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  • L’UE face à la guerre en Ukraine : la puissance libérale et ses limites

    Maxime Lefebvre 9 janvier 2023 – Questions d’EUROPE

    L’Union européenne a été profondément bouleversée par la guerre en Ukraine.

    On a parlé de « changement de paradigme » en France, de « Zeitenwende » (« changement d’époque ») en Allemagne, de « fin de la naïveté ». A travers toute l’Europe, un élan de sympathie et de solidarité pour l’Ukraine et ses souffrances a saisi les opinions publiques, jusqu’aux couleurs bleues et jaunes des drapeaux de l’Union européenne et de l’Ukraine ostensiblement affichées par Ursula von der Leyen. L’Union européenne a aidé massivement l’Ukraine sur le plan économique (20 milliards € déjà versés, 20 milliards € prévus pour 2023) et a accueilli 4 millions de réfugiés en provenance de ce pays. Au Conseil européen de juin, elle a accepté la candidature de l’Ukraine, ainsi que celle de la Moldavie, et une perspective d’adhésion pour la Géorgie.

    En adoptant à l’encontre de la Russie des sanctions sans précédent depuis celles qui ont visé la Serbie au début des guerres en ex-Yougoslavie, elle a aussi montré sa capacité à pratiquer le « hard power ». Sur la lancée de sa politique de défense commune, elle a livré pour la première fois des armes à l’Ukraine à travers sa « facilité de paix » (3 milliards €). En se privant presque complètement d’énergies fossiles russes, elle accélère sa transition énergétique.

    C’est dire l’énorme changement que représente la guerre en Ukraine pour le projet européen, qui subit une nouvelle crise existentielle après les crises à répétition des dernières années (crise de la zone euro, crise migratoire, Brexit, pandémie de Covid-19) et qui paraît à nouveau confirmer la prophétie de Jean Monnet que l’Europe se construirait par les crises et serait la somme des solutions apportées à ces crises. En défendant ses valeurs face à la Russie, l’Union européenne s’affirme comme une « puissance libérale ». Mais elle n’en demeure pas moins fragile derrière cette réactivité.

    La puissance dans les valeurs

    Comme les Etats-Unis, l’Union européenne défend à la fois des intérêts et des valeurs, comme cela est prévu depuis le traité de Maastricht (articles 3-5 et 21-2 TUE). Elle est ainsi une « puissance libérale » ou un « Empire démocratique », comme l’a désignée Philippe Moreau-Defarges[1]. C’est cette orientation qui l’a amenée à s’élargir aux pays d’Europe centrale et orientale, anciennement communistes, à développer une « politique européenne de voisinage » à l’endroit de ses voisins de l’Est de l’Europe et du Sud de la Méditerranée (2002), puis un « partenariat oriental » à destination spécifiquement des voisins orientaux (2009) et à se distancer progressivement de la Russie de Vladimir Poutine.

    Si la brève guerre russo-géorgienne de l’été 2008 a été arrêtée par Nicolas Sarkozy, exerçant alors la présidence française de l’Union, et n’a pas empêché la poursuite de la coopération UE-Russie, la crise ukrainienne de 2013-2014, déclenchée par la question de l’accord d’association négocié entre l’Union européenne et l’Ukraine, a constitué un tournant et a entraîné une première rupture entre Moscou et Bruxelles prenant la forme d’une suspension des rencontres et des négociations en cours, et de sanctions européennes déjà sévères (comprenant notamment un embargo sur les armes, la restriction de l’accès des banques russes aux marchés financiers européens et une limitation des investissements technologiques dans le secteur énergétique russe).

    Malgré les tentatives de « reset » qu’ont représentées les ouvertures du Président Emmanuel Macron en 2019, puis le voyage raté du Haut Représentant Josep Borrell à Moscou en 2021, la relation ne s’est pas normalisée, ensuite, du fait de l’absence de progrès sur la réintégration du Donbass à l’Ukraine.

    L’agression russe contre l’Ukraine le 24 février 2022 a entraîné l’adoption de sanctions nettement plus lourdes : de longues listes nominatives d’interdictions de séjour et de gel des avoirs (visant même le Président russe et son ministre des Affaires étrangères), une sévère limitation des transactions financières avec les principales banques russes, un arrêt des liaisons aériennes, un embargo sur les exportations de technologies et de produits de luxe, l’arrêt des achats de charbon et de pétrole russes, la suspension de l’accord de facilitation de visas. L’interruption des gazoducs Nord Stream a fait le reste et réduit à peu de choses les relations économiques UE-Russie.

    L’Union européenne est bien devenue une « puissance libérale » qui défend ses valeurs en recourant aux outils du « hard power » (sanctions) et en allant jusqu’à frôler la cobelligérance à travers les livraisons d’armes à l’Ukraine.

    Certes, elle le fait dans un cadre occidental où les sanctions sont largement coordonnées avec les Etats-Unis et où la stratégie militaire passe surtout par l’OTAN (notamment les mesures de réassurance militaire sur le flanc Est de l’Alliance). Mais elle le fait avec une unanimité qui a surpris les observateurs et peut-être le Président russe lui-même, et avec un fort soutien de l’opinion[2].

    Rien n’est plus illustratif de cette fermeté exemplaire que le retournement des sociaux-démocrates et des Verts allemands au pouvoir, qui ont tourné le dos à la fois aux vieux principes de l’Ostpolitik (la recherche de la « Détente » à l’Est, l’idée du « changement par le commerce », Wandel durch Handel) et au pacifisme de la gauche allemande. Même la Hongrie de Viktor Orban, tout en contestant les sanctions et en négociant des exemptions sur l’arrêt des achats de pétrole russe, n’a pas osé bloquer les décisions prises à l’unanimité. Les partis plus conciliants vis-à-vis de la Russie, à l’extrême-gauche ou à l’extrême-droite, n’ont pas hésité à condamner les actions russes, comme la campagne présidentielle française l’a montré. Si le Président Emmanuel Macron n’a jamais voulu interrompre le dialogue avec le Président russe et a continué à promouvoir une diplomatie de la désescalade, il a aussi très clairement manifesté son soutien à l’Ukraine, comme l’a montré la visite conjointe de quatre leaders nationaux de l’Union (Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Mario Draghi, Klaus Iohannis) à Kiev en juin, à la fin de la présidence française du Conseil de l’Union.

    Toute l’Europe se retrouve donc unie face à l’agresseur russe, alors que la relation à la Russie était sans doute un des dossiers de politique étrangère qui divisait le plus les Européens, entre les pays adeptes d’une fermeté maximale (Pologne, Suède, Estonie, Lettonie, Lituanie), les pays partisans d’une approche plus réaliste (France, Allemagne, Italie, Espagne, Finlande), et les francs soutiens de Poutine (Hongrie).

    Europe géopolitique, puissance militaire et autonomie stratégique

    L’Europe n’est pas seulement sortie de sa naïveté face à la politique du régime russe, elle a aussi mûri dans sa prise de conscience géopolitique. La guerre en Ukraine vient percuter une trajectoire qui était déjà favorable à l’affirmation géopolitique de l’Union européenne. Depuis 2013, l’Europe de la défense était relancée, au moins sur le plan capacitaire, avec le lancement de financements communs pour des projets de recherche militaire et de développement conjoint de capacités de défense (notamment le Fonds européen de défense doté de 8 milliards € sur la période 2021-2027). Depuis 2016, sous l’effet du Brexit et de l’élection de Donald Trump, l’Union européenne affirmait qu’elle devait « assumer davantage la responsabilité de sa propre sécurité ».

