vertu de l’article 15 §5 TUE,

    Après Herman Van Rompuy (2009-2014), Donald Tusk (2014-2019) et Charles Michel (2019-2024),  António Costa est le quatrième président du Conseil européen. Sa désignation est intervenue dans un contexte où les dirigeants espèrent renforcer le rôle de médiation du président du Conseil, notamment après des épisodes de relations tendues entre les institutions européennes sous le mandat précédent.

    La création du Conseil européen avait symbolisé le rapprochement franco-allemand. Donald Tusk symbolisait la réunification du continent, António Costa entend incarner une certaine réconciliation . Le choix d’António Costa peut être perçu comme celui d’un symbole d’ouverture et de diversité, à l’heure où les ennemis de l’Union européenne attaquent son modèle et ses valeurs. António Costa incarne l’un des multiples héritages postcoloniaux du continent européen. Sous son gouvernement, le Portugal avait d’ailleurs amorcé un débat public sur la mémoire coloniale, notamment avec des initiatives comme la reconnaissance des crimes liés à l’esclavage et la création d’un musée des Découvertes. Il peut donc être perçu comme capable de faire de la diversité un atout, incarnant une Europe moderne et ouverte sur le monde, en rupture avec les divisions héritées du passé et celles que d’autres tentent de réintroduire.

    Dans un hommage rendu à Mário Soares à la Fondation Gulbenkian à l’occasion des cent ans de la naissance de l’ancien Premier ministre et président de la République disparu en 2017, António Costa a tenu à se revendiquer de l’engagement européen porté alors par la figure de la transition démocratique du Portugal, dont l’intégration dans la Communauté économique européenne en 1986 a profondément changé la société, en s’appropriant les valeurs de l’intégration, de la tolérance et du cosmopolitisme ». 

    Le rôle de président du Conseil européen est complexe en raison des mécanismes de prise de décision européens. Dans la plupart des cas, la décision repose sur la majorité qualifiée : 55 % des États membres (au moins 15 sur 27) qui doivent représenter 65 % de la population de l’Union européenne.

    Son expérience et son engagement en faveur d’une Europe solidaire et stratégique pourraient faire de lui un président visionnaire et opérationnel. Son passé démontre qu’il possède les compétences pour gérer des situations complexes et mobiliser les acteurs européens autour d’objectifs communs. Ce pragmatisme ferme lorqu’il s’agit de la défense des valeurs communautaires (constant sur l’Ukraine) et non confrontationnel, est une ligne de fond que l’on retrouve dans l’ensemble de ses positions , comme par exemple favoriser la qualité des relations commerciales avec la Chine ; tirer le meilleur parti possible des relations avec la future présidence de Donald Trump ; jouer la prudence du consensus préalable sur les propositions française de réformes institutionnelles de l’Union ; privilégier, concernant la Palestine et à la différence de son ancien ministre des Affaires étrangères, l’établissement d’un consensus communautaire en amont d’une reconnaissance de l’Etat palestinien, à préférer selon lui aux initiatives individuelles des Etats membres comme l’Irlande et l’Espagne ; ou encore, en intra-communautaire,privilégier le maintien du dialogue avec Viktor Orban sur les confrontations court-termistes.

    De nouvelles méthodes de travail

    Durant neuf années comme Premier ministre[6], António Costa a assisté à près de quarante Conseils européens et s’est fait remarquer pour sa capacité à défendre les intérêts de son pays mais toujours dans un intérêt commun et européen. Fervent défenseur d’une révision du Pacte de stabilité et de croissance, il prône une approche qui favorise davantage les investissements à long terme. Il s’est fait remarquer pour son habileté à bâtir des consensus entre des camps divisés en particulier avec les pays dits frugaux sur les questions budgétaires. Toutefois, il n’a pas hésité à adopter une posture ferme pour défendre les intérêts du Portugal, notamment dans la négociation des fonds structurels et de cohésion. Sa bonne connaissance de ce sujet peut s’expliquer par son expérience comme maire de Lisbonne[9] pendant sept ans.

    Lors de la présidence portugaise du Conseil de l’Union au premier semestre 2021, il a annoncé trois priorités : une reprise économique durable, la transition numérique et verte, et le renforcement de la souveraineté stratégique, avec notamment l’entrée en vigueur des premiers financements NextGenerationEU. António Costa a plaidé pour une réponse collective face à des crises qui transcendent les frontières, en insistant sur la nécessité d’un mécanisme européen robuste pour soutenir les économies les plus touchées. Ardent défenseur de l’émission de dette commune, un sujet sensible, afin de financer les mesures de relance, il a réussi à trouver un écho de cette position, autrefois marginale, en juillet 2020, lorsque le plan NextGenerationEU a été approuvé.

    il a proposé dès son discours d’inauguration une méthode pour les réunions du Conseil, dont la durée sera réduite désormais de deux à un jour.

    Perçu comme moins technocrate que Charles Michel, António Costa semble annoncer une méthode plus engageante et fédératrice, adaptée aux défis géopolitiques complexes pour les cinq prochains semestres.

    Fabio Tomasic, assistant de recherche à la Fondation Robert Schuman.


    [1] Trois personnalités représentent l’Union européenne au niveau international. On se rappelle ici notamment du sofagate.
    [2] Pendant près de cinquante ans, le Portugal a vécu sous un régime autoritaire. La fin de la dictature de Salazar et  de l’Estado Novo (1926-1974), avec la Révolution des Œillets marque le début d’une transition démocratique complexe dans un contexte de décolonisation.
    [3] Dans ce documentaire, Sommets, dans le secret des négociations européennes, on suit l’emploi du temps chargé de Charles Michel, avec quelques scènes où l’on saisit bien la nécessité d’amener les représentants des Etats, parfois peu coopératifs, à s’accorder.
    [4] Par exemple l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne de juin 2024, décidée à l’unanimité par le Conseil européen.
    [5] Il doit aussi en rendre compte au Parlement européen, institution qu’Antonio Costa connaît puisqu’il a occupé le siège de vice-président de 2004 à 2005.
    [6] Selon l’article 201 de la Constitution portugaise, le Premier ministre est le chef du gouvernement, chargé de conduire la politique générale du pays et de représenter le Portugal dans les relations internationales.
    [7] Les réalisations sont marquées par une maîtrise de l’inflation (environ 1%), une baisse de la dette publique (passant de 130% à 118% en 2019), une réduction du chômage (5,6% en juillet 2020 contre 12% en 2015) et une croissance de 18% du PIB.
    [8] D’ailleurs, en 2019, alors qu’il est déjà pressenti au poste de président du Conseil, António Costa a choisi de ne pas se porter candidat, préférant se consacrer aux réformes au Portugal et à la gestion de la présidence portugaise du Conseil de l’Union en 2021.
    [9] Il est maire de la ville qui accueille la signature du dernier traité réformant les institutions européennes, en 2009.
    [10] Le Portugal a fêté les cinquante ans de la « révolution des œillets » en 2024.

    Directeur de la publication : Pascale Joannin

    Ressources :

  • Crise migratoire : accélérer ensemble ou fragmenter Schengen ?

    Crise migratoire : accélérer ensemble ou fragmenter Schengen ?

    La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a défini des objectifs clés pour la future politique migratoire de l’Union européenne (UE), y compris la possibilité de créer des centres de déportation vers des pays tiers, mais la France a souligné les problèmes judiciaires que cela poserait.

    Ces dernières semaines, les politiques migratoires des États membres ont encore été durcies. L’Allemagne du chancelier SPD Scholz a instauré des contrôles aux frontières pour 6 mois; la Suède a augmenté l’aide au retour des migrants dans leur pays à 30 000 euros; le Danemark a accru les contrôles à ses frontières avec la Suède et l’Allemagne; le Premier ministre Tusk a annoncé samedi une suspension temporaire de l’asile en Pologne.

    BREAKING NEWS :

    La Commission européenne a annoncé de nouvelles mesures pour contrer les menaces hybrides liées à l’instrumentalisation des migrants, une décision qui a soulevé des inquiétudes concernant les refoulements et les droits des demandeurs d’asile.

    La Bulgarie et la Grèce se sont mises d’accord sur les détails de l’abolition complète des contrôles à leurs frontières communes, selon un communiqué du ministère de l’Intérieur bulgare publié mercredi 11 décembre

    L’organisation non gouvernementale (ONG) Human Rights Watch a demandé à la Commission européenne de prendre des mesures immédiates contre la Pologne en raison des refoulements illégaux de demandeurs d’asile effectués à sa frontière avec la Biélorussie.

    Un document interne du Parti populaire européen (PPE), consulté par Euractiv, détaille des propositions de réformes législatives et budgétaires pour l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), ainsi qu’un projet de règlement très attendu sur les retours de migrants.

    Dans le document, le PPE propose d’étendre le mandat de Frontex en révisant le règlement régissant l’agence et datant de 2019, qui prévoyait déjà d’augmenter progressivement le corps permanent jusqu’à un maximum de 30 000 personnes, conformément aux directives de juillet de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

    L’expansion du corps permanent de Frontex pourrait ouvrir la voie à une augmentation des pouvoirs de l’agence. Cette modification règlementaire est attendue pour le premier trimestre de l’année prochaine.

    Le document souligne également la nécessité d’un soutien financier substantiel pour l’agence, appelant à une augmentation de l’allocation budgétaire dans le cadre financier pluriannuel (CFP), le budget septennal de l’UE. Le budget de Frontex, l’une des plus grandes agences de l’Union, a déjà été augmenté ces dernières années et s’élevait à 922 millions d’euros en 2024.

    Toujours selon le document interne, les investissements dans les infrastructures physiques visant à renforcer la protection des frontières extérieures de l’Union devraient être financés dans le cadre de l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visas (IGFV) existant.

    L’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes a été créée en 2004 pour répondre aux défis croissants de la gestion des frontières extérieures de l’UE. Depuis lors, elle a subi d’importantes réformes opérationnelles et juridiques, dont une modification majeure en 2019.

    Magnus Brunner (PPE), désormais commissaire aux Affaires intérieures et à la Migration, a soutenu la modification du règlement de 2019 lors de son audition de confirmation devant le Parlement européen en novembre, notamment en ce qui concerne la gestion des retours.

    Le document du PPE suggère également la conclusion de nouveaux accords avec les pays voisins et les nations africaines clés, telles que la Mauritanie et le Sénégal, pour le déploiement du corps permanent de Frontex.

    La stratégie de signature de protocoles d’accord avec les pays d’Afrique du Nord, poursuivie par la Commission von der Leyen I, pourrait être renforcée sous la nouvelle Commission afin de conclure davantage de partenariats avec des pays tiers d’origine et de transit des migrants, en s’inspirant de l’accord UE-Tunisie et du partenariat stratégique Égypte-UE.

    En attendant, le règlement sur le retour, que les États membres ont appelé de leurs vœux ces derniers mois, est attendu dans les 100 premiers jours d’exercice de la Commission — soit d’ici le 11 mars 2025.

    L’abrogation de la refonte de 2018 de la directive sur les retours, proposée par la Commission et bloquée en 2019 en raison de désaccords entre les groupes politiques, est attendue prochainement.

    Le gouvernement allemand a présenté la réforme migratoire de l’Union européenne (UE) comme une solution à l’immigration irrégulière, mais ses plans pour accélérer sa mise en œuvre semblent voués à l’échec.

    Promettant une répartition plus équitable des demandeurs d’asile entre les États membres de l’UE et la détention des migrants en situation irrégulière à la frontière, le Pacte sur la migration et l’asile, adopté en avril de cette année, a pour objectif d’introduire une nouvelle boîte à outils dans la politique migratoire de l’Europe.

    En conséquence, plusieurs gouvernements ont fait pression pour accélérer sa mise en œuvre, prévue pour juillet 2026, face à la pression de la droite et l’extrême droite pour réprimer l’immigration irrégulière. Un délai de mise en œuvre plus court était en effet sur la table lors du dernier sommet des dirigeants de l’UE.

    Trois mois plus tard, cependant, ces plans se sont révélés pratiquement inapplicables et l’Allemagne, qui était à l’origine de la pression, doit à présent abandonner l’idée d’une mise en œuvre anticipée du pacte.

