Vigilance des entreprises à échelle UE

Le projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité a fait l’objet d’un accord informel entre le Parlement européeen et le Conseil ce jeudi 14 décembre.

Nota : une approbation de la commission des affaires juridiques puis du Parlement Européen et enfin un accord du Conseil sont requis avant l’entrée en vigueur. Mais il est vraisemblable que le contenu du texte ne varie guère à present car les négotiations les plus âpres ont eu lieu avant :

Petit retour sur le calendrier

  • 26 Octobre 2020 au 08 Février 2021 Consultation par la Commission 473461 réponses !
  • 10 mars 2021 Rapport d’iniative du Parlement européen
  • 23 février 2022 proposition de la Commission
  • 1er décembre 2022, les ministres de l’Industrie ont adopté une position commune.
  • 25 avril 2023 La commission des affaires juridiques du Parlement européen a adopté sa position .
  • 1er juin 2023 Le Parlement se prononcé en plénière
  • 8 juin 2023 Les « trilogues » ont commencé
  • 14 décembre un texte commun est adopté

Les grands enjeux de lobbying concernaient le secteur financier qui a été exclu de cet accord, mais pourrait être intégré lors d’une révision du texte. Un autre enjeu de taille etait le champs de responsabilité des administrateurs avec une proposition (articles 24 et 25) mettant à la charge des administrateurs le contrôle mais aussi l’application de la stratégie vigilance. Les États membres ont limité ce qui a été considéré comme « une ingérence dans les dispositions nationales relatives au devoir de sollicitude des administrateurs »,tandis que Le Parlement européen avait inscrit l’obligation des administrateurs de veiller au respect des obligations fixées pour l’élaboration des plans de transition et conservé l’article 25 (« devoir de sollicitude »). C’est un point d’attention pour la derniere version du texte pour les organisations d’administrateurs.

Ecouter la conférence de presse : Lara WOLTERS (rapporteure du texte Commission affaires juridiques), du commissaire Didier REYNDERS et de Gonzalo GARCÍA ANDRÉS (secrétaire d’État espagnol -L’Espagne est en présidence) sur l’accord sur les règles de diligence raisonnable pour les entreprises

Objectif

Elle impose aux entreprises visées (voir ci-après), l’obligation de surveiller leur impact négatif sur les droits humains et sur l’environnement, notamment ( travail des enfants, l’esclavage, l’exploitation du travail, la pollution, la déforestation, la consommation excessive d’eau ou les dommages causés aux écosystèmes). C’est au travers du « devoir de diligence » (ou de vigilance) à integrer dans le systèmes de gestion des risques des grandes entreprises, avec notamment un plan mis en œuvre pour contenir le réchauffement climatique à 1,5 °C.

Le devoir de diligence est le processus par lequel les entreprises peuvent identifier, prévenir, atténuer et rendre compte de la manière dont elles gèrent les impacts négatifs réels et potentiels (Directives de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, chap. II – Politiques générales, par. 10). Le devoir de diligence peut être inclus dans des systèmes plus larges de gestion des risques de l’entreprise, à condition qu’il ne se limite pas à identifier et à gérer les risques matériels pour l’entreprise elle-même, et comprenne les risques de préjudices liés aux questions couvertes par le guide OCDE sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des affaires (projet 2.1, p. 8).

Qui est concerné? – Périmètre

La directive CSDD a un champ d’application plus large que la loi française n° 2017-399 du 27 mars 2017 qui s’applique à « toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger ».

Le texte de l’Ue prévoit que sont concernées , les sociétés -mère – entreprises de l’UE mais aussi des pays tiers – de plus de 500 salariés et rélisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 150 millions d’euros. Mais aussi les entreprises plus petites : 250 salariés et réalisant un CA supérieur à 40 millions d’euros si au moins 20 millions sont générés dans un secteur « à haut risques » : fabrication et commerce de gros de textiles, habillement et chaussures, agriculture, fabrication de denrées alimentaires et commerce de matières premières agricoles, extraction et commerce de gros de ressources minérales ou fabrication de produits connexes et construction.

Les entreprises devront identifier, évaluer, prévenir, mettre fin et remédier à l’impact négatif de leurs activités sur les personnes et sur la planète, ainsi que celui de leurs partenaires, notamment en terme de production, approvisionnement, transport, stockage, conception et distribution. Les entreprises concernées devraient prendre des mesures appropriées, en fonction de la gravité et de la probabilité des différentes incidences, et fixer des priorités.

Comment cela fonctionnera t-il ?

Une partie administrative avec un mécanisme de plainte, des portails d’informations pratiques, consacrés aux obligations impliquées par le devoir de vigilance des entreprises, qui fourniront des informations sur le contenu et les critères, des orientations de la Commission et des informations connexes pour les parties prenantes. Une autorité de contrôle nationale nommée dans chaque Etat. Celle-ci participe à un réseau européen d’autorités de surveillance sous le contrôle de la Commission, avec possibilité de lancer des enquêtes et d’imposer des sanctions aux entreprises , y compris la dénonciation publique et des amendes allant jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires net mondial. On ne pourra s’empêcher ici de faire une comparaison avec les autorités de concurrence nationales et le Réseau européen de la concurrence (REC) qui a démontré son efficacité.

Dimension civile

Mais les victimes auront droit à des dommages-intérêts, ainsi l’autre branche du système va relever des recours nationaux devant les tribunaux civils ; sur ce sujet les expériences française et néerlandaise sont donc particulièrement intéressantes à examiner à titre de premiere expérience de contentieux civils en Europe.

NB : Le respect des obligations du devoir de vigilance deviendra un critère dans le cadre des attributions de contrats publics et de contrats de concession.

A suivre donc …