    Le concept d’autonomie stratégique, cher aux Français, était inscrit dans la « stratégie globale » de la Haute Représentante Federica Mogherini (2016), le Conseil européen affirmant que les Européens devaient pouvoir « agir de manière autonome lorsque c’est nécessaire, là où c’est nécessaire et avec leurs partenaires dans tous les cas où c’est possible ». En 2017, Emmanuel Macron prononçait son discours de la Sorbonne proposant de renforcer la souveraineté européenne dans des domaines comme la défense, la politique étrangère, les frontières, le développement durable, le numérique, l’économie. En 2019, la Commission européenne osait qualifier la Chine de « rival systémique » et la nouvelle présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, évoquait une Commission « géopolitique ». En 2020, à la faveur de la pandémie de Covid-19, l’autonomie stratégique était élargie d’une acception politico-militaire (une capacité autonome d’action) à une acception économique (la réduction des dépendances, la diversification des approvisionnements, la constitution de stocks stratégiques, le recyclage).

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    La guerre en Ukraine a entraîné des évolutions nouvelles sur plusieurs plans

    Sur le plan géopolitique, c’est le scénario « tous contre la Russie » qui est en train de s’imposer à l’architecture institutionnelle européenne. La Russie a été exclue du Conseil de l’Europe, qu’elle a préféré quitter avant son exclusion. Le Conseil de l’Europe, organisation qui incarne la plus large expression géographique de « l’Europe », est ainsi réduit à 46 membres, sans la Russie, sans la Biélorussie qui n’y a jamais été admise pour des raisons liées aux valeurs, et sans le Kosovo qui n’a pas encore été reconnu par tous les Etats européens. L’Union européenne, qui était déjà programmée pour s’élargir de 27 à 33 Etats membres (six pays des Balkans occidentaux), a ouvert une perspective d’adhésion à l’Ukraine, à la Moldavie et, dans une moindre mesure, à la Géorgie. Pour établir un pont entre les deux espaces, le Président Emmanuel Macron a proposé la création d’une « Communauté politique européenne » dont le sommet inaugural s’est tenu à Prague en octobre 2022 avec 44 Etats participants (le Kosovo a été invité, mais pas les « micro-Etats » que sont Andorre, Monaco et Saint-Marin). La Communauté politique européenne est, à la fois, une antichambre de l’adhésion (pour les Etats qui ont vocation à rejoindre l’Union européenne) et un cadre incarnant une solidarité politique sur la base de valeurs communes, incluant certains Etats non membres comme le Royaume-Uni, et des Etats éloignés comme l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Dans ce cadre qui est très proche du Conseil de l’Europe, c’est en réalité l’Union européenne qui est la colonne vertébrale avec ses politiques communes appuyées sur des moyens considérables. De façon très significative, l’Union européenne a envoyé une mission d’observation de la PSDC à la frontière de l’Arménie avec l’Azerbaïdjan, ce qui est un pas nouveau dans les conflits du Caucase.

    Sur le plan militaire, l’Union européenne est évidemment un acteur de second rang par rapport à l’OTAN et aux Etats, mais elle est loin d’être absente. La facilité européenne de paix, créée en 2004 pour l’Afrique et dotée dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 d’une possibilité nouvelle de livrer des armes létales, a été abondamment utilisée en faveur de l’Ukraine, ce qui n’était pas prévu au départ : jusqu’à présent, ce sont 3 milliards € qui sont mobilisés pour financer des livraisons d’armes à l’Ukraine par les Etats membres. L’Union européenne a par ailleurs lancé en octobre 2022 une mission de formation de 15000 militaires ukrainiens.

    Cette action de l’Union s’inscrit dans le cadre de la nouvelle « boussole stratégique » adoptée en mars 2022, sous présidence française du Conseil, et en pleine guerre en Ukraine, pour donner un cadre stratégique à l’action de l’Union en matière de sécurité et de défense. Autour de quatre actions programmatiques (« Act« , « Secure« , « Invest« , « Cooperate« ), l’Union européenne entend se trouver un rôle en complément de l’OTAN, qui reste chargée, selon les termes des traités, de la défense collective de l’Europe. La guerre en Ukraine a réveillé les Européens (un « wake up call« , selon une terminologie répandue), les amenant à dépenser davantage pour leur défense et à mieux se préparer à l’utilisation du « hard power », mais elle se situe aussi dans la droite ligne d’un renforcement constant de la politique de sécurité et de défense commune.

    La plus-value européenne réside essentiellement dans les missions de la PSDC (la mission en Arménie, la mission de formation militaire en Ukraine), dans le financement des livraisons d’armes et dans le soutien au renforcement des capacités communes. A cet égard, l’accord récent entre les industriels pour lancer l’avion de combat européen du futur (SCAF) est prometteur pour la coopération européenne d’armements qui avait, dans le passé, souvent buté sur des obstacles nationaux. Sans disputer la prééminence à l’OTAN, l’Union européenne aborde la nouvelle ère de compétition des puissances avec un rôle beaucoup plus ambitieux que la Communauté européenne du temps de la guerre froide. De façon significative, le Danemark a renoncé par référendum le 1er juin 2022 à son exemption sur la PSDC, obtenue lors du traité de Maastricht.

    Sur le plan économique, la guerre en Ukraine accélère aussi l’évolution de l’Union européenne vers « l’autonomie stratégique ». Ce concept issu de la doctrine française de défense désigne certes la capacité autonome d’action de l’Union dans le champ politico-militaire, en particulier pour des opérations extérieures. Mais il implique aussi les capacités militaires et les capacités d’armements, ce qui a entraîné un renforcement croissant de l’Europe de la défense au plan capacitaire. Selon la définition entraînée par la pandémie en 2020, l’autonomie stratégique doit s’appliquer, en outre, à un nombre beaucoup plus large de secteurs économiques (non seulement la défense, mais aussi l’espace, l’énergie, la santé, le numérique, les matières premières, l’agro-alimentaire). Il s’agit de rendre l’Europe plus autonome, on dit parfois plus « souveraine » (l’objectif de la souveraineté numérique a été reconnu par le Conseil européen en 2019), on vient aussi de parler de « souveraineté énergétique » en 2022, et donc moins dépendante. Pour satisfaire les pays nordiques, plus libéraux, cette autonomie stratégique est qualifiée d’ « ouverte » : elle ne signifie pas l’autarcie et le protectionnisme, elle s’inscrit dans un environnement commercial ouvert, elle vise à diversifier les approvisionnements autant qu’à relocaliser les productions ou à accroître les stocks stratégiques. Des projets industriels communs ont ainsi été lancés ou sont en projet pour développer la production de batteries ou de puces électroniques, pour structurer une filière européenne de l’hydrogène, pour développer les innovations dans la santé, pour créer un « cloud européen ».

    Rien n’est plus significatif de la guerre en Ukraine que les conséquences sur l’approvisionnement énergétique de l’Union. Celle-ci s’est retrouvée tiraillée, dans sa politique de sanctions, entre sa dépendance énergétique à l’égard de la Russie (qui lui fournissait environ 20 % de sa consommation de gaz et de pétrole) et sa volonté de la sanctionner sur le fondement de ses intérêts et de ses valeurs. Elle a d’abord résolu l’équation en évitant de s’en prendre aux importations énergétiques russes, pour ne pas se couper ses propres ailes, au risque de financer indirectement la guerre de Moscou, d’autant que la crise a enflammé le prix du pétrole et du gaz. Puis elle a été rattrapée par ses contradictions et a décidé d’interrompre ses achats de charbon, puis de pétrole russes, avant de subir aussi les contrecoups de l’arrêt du gazoduc Nord Stream I – provoqué par un prétexte russe sur les pièces de rechange, puis par une mystérieuse explosion au fond de la mer Baltique. S’il y a une conséquence positive de la guerre en Ukraine, c’est d’obliger l’Union européenne à réduire sa consommation d’énergies fossiles et à accélérer sa transition énergétique vers une économie climatiquement neutre. Mais pour le moment, l’Union européenne ne peut pas se passer complètement du gaz russe, notamment du gaz naturel liquéfié suite à l’arrêt des gazoducs. Elle l’a en partie remplacé par d’autres sources : GNL américain en particulier, mais aussi gaz du Qatar, d’Algérie et de Norvège. Pour l’avenir, elle mise sur d’autres énergies comme le nucléaire, dont le choix reste controversé dans un certain nombre d’Etats membres, les énergies renouvelables, l’hydrogène, etc.