    Faute de majorité suite à l’effondrement de son gouvernement de coalition le mois dernier, le chancelier allemand Olaf Scholz, du Parti social-démocrate (SPD/S&D), aurait eu besoin des voix de l’opposition pour faire passer les projets de loi nationaux correspondants, déjà rédigés.

    Or, selon une source de l’Union chrétienne-démocrate allemande (CDU/CSU, PPE), le principal parti d’opposition, la mise en œuvre du pacte ne serait pratiquement pas soutenue, car la CDU/CSU voit des problèmes dans la législation et n’est pas pressée de faire avancer les choses.

    Cela porte ainsi un coup au récit du gouvernement allemand, soutenu notamment par la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser (SPD/S&D). Cette dernière a défendu à plusieurs reprises des mesures sévères, y compris de nouveaux contrôles aux frontières — alors que les chiffres de l’immigration commençaient déjà à baisser — en faisant valoir qu’elles ne seraient en place que jusqu’à ce que la nouvelle réforme de l’UE entre en vigueur.

    • Angela Merkel revient sur ses seize ans en tant que chancelière allemande. Ce n’est pas l’élection de Donald Trump, mais la crise des réfugiés de 2015 qui a marqué un tournant politique pour Angela Merkel, qui a expliqué au journal britannique qu’« il y a eu un avant et un après ». Sa décision d’ouvrir la frontière aux réfugiés du Moyen-Orient en septembre 2015 a été critiquée plus tard comme exposant l’Europe à l’immigration irrégulière et alimentant la montée de l’extrême droite. La popularité de son parti chrétien-démocrate s’est effondrée, passant de 41 % à 33 % lors des élections fédérales suivantes.
    • Angela Merkel a expliqué au Times que sa politique d’immigration n’était cependant pas le seul carburant du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Elle a ajouté qu’elle estimait que les valeurs de l’Europe étaient mises à l’épreuve, mais qu’elle ne les aurait trahies sous aucun prétexte.
    • Bien qu’une forte immigration ne soit pas viable, les responsables politiques ne devraient pas parler « sans cesse » des problèmes de l’AfD et « essayer de les surpasser sur le plan rhétorique sans offrir de véritables solutions aux problèmes », a écrit l’ancienne chancelière, soulignant ses efforts pour conclure des accords multilatéraux sur l’immigration à la place.

    C’est l’une des promesses de l’insurrection populiste qui porte les droites radicales au gouvernement, ou aux portes du pouvoir : reprendre le contrôle des frontières.

    • Sous prétexte d’arrêter les flux migratoires, l’Allemagne, l’Autriche et le Danemark, entre autres, ont réimposé les contrôles aux frontières.
      • La France l’a déjà mis en place à plusieurs reprises ces dernières années.
    • Pourtant, les franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’UE ont chuté cette année.
      • Frontex, l’agence européenne des frontières, a enregistré une baisse de 42 % d’une année sur l’autre au cours des neuf premiers mois de 2024.
      • Il y a eu une forte augmentation des traversées de la Mediterranée orientale et une forte hausse des tentatives d’entrée dans l’UE via les Canaries (cf. EIH 5/11/23)
      • Mais ces chiffres sont plus qu’annulés – en moyenne -par la forte baisse des traversées terrestres via les Balkans et des traversées maritimes via l’Italie.
    • Le retour des frontières dures d’avant Schengen n’est pas encore à l’ordre du jour, mais les effets économiques et sociaux resteront considérables, surtout pour les 2 millions de navetteurs transfrontaliers dans l’UE (selon le dernier rapport d’Eures sur la mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’UE).
      • En outre, c’est le sentiment collectif d’être européen qui est en jeu, soulignent certains observateurs comme Eurointelligence.
      • Faisant référence au Brexit, la présence de contrôles aux frontières du Royaume Uni qui n’était pas membre de Schengen aurait ainsi renforcé le sentiment inconscient que le reste de l’UE était étranger.

    Centres de rétention de migrants en Albanie : un tribunal italien saisit la Cour de justice de l’UE

    11/11/2024 – 18:38 UTC+1

    Vue aérienne du  centre de rétention italien pour migrants dans le port albanais de Shengjin.

    Tous droits réservés Vlasov Sulaj/Copyright 2024 The AP. All rights reserved

    Par euronews avec agences

    Un deuxième revers judiciaire pour la politique migratoire du gouvernement de Giorgia Meloni : ce lundi, un tribunal de Rome a finalement annoncé avoir saisi la Cour de justice de l’Union européenne pour trancher le débat sur les camps de rétention en Albanie. Cette saisine bloque de fait tous les transferts vers les centres de rétention dans ce pays.

    Les juges italiens ont décidé de saisir les Hauts magistrats de Luxembourg pour s’assurer que la législation italienne soit bien conforme aux textes européens. Pour des questions de délai légal, les sept migrants concernés, de nationalités égyptienne et bangladaise, « retourneront en Italie dans les prochaines heures », a indiqué une source gouvernementale.

    Dans une affaire précédente, des juges de la section des affaires migratoires du tribunal de Rome avaient déjà annulé la rétention des 12 premiers migrants conduits en Albanie, invoquant un récent arrêt de la CJUE sur les pays de provenance considérés « sûrs » par les pays d’accueil.

    Pour contourner l’obstacle, le gouvernement de Giorgia Meloni avait adopté 48 heures plus tard un décret en inscrivant dans la loi 19 pays considérés comme « sûrs » par le gouvernement. 

    Face à ce décret, des juges du tribunal de Bologne ont également saisi il y a quinze jours la Cour de Luxembourg pour clarifier la situation face aux « divergences évidentes » et aux « conflits d’interprétation » dans le système juridique italien.

    Ils ont également estimé qu’il n’était pas possible de déclarer des pays entiers sûrs lorsqu’il existe des preuves de la persécution de minorités.

    « On pourrait dire, paradoxalement, que l’Allemagne nazie était un pays extrêmement sûr pour la grande majorité de la population allemande : à l’exception des juifs, des homosexuels, des opposants politiques, des personnes d’origine rom et d’autres groupes minoritaires », ont-ils plaidé.

    Les centres prévus pour accueillir les personnes migrantes en Albanie, après l’accord signé entre Rome et Tirana, prévoient qu’à l’exception des personnes vulnérables, les migrants secourus en mer Méditerranée par les garde-côtes italiens soient désormais pris en charge sur le sol albanais moyennant un financement de l’Italie.

    Ce projet controversé d’externalisation des centres de rétention en dehors de l’Union européenne fait débat. En octobre dernier, les chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient penchés sur la question. Dans une lettre adressée aux capitales, Ursula von der Leyen avait lancé le débat en proposant d’accélérer les retours et d’ouvrir des centres de rétention dans des pays tiers. Cette proposition répondait à une demande de 15 États membres qui souhaitaient transférer les déboutés du droit d’asile vers des pays tiers sûrs.

    Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 58 504 migrants sont arrivés en Italie entre le 1er janvier et le 11 novembre 2024, contre 146 868 sur la même période en 2023.

    https://fr.euronews.com/my-europe/2024/11/11/centres-de-retention-de-migrants-en-albanie-un-tribunal-italien-saisit-la-cour-de-justice-

    Les Vingt-sept divisés sur le Pacte asile et migration

    La pression s’intensifie pour accélérer la mise en œuvre du Pacte sur l’asile, prévue pour juin 2026 : l’Espagne, la France et les Pays-Bas y sont favorables. A l’inverse, “la Pologne souhaite mettre à profit l’année et demie qui reste avant l’entrée en vigueur du pacte pour combler ce qu’elle considère comme des ‘lacunes’ dans le pacte, et elle n’est pas la seule” constate El Periódico. De nombreux gouvernements européens remettent aujourd’hui en question un ensemble de lois qu’ils ont adoptées il y a quatre mois, “ce qui met une fois de plus en évidence les divisions entre les 27 Etats membres de l’UE”.

    Samedi dernier, le Premier ministre polonais Donald Tusk a demandé à Bruxelles la possibilité de suspendre partiellement le droit d’asile pour les migrants qui entrent illégalement depuis la Biélorussie. “Une requête faisant écho à une loi finlandaise, adoptée en juillet, autorisant Helsinki à s’exonérer de l’application de ce droit en cas d’attaque hybride [de la part de la Russie]. Et les trois pays baltes sont prêts à adopter des législations similaires”, indique Le Monde. “Face à cette tentation de plus en plus forte des dirigeants de s’exonérer du droit européen et des obligations internationales en matière d’immigration, [la Commission européenne] tente de tenir bon”, ajoute le journal du soir.

    La présidente Ursula von der Leyen “a expliqué dans une lettre envoyée lundi soir à tous les Etats membres comment elle envisageait la suite des événements” [FAZ]. Parmi les dix points énoncés figure un débat sur les “solutions innovantes”, telle que “la coopération avec les pays tiers”, fait savoir le quotidien allemand. “Il s’agit ici d’expulser les demandeurs d’asile déboutés vers des pays tiers disposés à coopérer – qu’il faudrait encore trouver”.

    Malgré le contexte, plusieurs États détonnent. En Espagne, le Premier ministre socialiste Sanchez a prononcé un discours marquant mercredi dernier, déclarant “Nous, les Espagnols, nous sommes des enfants de l’immigration” et appelant à la mise en œuvre du Pacte migration et asile dès 2025 (au lieu de 2026). De même, la Pologne et la Tchéquie sont vent debout contre les contrôles aux frontières intérieures de l’Union mises en place par l’Allemagne.

    Exemples :

    Lors d’un discours prononcé samedi à l’occasion d’un rassemblement de son mouvement Coalition civique, Donald Tusk a annoncé vouloir suspendre de manière temporaire le droit d’asile. “Je dis tout haut aujourd’hui que parmi les éléments de la stratégie de migration figurera la suspension territoriale temporaire du droit d’asile”, a-t-il affirmé, en assurant que la Pologne allait lutter “sans merci” contre l’immigration illégale [Ouest-France].

    Le Premier ministre, qui devait présenter ce week-end sa stratégie migratoire, a reporté l’annonce officielle au mardi 15 octobre. La Pologne reproche à la Biélorussie et la Russie d’organiser une “attaque hybride” en facilitant l’arrivée de migrants afin de déstabiliser la région et l’Union européenne, explique Ouest-France.

    Selon Politico, Minsk est accusée “d’offrir des visas à des personnes désespérées vivant dans des pays déchirés par la guerre, comme la Syrie, et de les encourager à se rendre [en Biélorussie] en tant qu’étape de transit sur le chemin de l’Union européenne”. Des garde-frontières biélorusses ont même été vus aidant activement des groupes à la frontière, ajoute le média.

    Nous savons très bien comment […] ce droit d’asile est utilisé contre son essence même”, a déclaré le chef du gouvernement polonais en insistant sur la nécessité pour la Pologne “de reprendre le contrôle à 100 %” [BBC].

    Aucun des États membres de l’UE ne s’est opposé à une telle solution, a affirmé Donald Tusk, expliquant que c’était parce que tout le monde savait que les régimes étrangers, y compris les régimes biélorusse et russe, étaient impliqués dans le trafic d’êtres humains.

    Dans une lettre envoyée aux États membres lundi 14 octobre au soir, Ursula von der Leyen a approuvé le concept de créer des centres de retour pour les exilés en dehors de l’UE.

    Cette lettre est envoyée en prévision du Conseil européen de jeudi et vendredi 17 et 18 octobre, pendant lequel les chefs d’État et de gouvernement se réuniront à Bruxelles discuteront notamment de la question migratoire.

    « Avec le début des opérations du protocole entre l’Italie et l’Albanie, nous pourrons également tirer des leçons de cette expérience dans la pratique », écrit Ursula von der Leyen.

    En mai, les États membres ont appelé la Commission à s’appuyer « sur des modèles tels que le protocole Italie-Albanie », qui permet à l’Italie d’externaliser les demandes d’asile des personnes secourues par les garde-côtes italiens dans les eaux internationales.

    La lettre a été envoyée le jour du départ du premier navire transportant des exilés vers l’Albanie depuis Lampedusa.

