Livraisons de chars à l’Ukraine : cobelligérance ?

Benjamin Laurent27/01/2023 à 07:01

Vladimir Poutine le 24 janvier 2023
Vladimir Poutine le 24 janvier 2023 AFP / SPUTNIK – MIKHAIL KLIMENTYEV

La Russie menace depuis plusieurs mois les soutiens à l’Ukraine de les considérer comme cobelligérants et donc engagés dans le conflit. Qu’en est-il du point de vue du droit international ?

Le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov a dénoncé jeudi 26 janvier « l’engagement direct » des Occidentaux dans le conflit ukrainien suite à l’annonce de livraison de chars modernes. Le Kremlin affirme en effet depuis plusieurs semaines que les pays livrant des armes à l’Ukraine sont des « cobelligérants ». Un moyen de menacer les pays amis de l’Ukraine d’une réponse militaire, mais également d’expliquer les déboires russes dus à une guerre non pas contre Kiev mais contre tout l’Occident. Cette position a-t-elle un fond juridique ?

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Il faut premièrement noter que le soutien militaire à l’Ukraine par la livraison d’armes est légal au regard du droit international. Comme le résume le Club des Juristes, un « think tank » juridique, la résolution ES-11/1 du 2 mars 2022 de l’Assemblée générale des Nations Unies condamne l’invasion russe et « raffirme [l’]engagement [des Nations Unies] envers la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues ». La Russie est également reconnue comme coupable d’agression.

L’Ukraine considérée en légitime défense

Or, selon l’article 41 des articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, « les Etats doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave » d’une obligation du droit international général.

L’envoi d’armes à l’Ukraine est donc licite voire encouragé, pour mettre fin à la violation russe. De même, l’Ukraine étant considérée comme en légitime défense, elle peut utiliser les armes livrées de manière offensive, y compris en Crimée toujours reconnue comme partie intégrante du pays. Cette livraison d’armes ne constitue par ailleurs pas un cas de cobelligérance, dont la définition reste floue.

Une notion sans base juridique

La cobelligérance désigne la situation dans laquelle des pays se battent contre un ennemi commun, sans pour autant partager un traité d’alliance formel. On peut par exemple citer la lutte contre Daech au cours de la guerre civile syrienne, rassemblant des pays non alliés comme la Russie et les Etats-Unis. Les pays livrant du matériel à l’Ukraine, que ce soit les membres de l’OTAN mais aussi le Maroc ou encore Taiwan, ne sont donc pas cobelligérants puisqu’ils ne sont pas en guerre contre la Russie. 

Dans l’autre sens, l’Iran et la Corée du Nord, qui ont fourni un soutien matériel à la Russie, ne sont pas en situation de cobelligérance.

Il ne s’agit cependant que d’une définition usuelle, ce terme n’étant pas employé en droit international. On parle plutôt de « partie au conflit », c’est-à-dire un membre impliqué dans la guerre, directement ou indirectement. 

Pressions russes contre ces chars

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Mais comment devient-on partie au conflit ? Selon l’Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire, le fait de financer, équiper, entraîner, renseigner une armée ne nous rend pas « partie à un conflit » armé. À l’inverse, un engagement militaire direct, la mise à disposition de ses bases militaires, le passage par son territoire de troupes allant pénétrer dans un autre Etat, ou encore la supervision des opérations d’un autre Etat reviendrait à devenir partie à un conflit.

Si la Pologne, par exemple, abritait les avions ukrainiens qui partiraient ensuite frapper le territoire russe, on pourrait parler de la Pologne comme partie au conflit, permettant à la Russie de répondre. La Biélorussie, elle, est partie au conflit au vu de son soutien direct à l’invasion russe.

Le problème reste cependant sémantique, puisque cette notion de cobelligérance n’est pas encadrée par un traité international. D’où l’utilisation de ce terme par la Russie qui vise à pousser les soutiens de l’Ukraine à mesurer leurs actions face à une escalade dans laquelle tous les Etats impliqués seraient perdants.

Le chancelier allemand Olaf Scholz a confirmé mercredi 25 janvier la livraison de chars Leopard 2 à l’Ukraine. Il a également autorisé les pays qui disposent de ces blindés à faire de même. De son côté, la France hésite à fournir ses chars Leclerc à Kiev.
La livraison de quatorze chars allemands de type Leopard 2 devrait avoir lieu dans les trois mois, a annoncé le chancelier Olaf Scholz, au Bundestag mercredi 25 janvier, le chancelier allemand a confirmé la livraison de chars de combat en Ukraine.
Dans le même temps, le gouvernement a autorise « d’autres pays à puiser dans leurs stocks de blindés allemands pour appuyer les forces armées ukrainiennes« 
Les décisions ont été prises par l’Allemagne en étroite coopération avec les alliés, notamment en lien avec l’annonce de Joe Biden de livrer 31 véhicules blindés lourds du modèle M1 Abrams à Kiev.

Si l’Allemagne a mis plusieurs semaines à se décider, c’est en raison de : 
la peur de contribuer à une escalade incontrôlable du conflit ukrainien,
la peur de rompre définitivement avec un ex-partenaire commercial, la Russie,
la peur de franchir le Rubicon pour devenir l’armée la plus puissante de l’UE,
la peur de sa propre histoire et enfin
la peur de changer d’ère »
énumère Le Temps.

Le changement de doctrine militaire permettra, selon Der Spiegel, la création au niveau européen de « deux bataillons de chars, disposant chacun de quarante Leopard« avec des chars venus d’Allemagne, de Finlande, d’Espagne et des Pays-Bas« , puis une 2eme vague venus de Pologne, de Norvège et du Danemark

Hésitations françaises
Côté français, les hésitations sur la livraison de chars Leclerc persistent: les chars n’ont pas les mêmes caractéristiques et les Ukrainiens privilégient le Leopard
« A moins que la France ne décide de livrer une centaine de chars Leclerc, l‘hétérogénéité dans le parc ukrainien » est contre-productive ( Léo Péria-Peigné, expert à l’Ifri) JDD : les besoins de KIev sont en partie centralisés à Bruxelles puis discutées dans le cadre de l’Otan et harmonisées.

Le Kremlin a dénoncé jeudi ‘l’engagement direct’ des Occidentaux dans le conflit en Ukraine » parlant de co-beligérance (ajouter l’analyse juriduque de co-belgerance

https://www.ladepeche.fr/2023/01/27/guerre-en-ukraine-un-pays-qui-livre-des-chars-ou-des-missiles-a-larmee-ukrainienne-est-il-considere-comme-un-belligerant-10952814.php