    Outre la défense et l’énergie, on peut citer d’autres domaines où l’autonomie stratégique européenne progresse : l’espace (avec le projet de Thierry Breton d’une nouvelle constellation satellitaire sécurisée), le numérique (par la voie d’une législation européenne protectrice – sur la protection des données, la concurrence, la régulation des contenus – qui limite le pouvoir des GAFAM et favorise l’émergence d’un écosystème européen), la santé (avec la création d’une agence européenne de réponse aux urgences sanitaires, HERA), les matières premières (par le soutien à la production, la sécurisation des approvisionnements, le recyclage), l’agro-alimentaire (qui est le secteur le plus ancien visant à l’autonomie européenne, avec la politique agricole commune).

    Globalement, on peut affirmer que l’Union européenne est jusqu’à présent ressortie plus forte de la guerre en Ukraine. Son agenda de souveraineté s’est trouvé renforcé et elle a démontré, une fois de plus après les multiples crises des dernières années, son unité et sa résilience. Est-elle pour autant dépourvue de faiblesses ? Elle est en réalité confrontée à trois défis majeurs.

    Le défi illibéral

    Le premier élément de faiblesse tient à la montée du courant « illibéral » non seulement dans l’Union européenne, mais dans le monde occidental et, même, dans le monde entier.

    Il suffit de comparer le paysage politique de 2022 avec celui d’il y a 20 ans pour mesurer la tendance en Europe. Des partis d’extrême droite se sont développés en Allemagne (AfD) et en Espagne (VOX) pour atteindre environ 10 % des suffrages. En Italie, les partis populistes (Ligue du Nord, Mouvement 5 étoiles) se sont hissés au pouvoir en 2018-2019 et y sont à nouveau avec Frères d’Italie depuis fin octobre 2022, centième anniversaire de la « marche sur Rome » de Mussolini. La vague populiste a aussi gagné les pays scandinaves (l’extrême-droite soutient le gouvernement en Suède). En France, le Front national de Jean-Marie Le Pen plafonnait à 18 % des voix en 2002 alors que sa fille (qui, il est vrai, a abandonné les outrances du père) est passée de 34 à 41 % des suffrages à l’élection présidentielle entre 2017 et 2022 (second tour). Le gouvernement « illibéral » de Viktor Orban est au pouvoir depuis 2010 en Hongrie tandis que le PiS (« droit et justice ») gouverne la Pologne depuis 2015 après l’avoir déjà dirigée entre 2005 et 2007, et que la Slovénie a pris un tour autoritaire avec Janez Jansa en 2020. Il a été battu depuis.

    Ces partis populistes de droite surfent sur les difficultés économiques et sociales, sur les sentiments « identitaires » et sur le rejet de l’immigration, sur le rejet aussi d’une classe politique dénoncée comme inefficace et corrompue. Mais il faudrait ajouter le populisme d’extrême-gauche (Jean-Luc Mélenchon en France, « Die Linke » en Allemagne) qui s’inscrit aussi en rupture par rapport aux partis démocratiques classiques, alimentant le rejet de l’Europe et la radicalisation politique.

    Le développement du populisme n’exprime pas seulement des mouvements protestataires qui, après tout, ne sont pas nouveaux (ils ont toujours représenté en France autour du tiers de l’électorat, ce qui est d’ailleurs le score cumulé du Rassemblement national et de la France insoumise aux élections européennes de 2019). Il exprime plus fondamentalement la remontée générale du nationalisme dans le monde, qu’on croyait extirper après la défaite du fascisme en 1945. Là où la droite modérée ou républicaine s’allie à ces tendances populistes, elle gouverne en modifiant la politique dans un sens plus identitaire, plus nationaliste, plus autoritaire, plus sécuritaire, plus hostile à l’immigration : c’est le cas – avec évidemment des variantes – de Recep Tayyip Erdogan en Turquie (au pouvoir depuis 2003), de Benjamin Netanyahou en Israël (au pouvoir presque sans discontinuité depuis 2009), du Premier ministre Narendra Modi en Inde (au pouvoir depuis 2014), de l’évolution du parti conservateur sous la pression du parti UKIP au Royaume-Uni (aboutissant au vote du Brexit en 2016), du parti républicain aux Etats-Unis (avec Donald Trump, président de 2016 à 2020, gouvernant selon le principe « America First« ), de Rodrigo Duterte aux Philippines (2016-2022) ou de Jair Bolsonaro au Brésil (2019-2022).

    Opposer les régimes démocratiques occidentaux aux régimes autoritaires comme la Russie de Vladimir Poutine (au pouvoir depuis 2000) et la Chine de Xi Jinping (au pouvoir depuis 2012), comme le font schématiquement un certain nombre d’analystes des relations internationales, méconnaît la montée profonde du courant nationaliste, identitaire, autoritaire, « illibéral » y compris au sein même de nos démocraties, et l’influence que ce courant exerce sur les partis plus modérés.

    Pour le système international, c’est un facteur d’instabilité profonde, car les périodes où le nationalisme était puissant (par exemple l’Europe de la seconde moitié du XIX° siècle à 1914, puis dans les années 1930) ont été des périodes de fortes tensions qui ont débouché sur deux guerres mondiales. Le principal contrepoids à cette montée du nationalisme reste le système libéral américain et la puissance des Etats-Unis, mais d’une part on peut se demander jusqu’où les Etats-Unis resteront épargnés par le nationalisme, et d’autre part le déclin relatif de la puissance américaine – notamment face à la Chine – risque d’affaiblir l’ordre international libéral que les Etats-Unis ont construit après 1945.

    Ce ne sont pas des nouvelles rassurantes pour le projet européen. Pour le moment, la montée du populisme est contenue : les partis populistes ou nationalistes n’ont attiré qu’un tiers des suffrages aux élections européennes de 2019, et la coalition des partis pro-européens dispose encore d’une majorité très confortable, même si le parti populaire européen et les sociaux-démocrates ont perdu la majorité absolue qu’ils détenaient ensemble avant 2019 au Parlement européen. Mais on voit bien que, malgré les appels à renforcer la souveraineté européenne, malgré la formidable résilience de l’Union dans la traversée des crises, malgré les consultations citoyennes de 2018 et la conférence sur l’avenir de l’Europe en 2021-2022, l’appétit des Etats membres pour renforcer les compétences européennes reste très limité. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau : la Convention européenne de 2002-2003 avait davantage réformé les institutions qu’accru véritablement les pouvoirs de l’Union, et le rejet de la Constitution européenne en 2005 avait sérieusement alerté sur la capacité des dirigeants pro-européens à entraîner leurs peuples.

    Compte tenu des évolutions du monde et des opinions, on ne peut pas exclure dans l’avenir de nouveaux basculements inquiétants, comme le Brexit en 2016. Cela est d’autant plus risqué que la guerre en Ukraine se traduit par des conséquences économiques et sociales majeures (le retour de l’inflation, notamment des produits alimentaires et de l’énergie, les risques de récession) alimentant les mécontentements. Pour tous les partis qui refusent de se laisser entraîner sur la pente du nationalisme et du populisme et veulent continuer à parier sur l’Europe, il y a là un véritable défi politique.

    Le défi des nouveaux élargissements

    Pendant son histoire, la construction européenne a remarquablement réussi à concilier son élargissement et son approfondissement. Elle est passée de son noyau historique « carolingien » des 6 Etats fondateurs à 28 membres (avant le Brexit), en accompagnant chaque élargissement de nouveaux progrès vers l’intégration : en particulier, le grand élargissement de 2004 a été précédé de la création de l’Union européenne et du lancement de la monnaie unique.