    Les spécificités du fonctionnement des centres de retour au niveau européen restent floues, bien que dans sa lettre, la présidente de la Commission semble répondre à l’appel des États membres en faveur d’un modèle similaire au Mécanisme de transit d’urgence du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Par le biais de ce mécanisme, les personnes vulnérables transitant par la Libye avant de tenter de traverser la Méditerranée pourraient être relocalisées dans des pays tiers plus sûrs, notamment le Niger ou le Rwanda.

    Cette approche avait été mentionnée par les États membres dans une lettre adressée à la Commission en mai dernier, peu avant les élections européennes.

    La nouvelle lettre d’Ursula von der Leyen précise que la Commission étudiera une approche « tout au long du parcours [des exilés] », qui inclurait l’externalisation des procédures de demande d’asile vers des pays tiers considérés comme « sûrs », en étroite collaboration avec le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

    À l’approche du sommet, la présidente de la Commission se fait l’écho des appels lancés par les États membres pour accélérer la mise en œuvre du Pacte sur l’asile et la migration, la législation phare qui devrait réorganiser une grande partie des politiques migratoires communes de l’UE.

    Au-delà de la mise en œuvre des mesures actuelles, Ursula von der Leyen confirme qu’une nouvelle proposition législative remplacera la « directive retour » de 2008, jugée inadéquate pour faire face aux nouveaux défis migratoires.

    Les nouvelles négociations sur la directive, qui vise à créer des normes communes pour le retour des personnes en situation irrégulière dans l’UE vers des pays de transit ou leur pays d’origine, ont été ouvertes pour la première fois en 2018, mais les discussions ont été bloquées au niveau de la commission parlementaire et n’ont jamais été reprises.

    Dans sa lettre, Ursula von der Leyen exhorte les États membres et le Parlement à traiter « rapidement » la nouvelle proposition qu’elle présentera.

    Les Vingt-Sept vont débattre d’une « mise en œuvre accélérée » du pacte migratoire de l’UE

    Lors d’un sommet européen qui se tiendra à Bruxelles les 17 et 18 octobre, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE devraient débattre de l’accélération de la mise en œuvre du Pacte sur la migration et l’asile adopté plus tôt cette année.

    La Constitution française pourrait bloquer les « centres de retour »

    Malgré l’initiative de la présidente de la Commission, la France affirme d’ores et déjà que les efforts de l’UE en matière d’externalisation ne manqueront pas de poser des problèmes juridiques.

    « Il y a un problème en France parce que le préambule de la Constitution de 1946 ne le permet pas, [et exige] que les demandes d’asile soient analysées sur le territoire français », a souligné Bruno Retailleau sur la télévision publique française ce mardi.

    Bien qu’il n’ait pas encore présenté d’analyse juridique détaillée, le ministre de l’Intérieur semble faire référence à une clause constitutionnelle qui stipule que « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».

    Cela signifie qu’un accord similaire à celui conclu entre l’Italie et l’Albanie n’est pas quelque chose que la France pourrait entreprendre seule sans violer sa propre loi fondamentale.

    Au lieu de cela, Bruno Retailleau — dont la position répressive sur l’immigration et les affirmations selon lesquelles l’État de droit n’est pas « sacré » sont bien documentées — a fait l’éloge du travail accompli par l’UE avec les pays tiers qui se trouvent sur les routes migratoires menant à l’espace Schengen.

    « C’est à la suite de ces accords bilatéraux [avec l’Égypte et la Tunisie] quel’Italie est parvenue à réduire de 64 % les flux d’immigration irrégulière vers l’Italie. Je pense que nous pouvons nous en inspirer. »

    Alors que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau affiche des positions très dures sur les questions migratoires, la délégation française de Renaissance au Parlement européen (Renew) semble de moins en moins en phase avec la politique prônée par le gouvernement, dont est pourtant membre le mouvement d’Emmanuel Macron.

    Alors que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau semble décidé à mener une politique très répressive sur les questions migratoires, les députés européens de Renaissance se démarquent de la ligne prônée par le gouvernement Barnier.

    Migrations : à quoi pourraient ressembler les « centres de retour » envisagés par l’UE ?

    Par :  Théo Bourgery-Gonse |  EURACTIV.com | translated by  Sarah Chaumot

    Les États membres de l’Union européenne (UE) et la Commission envisagent la création de « centres de retour » vers lesquels pourraient être transférés certains migrants. Cependant, beaucoup ignorent encore en quoi ils pourraient consister, et peu comprennent pleinement les risques juridiques de ces opérations.

    Durcissant le ton sur les questions migratoires, plusieurs États de l’UE ont évoqué, tout comme la Commission européenne, la mise en place de « centres de retour ». Cependant, personne ne semble vraiment savoir de quoi il pourrait s’agir.

    Le Pacte sur la migration et l’asile, une révision majeure de la politique migratoire de l’UE adoptée en mai dernier, avait été critiqué pour son manque d’ambition. Aujourd’hui, nombre de capitales européennes souhaitent externaliser une partie de la gestion des questions migratoires hors de l’UE.

    Dans une lettre adressée aux États membres en début de semaine, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, affirmait qu’il fallait « continuer à étudier les possibilités de développer des centres de retour en dehors de l’UE, en particulier dans la perspective d’une nouvelle proposition législative sur les retours ».

    La cheffe de l’exécutif européen faisait également référence à l’accord migratoire conclu entre l’Italie et l’Albanie.

    « Avec le début des opérations du protocole italo-albanais, nous serons également en mesure de tirer des leçons de cette expérience dans la pratique », écrivait la responsable politique allemande.

    Seul hic, ni les États membres ni la Commission n’ont jusqu’à présent été en mesure de donner une idée claire de la finalité de ces centres et de la manière dont ils s’aligneraient sur les droits européen et international.

    La compréhension générale est « qu’il s’agirait de centres dans des pays tiers où certaines personnes prises au piège de l’asile et de la migration seront forcées de se rendre », explique Catherine Woollard, directrice du Conseil européen sur les Réfugiés et les Exilés (ECRE).

    « Mais qui seront ces personnes et ce qu’il se passera dans les centres [reste à voir] », a-t-elle ajouté.

    Alors que les dirigeants des Vingt-Sept se réunissent les 17 et 18 octobre à Bruxelles pour un sommet européen dont l’immigration sera le thème central, il semble important d’essayer de clarifier ce que ces « centres de retour » pourraient être.

    Option n°1 : Externalisation du traitement des demandes d’asile

    La première option s’inspire de l’accord récemment mis en œuvre entre l’Italie et l’Albanie.

    En vertu de cet accord, les garde-côtes italiens sont chargés de transférer les réfugiés masculins interceptés en mer vers des centres situés sur le territoire albanais.

    De leur côté, les femmes, les enfants et les personnes vulnérables doivent, en vertu de la loi, être autorisés à débarquer en Italie.

    Ces centres en Albanie, financés par Rome, fonctionnent sous la juridiction italienne et traitent les demandes d’asile avant de décider si les exilés sont autorisés à entrer sur le territoire italien — et, par extension, dans l’UE.

    Cet accord bilatéral, le premier en son genre, a été présenté par plusieurs capitales de l’UE comme une approche prometteuse pour externaliser le traitement des demandes d’asile avant même que les réfugiés ne mettent le pied sur le continent.

    Il s’inscrit également dans le cadre de discussions plus larges sur des procédures communes concernant le retour des migrants qui n’ont pas obtenu le droit d’asile dans l’UE. Une révision de la directive sur les retours est envisagée par Bruxelles, de même que la négociation de nouveaux accords de coopération que l’UE pourrait signer avec des pays tiers.

    Mais l’accord entre l’Italie et l’Albanie, et son éventuelle reproduction au niveau européen, entre techniquement en conflit avec la législation européenne, puisque cette dernière précise que les procédures d’asile ne peuvent se dérouler que sur le territoire de l’Union.

    « Les protections requises par le droit primaire et secondaire de l’UE [et qui seront appliquées par la Cour de justice de l’Union européenne] ne peuvent être respectées dans un pays tiers », note Catherine Woollard, notamment en ce qui concerne l’accès à l’assistance juridique ou le recours non automatique à la détention.

    Les capitales européennes sont bien conscientes de ces limites.

    « Il n’existe pas de modèle européen. Il n’y a qu’un concept que certains États membres envisagent », souligne pour sa part un ambassadeur de l’UE auprès d’Euractiv.

    La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Yvla Johannson, a également nié la semaine dernière que l’idée des « centres de retour » constituait une proposition de la Commission.

    Certains dirigeants de l’UE devraient encore faire pression pour une « solution européenne » semblable à l’accord entre Rome et Tirana. Le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis devrait par exemple défendre ce point de vue lors des discussions au Conseil jeudi.

    Mais les défis juridiques et politiques liés au modèle italo-albanais pour l’externalisation des demandes d’asile font qu’il est peu probable que celui-ci devienne un jour une solution à l’échelle de l’UE.

    Option n°2 : Renvoyer ceux qui doivent être renvoyés

    La deuxième option consiste à créer des centres de retour dans des pays tiers où les personnes auxquelles l’UE a refusé l’asile seraient placées en attendant d’être définitivement renvoyées dans leur pays d’origine.

    Contrairement à la première option, ces centres ne seraient pas utilisés pour traiter les demandes d’asile elles-mêmes, mais se concentreraient sur les renvois de demandeurs d’asile déboutés.

    Cette conception des « centres de retour » fait écho à une proposition présentée par quinze États membres en mai dernier, appelant la Commission à intensifier ses travaux en matière de politique migratoire et à mettre en place des centres de retour « où les personnes expulsées pourraient être transférées dans l’attente de leur renvoi définitif » dans leur pays d’origine.

    Cette approche est jugée plus fonctionnelle que le modèle Italie-Albanie, et elle semble être en accord avec la législation européenne régissant les procédures d’asile, ont expliqué plusieurs experts en migration à Euractiv.

    Mais là aussi quelques zones d’ombre subsistent.

    Certains s’inquiètent du fait que ces centres pourraient permettre une détention illégale et créer des situations dans lesquelles les migrants ne pourraient pas être renvoyés dans leur pays d’origine parce qu’il n’est pas sûr ou parce que ce pays refuse de les accepter.

    Cette deuxième option « laisse beaucoup de questions en suspens parce qu’elle créerait un vide juridique pour les personnes qui s’y trouvent, sans accès à leurs droits », souligne pour Euractiv l’eurodéputée néerlandaise Tineke Strik (Verts/ALE), qui a mené les négociations pour une révision de la directive sur les retours en 2019.

    Pour l’eurodéputée, cela augmente également les risques de refoulement — c’est-à-dire le renvoi illégal des personnes en situation irrégulière vers des pays d’origine peu sûrs. Cela constituerait une violation de la Convention de Genève relative à la protection des réfugiés.

    Il appartient désormais aux dirigeants de l’UE et à la Commission européenne d’envisager une proposition concrète pour ces « centres de retour ». Bien que plusieurs options soient sur la table et que les dirigeants se penchent sur la question, il est peu probable qu’un point de vue clair émerge de sitôt.

    Italie : des juges contestent la politique du gouvernement sur le rapatriement des migrants

    Par :  Alessia Peretti et Nicoletta Ionta |  EURACTIV.com avec AFP | translated by  Marine Béguin

    Des juges italiens ont contesté la nouvelle politique du gouvernement de Giorgia Meloni en matière de retours de migrants, arguant que le fait de déclarer les pays d’origine « sûrs » tant que la population générale y vit en sécurité aurait signifié que l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste étaient « sûres ».

    Des juges du tribunal de Bologne ont demandé la semaine dernière à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’intervenir à la suite des modifications apportées à la loi par le gouvernement Meloni, qui ont provoqué des « conflits d’interprétation », selon un document judiciaire vu mardi 29 octobre par l’AFP.

    Le gouvernement d’extrême droite tente de trouver un moyen de contourner l’opposition de la justice à son accord sur les migrants passé avec l’Albanie — qui prévoit que les migrants secourus par l’Italie dans les eaux internationales soient envoyés en Albanie pour que leur demande d’asile soit traitée.

    Les premiers migrants qui ont été envoyés pour traitement de leurs dossiers dans des centres gérés par l’Italie en territoire albanais au début du mois d’octobre ont été ramenés en Italie après quelques jours seulement, après le refus des juges de Rome d’approuver leur détention dans ces centres.

