Réunis en sommet jeudi 14 décembre, les Etats membres ont surmonté l’hostilité de Viktor Orbán au lancement de cette nouvelle étape. Mais le Premier ministre hongrois bloque toujours les 50 milliards d’euros d’aides destinées à Kiev.
“Le Portugais António Costa avait pris quatre chemises et espérait que la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement européens, qui a commencé jeudi 14 décembre, ne durerait pas au-delà de dimanche. L’Estonienne Kaja Kallas était prête à discuter jusqu’à Noël. […] Finalement, contre toute attente, jeudi à 18h25, un tweet du président du Conseil [européen], Charles Michel, est tombé, annonçant que les Européens avaient ‘décidé d’ouvrir les négociations d’adhésion de l’Ukraine’ “, relate Le Monde.
Une décision “historique” [Le Soir] prise “après huit heures de négociations tendues à Bruxelles”, poursuit The Guardian. Celle-ci “intervient malgré le refus de la Hongrie, dont le Premier ministre, Viktor Orbán, avait déclaré depuis des semaines qu’elle opposerait son veto à toute ouverture de négociations d’adhésion” avec l’Ukraine, rappelle le quotidien britannique. Finalement, “Viktor Orbán a cédé de manière inattendue”, s’étonne Politico ce vendredi matin.
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L’abstention d’Orbán, “du jamais-vu”
“L’abstention d’Orbán – il a quitté la salle du Conseil lors du vote – a donc permis à l’Europe d’obtenir un accord à l’arraché, les 26 prenant une décision sans opposition formelle”, expliquent Les Echos. “De mémoire de diplomate, cette forme d’abstention constructive, ‘c’est du jamais-vu’ “, écrit Le Monde. “Le dirigeant illibéral peut ainsi rentrer à Budapest la tête haute et dire à ses concitoyens, comme il l’a aussitôt déclaré dans une vidéo postée sur X jeudi soir, que ‘la Hongrie n’a pas participé à cette mauvaise décision’ “, poursuit le quotidien du soir.
Une ouverture des négociations qui concerne aussi la Moldavie. Dans le même temps, le Conseil européen “a également décidé d’accorder le statut de pays candidat à la Géorgie et d’ouvrir, sous conditions, des négociations d’adhésion avec la Bosnie-Herzégovine”, précise L’Obs. La Croix note toutefois que pour l’Ukraine comme pour la Moldavie, “le processus sera encore long avant l’adhésion”.
“Deux autres étapes sont en effet encore à venir : l’adoption du futur mandat de négociation entre la Commission et les pays candidats, puis la convocation d’une conférence intergouvernementale. Cela ne devrait pas avoir lieu avant le mois de mars. Viktor Orbán ne manquera sans doute pas l’occasion de se manifester lors de ces étapes”, poursuit le quotidien français.
L’aide à l’Ukraine bloquée par la Hongrie
La position abstentionniste de Viktor Orbán n’aura cependant pas duré longtemps. Dans la nuit de jeudi à vendredi 15 décembre, “les dirigeants de l’Union européenne ont échoué […] à convaincre la Hongrie de lever son veto à une nouvelle aide de 50 milliards d’euros en faveur de l’Ukraine” [Libération]. La Commission avait proposé d’octroyer 33 milliards d’euros de prêts et 17 milliards d’euros de dons à Kiev : une somme “jugée cruciale à Kiev, et ce, alors qu’une aide américaine de plus de 60 milliards de dollars reste bloquée au Congrès, en raison de réticences d’élus républicains”, détaille La Tribune.
“Je ne veux pas m’avancer trop sur les détails, je vais travailler dans les jours et semaines à venir avec mes collègues pour préparer un sommet pour le début de l’année prochaine”, a expliqué Charles Michel devant la presse [L’Express]. “Le Premier ministre hongrois a réclamé vendredi ‘la totalité des fonds’ européens dont des milliards d’euros restent bloqués, avant d’envisager éventuellement de lever son veto à une nouvelle aide en faveur de l’Ukraine”, poursuit l’hebdomadaire français.
Viktor Orbán avait en effet “obtenu la veille du début du sommet, le déblocage par Bruxelles de 10,2 milliards d’euros”, souligne Le Temps. “Mais 21 milliards restent gelés par l’UE dans le cadre de différentes procédures, en raison des manquements à l’état de droit reprochés à Budapest”, poursuit Le Parisien.