    Aujourd’hui, l’Union européenne est confrontée à la perspective d’une Union à 33 membres (avec les pays des Balkans occidentaux), voire à 36 (avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie) et se rapproche des frontières du Conseil de l’Europe après l’exclusion de la Russie. Le Royaume-Uni et la Turquie (celle-ci étant, en principe, toujours candidate) constituent les deux principaux maillons qui distinguent la nouvelle « communauté politique européenne » et l’Union européenne.

    Comme l’élargissement à l’Est de 2004-2007, les élargissements à venir posent trois types de défis. Un défi institutionnel d’abord : s’il n’apparaît pas forcément nécessaire de revoir la définition de la majorité qualifiée réformée par la Convention européenne (traité de Lisbonne) avec la règle d’une majorité démographique (65 % de la population) doublée d’une majorité numérique (55 % des Etats), la question de la taille de la Commission pose sérieusement question si l’on devait s’acheminer vers une Commission de 36 membres. Il faudrait probablement viser une Commission où tous les Etats membres ne seraient pas représentés – ce qui était envisagé par le traité de Lisbonne, mais cela a été impossible à imposer au peuple irlandais, et les petits Etats sont très réfractaires à perdre leur représentant au collège des commissaires – ou bien, dans une solution du pis-aller, prévoir des commissaires sans portefeuille ou exerçant une cotutelle sur les directions de la Commission, comme l’a proposé le chancelier allemand Olaf Scholz dans son discours de Prague. Plus largement, la multiplication du nombre d’Etats membres affaiblit la légitimité des institutions supranationales à imposer des choix aux Etats membres et risque de faire dériver la Commission vers un secrétariat d’organisation intergouvernementale (on peut déjà observer la prudence de la Commission à de nombreux exemples). Le second défi est budgétaire : comme les pays d’Europe centrale et orientale, les futurs Etats membres sont pauvres, ils seront fortement consommateurs de crédits de la politique agricole et de la politique de cohésion et seront « bénéficiaires nets » du budget européen – l’Ukraine représente l’équivalent de la Pologne et les pays des Balkans l’équivalent de la Roumanie. Le troisième défi porte sur la politique étrangère : l’Ukraine ou la Géorgie, pour des raisons bien compréhensibles, sont des Etats qui vont garder pour longtemps une hostilité envers la Russie et qui rendront la construction d’une architecture de sécurité avec cette dernière particulièrement difficile.

    Certes, l’élargissement à ces 9 nouveaux membres n’est pas pour demain et prendra du temps. On peut se dire aussi qu’après tout, intégrer dans l’Union une nouvelle Pologne (l’Ukraine) et une nouvelle Bulgarie (la population de la Serbie), ainsi qu’une poignée de pays plus petits, n’a rien d’insurmontable dans une Union déjà aussi large. Mais on peut aussi craindre – « qui trop embrasse mal étreint » – que l’Union européenne y perde sa cohésion à la fois au Nord, au Sud et à l’Est.

    Au Nord, on voit que les pays riches de culture protestante, où l’identité historique et culturelle est communautaire plutôt que romaine et latine, ont déjà tendance à refuser l’intégration supranationale : c’est le cas évident du Royaume-Uni depuis le Brexit, de la Suisse depuis toujours, de la Norvège (qui a refusé deux fois l’adhésion), du Danemark et de la Suède (qui ne sont pas dans l’Euro). L’Autriche, le Danemark, la Finlande, la Suède, les Pays-Bas ont formé un groupe de pays « frugaux » qui ont rechigné à adopter le plan de relance européen en 2020 et qui veulent limiter la solidarité. Refusant l’effort budgétaire dans une Europe appauvrie, il n’est pas impossible que certains de ces pays soient tentés par l’exemple du Brexit. Les Pays-Bas avaient voté en 2016 contre l’accord d’association avec l’Ukraine par réticence à ouvrir une perspective d’élargissement à ce pays.

    Au Sud, les pays qui ont été massivement, et efficacement, aidés par la politique de cohésion, ont reperdu du terrain depuis la création de l’union monétaire et l’élargissement vers l’Est. L’Espagne et le Portugal ne se sont pas transformés en pays riches, comme l’Irlande. La Grèce a subi durement l’impact des réformes structurelles qui ont accompagné les plans de sauvetage financier : son PIB a chuté d’un quart après 2008. L’Italie est plus riche et plus industrialisée (au moins dans sa partie Nord) mais son endettement public est considérable (plus de 150 % du PIB). Contrairement au scénario d’une convergence économique et sociale produite par le marché unique, la politique de cohésion et l’intégration monétaire, il apparaît que les régions du Sud de l’Europe vont sans doute demeurer des régions pauvres en besoin de solidarité.

    A l’Est, le défi est celui d’un retard de développement économique et social (le PIB/habitant de l’Ukraine était à 20 % de celui de la Pologne avant la guerre), mais aussi de retards par rapport à l’Etat de droit. Dans ces pays de l’Est qui faisaient partie de « l’autre Europe[3]« , le modèle de développement politique, économique et social n’a pas été le même que celui de l’Europe occidentale et il ne faut pas s’étonner d’y trouver des défaillances en matière d’Etat de droit, de criminalité organisée et de corruption. On le voit en Pologne, en Hongrie, dans les Balkans, en Ukraine, et même en Grèce (comme l’ont montré les comptes publics truqués qui ont fait démarrer la crise grecque). La difficulté est, non seulement de financer le développement économique de ces pays avant qu’ils ne se vident de leurs forces vives (l’exode démographique étant déjà une épreuve aux conséquences dramatiques[4]), mais aussi d’y enraciner les valeurs occidentales (le primat de l’individu, la séparation des pouvoirs, l’Etat de droit). C’est peut-être possible, mais cela prendra forcément beaucoup de temps, sans doute plusieurs générations.

    Le risque est que l’intégration européenne finisse par rompre sous l’effet des déséquilibres internes et des forces centrifuges, qu’au lieu de poursuivre l’approfondissement, les nouveaux élargissements entraînent une déconstruction du projet européen, que certains analystes entrevoient depuis longtemps comme une possibilité[5]. Pour empêcher ce scénario catastrophe, il faudra maintenir une étroite entente franco-allemande (qui reste le premier ciment de l’Union), préserver les conditions d’une Union à la fois gouvernable et finançable, et gérer habilement les transitions, notamment à travers la nouvelle « communauté politique européenne » lancée à Prague.

    Le défi de la puissance

    Le troisième élément de préoccupation tient à la faiblesse de la puissance européenne, malgré les progrès constatés, sur la vision géopolitique, sur l’Europe de la défense et sur l’autonomie stratégique.

    La faiblesse tient d’abord au soubassement économique. Malgré la force du marché intérieur qui a montré son efficacité dans la négociation du Brexit, et qui génère une véritable puissance normative européenne[6], la réalité de long terme est que l’Europe décroche de la puissance économique. Le PIB de l’Union, qui avait longtemps fait jeu égal avec le PIB américain, est nettement distancé par lui depuis la crise de la zone euro (2010-2012). Le Brexit a représenté en outre une amputation de presque 15 % en 2020 et l’Union européenne a été désormais dépassée par la Chine. On ne peut plus qualifier le marché intérieur de premier marché du monde, ni en nombre d’habitants ni en richesse économique. Et les fragilités provoquées par la guerre en Ukraine ne sont pas de nature à renforcer l’économie européenne. L’Union européenne paie ainsi son gaz neuf fois plus cher que les Etats-Unis et dépense cinq fois moins que les Etats-Unis en recherche-développement : il n’est pas étonnant que les investisseurs financiers préfèrent parier sur les valeurs américaines, et cela rend plus que nécessaire une forte réponse européenne à l’Inflation Reduction Act des Etats-Unis, qui vise à subventionner massivement l’industrie américaine.