    Suite à cette décision, le gouvernement de Giorgia Meloni s’est empressé de travailler sur un décret visant à modifier la liste des « pays sûrs » de l’Italie.

    Les magistrats romains ont déclaré suivre un arrêt de la CJUE selon lequel les pays dits « sûrs » pour le retour de demandeurs d’asile déboutés doivent l’être dans leur totalité — et non seulement certaines régions. L’Italie a pour sa part établi une liste de pays sûrs avec des exceptions, telles que la persécution de certaines catégories de personnes, comme celle que subit la communauté LGBTQIA+.

    En réponse, le gouvernement a rapidement modifié la loi, supprimant les directives précédentes.

    Le 25 octobre, les juges du tribunal de Bologne ont demandé à la Cour européenne de clarifier la situation face aux « divergences évidentes » et aux « conflits d’interprétation » dans le système juridique italien.

    Qu’est-ce qu’un pays sûr ?

    Selon le droit international, un « pays d’origine sûr » est un pays où, dans le cadre de lois démocratiques et de conditions politiques stables, il n’y a pas de risque constant de persécution, de torture, de traitement inhumain ou de violence aveugle. Bien qu’il n’existe pas de liste normalisée de pays tiers sûrs dans l’UE, le nouveau règlement relatif à la procédure d’asile dans le cadre du nouveau Pacte sur la migration et l’asile prévoit une révision du concept d’ici 2025.

    Dans leur requête, les juges affirment qu’une définition de « pays d’origine sûr » basée uniquement sur les risques pour la sécurité de la population en général vide le terme de son sens. Selon eux, cette logique signifie que presque « n’importe quel pays du monde » pourrait être considéré comme sûr, ce qui enlève au concept toute consistance juridique.

    Ils estiment également qu’il n’est pas possible de déclarer des pays entiers sûrs lorsqu’il existe des preuves de la persécution de minorités.

    « Le système de protection internationale est, par nature, un système juridique de garantie pour les minorités exposées aux risques d’agents persécuteurs, qu’ils soient étatiques ou autres », ont écrit les juges.

    « On pourrait dire, paradoxalement, que l’Allemagne nazie était un pays extrêmement sûr pour la grande majorité de la population allemande : à l’exception des juifs, des homosexuels, des opposants politiques, des personnes d’origine rom et d’autres groupes minoritaires, plus de soixante millions d’Allemands jouissaient d’un niveau de sécurité enviable », ont-ils déclaré. « La même chose pourrait être dite de l’Italie sous le régime fasciste. »

    Les juges remettent également en question l’application du décret, notant que les règlements européens précèdent les lois nationales et que les critères du gouvernement pour désigner un pays comme « sûr » sont en contradiction avec le droit européen en vigueur.

    L’arrêt de Bologne confirme qu’un conflit juridique persiste dans l’application entre « le décret émis par le gouvernement définissant les pays considérés comme sûrs et le droit de l’Union européenne tel qu’interprété par l’arrêt du 4 octobre », explique à Euractiv Stefano Musolino, secrétaire du pouvoir judiciaire démocratique et procureur adjoint à Reggio de Calabre.

    L’arrêt de Bologne a été initié par un citoyen du Bangladesh, un des pays « sûrs » énumérés dans le décret de Giorgia Meloni, dont la demande a été rejetée.

    Bras de fer juridique

    Si la CJUE confirme que l’arrêt du 4 octobre prime sur le décret italien, le gouvernement de Giorgia Meloni « devra accepter que la détermination d’un “pays sûr” ne peut pas être établie par la loi, mais doit être vérifiée par les juges sur la base des informations sur le pays d’origine et sur l’ensemble du territoire du pays d’origine et de toutes les minorités qui y sont présentes », explique Stefano Musolino.

    « Je ne sais pas si cela signifiera “dire adieu au projet Albanie”, mais cela conduira certainement à une réduction de la validation des expulsions frontalières », ajoute-t-il.

    On ne sait pas précisément combien de temps durera la procédure devant la CJUE, mais il pourrait s’écouler plusieurs années avant qu’elle ne progresse à travers les deux niveaux de jugement, laissant le projet albanais dans un vide juridique potentiellement indéfini.

    Depuis des années, l’Italie est en première ligne face au phénomène des migrants qui traversent la Méditerranée. Giorgia Meloni a été élue en 2022 en promettant notamment d’y mettre un terme.

    Sa coalition s’est déjà heurtée à la justice italienne dans ses tentatives d’entraver l’action des organisations caritatives qui portent secours aux migrants en mer.

    Euractiv a contacté le gouvernement italien pour obtenir un commentaire, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.

    [Édité par Anna Martino]

    https://www.euractiv.fr/section/institutions/news/migrations-a-quoi-pourraient-ressembler-les-centres-de-retour-envisages-par-lue/?utm_source=Euractiv&utm_campaign=df887058f4-EMAIL_CAMPAIGN_2023_11_03_09_29_COPY_27&utm_medium=email&utm_term=0_-340ef6fac4-%5BLIST_EMAIL_ID%5D

    https://www.euractiv.fr/section/international/news/crise-migratoire-ursula-von-der-leyen-soutient-les-centres-de-retour-la-france-est-bloquee-par-sa-constitution/?utm_source=Euractiv&utm_campaign=ac58f6ea4c-EMAIL_CAMPAIGN_2023_11_03_09_29_COPY_83&utm_medium=email&utm_term=0_-340ef6fac4-%5BLIST_EMAIL_ID%5D

    https://www.euractiv.fr/section/international/news/italie-des-juges-contestent-la-politique-du-gouvernement-sur-le-rapatriement-des-migrants/?utm_source=Euractiv&utm_campaign=ba2e2a2d34-EMAIL_CAMPAIGN_2023_11_03_09_29_COPY_91&utm_medium=email&utm_term=0_-340ef6fac4-%5BLIST_EMAIL_ID%5D

  • Le devoir de vigilance européen menacé par le Medef européen

    Clément Fournier

    Publié le 13 novembre 2024

    Le devoir de vigilance européen menacé ? Dans une lettre ouverte, Business Europe, le Medef européen, réclame un report de la directive et une simplification des obligations. Une charge qui inquiète déjà les acteurs de la transition écologique et sociale.

    Bientôt un recul sur le devoir de vigilance européen ? Après les propositions de moratoire sur la CSRD, après le report de la loi sur la déforestation importée, c’est au tour de la CS3D, directive sur le devoir de vigilance européen, d’être sous le feu des critiques en Europe. Dans une lettre ouverte, 25 associations européennes de lobbyisme représentant les intérêts des entreprises, dont Business Europe, le Medef européen, ont appelé la Commission européenne à des actions visant à “alléger la charge” des obligations de vigilance et à en décaler l’application.

    La directive sur le devoir de vigilance européen, votée difficilement en avril dernier au Parlement Européen, instaure une obligation pour les entreprises opérant en Europe de mettre en place des dispositifs visant à identifier et prévenir les atteintes aux droits humains et environnementaux tout au long de leur chaîne de valeur. Une obligation essentielle du Green Deal européen pour la transition écologique et sociale des entreprises, qui suscite cependant l’opposition des acteurs privés depuis des mois.

    “Complexité”, “incertitude”

    Dans leur lettre, les représentants des intérêts du secteur privé estiment ainsi que la directive, en instaurant de nouvelles obligations en matière de respect des droits sociaux et environnementaux pour les multinationales, va “impacter” les entreprises européennes, et créer de la “complexité et de l’incertitude”. Les signataires considèrent que la Commission européenne devrait mettre en place une procédure pour examiner les effets de la directive sur la compétitivité, et “identifier et traiter les domaines prioritaires dans lesquels la simplification, la clarification et la réduction des charges devraient être réalisées”, “en consultation avec les entreprises et leurs associations professionnelles”.

    Les associations professionnelles réclament également que soient publiées des lignes directrices pour accompagner les entreprises dans la mise en place de leur conformité au devoir de vigilance, ce que la Commission Européenne a pourtant déjà fait dès juillet dernier, en précisant les conditions d’application du devoir de vigilance européen. Arguant de la difficulté de la mise en place des mesures du devoir de vigilance, les signataires appellent également l’Europe à “prévoir une période de transition prolongée pour les entreprises”, autrement dit, un décalage de l’application du devoir de vigilance européen. La lettre ouverte précise que ces changements sont “essentiels pour la compétitivité des entreprises” et notamment celle “des PME, qui seront indirectement mais considérablement affectées par la législation”.

    “Arguments du vieux monde”

    L’argumentaire reprend ainsi les éléments de langage du rapport Draghi sur la compétitivité, qui mettait déjà en cause les réglementations sociales et environnementales au nom de la simplification administrative. Des critiques également reprises par certains représentants politiques, notamment en Allemagne, où la droite dure et néo-libérale du FDP (Parti libéral-démocrate) tente d’imposer un retour en arrière sur le devoir de vigilance. Dans ce contexte, la charge des lobbies européens contre le devoir de vigilance inquiète déjà certains acteurs de la transition écologique et sociale.

    Clara Alibert, chargée de plaidoyer Acteurs Économiques chez CCFD-Terre Solidaire s’alarme auprès de Novethic : “la lecture des signataires donne froid dans le dos… Le secteur des phytosanitaires, de la pharmacologie, du textile et du pétrole… Des secteurs hautement à risque pour les droits humains et l’environnement !” L’experte voit dans cette lettre ouverte “une tentative du vieux monde du business as usual pour bloquer toute tentative d’amélioration de l’économie et de réduction des externalités négatives,” alors qu’un mouvement plus large de remise en cause des réglementations sociales et environnementales se structure en Europe ces derniers mois.

    “Nous faire croire que ces multinationales ne sont pas équipées pour suivre et prévenir les risques sur leurs chaînes de valeur est un mensonge honteux alors que les crises socio-environnementales se multiplient”, explique ainsi Clara Alibert. Quant aux PME, “le texte a prévu de s’attacher à les protéger notamment via des aides financières”, ajoute-t-elle. En France, la loi sur le devoir de vigilance, en vigueur depuis 2017, qui porte d’ailleurs exclusivement sur les grandes entreprises, et a permis à la société civile de faire valoir ses droits dans plusieurs procès visant à faire respecter les droits humains et environnementaux.

    En février dernier, alors que les attaques se multipliaient déjà contre la directive sur le devoir de vigilance européen, une coalition d’entreprises européennes de toutes tailles, avait au contraire appelé à soutenir le devoir de vigilance européen, rappelant : “La CSDDD ne constitue pas une menace pour les entreprises européennes mais une opportunité historique de construire un cadre économique équitable pour tous et de mettre fin aux avantages des entreprises qui agissent au détriment des droits humains et de l’environnement.” 

    C’est ce qu’a rappelé le Commissaire européen chargé de la mise en œuvre de la CSDDD lors de son audition devant le Parlement il y a quelques jours, précisant que son objectif ne serait pas “d’affaiblir les règles, mais de fournir toutes les orientations nécessaires dont les entreprises ont besoin pour se conformer au devoir de vigilance.” ■

  • Compétitivité : la déclaration de Budapest, quelles ambitions ?

    Grain de sel : Après la publication du rapport Draghi, les dirigeants européens ont adopté ce vendredi une déclaration sur la compétitivité européenne. Une ambition à la hauteur de l’alerte ? Un défi pour la prochaine Commission.

    Complément : L’intervention du PR au Collège de France sur la compétitivité européenne.

    Deux jours après l’élection de Donald Trump, les dirigeants de l’Union européenne (UE) ont approuvé un accord de compétitivité édulcoré, lors d’un sommet informel du Conseil européen à Budapest, vendredi 8 novembre.

    Un Nouveau Pacte européen de Compétitivité »

    Les 27 États membres de l’UE, accompagnés du président du Conseil européen Charles Michel et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ont adopté la « Déclaration de Budapest sur le Nouveau Pacte européen de Compétitivité ».

    Avec pour objectif de « combler le fossé en matière d’innovation et de productivité, tant avec nos concurrents mondiaux qu’au sein de l’UE », indique la déclaration.

    Alors que la réélection de Donald Trump s’imprime dans tous les esprits – annonçant un potentiel désintérêt des États-Unis pour l’UE et une baisse ou un arrêt des financements en direction de l’Ukraine – l’autonomie stratégique était au cœur des discussions des dirigeants de l’UE jeudi soir et vendredi.

