La politique numérique de l’Union européenne

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Taxation des Gafa, circulation des données, concurrence… entre innovation et régulation, l’Union européenne cherche à développer son propre modèle en matière numérique.

Politique numérique européenne

Alors qu’en 2007, seuls 55 % des habitants de l’actuelle Union à 27 avaient utilisé internet au cours des 3 derniers mois, ils ont été 86 % à y avoir recouru en 2019. Sur la même période, la part d’individus ayant réalisé un achat en ligne au cours des 3 derniers mois est passée de 20 à 49 %.

Au-delà des usages pour les particuliers, le numérique génère d’immenses opportunités économiques et industrielles. Il soulève également d’importants enjeux géopolitiques et démocratiques. Face à la domination d’acteurs étrangers dans ce secteur, l’Union cherche à tirer son épingle du jeu.

CE QUE VOUS ALLEZ APPRENDRE DANS CET ARTICLE

Les spécificités du numérique compliquent l’harmonisation du marché intérieur.

L’Union européenne a déjà adopté plusieurs législations visant à renforcer les droits des usagers, à protéger leurs données et à harmoniser les régulations nationales.

Parmi les nombreux projets en cours, la régulation des marchés numériques (DMA) et des services en ligne (DSA) constituent deux textes phares. Le premier a fait l’objet d’un accord, le second pourrait lui aussi être approuvé début 2022.

Un marché fragmenté

Un marché commun du charbon, de l’acier ou des produits agricoles n’est pas un marché commun du numérique. Alors que la construction européenne a peu à peu limité les obstacles à la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes, le marché du numérique continue de faire face à de nombreux défis.

D’une part, il souffre d’une forte fragmentation. Les disparités économiques, sociales et d’infrastructures entre Etats membres ne les placent pas sur un pied d’égalité. Tant sur l’accès du public aux outils numériques que sur la digitalisation des administrations et des entreprises.

Trois grands ensembles peuvent être distingués : les Etats les plus performants au nord, ceux dans la moyenne plutôt à l’ouest et au centre, enfin ceux accusant un retard au sud et à l’est.

Cette fragmentation s’observe également sur le plan législatif, chaque Etat membre appliquant pour l’essentiel ses propres règles à destination d’un secteur qui fait le plus souvent fi des frontières. Ou qui, au contraire, exploite ces différences à son avantage. Une situation mis notamment en exergue par le géoblocage, qui limite ou proscrit l’accès des internautes à des sites, contenus et services proposés dans un autre Etat membre. En 2018, l’Union européenne a interdit cette discrimination pour le commerce en ligne et les abonnements audiovisuels payants.

Depuis plusieurs années, l’UE tente ainsi d’harmoniser les législations nationales tout en encadrant les activités du secteur à travers son propre modèle de régulation. Dès 1995, elle a adopté une directive sur la protection des données personnelles. En 2018, le règlement général sur la protection des données (RGPD) a renforcé la transparence des plateformes du numérique vis-à-vis de leur usage des informations à caractère personnel, introduit un droit à la portabilité permettant aux utilisateurs de transférer ou récupérer ces données, et mis en place un droit à l’oubli. Aujourd’hui considéré comme une référence en la matière, ce texte s’applique non seulement aux sociétés européennes mais également aux acteurs étrangers proposant leurs services aux Européens.

En 2017, un règlement a par ailleurs supprimé les frais d’itinérance pour les voyageurs, permettant aux utilisateurs de téléphones mobiles d’appeler, d’envoyer des SMS et de surfer sur Internet à l’étranger au prix de leur pays d’origine, facilitant ainsi la libre circulation au sein du territoire européen. Le 8 décembre 2021, cette mesure qui devait expirer en juin 2022 a été renouvelée pour 10 années supplémentaires.

Le 1er janvier 2022, de nouvelles règles relatives aux contenus numériques et à la vente de biens sont entrées en vigueur. Elles donnent un droit de recours aux consommateurs lorsqu’ils achètent un contenu (musique, logiciel…) ou un service numérique qui se révèle défectueux, que cet achat ait eu lieu en ligne ou dans un magasin dans toute l’UE.

L’Union dispose également d’une politique commune en matière de cybersécurité, avec l’adoption d’une première directive en 2016 (NIS) dont la révision a été proposée en décembre 2020.

Elle protège par ailleurs les auteurs à travers la directive sur le droit d’auteur, qui renforce la responsabilité des plateformes en ligne dans le contrôle du respect de ces droits.

Les réformes à venir

Mais face à la domination des oligopoles américains (les “Gafa” : Google, Apple, Facebook et Amazon, auxquels on ajoute généralement Microsoft) sur le marché numérique européen, l’Union européenne cherche à défendre ses intérêts. Elle veut notamment soumettre ces sociétés à une meilleure régulation et lutter contre leurs abus, afin de permettre aux entreprises du continent de prospérer et de garantir le respect des libertés publiques.

Parmi les principales pratiques mises en cause figure le dumping fiscal. Du fait du caractère “dématérialisé” des services numériques, les entreprises peuvent installer leur siège et déclarer leurs bénéfices dans un seul pays, tout en proposant leurs services à l’ensemble de l’Union. L’Irlande, dont le taux d’imposition est particulièrement faible, accueille ainsi le siège de nombreuses sociétés du web friandes d’optimisation fiscale. Le futur impôt mondial sur les multinationales, sur lequel 136 pays se sont accordés en octobre 2021 sous l’égide de l’OCDE, devrait cependant limiter ces pratiques de concurrence fiscale des grandes sociétés (qui ont plus de 750 millions d’euros de recettes annuelles), dont celles du numérique. En décembre 2021, la Commission a proposé qu’une partie de cet impôt alimente le budget de l’Union européenne en tant que nouvelle ressource propre, en remplacement du projet avorté de taxe européenne sur le numérique.