    La faiblesse est ensuite militaire et elle ne date pas d’hier. Déjà, en 2012, au lendemain de la crise économique de 2008, les dépenses militaires en Asie dépassaient les dépenses militaires en Europe. Les pays européens ont décidé depuis 2014 – dans le cadre de l’OTAN, pas dans celui de l’Union européenne – de porter à 2 % de leur PIB leur effort de défense, et ils ont commencé à le faire, mais le décalage reste énorme avec les Etats-Unis et le reste du monde. Grosso modo, les Etats-Unis dépensent quatre fois plus que les Européens réunis et la Chine les a dépassés. L’Union européenne ne représente pas plus de 10 % des dépenses militaires mondiales. Il ne faut pas s’étonner dans ces conditions que les Etats-Unis en fassent dix fois plus pour soutenir militairement l’Ukraine que leurs partenaires européens. Cela signifie aussi que l’Union européenne, dans les rapports stratégiques mondiaux, peut difficilement être plus qu’une puissance régionale (en Europe, mais aussi en Méditerranée, au Moyen-Orient et en Afrique) et qu’elle doit rester réaliste dans ses engagements plus lointains, notamment dans la région Indopacifique, malgré les ambitions poussées par la France.

    Il s’ensuit que la faiblesse est aussi diplomatique et géopolitique. Au vu des chiffres, l’Union européenne pourrait encore être la troisième puissance mondiale derrière les Etats-Unis et la Chine (ou un bloc sino-russe), viser une forme d’autonomie stratégique, prendre en charge la sécurité dans son environnement géographique, défendre ses intérêts et ses valeurs selon ses propres conceptions, être un acteur honorable de l’équilibre mondial. Mais si ce chemin est celui qu’aurait aimé de tout temps la France lui voir prendre, ce n’est pas, en vérité, celui qu’elle prend.

    La première raison est que le double basculement dans les rapports bruts de puissance (la guerre en Ukraine contre la Russie, le durcissement de la relation sino-américaine) conduit automatiquement à un alignement plus fort de l’Union européenne sur les Etats-Unis, orchestrateurs d’un camp démocratique libéral contre les nouvelles puissances autoritaires. Or la relation euro-américaine est tout sauf paritaire. D’un côté, un centre de décision politique unique qui a, depuis l’entrée en fonction de l’administration Biden, remarquablement réussi à remobiliser ses alliés occidentaux (quitte, dans l’affaire AUKUS, à humilier la France). De l’autre côté, 27 capitales, sans compter quelques autres en dehors de l’Union (comme Londres, Ankara, Berne, Oslo), qui doivent s’accorder. D’un côté, une économie puissante et dynamique portée par la technologie. De l’autre, une économie importante mais affaiblie par la guerre et par ses dépendances.

    Pour voir les choses positivement, c’est une chance pour l’Europe d’avoir à ses côtés une puissance qui lui permette de défendre les valeurs démocratiques. Après l’engagement dans la Première puis dans la Seconde Guerre mondiale, enfin dans la guerre froide, c’est la quatrième fois que les Etats-Unis s’engagent pour défendre la liberté des Européens. Il n’est pas certain que les Européens auraient pu seuls montrer une telle détermination face à la Russie, même s’ils ont su le faire dans le passé (cf. la guerre de Crimée au milieu du XIX° siècle).

    Pour voir les choses moins positivement, cela place l’Europe dans une situation de dépendance politique et stratégique accrue. Pratiquement tous les pays européens ne jurent que par la protection des Etats-Unis dans l’OTAN, y compris la Finlande et la Suède qui ont décidé d’abandonner leur neutralité pour rejoindre l’Alliance. Les Européens sont en réalité dans une situation de faiblesse, et quand on est un allié faible, la seule politique qui vaille n’est pas la codécision mais le suivisme. C’est une loi naturelle et historique de la puissance. Le risque consécutif est que les Européens aient beaucoup de mal à peser dans la détermination du cours de la guerre (la définition des buts de guerre, par exemple) comme dans d’hypothétiques négociations sur un règlement politique. Robert Kagan avait très bien résumé les choses dans les grandes heures de l’administration néoconservatrice de George W. Bush : les Américains sont du côté de la force (Mars), les Européens du côté de la faiblesse (Vénus) ; les Américains « font la cuisine » (ils mènent les opérations militaires et négocient les accords politiques), les Européens « font la vaisselle » (ils financement la reconstruction – et maintenant aussi les livraisons d’armes – et envoient éventuellement des soldats dans les opérations de maintien de la paix). La question de l’équilibre euro-américain, qui n’est pas nouvelle (elle se posait déjà au temps de la guerre froide), reste grand ouverte. Dans l’esprit de beaucoup de capitales européennes, elle est tranchée par un alignement politique (ou un refus de se désaligner). Dans l’esprit de beaucoup d’entreprises européennes, elle est aussi tranchée par des comportements d’alignement dès qu’il y a un risque de subir des sanctions extraterritoriales américaines par exemple.

    Les choses pourraient-elles évoluer dans le sens de l’affirmation politique d’un pôle européen plus uni et plus autonome ? C’est un enjeu capital et il y a deux moyens de l’envisager. Une première option, que pousse l’Allemagne, est d’introduire le vote à la majorité dans la politique étrangère européenne. C’est l’idée que ce qui marche dans la politique commerciale, ou la politique de la concurrence, ou la politique monétaire, pourrait être étendu à la diplomatie, voire à la défense : l’Union européenne ne serait plus paralysée par les négociations à l’unanimité et ce sont les institutions de l’Union (le Haut Représentant, la Commission, le SEAE) qui mèneraient la politique et entraîneraient les Etats membres.

    L’idée peut être séduisante abstraitement, sur le papier, mais se heurte à beaucoup d’obstacles. L’Union européenne n’est pas un Etat fédéral, il n’y a pas de « peuple européen » comme l’a rappelé la Cour constitutionnelle allemande. Les Etats membres continuent d’exister sur la scène internationale et la politique étrangère exprime leurs intérêts fondamentaux dans les relations internationales, ce qui fait que la politique étrangère européenne est « commune » mais pas « unique ». C’est encore plus vrai dans le domaine de la défense, où on voit mal les institutions européennes décider de l’envoi de soldats nationaux sans l’assentiment des autorités nationales (notamment en Allemagne, où le rôle du Bundestag en la matière est incontournable depuis une décision de la Cour constitutionnelle de 1994). Pour la France, le passage à une diplomatie et une défense unifiées interrogerait sur le maintien de son siège au Conseil de sécurité de l’ONU et de ses attributs de puissance nucléaire. Relevons que le traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle, en 2019, a clos les disputes au sujet de l’européanisation du siège français à l’ONU en affirmant que le but de la diplomatie franco-allemande est d’obtenir un siège supplémentaire pour l’Allemagne. Pour ce qui est des autres Etats membres de l’Union, il n’est pas certain que beaucoup soient en faveur d’une européanisation complète de la diplomatie et encore moins de la défense : ce n’est pas le cas, notamment, de la Pologne et des pays d’Europe centrale et orientale, désireux de préserver leur souveraineté face à des choix imposés à Bruxelles.

    Reste la seconde option, poussée par la France, qui est de miser sur les grands pays européens, et sur ce qui leur reste de puissance, pour entraîner et renforcer l’Europe. C’est l’option de la locomotive plutôt que celle de la diète de type germanique ou polonais. Elle a déjà donné des résultats probants dans le passé. Un bon exemple est le rôle leader du E3 (Allemagne, France, Royaume-Uni) dans la négociation nucléaire iranienne depuis 2003. Le format E3 est certes affaibli par le départ du Royaume-Uni de l’Union, mais il continue de jouer son rôle dans les négociations avec l’Iran, malheureusement remises sur le métier après le retrait des Etats-Unis de Donald Trump en 2015. Un autre exemple est l’action franco-allemande dans le conflit ukrainien de 2014, dans le cadre du format « Normandie » : cette action a permis, au moins, de geler pour un temps le conflit par des négociations impliquant la Russie et l’Ukraine.