    « Les États-Unis sont notre plus grand partenaire économique et commercial. Nous allons immédiatement construire une bonne relation avec la nouvelle administration, afin de forger au mieux l’agenda transatlantique », a expliqué Ursula von der Leyen lors de la conférence de presse de clôture du sommet, alors que Donald Trump menace d’imposer une taxe de 20 % sur les produits européens entrant aux États-Unis.

    L’UE est prête à « engager [le dialogue avec les États-Unis], à discuter de nos intérêts communs, puis à entamer des négociations » pour que, si de nouvelles barrières commerciales devaient être introduites, cela se fasse de manière coordonnée et ouverte, a ajouté Ursula von der Leyen.

    La présidente de la Commission a également laissé entendre qu’un levier potentiel de négociations pourrait être de remplacer le gaz naturel liquéfié (GNL) russe par le GNL américain.

    « [Trump] viendra avec des idées commerciales. Nous devons nous lever, négocier et conclure un accord. Tout dépend de notre force et de notre détermination », a déclaré aux journalistes le Premier ministre hongrois Viktor Orbán.

    Les dirigeants de l’UE ont également participé jeudi 7 novembre au sommet de la Communauté politique européenne (CPE), le premier depuis l’annonce des résultats des élections américaines, alors que Viktor Orbán tente de s’imposer au sein de l’UE comme un interlocuteur privilégié du nouveau président américain.

    Dans ses remarques préliminaires au sommet de la CPE, le président Emmanuel Macron avait averti que l’Europe risquait de devenir un « herbivore » dans un monde de « carnivores ».

    Une déclaration édulcorée

    Dans ce contexte, la Déclaration de Budapest, publiée plus tôt dans la journée, visait à renforcer l’autonomie de l’Europe, et à apaiser les craintes que le continent ait à pâtir d’une administration Trump 2.0.

    La déclaration, qui intègre bon nombre de recommandations du rapport Draghi, explique vouloir développer l’Union des marchés des capitaux (UMC), prendre des « mesures décisives » en vue d’une Union de l’épargne et de l’investissement d’ici 2026, et définir les contours d’un pacte industriel vert dans les 100 premiers jours de la nouvelle Commission.

    « Il a été facile de parvenir à un accord sur la compétitivité car ce n’est pas idéologique, c’est très pragmatique », a déclaré Viktor Orbán, appelant à « rendre l’Europe à nouveau grande » en référence au célèbre slogan de Donald Trump « Make America Great Again ».

    Mais des fissures apparaissent déjà.

    La version finale de la déclaration est ainsi bien éloignée de l’ébauche originale de Charles Michel, sans aucune mention de la nécessité « d’éliminer les barrières transfrontalières » dans le secteur des télécommunications, d’harmoniser les lois sur l’insolvabilité des États membres, de réformer le marché de la titrisation de l’UE ou de parvenir à une plus grande « convergence » dans la supervision financière et la fiscalité.

    Les nouveaux outils financiers à la disposition de l’UE pour soutenir les transitions énergétiques et numériques et continuer à financer les efforts de guerre de l’Ukraine, tels que les « ressources propres » et la dette commune, doivent seulement être « explorés », a indiqué Charles Michel aux journalistes vendredi.

    L’UE garde également un œil attentif sur la situation politique en Allemagne, où la coalition du chancelier Olaf Scholz s’est effondrée mercredi 6 novembre et alors que des élections anticipées pourraient être annoncées avant mars.

    La Hongrie isolée sur le dossier ukrainien ? 

    Charles Michel et Ursula von der Leyen ont enfin réitéré leur soutien à l’Ukraine – mais n’ont fourni aucune garantie que l’UE soit en mesure de compenser la baisse ou la suppression de l’aide américaine.

    En 2023, Donald Trump avait déclaré à ses partisans qu’il mettrait fin à la guerre de la Russie « en 24 heures », sans préciser quand devait commencer cette période de 24 heures.

    Pendant ce temps, Viktor Orbán a dû défendre sa position « pro-paix » sur l’Ukraine, niant avoir jamais été « isolé » sur la scène européenne.

    Réaffirmant que la Hongrie ne souhaitait pas s’impliquer dans la guerre, il a averti que « le temps ne joue pas en faveur de l’Ukraine » et que Kiev et Moscou devaient dès que possible se préparer à un cessez-le-feu.

    Le Premier ministre hongrois a déclaré aux journalistes avoir proposé l’idée au président ukrainien Volodymyr Zelensky en juillet dernier, mais que ce dernier l’avait rejetée. « Si vous avez une opinion et que vous êtes seul, et qu’il y a 26 autres avis, ce n’est pas de l’isolement, c’est une discussion », a déclaré le Premier ministre hongrois.

    « Être seul avec mon opinion et essayer de convaincre les autres, c’est dans mon ADN », a-t-il ajouté.

    https://www.euractiv.fr/section/all/news/trumps-shadow-hangs-over-eu-leaders-meeting-in-budapest/

    Le texte de la déclaration

    À la suite des phénomènes météorologiques extrêmes dévastateurs en Espagne, nous présentons nos plus sincères condoléances au peuple espagnol auquel nous témoignons toute notre solidarité, en particulier aux familles et aux amis des victimes.

    *

    * *

    Face aux nouvelles réalités géopolitiques et aux défis économiques et démographiques, nous, dirigeants de l’Union européenne, sommes déterminés à assurer notre prospérité économique commune et à renforcer notre compétitivité, en faisant de l’UE le premier continent neutre pour le climat au monde et en assurant la souveraineté de l’UE ainsi que sa sécurité, sa résilience et son influence à l’échelle mondiale.

    Sur la base des travaux entamés à Versailles et poursuivis à Grenade, à Bruxelles et dans le programme stratégique, nous rendrons l’Union plus compétitive, plus productive, plus innovante et plus durable, en prenant appui sur la cohésion économique, sociale et territoriale, et en assurant la convergence et des conditions de concurrence équitables tant au sein de l’Union qu’à l’échelle mondiale.

    Nous accueillons avec satisfaction les rapports « Much more than a market » (« Bien plus qu’un marché ») d’Enrico Letta et « L’avenir de la compétitivité européenne » de Mario Draghi, qui recensent les défis majeurs et formulent des recommandations tournées vers l’avenir. Ils constituent une base solide sur laquelle nous nous appuierons pour poursuivre nos travaux de manière ambitieuse. Nous avons bien entendu le signal d’alarme lancé dans ces rapports. Nous devons impérativement combler d’urgence les écarts en matière d’innovation et de productivité, tant par rapport à nos concurrents mondiaux qu’au sein de l’UE. Nous travaillerons dans l’unité et dans un esprit de solidarité, au profit de tous les citoyens, entreprises et États membres de l’UE.

    Afin de stimuler notre compétitivité, tous les instruments et politiques doivent être mobilisés de manière exhaustive et cohérente tant au niveau de l’UE qu’à celui des États membres. Le maintien du statu quo n’est plus une option. Aujourd’hui, nous soulignons qu’il est urgent de prendre des mesures décisives pour relever ces défis et nous appelons à des efforts collectifs résolus en ce qui concerne les moteurs de compétitivité suivants, en faisant fond sur les conclusions du Conseil européen d’avril 2024:

    1. Redoubler d’efforts afin de garantir un marché unique pleinement opérationnel et de libérer pleinement le potentiel de ce marché, en tant que moteur essentiel de l’innovation, des investissements, de la convergence, de la croissance, de la connectivité et de la résilience économique. À cet effet, nous invitons la Commission à présenter, d’ici juin 2025, une nouvelle stratégie horizontale globale sur l’approfondissement du marché unique, comprenant une feuille de route assortie de calendriers et d’échéances clairs.

    2. Prendre des mesures décisives pour parvenir à une union de l’épargne et des investissements d’ici 2026, et réaliser d’urgence des progrès sur l’union des marchés des capitaux. Cela permettra de créer des marchés européens des capitaux véritablement intégrés, qui soient accessibles à tous les citoyens et entreprises, en particulier aux PME et aux jeunes pousses. Cela devrait permettre à nos entreprises innovantes de se développer. En outre, des investissements accrus en fonds propres contribueraient à garantir la compétitivité de l’UE dans le domaine des technologies critiques. Des progrès supplémentaires sont aussi nécessaires pour parachever l’union bancaire.

    3. Assurer notre renouveau industriel et notre décarbonation, et permettre à l’UE de rester une puissance industrielle et technologique. À cette fin, nous élaborerons une politique industrielle européenne destinée à assurer la croissance des technologies clés de demain, tout en accordant une attention particulière aux industries traditionnelles en transition. Nous invitons la Commission à présenter, en priorité, une stratégie industrielle globale pour des industries compétitives et des emplois de qualité.

    4. Lancer une révolution en matière de simplification, garantir un cadre réglementaire clair, simple et intelligent pour les entreprises et réduire drastiquement les charges administratives, réglementaires et de déclaration, en particulier pour les PME. Nous devons adopter un état d’esprit propice axé sur la confiance, qui permette aux entreprises de prospérer sans réglementation excessive. Parmi les principaux objectifs que la Commission doit mettre en œuvre sans tarder figurent la formulation de propositions concrètes pour réduire d’au moins 25 % les obligations de déclaration au premier semestre de 2025, ainsi que l’intégration, dans ses propositions, d’analyses d’impact relatives aux lourdeurs administratives et à la compétitivité.

    5. Renforcer notre préparation en matière de défense et accroître nos capacités, en particulier en renforçant notre base industrielle et technologique de défense en conséquence[1]. À cet égard, le haut représentant et la Commission présenteront dans les meilleurs délais des options élaborées de financement public et privé. Nous tirerons également parti du potentiel que possède le secteur spatial.

    6. Placer l’Europe à l’avant-garde de la recherche et de l’innovation mondiales, en particulier dans les technologies de rupture, et réaliser l’objectif de dépenses de 3 % du PIB dans la R&D d’ici à 2030. Nous sommes prêts à travailler sur la proposition d’Enrico Letta d’une « cinquième liberté » en vue de renforcer la recherche, l’innovation et l’éducation au sein du marché unique.

    7. Poursuivre le double objectif d’œuvrer à la souveraineté énergétique stratégique et de parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050. À cette fin, nous mettrons en place, en priorité, une véritable union de l’énergie caractérisée par un marché de l’énergie pleinement intégré et interconnecté, en assurant la décarbonation de notre bouquet énergétique et la fourniture d’une énergie abordable et propre à l’ensemble de nos citoyens et de nos entreprises. Des mesures urgentes seront prises pour remédier à la situation résultant du niveau élevé et de la volatilité des prix de l’électricité en Europe et à leurs causes.

    8. Construire une économie plus circulaire et plus efficace dans l’utilisation des ressources et mettre en place un marché intégré des matières secondaires, en particulier des matières premières critiques. À cette fin, nous invitons la Commission à présenter son projet d’acte législatif sur l’économie circulaire.

    9. Renforcer les capacités technologiques de l’UE, accélérer la transformation numérique dans l’ensemble des secteurs, saisir les possibilités offertes par l’économie des données tout en veillant à la protection de la vie privée et à la sécurité, et favoriser le développement de technologies innovantes. Nous invitons la Commission à faire des propositions à cet égard d’ici juin 2025.

    10. Exploiter les talents européens et investir dans les compétences pour favoriser des emplois de qualité dans l’ensemble de l’Union. Nous nous efforcerons de renforcer le dialogue social, de défendre l’égalité des chances et de réduire les inégalités, conformément au socle européen des droits sociaux.

    11. Mener une politique commerciale ambitieuse, solide, ouverte et durable, où l’OMC occupe une place centrale, qui défend et promeut les intérêts de l’UE, sa diversification économique et sa résilience. Nous renforcerons notre sécurité économique tout en défendant une économie ouverte et en établissant des partenariats internationaux.

    12. Disposer d’un secteur agricole compétitif, durable et résilient, fournir aux agriculteurs un cadre stable et prévisible, renforcer leur position dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire et assurer une concurrence équitable à l’échelle mondiale et dans le marché intérieur.