A l’occasion de ce Conseil européen également, “les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne sont convenus, jeudi 14 décembre, d’un douzième ensemble de sanctions contre la Russie pour son invasion de l’Ukraine […] avec notamment une interdiction d’importation de diamants russes à compter du 1er janvier”, ajoute L’Opinion.
En visite surprise à Kiev dimanche 22 mai 2022, le président polonais Andrzej Duda avait apporté son soutien “inconditionnel” à la candidature de l’Ukraine à l’Union. Une position qui contraste avec celle du gouvernement français. Au fil des mois, plusieurs avancées vers l’adhésion ont eu lieu, jusqu’à l’adhésion au mécanisme de protection civile de l’UE, le 20 avril 2023. Est-ce un moyen de mieux acheminer l’aide humanitaire ou bien un pas de plus vers l’adhésion ?
Pour une adhésion graduelle à l’Union européenne – Institut Jacques Delors (institutdelors.eu)
En entrant dans l’UE, l’Ukraine recevrait 186 milliards d’euros sur sept ans | Les Echos
“Premier chef d’Etat à parler devant le Parlement ukrainien depuis l’invasion russe le 24 février, le président polonais, dont le discours a été interrompu par plusieurs ovations debout, a promis” qu’il poursuivrait ses efforts “tant que l’Ukraine n’est pas membre de l’Union européenne”, rapporte L’Express.
Andrzej Duda a ainsi “apporté dimanche un soutien inconditionnel à la candidature de l’Ukraine à l’Union européenne face au scepticisme de la France et [de] l’Allemagne”, souligne L’Obs.
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“Aucun doute” pour Varsovie
“Fidèle à la cause ukrainienne”, M. Duda a d’abord “critiqué les pays qui continuent de commercer avec la Russie”, fait savoir la chaîne Euronews. Ce dernier a estimé que tout “business as usual” avec Moscou “était désormais impossible après la découverte de massacres de civils en Ukraine, imputés aux troupes russes”, poursuit le média.
“Il faut respecter” les peuples qui “versent leur sang” pour appartenir à l’Europe, “même si la situation est compliquée”, a-t-il assuré, ajoutant n’avoir “aucun doute que l’Union européenne fera un tel geste” envers l’Ukraine [L’Express].
“Certains prévoyaient que Kiev tomberait en trois jours. Mais elle n’est pas tombée ni en trois jours, ni en 33 jours, ni en 83 jours. Parce qu’elle ne tombera pas, elle ne tombera pas !”, a-t-il lancé devant les députés du Parlement ukrainien [RFI].
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Pour le président polonais, “l’adoption d’une décision sur le statut de candidat de l’Ukraine à l’UE au Conseil européen, le 24 juin, est d’une extrême importance, avant tout psychologique et politique”, cite L’Obs.
Une adhésion qui prendrait “15 ou 20 ans”
Mais tous les pays de l’UE ne partagent pas le même engouement sur ce calendrier. “L’Ukraine pourrait-elle adhérer rapidement à l’Union européenne ? Non, selon Clément Beaune, le ministre [français] chargé des Affaires européennes”, lit-on sur Ouest-France. Selon lui, l’adhésion de Kiev à l’UE prendra “sans doute 15 ou 20 ans” [Le Figaro].
“Il faut être honnête. […] Si on dit que l’Ukraine va rentrer dans l’UE dans 6 mois, 1 an ou 2 ans, on ment. Ce n’est pas vrai. […] C’est très long”, a-t-il affirmé sur les ondes de Radio J.
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Néanmoins, “en attendant on doit aux Ukrainiens […] un projet politique dans lequel ils peuvent rentrer”, citant la proposition de “communauté politique européenne”, présentée le 9 mai par Emmanuel Macron [Ouest-France].
Outre-Rhin également, “le chancelier allemand Olaf Scholz avait affirmé [en milieu de semaine] qu’il n’était pas favorable à l’octroi d’un ‘raccourci’ à l’Ukraine en vue d’une adhésion à l’UE”, rappelle Le Point.
Pourquoi les adhésions ne sont pas pour demain ?
Entre fin février et début mars 2022, l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie ont successivement envoyé leur candidature d’adhésion à l’UE. Mais le processus d’intégration est particulièrement long, et leur éventuelle entrée dans l’Union s’annonce complexe.