    Pour le moment, aucun format ne s’est imposé pour remplacer le « E3 » suite au Brexit. Le « E3 » continue d’exister dans le dossier iranien ou dans les concertations informelles avec les Etats-Unis (qui remontent à la guerre froide) au sein du format « Quad ». Au sein de l’Union européenne, on parle parfois d’un moteur franco-germano-italien ou du « big 5 » (en ajoutant l’Espagne et la Pologne), mais ces formats n’ont pas encore établi la force de leur efficacité et suscitent aussitôt la méfiance des autres Etats (des pays importants comme les Pays-Bas, la Suède ou la Roumanie, ou bien d’autres « petits pays »). On a aussi dit que la guerre en Ukraine avait remis au centre du jeu les Etats d’Europe centrale et orientale, comme si le fait d’être les pays les plus en phase avec les choix de Washington les destinait le mieux à être les locomotives de la puissance européenne.

    En attendant que la question des formats puisse trouver une hypothétique solution, c’est la relation franco-allemande qui reste centrale pour toute politique européenne efficace et légitime : là où les deux capitales divergent, l’Europe peut difficilement exister ; là où elles convergent, elles peuvent exercer un effet d’entraînement qui n’est certes pas automatique, mais qui est indiscutablement une force. Et c’est une constante de la politique du Président Emmanuel Macron d’avoir cherché inlassablement à donner à cette force toute sa potentialité. Que ce soit face à la Russie, face à la Chine, face aux problèmes du Moyen-Orient ou de l’Afrique, il faut continuer. Et évidemment, cela commence par la volonté de Paris et de Berlin d’être des acteurs d’une sortie de la guerre en Ukraine.

    ***

    Cet état des lieux réaliste sur la place de l’Europe dans le monde peut sembler désespérant, ou inquiétant, mais n’en montre pas moins les chemins du possible. Pour que l’Europe ne subisse pas le durcissement des relations internationales, mais devienne au contraire une force agissante, et pourquoi pas une puissance, il faut continuer à encourager les forces d’unification face aux forces de fragmentation. Il faut continuer à renforcer les capacités économiques, technologiques, militaires de l’Union européenne, y compris par des formes renforcées de mutualisation, autour d’un agenda de souveraineté ou d’autonomie stratégique. Il faut combattre à l’intérieur les forces « illibérales ». Il faut gérer sans hâte la question des nouveaux élargissements et utiliser efficacement le format de la communauté politique européenne. Il faut consolider sur une base franco-allemande élargie les conditions d’une Europe plus autonome et plus active sur le terrain de la diplomatie et de la sécurité, pour peser dans le partenariat avec les Etats-Unis. Si l’année 2022 a ouvert une nouvelle page noire dans l’histoire européenne, il ne dépend que des Européens d’en faire une opportunité pour rebondir sur leur formidable résilience.

    Ce texte est issu de deux conférences données devant la fonction publique européenne. Les propos sont tenus à titre personnel

    [1] L’Union européenne, Empire démocratique ?, IFRI, 2002
    [2] Selon le dernier sondage Eurobaromètre de la Commission européenne (n° 97, été 2022), 57 % des citoyens européens sont satisfaits ou très satisfaits de la réaction européenne à l’invasion russe de l’Ukraine, contre 37 % qui ne le sont pas ou pas du tout. Le soutien aux mesures particulières est encore plus fort, avec par exemple 68 % des sondés soutenant le financement de livraisons d’armes à l’Ukraine, contre 26 % ne le soutenant pas. Les seuls pays où le soutien n’est pas majoritaire (sur ce dernier point, et aussi sur l’interdiction des médias russes dans l’UE) sont la Grèce, Chypre et la Bulgarie, pays de culture orthodoxe moins hostiles à la Russie.
    [3] Henri Mendras, L’Europe des Européens, Folio, 1997
    [4] Ivan Krastev, Le destin de l’Europe, Premier parallèle, 2017
    [5] Cf. Maxime Lefebvre, « Et si l’Europe se déconstruisait… », Annuaire français des relations internationales, 2005 ; Philippe Huberdeau, La construction européenne est-elle irréversible ?, La Documentation Française, 2017
    [6] Cf. Zaki Laïdi, La norme sans la force. L’énigme de la puissance européenne, Presses de Sciences Po, 2010 ; Anu Bradford, The Brussels Effect. How the European Union rules the World, Oxford University Press, 2021

    Directeur de la publication : Pascale JOANNIN

    L’Union européenne face à la guerre en Ukraine : la puissance libérale et ses limites – Question d’europe N°651 – Fondation Robert Schuman (robert-schuman.eu)

  • La France dans l’Union européenne

    La France dans l’Union européenne

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    Quel est le poids de la France dans le monde et au sein de l’Union européenne ? Quel rôle joue-t-elle dans la construction européenne ? Comment est-elle représentée auprès des institutions européennes ? L’essentiel sur la question.

    La France dans l'Union européenne

    La France est, devant l’Espagne et la Suède, le pays le plus étendu d’Europe occidentale. Sa superficie est de 633 000 km² (550 000 km² pour la seule France métropolitaine), ce qui représente près de 15 % du territoire de l’UE.

    Sur le continent européen, la France a des frontières communes avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie, l’Espagne et possède une double ouverture maritime, à l’ouest sur la mer du Nord, la Manche et l’océan Atlantique, et au sud sur la mer Méditerranée.

    Carte simplifiée de la France métropolitaine
    Carte simplifiée de la France métropolitaine

    Une puissance mondiale et européenne

    Avec 67,4 millions d’habitants au 1er janvier 2021, la France représente moins de 1 % de la population mondiale. Elle se classe ainsi au 20e rang mondial des pays les plus peuplés, et au 2e rang européen, derrière l’Allemagne.

    Lieu de transit entre le nord et le sud du continent, la France est reliée à ses voisins européens par un important réseau de transports aérien, routier et ferroviaire. Elle effectue l’essentiel de ses échanges commerciaux avec les autres Etats membres de l’UE.

    Première destination touristique du monde en 2018, et première puissance agricole de l’Union européenne, la France dispose d’une industrie performante dans plusieurs secteurs (automobile, aérospatial, pharmacie, pétrochimie).

    Sixième puissance économique mondiale en 2018 (selon la Banque mondiale) et troisième européenne (après l’Allemagne et le Royaume-Uni), son produit intérieur brut (PIB) est d’environ 2 426 milliards d’euros en 2019 selon Eurostat.

    Elle fait ainsi partie des principales puissances économiques du monde, regroupées au sein du G7.

    Après une croissance de 1,5 % en 2019, le PIB français a reculé de 8,3 % en 2020 en raison de la crise liée au Covid-19, à l’instar des autres pays européens. En novembre 2020, le taux de chômage a atteint 8,8 % de la population active, ce qui constitue le quatrième taux le plus élevé de l’UE, ex aequo avec l’Italie. La dette publique française a bondi en 2020 : celle-ci représente 116,5 % du PIB au troisième trimestre, contre 98,1 % du PIB au quatrième semestre de 2019. Si le déficit public français était de 3 % du PIB en 2019, il a lui aussi connu une forte augmentation en 2020, passant de 93 milliards à 178,2 milliards d’euros.

    Enfin, la France est une importante puissance diplomatique et militaire. Membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, elle fait partie des neuf puissances nucléaires du monde.