    Un financement adapté à l’avenir

    Les défis auxquels nous faisons face en matière de compétitivité nécessiteront des investissements importants, mobilisant des financements tant publics que privés. Nous sommes déterminés à rechercher et à utiliser tous les instruments et outils disponibles pour atteindre nos objectifs: le cadre financier pluriannuel, moyen essentiel de mettre en œuvre nos priorités stratégiques; l’union des marchés des capitaux, pour mobiliser des financements privés; et la participation accrue de la Banque européenne d’investissement. Nous réfléchirons à la mise au point de nouveaux instruments. Nous continuerons de travailler à l’introduction de nouvelles ressources propres.

    La nécessité d’apporter une réponse unifiée n’a jamais été plus impérieuse. Nous invitons l’ensemble des institutions de l’UE, des États membres et des parties prenantes à appliquer et concrétiser d’urgence ce nouveau pacte pour la compétitivité européenne. Nous continuerons à fournir de nouvelles orientations stratégiques et à examiner régulièrement les progrès accomplis au cours de l’année à venir.

    https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/11/08/the-budapest-declaration

  • Chine : l’Italie souhaite un rôle d’arbitre après l’élection de Trump

    Grain de sel : L’Italie souhaite confier à la Chine un rôle d’arbitre à la Chine. Après l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, une première conséquence ?

    Le président italien Sergio Mattarella devrait appeler la Chine à jouer un rôle actif de médiateur dans les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient lors de sa visite à son homologue, Xi Jinping, prévue pour ce vendredi 8 novembre à Pékin.

    Sergio Mattarella a entamé une visite d’État en Chine, où il cherche à renforcer les liens diplomatiques et à obtenir un soutien en faveur d’une approche coopérative face aux défis mondiaux.

    Accompagné du ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, la visite du président italien — dont les enjeux sont considérables — s’achèvera vendredi par une rencontre officielle avec le président chinois au Palais de l’Assemblée du peuple.

    Au cours d’une série de discussions stratégiques, Sergio Mattarella devrait exhorter Xi Jinping à jouer un rôle proactif dans la médiation de deux conflits majeurs : la guerre en Ukraine et la guerre qu’Israël mène au Moyen-Orient.

    Selon des sources diplomatiques italiennes, l’implication de Pékin pourrait être cruciale alors que la communauté internationale cherche des moyens de ramener la paix dans des régions où l’influence traditionnelle de l’Occident est dans l’impasse.

    Selon Corriere della Sera, Sergio Mattarella et Xi Jinping discuteront également de l’idée d’un nouvel ordre mondial avec la Chine, la Russie et les nations du sud de la planète comme alternative au système occidental dominé par les États-Unis — comme l’a présenté le président russe Vladimir Poutine lors du récent sommet des BRICS à Kazan.

    Les discussions porteront également sur des questions de sécurité, de commerce et des relations culturelles entre l’Italie et la Chine.

    Les exportations chinoises vers l’Italie dépassent largement les exportations italiennes vers la Chine (50 milliards d’euros contre 19 milliards d’euros). Le déséquilibre commercial est une préoccupation importante pour l’Italie.

    Sergio Mattarella devrait plaider également en faveur d’un partenariat économique plus équitable et souligner l’engagement de l’Italie à stimuler les échanges culturels, en rappelant les liens historiques de longue date entre Rome et Pékin.

    Parmi les autres questions clés figurent l’influence croissante de la Chine sur le continent africain, les tensions actuelles dans la région de l’Indo-Pacifique et, en particulier, la position de l’Italie à l’égard de Taïwan, qui est favorable au maintien du statu quo.

    La visite du président intervient un an après que l’Italie s’est retirée de l’initiative « Nouvelle route de la soie », qui avait été initialement signée en 2019 sous l’ancien Premier ministre Giuseppe Conte, signalant le désir de l’Italie de rééquilibrer ses relations avec la Chine.

    Après la visite de la Première ministre italienne Giorgia Meloni en Chine en juillet dernier, cette initiative vise à rétablir la confiance politique mutuelle, à renforcer la coopération et à promouvoir la stabilité mondiale par le biais d’un engagement constructif.

    Avant l’arrivée du président italien, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, a souligné les avantages de liens plus étroits entre la Chine et l’Italie, notant que les deux pays sont des « civilisations anciennes et des économies majeures » qui peuvent contribuer de manière significative à la stabilité et à la prospérité mondiales.

    Quelle vision de la Chine en Europe ?

    Pourtant, sur d’autres plans, le ton se durcit envers la Chine pendant les auditions des futurs commissaires européens. Lors de son audition devant le Parlement européen lundi 4 novembre, le commissaire désigné au Commerce, Maroš Šefčovič, a choisi de durcir le ton concernant les concurrences commerciales américaines et chinoises, expliquant qu’il « défendrait » les intérêts de l’Europe. Un ton beaucoup plus ferme que celui employé il y a deux semaines dans ses réponses écrites aux questions des eurodéputés.

    Le candidat slovaque au prochain Collège des commissaires a expliqué devant le Parlement européen qu’il comptait « se battre » pour garantir des conditions de concurrence équitables avec la Chine, et qu’il « défendrait » les intérêts de l’Europe si le continent était « confronté à des scénarios perturbateurs » après l’élection présidentielle américaine.

    « Le commerce est aujourd’hui moins régi par les seules forces du marché — les pratiques déloyales et les interventions de l’État sont de plus en plus répandues, en particulier en l’absence d’un règlement mondial modernisé et d’un mécanisme de règlement des différends », a-t-il noté.

    « Il est donc temps de redoubler d’efforts pour préserver des conditions de concurrence équitables : les industries de l’UE doivent bénéficier d’une aide rapide et efficace lorsqu’elles sont confrontées à des importations faisant l’objet de dumping ou à de subventions déloyales, à des surcapacités non liées au marché ou aux retombées négatives des politiques industrielles étrangères », a-t-il expliqué aux eurodéputés.

    Il s’est également engagé à faire « un usage assertif de notre robuste système d’instruments de défense commerciale, tout en veillant à ce que notre réponse soit solide sur le plan juridique », ajoutant qu’il évaluerait dans quelle mesure « l’UE doit réviser ces instruments ».

    https://www.euractiv.fr/section/chine/news/le-president-italien-sergio-mattarella-demandera-laide-de-xi-jinping-pour-resoudre-les-conflits-en-ukraine-et-au-moyen-orient/?utm_source=Euractiv&utm_campaign=0cc1f0480d-EMAIL_CAMPAIGN_2023_11_03_09_29_COPY_98&utm_medium=email&utm_term=0_-340ef6fac4-117124648

  • Airbus : « Soit on travaille ensemble, soit on meurt » : une conversation avec Guillaume Faury

    Airbus : « Soit on travaille ensemble, soit on meurt » : une conversation avec Guillaume Faury

    28 octobre 2024

    ​​Avec la publication du rapport Draghi, que le Grand Continent a accompagné dans les différentes langues de la revue, l’Union se prépare à entrer dans une nouvelle phase. Depuis plusieurs semaines, nous donnons la parole à des chercheurscommissaires européenséconomistesministres et industriels pour réagir à l’une des plus ambitieuses propositions de transformation de l’Union. Si vous appréciez nos travaux et que vous en avez les moyens, nous vous demandons de penser à vous abonner au Grand Continent

    Le rapport Draghi identifie trois domaines d’action nécessaires, selon lui, pour relancer la compétitivité européenne : l’innovation ; la décarbonation compétitive ; et le renforcement de la sécurité par la réduction des dépendances. Airbus intervient dans ces trois domaines. Qu’avez-vous retenu des propositions de Mario Draghi ?

    Nous sommes très alignés avec l’analyse du rapport Draghi et les thématiques abordées, en particulier la nécessité de trouver des effets d’échelle. Nous évoluons dans une industrie en forte croissance, avec des innovations rapides qui charrient de nombreuses questions de souveraineté, notamment dans les secteurs de la défense et du spatial. Et nos chaînes d’approvisionnement, importantes elles aussi, ont besoin de sécurité.

    Les priorités identifiées par Mario Draghi ne sont pas nouvelles. Ce qui est encourageant, c’est qu’elles se trouvent désormais dans un rapport qui a de la visibilité et qui donne une vision d’ensemble. Il faut maintenant qu’il débouche sur de l’action. Car c’est une évidence : si l’Europe ne bouge pas, elle va continuer à décrocher en compétitivité. Elle a les ressources pour éviter cette dégringolade. Des décisions à plusieurs ont besoin d’être prises pour mettre en œuvre une partie des mesures.

    Par où commencer ? 

    Par un changement de modèle : l’Europe s’est vue comme une force, un marché, l’économie dominante sur le reste du monde — et cela a peut-être été vrai à un moment de notre histoire — où l’animation du marché unique était suffisante pour assurer la prospérité. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ce n’est même plus exactement le sujet. Il faut voir le monde tel qu’il est et adapter notre vision de l’Europe dans le monde en conséquence. Des acteurs puissants, comme les États-Unis ou la Chine, jouent avec leurs propres règles : à nous d’adapter les nôtres en fonction de ce qui s’est passé et de ce qui se passe dans le monde.

    Vous l’évoquiez : une dimension fondamentale identifiée aussi bien par Letta que Draghi est la création d’un effet d’échelle pour favoriser l’émergence d’une industrie européenne. Or, la fragmentation des industries semble compliquer l’émergence d’une base technologique et de défense proprement européenne. De quels leviers dispose-t-on pour renforcer le marché unique au service d’une politique de défense crédible ?

    Pour illustrer l’importance de cette notion d’effet d’échelle je voudrais citer deux exemples — l’un est réussi, l’autre pas encore.

    L’exemple le plus réussi est l’aviation commerciale. Il y a cinquante ans, les États français, et allemand d’abord, puis anglais et espagnol se sont regroupés pour faire émerger un constructeur qui regroupe les forces des différentes parties qui existaient. Cet effort collectif a fait émerger l’activité aviation commerciale d’Airbus. Quelques décennies plus tard, on constate que nous avons réussi à devenir leader mondial. Cela prouve que lorsqu’on se regroupe, que l’on travaille ensemble et pas les uns contre les autres en Europe, nous arrivons à un effet d’échelle suffisant pour devenir leader mondial.

    Je dis souvent que si l’on avait encore aujourd’hui un constructeur d’avions français, un constructeur d’avions allemand, un constructeur d’avions espagnol et un constructeur d’avions anglais, aucun n’aurait la taille suffisante pour investir et pour innover — en bref : nous n’existerions plus.

    Des acteurs puissants, comme les États-Unis ou la Chine, jouent avec leurs propres règles : à nous d’adapter les nôtres en fonction de ce qui s’est passé et de ce qui se passe dans le monde.Guillaume Faury

    none

    Il y a d’ailleurs beaucoup de domaines où nous n’avons pas fait cet effort et où nous sommes aujourd’hui inexistants. Si on recherche systématiquement la concurrence maximale sur le continent en considérant que c’est la meilleure façon de servir les intérêts du citoyen, on crée parfois une fragmentation excessive. La concurrence maximale peut être bénéfique pour certains secteurs à cycles courts. Mais dans les industries qui ont besoin d’investissements importants sur le long terme, cela empêche des acteurs de taille et de puissance suffisantes d’exister. Nous sommes aujourd’hui dans la situation où il n’y a pas d’acteurs pour investir des montants considérables dans des technologies comme le cloud, l’intelligence artificielle, les technologies de systèmes de défense, les télécoms…

    Et l’exemple qui n’a pas fonctionné ? 

    C’est la défense. 

    Il y a plusieurs raisons à cela, mais je voudrais partager quelques chiffres bien établis et déjà connus : les États-Unis dépensent trois ou quatre fois plus d’argent dans le domaine de la défense que l’Europe des vingt sept. Or comme en proportion les dépenses les plus importantes sont les investissements et les acquisitions de matériel, il y a un rapport de 1 à 5 entre ce que Washington achète en équipements de défense par an et ce que les États membres achètent.

    La grande différence, c’est que les États-Unis achètent quasi exclusivement à des entreprises américaines quand l’Union Européenne achète à peu près deux tiers en dehors de l’Europe. Le calcul est vite fait : avec deux tiers d’un cinquième, c’est-à-dire de 20  %, il reste à peu près 6 %. Pour résumer : les Européens achètent en Europe l’équivalent de 6 % de ce que les Américains achètent aux États-Unis. Ce différentiel est tout simplement énorme.