Tout s’est accéléré à la suite de l’invasion de Ukraine par la Russie, le 24 février 2022. Alors que l’UE ne tarde pas à soutenir Kiev, le président ukrainien Volodymyr Zelensky signe une demande d’adhésion à l’Union européenne le 28 février 2022. La guerre le pousse à appeler à une intégration de son pays dans l’UE “sans délai” via “une procédure spéciale”. Cette candidature est suivie par celles de la Géorgie et de la Moldavie le 3 mars 2022. Dans ces anciennes républiques soviétiques, les inquiétudes montent et les deux pays craignent d’être les prochaines cibles de Vladimir Poutine. Quelle peut être la réponse de l’UE à ces trois Etats qui recherchent une protection ?
Une procédure d’adhésion accélérée est-elle possible ?
Tout d’abord, si l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie souhaitent se protéger face à la menace militaire russe en intégrant l’UE, c’est notamment parce qu’il y existe une clause de défense mutuelle. En effet, selon l’article 42 (paragraphe 7) du traité sur l’Union européenne, les Etats membres de l’Union doivent aider un pays membre si celui-ci est victime d’une “agression armée sur son territoire”.
Pour autant, la procédure d’adhésion est particulièrement longue et prend plusieurs années. En effet, l’intégration à l’UE est un processus au long cours pour rapprocher la législation du pays candidat du droit européen et donne lieu à des négociations complexes. Par conséquent, même si le président ukrainien – de même que ses homologues géorgien et moldave – exhorte les Européens à intégrer son pays “sans délai”, cela ne s’est jamais produit dans l’histoire de la construction européenne. Les exemples ne manquent pas pour illustrer la longue procédure entre le dépôt de candidature et l’adhésion officielle à l’UE :
- La Hongrie et la Pologne ont envoyé leur demande d’adhésion en 1994 et ont intégré l’Union seulement en 2004 ;
- La Roumanie et la Bulgarie ont adressé leur candidature à l’Union européenne en 1995 et ont finalement adhéré en 2007 ;
- La Croatie a présenté sa demande d’adhésion en 2003 et a rejoint l’Union en 2013.
Par ailleurs, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement réunis en sommet à Versailles les 10 et 11 mars 2022 l’ont rappelé : il n’existe aucune procédure rapide d’adhésion à l’UE.
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Pourquoi le processus d’intégration est long ?
La Commission européenne doit d’abord rendre un avis sur chacune des demandes d’adhésion après les avoir examinées. Une fois l’avis rendu par l’exécutif européen, les candidatures doivent être acceptées à l’unanimité lors d’un vote au Conseil de l’UE. Le pays obtient alors le statut de candidat à l’adhésion. Le processus d’intégration donne ensuite lieu à des négociations longues et complexes, qui ne peuvent aboutir à une adhésion à l’UE qu’avec l’accord de tous les Vingt-Sept.
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Pour adhérer à l’UE, le pays doit également satisfaire trois grands critères (les “critères de Copenhague”) conditionnant son intégration :
- Des institutions stables garantissant la démocratie, l’état de droit, les droits de l’homme et le respect et la protection des minorités ;
- Une économie de marché viable et la capacité de faire face à la concurrence et au marché de l’Union européenne ;
- L’acquis communautaire, c’est-à-dire la capacité de mettre en œuvre les obligations découlant de l’adhésion, et notamment de souscrire aux objectifs de l’Union politique, économique et monétaire.
Quels freins à l’intégration pour l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie ?
Plusieurs freins importants existent en ce qui concerne ces trois candidatures. Pour l’Ukraine, il s’agit en premier lieu de la guerre qui l’oppose depuis le 24 février à la Russie. Il apparaît particulièrement difficile de garantir des institutions stables et une économie viable lorsqu’un pays est en proie à un conflit armé. Le président français Emmanuel Macron l’a souligné au sommet de Versailles le 10 mars 2022 : “Est-ce que nous pouvons ouvrir une procédure d’adhésion avec un pays en guerre ? Je ne le crois pas”.
En outre, les pays de l’ex-URSS subissent une forte corruption. Selon le baromètre mondial de la corruption de 2021 établi par l’ONG Transparency International, l’Ukraine en particulier est le pays d’Europe le moins bien classé, avec un score de 32 sur 100 (et de 36 pour la Moldavie).
Enfin, un autre frein encore est celui de la pauvreté. La Moldavie, notamment, apparaît comme l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Et l’économie de l’Ukraine, qui ne répondait pas encore aux critères d’intégration, est particulièrement affectée par la guerre.