    Grâce à l’étendue de ses territoires d’Outre-mer, et en particulier grâce à la Polynésie française, elle représente la seconde puissance maritime au monde. La base spatiale de Kourou, en Guyane, est également le centre de lancement de la fusée européenne Ariane.

    En raison de son histoire coloniale, la France conserve également une influence en Afrique, qui transparaît notamment dans le poids de la francophonie (3 % de la population mondiale sur les cinq continents).

    En 2019, le Soft Power 30 estime que la France serait le pays le plus influent au monde en matière de “soft power” , un indicateur qui estime sa capacité à convaincre et à influencer par des moyens non coercitifs (diplomatie, économie, culture…).

    La France avec l'ensemble des territoires d'outre-mer. Source : Wikipedia
    La France avec l’ensemble des territoires d’outre-mer. Source : Wikipedia

    Le poids de la France dans la construction européenne

    La construction européenne prend une place prépondérante dans la politique étrangère française dès 1945. Le rapprochement entre la France et l’Allemagne, dont Jean Monnet, Robert Schuman et Konrad Adenauer sont les principaux artisans, aboutit à la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951, autour de laquelle va se construire le projet européen.

    La France joue un rôle décisif dans la fondation de la CEE (le Marché commun), née du traité de Rome (1957), mais elle freine également à plusieurs reprises l’intégration européenne. En 1954, elle repousse la création de la CED (Communauté européenne de défense), puis pratique une “politique de la chaise vide” en 1965-66, sous la présidence du général de Gaulle, pour s’opposer aux velléités fédéralistes de ses partenaires. Toutefois, l’amitié de de Gaulle avec le chancelier Adenauer facilite la coopération franco-allemande, faisant de celle-ci un “moteur” de la construction européenne. Le traité de l’Elysée scelle en 1963 la réconciliation entre les deux pays.

    La France s’implique également beaucoup dans la création de l’Union européenne avec le traité de Maastricht ratifié par référendum en 1992, qui aboutit au lancement de l’euro. Plus tard, les Français refuseront le projet de traité constitutionnel lors du référendum de mai 2005, à près de 55 %.

    Avec le vote par référendum de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, la France tente de redonner un nouveau souffle à l’Union européenne, notamment au sein du couple franco-allemand. Elu en 2017, le président Emmanuel Macron s’est déclaré favorable à une intégration européenne renforcée ainsi qu’à un approfondissement de la zone euro.

    La représentation française au sein de l’UE

    La France, comme ses partenaires européens, agit sur tous les fronts pour faire entendre sa voix et défendre ses intérêts au sein de l’Union européenne. Elle dispose pour cela d’un appareil institutionnel spécifique. Outre le président de la République et les ministres, respectivement présents au Conseil européen et au Conseil de l’UE, c’est le Premier ministre qui dirige l’action européenne du gouvernement. Il assure la coordination interministérielle pour arrêter les positions françaises et dispose, pour ce faire, d’une structure dédiée le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE).

    Le secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes (aujourd’hui Clément Beaune), chargé de traiter par délégation du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères les questions liées à la construction européenne, porte la position du gouvernement dans ce domaine. A ce titre, le secrétaire d’Etat contribue aussi au débat sur l’Europe et les suites du projet communautaire. Dans le cadre de ses fonctions, il a également pour mission de favoriser une meilleure connaissance des affaires européennes parmi ses concitoyens, de même que le développement de la relation franco-allemande.

    La représentation permanente des intérêts français auprès des institutions européennes est assurée par une “ambassade” auprès de l’Union européenne, la Représentation permanente de la France (RPUE), basée à Bruxelles.

    Par ailleurs, les élus européens (79 eurodéputés français siègent au Parlement européen), ainsi que les élus nationaux, régionaux et locaux peuvent être amenés à jouer un rôle de représentation de la France au sein de différentes institutions.

    La France dans les institutions européennes

    Avec 26,9 milliards d’euros prévus en 2021, la France est le deuxième pays contributeur au budget de l’Union, derrière l’Allemagne. Elle accueille le siège du Parlement européen à Strasbourg, ainsi que celui de plusieurs agences européennes dont l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) à Paris. Elle détient 79 sièges sur les 705 du Parlement européen.

    Débats et perspectives

    En raison de son histoire, de son statut de pays fondateur et de son poids politique, économique et diplomatique, la France a toujours eu une place déterminante dans la construction européenne, plus ou moins marquée selon les époques. En 2016, par exemple, un rapport parlementaire déplorait une perte d’influence française au sein des institutions européennes. Celui-ci relevait que la France avait disparu des présidences des institutions majeures de l’Union européenne (Parlement, Conseil européen, Commission). Les derniers élargissements en étaient l’une des raisons, l’UE gagnant 13 nouveaux membres de 2004 à 2013 : ces élargissements successifs avaient mécaniquement réduit le poids de chaque pays, mais également déplacé le centre de gravité de l’UE vers l’Est. Cinq ans plus tard, après les élections européennes de mai 2019 et la sortie du Royaume-Uni de l’UE le 31 décembre 2020, la situation a cependant sensiblement évolué.

    Sur le plan institutionnel, de longues discussions entre chefs d’Etat et de gouvernement ont eu lieu au cours de l’été 2019 pour renouveler les dirigeants des institutions de l’Union, à la suite du dernier scrutin européen. Au terme de ces échanges, c’est la Française Christine Lagarde, ancienne directrice du Fonds monétaire international, qui a été retenue pour prendre la tête de la Banque centrale européenne. Sa fonction, consistant à mener l’institution où sont définies les grandes lignes de la politique monétaire de l’UE, lui confère un pouvoir considérable. Autre Français influent au sein des institutions : Thierry Breton. Membre de la Commission européenne depuis décembre 2019, il est commissaire au Marché intérieur, un portefeuille très large et transversal allant du numérique à la défense en passant par le programme spatial européen. Le commissaire français gagne encore en importance dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Nommé en février 2021 à la tête de la Taskforce vaccins par la présidente de l’exécutif européen Ursula von der Leyen, il a pour tâche de veiller à ce que l’Europe soit en mesure de produire les vaccins dont elle a besoin. Dès lors, régulièrement surnommé “Monsieur vaccins”, Thierry Breton acquiert une place cruciale dans la stratégie de lutte contre le virus.

    Au-delà de ces aspects institutionnels, la France a fait preuve d’un fort volontarisme européen pendant ces dernières années. Sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, Paris a été à l’origine de plusieurs initiatives à l’échelle de l’Union, dont beaucoup figurent dans le “discours de la Sorbonne” prononcé par le chef de l’Etat en septembre 2017. Parmi elles se trouvent notamment la création d’un Fonds européen de défense (opérationnel depuis le 1er janvier 2021), l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union (laquelle doit entrer en vigueur en 2023) ou encore la mise en place de dispositifs de débats démocratiques et participatifs sur l’avenir du projet européen. Ce dernier point se matérialise par les consultations citoyennes, qui ont eu lieu dans la quasi-totalité des Etats membres au cours de l’année 2018. Dans une lettre adressée aux Européens en mars 2019, le président français appelle à réitérer l’exercice. Emmanuel Macron propose alors une “Conférence pour l’Europe”, laquelle doit “proposer tous les changements nécessaires à notre projet politique, sans tabou, pas même la révision des traités”. L’idée est reprise par la Commission européenne présidée, à compter de décembre 2019, par Ursula von der Leyen sous le nom de Conférence sur l’avenir de l’Europe. La Conférence prend réellement forme le 19 avril 2021 par le lancement d’une plateforme numérique destinée à rassembler les contributions des citoyens européens.