    En plus de cela, ces achats sont fragmentés : les Européens achètent quand ils peuvent à leur industrie nationale. Nous avons sur le continent dix-sept chars différents là où il n’y en a qu’un aux États-Unis. De même pour les frégates et les avions de chasse. Ces 6  % sont donc eux-mêmes fragmentés.

    Comment expliquer qu’il y ait tout de même une industrie de défense en Europe ?

    Si nous ne sommes pas morts, c’est parce que nous avons utilisé des leviers que les États-Unis n’activent pas ou activent plutôt en forme de rééquilibrage.

    Premièrement, il faut reconnaître que, de temps en temps, nous savons nous regrouper. Nous avons fait ensemble l’avion de transport militaire A400M, l’Eurofighter Typhoon, l’hélicoptère de combat Tigre, le NH90 et des missiles — entre autres. 

    Par ailleurs, nous avons su habilement utiliser le levier de la dualité à travers des plateformes civiles et militaires pour maximiser la réutilisation ou créer de l’effet d’échelle à travers le civil et le militaire. Nous l’avons fait avec Ariane, avec les hélicoptères — pour lesquels, à part le NH90 et le Tigre, toutes les autres plateformes Airbus sont civiles et militaires. Le H160, qui a été choisi par exemple par l’armée française, est à l’origine une plateforme civile et militaire. Le MRTT, le meilleur avion ravitailleur au monde, est dérivé d’un avion long-courrier civil, l’A330. 

    Même avec ces leviers, nous avons des tout petits acteurs et nous sommes essentiellement dépendants de Washington puisqu’environ 40 % des équipements européens sont achetés aux États Unis. Pour le dire encore plus clairement : dans notre fragmentation, on accroît l’effet d’échelle américain.

    Les États européens, qui sont souverains en matière de défense et de sécurité, doivent trouver des leviers pour coopérer et pour gagner en effet d’échelle afin de pouvoir consentir les investissements considérables nécessaires aux technologies de défense. Nous avons beaucoup de difficulté à accepter l’idée de déléguer d’une certaine façon une forme de souveraineté à l’Europe et la coopération dans le domaine de la défense est beaucoup plus difficile que dans le domaine du civil. Pourtant, elle est au moins autant voire beaucoup plus importante dans le monde d’aujourd’hui.

    La défiance inappropriée de la finance européenne sur les entreprises de défense me choque profondément.Guillaume Faury

    none

    Dans le contexte d’un écosystème technologique où coexistent de nombreux fournisseurs dans la chaîne de valeurs, comme celui d’Airbus, pensez-vous que le récent changement de mandat qui permet à la BEI d’investir dans de petites et moyennes entreprises liées au secteur de la défense et de la sécurité, puisse faire la différence ?

    Nous avons été très choqués au fil de la dernière décennie de constater la grande défiance du monde de la finance en Europe pour le secteur de la défense. C’est assez inédit : ce n’est par exemple pas du tout le cas outre-Atlantique. Les investissements dont nous avons besoin aujourd’hui sont très importants et si nous n’investissons pas dans notre défense, nous ne serons tout simplement plus en sécurité demain. C’est pourquoi nous nous sommes beaucoup opposés à cette tendance d’exclusion de la défense dans un certain nombre de critères d’investissement — en particulier dans les critères dits durables. C’est un non-sens. La sécurité est la première nécessité pour permettre la prospérité et l’investissement dans la décarbonation. 

    Cette défiance inappropriée de la finance européenne sur les entreprises de défense me choque profondément.

    L’agression russe en Ukraine a un peu changé la donne. Le changement partiel du mandat de la BEI est une bonne évolution mais cela reste encore insuffisant en regard du changement de direction que les institutions financières doivent opérer.  Un grand nombre d’entre elles continuent, dans la pratique, à s’interdire d’investir dans les entreprises de défense.

    Nous sommes donc en train de corriger une trajectoire — mais nous restons très loin de faire ce qu’il faudrait. Il y a un réel problème qu’il faut régler : la défense, c’est très large, et il n’est pas toujours évident pour les institutions financières de comprendre exactement de quoi il retourne.

    Mario Draghi pointe un dilemme : « une dépendance accrue à l’égard de la Chine peut certes constituer le moyen le moins coûteux et le plus efficace d’atteindre nos objectifs en matière de décarbonation. Mais la concurrence chinoise soutenue par l’État représente également une menace pour nos secteurs productifs des technologies propres et de l’automobile. » Vous dites que la sécurité est un prérequis à la décarbonation, mais pensez-vous que la compétitivité de l’industrie européenne puisse réellement aller de pair avec nos objectifs climatiques ?

    Oui — mais à condition d’être clair sur nos priorités communes et en pensant davantage à ce qui nous rassemble qu’à ce qui nous divise. 

    Idéalement, il faut mettre l’accent là où nous sommes déjà forts car, dans ce contexte, il est plus facile de rester bon et de devenir meilleur. Il sera en effet très difficile de nous positionner dans les domaines où nous avons déjà un désavantage compétitif. On parle en effet d’industries qui évoluent très vite et qui investissent beaucoup.

    L’aviation, et plus généralement l’aéronautique, sont des domaines dans lesquels nous pouvons devenir leaders mondiaux et gagner la quatrième révolution de ce secteur — celle de la décarbonation. Pour cela, il faut être aidé, pas entravé. Les pays européens ont malheureusement cette tendance : dès que quelque chose fonctionne, ils le taxent, le réglementent, le limitent et en ont un peu honte plutôt que d’en être fiers. C’est là que réside la plus grande différence avec les États-Unis.

    Dans le secteur de l’aviation, je plaide pour que nous continuions à être aidés pour exceller et non pas ralentis en permanence, taxés et réglementés. Autrement, nous pourrions être amenés à nous retrouver dans la situation du secteur automobile : longtemps avantage compétitif majeur pour l’Europe, il souffre aujourd’hui énormément parce que nous lui avons mis tant de bâtons dans les roues qu’il est devenu compliqué de faire face à la compétition mondiale.

    Cela étant dit, il serait difficile de nier que la décarbonation et ses impératifs exerceront sur votre secteur, du moins à court terme, une contrainte : quels sont les points de blocage et quels leviers essayez-vous de mettre en œuvre pour y remédier ?

    C’est une contrainte ou une opportunité — un avion qui consomme moins de carburant est plus compétitif. L’économie et l’écologie sont en ce sens alignées et nous n’avons pas de raison de ne pas accélérer.

    D’autres sujets sont, il est vrai, plus compliqués. Un autre moyen de décarboner l’aviation, ce sont les carburants durables, plus chers et plus difficiles à produire que le kérosène. Dans ce cas, les objectifs compétitifs et environnementaux sont clairement opposés. Il faut donc trouver des leviers pour les concilier ou, du moins, pour s’assurer que nous avons un level playing field à l’échelle globale, permettant à tout le monde d’atteindre graduellement les objectifs définis. 

    L’exemple de la sécurité dans le domaine de l’aviation est assez parlant à cet égard.

    Nous avons atteint aujourd’hui un niveau de sécurité impressionnant : les avions volent à dix mille mètres, à mille kilomètres/heure, par moins cinquante degrés — et c’est le moyen de transport le plus sûr pour aller d’un point A à un point B sur la Terre. Juste après la guerre, en 1944, les États ont signé la convention de Chicago qui avait pour vocation à la fois de rendre le ciel accessible à tout le monde mais aussi d’établir un standard de sécurité élevé, qui a été revu au fil du temps jusqu’à atteindre le niveau d’aujourd’hui.

    Pour la décarbonation, nous aurions besoin de la même chose : un standard qui soit le même pour tout le monde y compris sur les carburants durables, et plus généralement pour la trajectoire de décarbonation.

    En matière de défense, les Européens achètent en Europe l’équivalent de 6 % de ce que les Américains achètent aux États-Unis. Ce différentiel est tout simplement énorme.Guillaume Faury

    none

    Qu’est-ce qui complique son adoption ?

    Nous n’avons pas encore de cadre réglementaire commun concernant la décarbonation de l’aviation au niveau de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Nous ne nous sommes pas non plus mis d’accord sur une feuille de route globale pour l’adoption des carburants durables. Les méthodes employées par chaque pays sont très différentes les unes des autres — ce qui ralentit beaucoup l’adoption.

    Nous sommes donc dans une situation où non seulement les Européens doivent trouver un accord entre eux, mais où ils doivent aussi être conscients de l’importance d’avoir un accord mondial pour faire des compromis avec les autres grands acteurs. Même s’il n’est pas parfait, un compromis mondial sera déjà meilleur qu’un excellent système européen différent des autres, qui ralentit de fait la transformation au niveau global.

    La trajectoire de décarbonation dans l’aérien peut prendre deux voies : les carburants aéronautiques durables que vous venez de mentionner et l’innovation de pointe pour aller vers des appareils à zéro émissions nettes — comme l’avion à hydrogène. Quelle est la priorité ?

    Chez Airbus, nous travaillons sur ces deux grands leviers qui permettront de décarboner le secteur : le premier, qui est le plus consensuel, concerne l’utilisation des carburants d’aviation durables — les « SAF ». Il s’agit d’un secteur d’innovation et d’investissement complètement nouveau, qui porte par ailleurs énormément d’opportunités à condition qu’il y ait un cadre réglementaire stable. Ces SAF peuvent être de différentes natures : soit des biocarburants, soit des carburants de synthèse pour lesquels on vient prélever du carbone dans l’air pour l’associer avec de l’hydrogène. Ces SAF contribueront pour plus de la moitié à la trajectoire de décarbonation d’ici à 2050 et pourront être employés par les avions « conventionnels » qui volent déjà aujourd’hui.

    L’autre levier, c’est l’avion à hydrogène, et donc qui n’émet pas de carbone, ni dans son utilisation, ni dans la production de son carburant si l’on utilise de l’hydrogène vert. Il s’agira d’avions, d’une réglementation et d’une infrastructure complètement différents.

    Cette transformation suppose aussi la montée en puissance de cette filière industrielle qu’est l’hydrogène vert. C’est très prometteur — mais lointain. Notre objectif est de mettre en service le premier avion commercial de ce type à l’horizon 2035. Mais pour le moment, cela ne répond pas à l’urgence de trouver des solutions.

    Dans les deux cas, la décarbonation du secteur aérien suppose d’importants investissements. Attendez-vous des programmes publics européens — dont on pourrait penser qu’ils sont pertinents sur un marché aussi stratégique et avec si peu d’acteurs au niveau mondial — ou misez-vous plutôt sur des financements privés ?

    Ce qui est le plus important, c’est de créer un cadre réglementaire qui donne envie à l’argent privé d’affluer. Je ne dis pas que l’argent public n’est pas nécessaire ou qu’il n’est pas souhaitable — mais cela reste de l’argent du contribuable. En termes de proportion, il faut être capable de mobiliser l’immense réserve d’investissement privé. Car une grande partie de ceux qui détiennent cet argent veulent d’aller vers les investissements de la transition énergétique. Nous sommes tous convaincus que c’est le futur. Le réchauffement climatique est une réalité : tout le monde le sait, tout le monde le voit, les chiffres sont là, tout comme le consensus scientifique. Il y a plus de doute possible.

    Cela exige une révolution dans les investissements. Mais les investisseurs sont encore trop réticents parce que le cadre réglementaire est fragmenté et instable. Il n’est pas complètement défini. Autrement dit : les conditions d’un investissement massif et stable ne sont pas réunies. La première chose à faire, c’est donc d’ériger un cadre réglementaire cohérent et qui présente les garanties de la stabilité pour être capable de faire en sorte que l’énorme masse d’argent qui ne demande qu’à être investi se dirige dans la décarbonation.

    Chez Airbus, nous voulons être le catalyseur du développement des carburants durables et nous le faisons par de nombreux leviers — y compris à travers des petits investissements avec d’autres partenaires lorsque cela permet de fédérer les énergies pour faire émerger un projet.

    Enfin, il nous faut un système de financement de l’innovation par de l’argent privé qui trouve son compte dans des retours sur investissement. Or tous les gens qui veulent investir dans l’innovation, avec un certain degré de risque mais avec un bon retour regardent vers les États-Unis.