Pour limiter l’expansion des grandes plateformes du numérique sur le marché européen, l’Union a intensifié sa lutte contre leurs pratiques de concurrence déloyale. Une politique qui passe en partie par des sanctions contre les abus de position dominante. Dernier exemple marquant en date, la confirmation en novembre par la Cour de justice de l’UE (CJUE) d’une amende de 2,4 milliards d’euros infligée à Google pour avoir favorisé son propre service de comparaison de prix au détriment de celui de ses concurrents (la société a fait appel en janvier 2022).

La Commission cherche également à modifier les règles en matière de TVA à l’ère du numérique, considérant que le régime actuel n’y est pas “adapté”, étant “complexe pour les entreprises et […] exposé aux risques de fraude”. Elle envisage d’instaurer des obligations de déclaration numérique et un enregistrement unique pour les entreprises dans l’ensemble de l’UE ainsi que de nouvelles règles pour les plateformes numériques.

Mais l’essentiel de cette régulation du web et de ses acteurs devrait s’opérer à travers deux prochains règlements, initiés en décembre 2020 : l’acte sur les marchés numériques (DMA) et celui relatif aux services numériques (DSA). Le premier cherche à mieux encadrer les activités économiques des grandes plateformes, qualifiées de “contrôleurs d’accès” du fait de leur rôle d’intermédiaire indispensable entre les entreprises et les utilisateurs. Ces acteurs risquent alors d’être sanctionnés plus rapidement s’ils profitent de leur position dominante pour enfreindre le droit de la concurrence européen. Après l’accord du Conseil et du Parlement européen le 24 mars 2022, le texte devrait entrer en application en octobre.

Le DSA veut quant à lui imposer aux sociétés du numérique une plus grande responsabilité dans le retrait de contenus illicites (haineux, pédopornographiques, terroristes…) ou de produits contrefaits vendus en ligne. La France souhaite là aussi “conclure un accord provisoire” sur ce texte lors de sa présidence du Conseil de l’Union européenne, selon les mots du secrétaire d’Etat français chargé de la transition numérique, Cédric O.

Car l’Union cherche aussi à rendre ses entreprises du web plus compétitives. Par exemple en facilitant le développement des grandes innovations technologiques sur son territoire, comme la 5G ou l’intelligence artificielle (IA). Cette dernière a fait l’objet d’une proposition de règlement en avril 2021, dont l’enjeu pourrait être résumé ainsi : développer les potentialités sociales et économiques de l’IA tout en encadrant les risques qu’elle fait peser sur les droits fondamentaux.

L’UE vise également la création d’un environnement fiable pour faciliter l’utilisation des données à des fins de recherche et d’innovation. Le Parlement européen et le Conseil ont ainsi trouvé un accord provisoire le 30 novembre 2021 concernant l’acte sur la gouvernance des données (DGA), qui doit être formellement confirmé. Tandis qu’une directive portant sur les seules données ouvertes (“open data”) et la réutilisation des informations du secteur public a été adoptée en 2019, créant un cadre juridique commun pour les données détenues par les gouvernements.

A travers sa “boussole numérique”, la Commission a également présenté les grands objectifs de la politique numérique européenne d’ici à 2030. Ceux-ci vont de l’accroissement des compétences numériques des Européens au développement d’infrastructures (5G, semi-conducteurs, création d’un ordinateur quantique…), en passant par la numérisation des entreprises et des services publics (administration, santé, systèmes judiciaires…). En février 2022, la Commission européenne a proposé un vaste plan pour développer la production des semi-conducteurs sur le continent.

La création de “champions européens”, soutenue en particulier par la France, revient aussi régulièrement dans les débats. Si des entreprises européennes parviennent à s’illustrer dans certains secteurs, comme le finlandais Nokia ou le néerlandais Philips, les firmes d’autres continents continuent à dominer le marché. Des acteurs européens cherchent tout de même à s’allier pour développer des infrastructures numériques européennes, comme la France et l’Allemagne dans la constitution d’un cloud européen souverain, ou des banques européennes dans la mise en œuvre d’un système de paiement européen.

La protection des Européens est aussi un enjeu important de l’Europe du numérique. Outre le règlement sur la protection des données (RGPD) et le projet de législation sur les services numériques (DSA), une déclaration européenne sur les droits et principes numériques a été proposée en janvier 2022. Après l’annulation du précédent régime de transferts de données entre l’Union européenne et les EtatsUnis (Privacy shield) par la Cour de justice de l’Union européenne en juillet 2020, les deux parties ont annoncé, le 25 mars 2022, un accord sur le système qui lui succédera.

Le 9 décembre 2021, la Commission européenne a par ailleurs proposé des mesures pour que les travailleurs des plateformes puissent plus facilement bénéficier des droits et prestations d’un salarié. Le projet d’identité numérique européenne, initié en juin 2021, est quant à lui destiné à faciliter les démarches administratives des citoyens européens à l’étranger.

Face à la concurrence des acteurs étrangers, la Commission européenne a orienté sa politique vers un objectif de souveraineté numérique. “Nous devons faire de la décennie qui s’ouvre la décennie numérique de l’Europe” a ainsi annoncé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen en septembre 2021.

Les principaux commissaires en charge de ces dossiers sont Margrethe Vestager (Concurrence et Europe numérique) et Thierry Breton (Marché intérieur).

Outre le financement du secteur via le budget européen (le principal programme relatif au numérique est doté de 6,8 milliards d’euros sur la période 2021-2027), 20 % des 750 milliards d’euros du plan de relance européen doivent eux aussi permettre de développer le numérique dans les Etats membres.

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https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/la-politique-numerique-de-l-union-europeenne/