Où en sont-ils vis-à-vis de l’UE ?
L’Ukraine signe un accord de partenariat et de coopération bilatéral avec l’UE en 1994. Ensuite, le pays souscrit à l’objectif d’une adhésion à long terme. En 2005 est adopté le Plan d’action conjoint UE-Ukraine, destiné à servir de cadre sur les réformes à effectuer dans le pays. Des négociations sur un accord d’association sont lancées à partir de 2007, mais le texte ne sera signé qu’en 2014. Ce traité vise à renforcer les liens politiques et économiques de l’UE et de l’Ukraine. En 2016, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker déclare que l’Ukraine ne sera pas membre de l’UE avant 20 ou 25 ans. Après l’offensive lancée par la Russie, Kiev effectue une demande officielle d’adhésion. Le 1er mars, les eurodéputés approuvent une résolution demandant aux “institutions de l’Union de faire en sorte d’accorder à l’Ukraine le statut de candidat”.
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Les relations entre l’UE et la Géorgie débutent également au cours des années 1990. C’est en 1999 qu’un accord bilatéral de partenariat et de coopération est signé. En 2008, lors de la guerre russo-géorgienne, l’UE condamne le recours à la force de la Russie. En 2014, le Parlement européen souligne que, conformément à l’article 49 du traité sur l’Union européenne, la Géorgie – tout comme la Moldavie et l’Ukraine – ont une perspective européenne et peuvent demander à devenir membres de l’UE. Par la suite, des relations plus étroites sont nouées lors de l’entrée en vigueur en 2016 d’un accord d’association entre l’UE et la Géorgie (du même type que celui signé avec l’Ukraine). Alors que le gouvernement géorgien avait émis l’intention de présenter sa candidature à l’UE en 2024, il emboîte le pas à l’Ukraine et fait acte de candidature pour l’entrée dans l’Union le 3 mars 2022.
La Moldavie, quant à elle, cherche aussi à adhérer à l’UE depuis plusieurs années mais est souvent considérée comme l’Etat le plus pauvre d’Europe et doit également faire face à des problématiques internes dans sa région russophone séparatiste de Transnistrie. La Moldavie signe un accord d’association avec l’UE en 2014, en même temps que l’Ukraine et la Géorgie, dans le cadre du Partenariat oriental auquel participent les trois pays. La Moldavie a déposé sa candidature à l’adhésion le 3 mars, comme la Géorgie.
Une nouvelle “communauté politique européenne” ?
Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, Kiev ne cesse de réitérer sa volonté d’intégrer l’Union européenne. Sans lui fermer définitivement la porte, et tout en lui apportant un soutien politique, financier et militaire, l’Union est consciente qu’elle ne pourra pas intégrer l’Ukraine au sein de sa communauté avant peut-être “plusieurs décennies” (pour reprendre les termes d’Emmanuel Macron).
Néanmoins, à l’occasion de la fête de l’Europe célébrée dans hémicycle du Parlement européen à Strasbourg, la cheffe de l’exécutif européen Ursula von der Leyen annonce que la Commission rendra son avis en juin 2022 sur la candidature de l’Ukraine à l’adhésion européenne. Mais en guise d’alternative, le chef d’Etat français a proposé lors de cette journée du 9 mai d’intégrer le pays dans une nouvelle “communauté politique européenne”, aux côtés d’autres “nations démocratiques” du Vieux Continent, avant que son adhésion à l’UE n’advienne.
M. Macron appelle à la création de cette nouvelle organisation afin de permettre “aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs, de trouver un nouvel espace de coopération, en matière de politique, de sécurité, d’énergie, de transport, d’investissement, d’infrastructures, de libre circulation des personnes”. Ce qui signifie que ces pays pourront bénéficier de coopérations accrues avec les autres Etats européens, avant une éventuelle adhésion, dans un second temps, à l’UE. Selon lui, il y a “urgence à ancrer l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, mais aussi les Balkans occidentaux [Serbie, Macédoine du Nord, Monténégro, Albanie, Bosnie-Herzégovine et Kosovo], à l’UE, et à renforcer la nature des relations” entre l’Europe et ces Etats.
20 avril 2023 : l’adhésion au MPCUE
Aujourd’hui, l’Ukraine devient un État participant au mécanisme de protection civile de l’Union, le cadre européen de solidarité qui vient en aide aux pays ne pouvant pas faire face à une catastrophe.