    Quel serait dans ce scénario le rôle des financements publics ? 

    Sur certains sujets, il sera difficile de préparer un modèle de rentabilité qui tienne suffisamment la route pour les investisseurs. Il faudra donc que l’État vienne amorcer des investissements dans des technologies qui, au début, ne seront pas rentables. Les montants — les 800 milliards par an du rapport Draghi abondamment commentés — ne doivent pas nous faire peur. Quand je vois ce que l’on a été capables de mobiliser en très peu de temps pour la pandémie, je n’ai aucun doute : notre capacité de mobilisation financière est énorme.

    Le problème auquel nous sommes confrontés, c’est qu’alors que les niveaux de dette sont déjà toxiques, nous arrivons dans le même temps à un moment où l’on prend conscience qu’il faut beaucoup investir. Je ne suis pas capable d’avoir un avis personnel sur les montants qui sont avancés dans le rapport Draghi — mais les ordres de grandeur ne me choquent pas. Je comprends toutefois qu’ils fassent peur aux États membres compte tenu de leur situation d’endettement.

    Le modèle social que nous avons, notamment en France, est en train de devenir de plus en plus difficilement finançable. Si l’on veut en plus financer la transition écologique, avoir des entreprises qui sont performantes et traverser positivement cette transformation, il va falloir changer des paramètres de l’équation.

    Les 800 milliards par an du rapport Draghi abondamment commentés ne doivent pas nous faire peur.Guillaume Faury

    none

    Nous sommes donc favorables à l’investissement public, dans la mesure du possible et dans le cadre d’une réglementation commune. Sur un certain nombre de sujets, comme les carburants d’aviation durables, une réglementation unique est vraiment dans l’intérêt de tous. Il faut continuer à travailler pour que tout ce qui a été mis en place aux États-Unis, en Chine et en Europe converge au niveau concurrentiel, afin que tout le monde puisse jouer sur le même terrain.

    Il y a inévitablement une géopolitique de cette transition — le récent vote sur les véhicules électriques au Conseil a bien montré à quel point la politique à adopter vis-à-vis de la Chine était un point de contentieux très fort entre les États membres. Depuis deux ans, les États-Unis ont brutalement secoué les choses avec l’IRA. Était-ce la bonne méthode ?

    De manière assez explicite, ce n’est pas celle que l’Europe a retenue : l’Union a choisi la réglementation et la taxation. Dans l’absolu, je ne suis pas contre. Une taxe qui vient changer les paramètres pour inciter à aller dans la bonne direction ou favoriser l’émergence d’une technologie par rapport aux autres n’est pas forcément mauvaise. La réglementation est aussi la bienvenue — dans le domaine de la sécurité par exemple, nous sommes les premiers à vouloir continuer à l’améliorer.

    Pour autant, ce qui a été fait en Europe jusqu’à présent n’est pas nécessairement bénéfique à la compétitivité par rapport à d’autres modèles. Ce qui a été choisi par les Américains est à l’opposé car leur réglementation est basée sur l’incitation. Ils agitent la carotte là où l’Europe fait usage du bâton. En réalité, il faudrait probablement une combinaison des deux : une réglementation qui incite à créer un level playing field plutôt que d’accentuer le fossé. Si elle est mondiale, elle sera positive. De plus, elle sera vertueuse si elle est menée de façon progressive.

    Un reproche est souvent fait à l’Union à ce propos : on interdit la vente de voitures neuves à moteurs thermique pour 2035 sans politique industrielle pour permettre le développement du secteur ; on dépense des milliards pour le secteur énergétique depuis l’invasion de l’Ukraine — sans débloquer les investissements nécessaires dans la transition… Les politiques européennes ont-elles un problème de cohérence ?

    Dans la politique, comme dans une entreprise, on passe son temps à gérer des contradictions. Les hommes et les femmes politiques qui sont au pouvoir aujourd’hui ont face à eux un champ de contraintes et de contradictions à gérer assez exceptionnel — et donc très difficile.

    Pour arriver à les gérer, il faut établir des priorités — sinon, on ne s’en sort pas. L’Europe a besoin de priorités claires et, sur ces priorités, d’être forte et de ne pas distribuer, essaimer ou semer les contradictions en laissant les écosystèmes se débrouiller. Il y a besoin de leadership, de clarté et de sens des priorités. C’est ce que fait le rapport Draghi.

    Aujourd’hui, le champ de la compétition est mondial. D’autres acteurs autour de nous ont créé de nouvelles règles du jeu en ayant cessé depuis longtemps de respecter les anciennes. Il faut s’adapter à cette nouvelle situation si nous voulons revenir dans le jeu mondial. Pour réussir, il faut aussi lever une autre incohérence, plus insidieuse : le fait que les États membres ont pris l’habitude de faire faire à l’Europe le « sale boulot ».

    Ils y contribuent et se positionnent ensuite contre l’Europe pour essayer d’être du bon côté de l’équation et se positionner favorablement en national vis-à-vis de leurs électorats.. Il faut être plus clair sur la distinction entre l’action nationale et l’action européenne pour ne pas donner l’impression que seuls nos échecs seraient européens.

    Il y a besoin de leadership, de clarté et de sens des priorités. C’est ce que fait le rapport Draghi.Guillaume Faury

    Airbus s’est fortement positionné sur les marchés émergents auprès des pays dits du « Sud ». La géographie du secteur est-elle en train de changer — en termes de vente mais aussi de chaîne de valeurs avec l’émergence de nouveaux acteurs le long de la chaîne de production ?

    Dans l’aéronautique comme dans l’industrie en général, on assiste à l’émergence de l’Inde ainsi que d’autres pays d’Asie du Sud-Est. 

    Le rapport Draghi décrit bien cette tendance. Il y a une baisse systématique de la proportion de la richesse mondiale générée par l’Europe face à une émergence toujours plus affirmée de l’Asie. Ce qui est surprenant et spectaculaire, c’est que les États-Unis, avec la population qu’ils ont, arrivent à garder un niveau de génération de richesse stable dans l’équation mondiale. La raison principale — là encore, on s’appuie sur le rapport Draghi — c’est que le modèle de capitalisme d’innovation américain est extrêmement puissant.

    La Chine utilise d’autres leviers — peut-être pas aussi puissants dans la durée que le levier américain — mais qui ont très bien fonctionné ces vingt dernières années. On l’a vu dans le domaine de l’aéronautique avec l’arrivée de l’avionneur chinois Comac. 

    En Amérique latine, il y a le brésilien Embraer, sur le bas du segment de l’aviation commerciale. Il s’agit d’un acteur qui prend de plus en plus d’importance et qu’il ne faut pas sous-estimer.

    Nous sommes donc définitivement sortis d’un monde où il n’y avait qu’Airbus et Boeing.

    L’émergence de ces nouveaux acteurs s’intègre à des chaînes de valeur qui sont de toute façon mondiales : si l’écosystème était pendant très longtemps nord-atlantique, c’est-à-dire orienté autour de l’Europe et des États-Unis, on constate qu’il est en train de croître dans sa dimension asiatique — même si les technologies de l’aviation et de l’aérospatial sont encore très occidentales.

    Quelles sont les leçons d’Airbus dont d’autres filières industrielles pourraient s’inspirer au niveau européen ?

    Dans bien des domaines, le dilemme est simple : ou bien on travaille ensemble, ou bien on meurt — en tout cas, on se marginalise.

    C’est en dehors de mon domaine de compétence mais je dirais que l’énergie est dans cette situation, de même que les télécoms. Dans un domaine plus proche : l’espace a sans doute besoin d’effets d’échelle — nous y accusons le coup à cause de trop petits investissements par rapport aux États-Unis. On voit des acteurs comme l’Inde émerger fortement. La Chine, elle aussi, investit énormément dans le domaine spatial, institutionnel et militaire.

    « Lente agonie » ou « changement radical » en somme…

    Oui — a fortiori dans les domaines émergents, qui nécessitent des investissements absolument colossaux, comme les constellations par exemple. 

    Les Américains parviennent à négocier ce changement en faisant des investissements considérables, essentiellement privés mais pas uniquement. De très importants investissements du Département de la défense permettent de faire des choses que les États — ni individuellement, ni ensemble — ne parviennent à faire à l’échelle de l’Union. Il y a certes un fossé dans l’innovation, mais n’oublions pas que si l’on ne voit pas d’acteurs comme SpaceX, Starlink ou Amazon en Europe, c’est parce que l’on n’a pas voulu les laisser émerger. 

    Le choix radical, selon moi, c’est d’accepter de vouloir faire émerger des acteurs très grands et très puissants, en comprenant qu’ils puissent susciter des retours sur investissement très importants. C’est la seule manière aujourd’hui d’attirer de l’investissement privé. Si l’on ne veut pas qu’ils gagnent d’argent, si l’on veut qu’ils restent petits, morcelés, alors nous stagnerons — puis nous déclinerons.

    Dans bien des domaines, le dilemme est simple : ou bien on travaille ensemble, ou bien on meurt — en tout cas, on se marginalise.Guillaume Faury

    none

    De Saint-Exupéry à Top Gun, l’avion a longtemps habité les imaginaires de manière disproportionnée par rapport au temps que la plupart des gens y passent réellement. Cette représentation positive semble être en train de basculer : en Europe, il est de plus en plus associé à la pollution et aux émissions de gaz à effets de serre. Avez-vous une stratégie pour tenter de renverser cette tendance ?

    Cette vision est très occidentale. En dehors de l’Europe, l’aspiration à l’aviation est énorme. C’est peut-être en effet notre tort de ne pas y donner assez d’importance, mais il y a une grande partie de la population mondiale qui rêve de voler.

    Non seulement l’imaginaire n’a pas changé, mais je dirais qu’il se déploie maintenant ailleurs, avec l’accès pour les classes moyennes aux vols en Asie par exemple. C’est une nouveauté. En Amérique du Sud, c’est encore en train de se démocratiser, tout comme en Afrique.

    Il ne faut donc pas perdre de vue la dimension très fortement locale de ce phénomène, qui a commencé au nord de l’Europe — en 2018, alors que le phénomène Greta Thunberg était au plus haut, les Suédois prenaient en moyenne cinq fois plus l’avion que dans le reste de l’Europe. Et le trafic domestique continue d’augmenter d’année en année en Suède depuis la crise Covid.

    Il y a donc une logique à ce que ce soient les Européens qui les premiers aient été sensibles à cette question. Mais globalement, partout ailleurs, la demande est encore très supérieure à l’offre et c’est ce qui permet à l’aviation d’être dans une dynamique de croissance très forte. Cela fait peser sur nous une immense responsabilité, car il n’est pas question de croître sans décarboner.

    C’est donc une manière de nous mettre la pression d’une manière positive : nous sommes convaincus de la nécessité de décarboner l’aviation tout comme nous sommes convaincus de la nécessité d’un débat — mais il doit se faire sur des bases saines. Aujourd’hui, l’aviation représente 2,5  % des émissions de carbone. C’est beaucoup — mais une grande partie de la population pense que c’est bien plus. Lorsqu’on pose la question : combien de litres aux cent kilomètres par passager ? Les réponses témoignent souvent d’une déconnexion avec les chiffres réels.

    Aujourd’hui, un A321 qui sort de nos chaînes de production, rempli à 80 % sur un trajet de 1500 kilomètres — c’est-à-dire la moyenne qu’on observe en Europe — c’est deux litres de carburant aux cent kilomètres. Pour un même trajet en voiture, il faut trois passagers — là où la moyenne du nombre de passagers en voiture est plutôt comprise entre 1 et 1,5.

    Il faut donc remettre les choses à leur place et arrêter, en Europe en particulier, de vouloir faire exploser ce qui fonctionne — nous avons peu de secteurs comme l’aéronautique où nous pouvons nous targuer d’être leader mondial. Aux États-Unis — où Airbus est vu à la fois comme un concurrent et comme un client important — on se pose la question en des termes différents : comment faire pour que cela fonctionne mieux ?

    J’aimerais avoir cette discussion en Europe.

    https://legrandcontinent.eu/fr/2024/10/28/soit-on-travaille-ensemble-soit-on-meurt-une-conversation-avec-guillaume-faury-president-executif-dairbus/