Janez Lenarčič, commissaire à la gestion des crises, se trouve aujourd’hui à Kiev pour signer officiellement un accord au nom de l’Union européenne accordant à l’Ukraine le statut de membre à part entière du mécanisme. Au cours de sa visite, il participera au sommet international des villes et des régions à Kiev avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la vice-première ministre Olha Stefanishyna, le ministre de l’intérieur Ihor Klymenko et le chef des services d’urgence Serhiy Kruk.
Le mécanisme de protection civile de l’Union a permis l’acheminement de l’aide d’urgence à l’Ukraine en provenance de toute l’Europe depuis le début de la guerre d’agression de la Russie contre le pays, en février 2022. Dans le cadre de son opération la plus importante et la plus longue, plus de 88 000 tonnes d’équipements vitaux, de denrées alimentaires et de médicaments ont été envoyées à l’Ukraine via le mécanisme. Plus récemment, plus de 1 000 générateurs électriques entièrement financés par l’UE ont été mobilisés pour l’Ukraine à partir des réserves énergétiques stratégiques rescEU. Dorénavant, étant membre à part entière, l’Ukraine sera également en mesure d’envoyer de l’aide via le mécanisme lorsqu’un autre pays traverse une crise.
Aujourd’hui, l’UE alloue également 55 millions d’euros supplémentaires[1] d’aide humanitaire à l’Ukraine, qui viennent s’ajouter aux 145 millions d’euros déjà versés au début de cette année. Cette nouvelle enveloppe d’aide humanitaire sera axée sur la préparation à l’hiver prochain.
Contexte
Lorsqu’une situation d’urgence dépasse les capacités de réaction d’un pays en Europe ou ailleurs, ce pays peut demander de l’aide via le mécanisme. La Commission européenne joue un rôle essentiel dans la coordination de la réaction aux catastrophes dans le monde entier. Depuis sa création en 2001, le mécanisme de protection civile de l’Union a été activé dans plus de 600 situations d’urgence ou de crise à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE. Le mécanisme de protection civile de l’Union vise à renforcer la coopération entre les 27 pays de l’UE et les États participants – désormais au nombre de neuf (l’Islande, la Norvège, la Serbie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Turquie, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie et, depuis peu, l’Ukraine) dans le domaine de la protection civile afin d’améliorer la prévention des catastrophes, ainsi que la préparation et la réaction à celles-ci.
Par ailleurs, une approche commune permet de mettre en commun l’expertise et les capacités des premiers intervenants, d’éviter la duplication des opérations de secours et de veiller à ce que l’aide réponde aux besoins des personnes touchées. La mise en commun des capacités de protection civile garantit une réponse collective plus forte et plus cohérente.
Le mécanisme contribue également à la coordination des activités de préparation aux catastrophes et de prévention de celles-ci menées par les autorités nationales, ainsi qu’à l’échange de bonnes pratiques. Cela facilite l’élaboration continue de normes communes plus élevées permettant aux équipes de mieux comprendre les différentes approches et de travailler avec des effectifs interchangeables lorsqu’une catastrophe se produit.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’UE a alloué un montant total de 685 millions d’euros d’aide humanitaire à l’Ukraine, comprenant le complément de 55 millions d’euros de ce jour, demandé par la Commission européenne et en cours d’adoption par l’autorité budgétaire de l’UE. L’aide humanitaire financée par l’UE est apportée dans le respect des principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. Elle est fournie par l’intermédiaire des agences humanitaires des Nations unies, d’organisations non gouvernementales et du Comité international de la Croix-Rouge.
Chronique de François Clemenceau : le courage d’être européen
10 Déc 2023, 5:47
C’est peu dire que le dernier Conseil européen de l’année, jeudi et vendredi, sera une épreuve de vérité pour l’Union face à Vladimir Poutine. Doit-on et peut-on continuer à soutenir le plus possible l’Ukraine, avec notamment 50 milliards d’euros supplémentaires, alors que son peuple entame son troisième hiver de guerre ? Doit-on et peut-on démarrer les négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE après lui avoir promis un avenir européen ? Le Kremlin sera tout ouïe pour vérifi er si les Vingt-Sept ont suffisamment de courage politique pour répondre d’un oui ferme à ce questionnaire existentiel. Tergiverser, procrastiner serait offrir au maître russe ce qu’il attend depuis le jour où ses chars ont roulé vers Kiev : la preuve de notre mollesse, l’inefficacité des démocraties à se défendre dès lors que chacune se recroqueville dans la protection de ses seuls intérêts de court terme.
Comme on a pu le mesurer sous tous les angles depuis le début de la guerre d’agression russe, les Ukrainiens, eux, font preuve d’un courage qui force le respect. Une enquête récente et approfondie menée par l’International Republican Institute (IRI) indique que 85 % de ceux vivant toujours sur place croient en un avenir prometteur. 94% pensent que leur patrie sera victorieuse, un score quasi identique à celui du même sondage mené trois mois après le début de la guerre. Non seulement les Ukrainiens sont toujours une majorité à vouloir rejoindre l’UE, mais près de huit sur dix voteraient également en ce sens pour intégrer l’Otan, 20 points de plus qu’au début de la guerre.
Le chantage de Viktor Orbán
Quand on demande à Michael Druckman, le directeur de l’IRI en Ukraine, s’il ne doit pas plutôt montrer ce sondage à ses camarades trumpistes au Congrès, qui marchandent depuis le mois de septembre leur soutien à Kiev en échange d’un renforcement de la frontière américaine avec le Mexique, son sourire trahit l’embarras, même s’il ne doute pas qu’un « deal » finira par débloquer cette aide vitale de 61 milliards de dollars et que le plus tôt sera le mieux.
Et nous ? Est-on prêt à céder au chantage du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán ?
Jeudi soir à l’Élysée, Emmanuel Macron a tenté pendant trois heures de le convaincre que son attitude minait l’unité européenne à un moment crucial de la guerre. Le populiste, qui fréquente encore volontiers Poutine, serait prêt à voter la
poursuite du soutien à l’Ukraine à condition que l’UE débloque plus rapidement les fonds destinés à la Hongrie mais qui restent en partie gelés tant que Budapest ne se réconcilie pas totalement avec l’État de droit. « À chacun maintenant de prendre ses responsabilités », indique-t-on à l’Élysée. « On sait que la capacité des Européens à montrer qu’ils sont déterminés à prendre leur part de l’aide à l’Ukraine sera importante pour convaincre les républicains au Congrès », signale une source diplomatique française.
Selon elle, le secrétaire d’État, Antony Blinken, croit dans le pouvoir d’entraînement des Européens. Pour Marie Dumoulin, directrice du programme Europe élargie du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), ne pas parvenir à envoyer ce signal univoque à Moscou, Kiev et Washington serait « catastrophique ». Surtout si les Vingt- Sept retardent également le début des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE. « Cela prouverait que nous ne sommes pas sérieux dans nos ambitions, ce serait une perte considérable de crédibilité », selon elle. Et si en plus les Européens ne parvenaient pas à s’entendre sur une prolongation du soutien militaire à l’Ukraine, comment imaginer dès lors que l’UE serait « capable de prendre le relais des États-Unis l’an prochain », sous-entendu en cas de victoire de Donald Trump à la présidentielle de 2024 ?
Une pédagogie du sacrifice
Les citoyens européens sont-ils plus courageux que leurs dirigeants ? Lors de la dernière vague automnale de l’Eurobaromètre, leur solidarité restait remarquable après dix-huit mois de guerre qui ont vu leur quotidien frappé par la montée des prix de l’énergie en raison des sanctions infligées à Moscou. 86 % veulent maintenir l’aide humanitaire à l’Ukraine, 64 % le soutien à l’économie ukrainienne mais 57 % seulement la poursuite des livraisons d’armes. Dans chacun de ces secteurs, la baisse est de 10 points en moyenne par rapport au printemps 2022. Leur lassitude est compréhensible. Mais il appartient aux dirigeants d’une Europe démocratique de mobiliser les opinions publiques par une pédagogie du sacrifice en faveur d’un peuple voisin menacé dans son existence identitaire et démocratique. Sinon, à quoi bon l’Europe et ses valeurs ? Après ce Conseil décisif de Bruxelles jeudi, ce sera précisément aux citoyens de l’Union de se prononcer. Dans les urnes en juin. Là encore, Poutine sera aux premières loges.
Complément : europeancouncilconclusions-14-15-12-2023-fr.pdf (europa.eu)
Chronique de François Clemenceau : le courage d’être européen (latribune.fr)
Adhésion rapide de l’Ukraine à l’UE : Varsovie appuie, Paris tempère – Touteleurope.eu