    La crise liée au coronavirus pourrait aussi avoir fait regagner du poids à la France au sein de l’UE. Celle-ci en a en effet joué un rôle majeur dans l’adoption d’une solution inédite au niveau européen face à la récession : un plan de relance d’un montant de 750 milliards d’euros, basé sur le principe d’un endettement commun des Vingt-Sept. Adossé au budget 2021-2027 de l’UE et adopté lors du Conseil européen de juillet 2020 (après un compromis sur l’état de droit avec la Hongrie et la Pologne, les Etats membres l’ont définitivement entériné en décembre 2020), la mutualisation de la dette qu’il implique, défendue par la France, était un concept auquel plusieurs pays “frugaux” s’étaient opposés. La position de l’Allemagne, jusqu’alors proche de ces derniers, a finalement évolué à l’aune de la pandémie, aboutissant à une proposition franco-allemande en mai 2020 d’un fonds de solidarité de 500 milliards d’euros, dont le plan de relance est largement inspiré.

    Autre levier d’influence à venir pour la France : la présidence tournante du Conseil de l’UE (PFUE) du 1er janvier au 30 juin 2022, laquelle permettra au pays de mettre en avant des propositions afin d’approfondir la construction européenne et de répondre aux défis actuels. 

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    https://www.touteleurope.eu/vie-politique-des-etats-membres/la-france-dans-l-union-europeenne/

  • Protéger les contre-pouvoirs pour sauver l’Etat de droit – Fondation RS

    Protéger les contre-pouvoirs pour sauver l’Etat de droit – Fondation RS

    par Eric Maurice

    Depuis une dizaine d’années, la Pologne, avec les réformes du système judiciaire pour en faire un simple relais du pouvoir politique, et la Hongrie, avec l’instauration d’une démocratie illibérale et le démantèlement des contre-pouvoirs, s’attèlent à démanteler l’Etat de droit cher à l’Union européenne, malgré les sanctions de la CJUE et l’activation sans succès de l’article 7 TUE.

    A l’automne 2020, ces deux pays ont combattu jusqu’au bout la mise en place d’un mécanisme conditionnant le versement de fonds européens au respect de l’Etat de droit, en revendiquant leur propre modèle. Ils fragilisent ce faisant le consensus fondateur de l’Union, basée sur le respect du droit et des valeurs démocratiques.

    Si l’Union a jusqu’alors échoué à stopper la dérive anti-démocratique, il reste que les juges et une presse indépendantes restent les deux derniers remparts contre les coups de force et les tentations autoritaires. Il est donc essentiel que l’Union agisse en priorité pour préserver ces contre-pouvoirs afin d’empêcher la disparition de la démocratie.

    Il existe des voies pour défendre plus fermement les valeurs et la démocratie européennes.

    1. Une « panoplie d’outils » élargie

    L’Etat de droit est mentionné dans le préambule du TUE, et dès l’article 2 qui énonce les valeurs de l’Union.

    L’Europe dispose, pour le faire respecter, d’une multitude d’outils préventifs (évaluations, recommandations, rapports) et répressifs.

    Parmi les instruments répressifs, :

    • Le cadre pour l’Etat de droit, permettant d’ouvrir un dialogue structuré avec un Etat membre qui violerait l’Etat de droit, avec l’envoi d’une recommandation afin que l’Etat y remédie.
    • Si cette recommandation reste sans effet, la Commission peut alors actionner l’article 7. L’article 7 prévoit une procédure en cas de manquement à l’article 2 et peut aboutir à des sanctions.
    • La procédure d’infraction, ouverte par la Commission, en cas de violation du droit de l’Union, qui n’est pas spécifique à l’Etat de droit, peut amener à une condamnation par la CJUE
    • Et désormais … Un mécanisme de conditionnalité, permettant de réduire ou suspendre le versement des fonds européens aux Etats membres qui ne respectent plus l’Etat de droit, qui a été adopté en décembre 2020.

    Le mécanisme de conditionnalité budgétaire s’attaque aux conséquences de l’affaiblissement des contre-pouvoirs, et signale aux Etats d’Europe de l’est que l’Union n’est pas une manne sans contrepartie. Il s’agit d’une approche qui se veut impartiale, puisque les critères s’appliqueront à tous les pays.

    L’Etat de droit comprend, outre le fonctionnement de la justice et le risque d’arbitraire, le pluralisme des médias. Les récentes attaques contre le pluralisme dans certains pays ont conduit les institutions à inclure la liberté de la presse dans l’évaluation des risques systémiques envers l’Etat de droit, et la Commission en un fait un pilier de la protection l’Etat de droit. Elle s’appuie sur les règles du marché intérieur pour protéger ce pluralisme des médias. Elle a proposé plusieurs pistes d’action à cet égard, notamment pour favoriser la transparence des médias.

    2. Les limites des instruments existants

    Dans son rapport 2020, la Commission a relevé des « problèmes majeurs » dans certains Etats membres, mettent en exergue les insuffisances ou le manque d’efficacité des actions engagées.

    S’agissant du cadre pour l’Etat de droit instauré en 2014, la Commission n’a eu l’occasion de le mettre en oeuvre qu’une seule fois pour la Pologne, alors qu’elle exprimait des inquiétudes s’agissant de Malte par exemple ou de la Roumanie. Elle s’est abstenue d’utiliser cet outil à l’encontre de la Hongrie en dépit des violations répétées des valeurs de l’Union, et a ainsi affaibli ce mécanisme.

    La Commission a tenté d’ouvrir un dialogue avec la Pologne et la Hongrie, en déclenchant l’article 7§1, relatif au « risque de violation grave » de l’Etat de droit, sans succès.

    C’est finalement grâce à la procédure non spécifique d’infraction que la Commission a trouvé son moyen d’action le moins inefficace, puisque sur les 4 procédures d’infraction à l’encontre de la Pologne, deux ont abouti à des arrêts de la CJUE et deux sont en cours au sujet des réformes de la justice. La Hongrie a quant à elle été poursuivie une fois devant la CJUE. La Commission a privilégié l’utilisation de l’article 7 à la procédure d’infraction. Elle s’est ce faisant privée de l’outil le plus direct et le moins politique que constitue la procédure d’infraction, et a laissé perdurer les atteintes à l’Etat de droit en Pologne.

    Même lorsqu’elles sont ouvertes, les procédures d’infraction mettent trop de temps à aboutir, ce qui nuit à leur efficacité.

    3. Agir de manière plus forte et efficace

    Ainsi, alors que les institutions et la plupart des Etats membres considèrent al défense de l’Etat de droit comme une priorité, ils doivent s’en donner les moyens. Plusieurs pistes peuvent être envisagées :

    • crédibiliser l’article 7 en concluant les procédures engagées contre la Pologne et la Hongrie.
    • renforcer le mécanisme de protection de l’Etat de droit, qui ne prévoit actuellement aucune obligation pour les Etats de remédier aux problèmes consignés dans le rapport annuel. Il faudra donc établir un volet répressif à ce mécanisme afin d’aller au delà d’un simple constat.
    • L’utilisation de la procédure d’infraction, qui est l’instrument le plus efficace, constituerait aussi une solution pour répondre aux manoeuvres d’affaiblissement de l’Etat de droit.
    • Accélérer les procédures et d’imposer des mesures provisoires dans le cas d’atteintes à l’Etat de droit, car le fait accompli peut créer des situations sur lesquelles il est difficile de revenir. La Commission pourrait raccourcir les délais ou recourir à la procédure accélérée.
    • La Commission peut également demander à la Cour, lorsqu’un Etat membre a manqué à une de ses obligations, d’imposer des amendes ou des astreintes.
    • Exploiter la jurisprudence permettant de répondre aux attaques contre l’Etat de droit
    • Appliquer pleinement la conditionnalité budgétaire, sans reporter les décisions sur l’éventuelle utilisation d’autres instruments et sans que le Conseil ne soit tenté par des accommodements avec les Etats membres qui portent atteinte à l’Etat de droit
    • Utiliser la fenêtre politique, maintenant que les décisions peuvent être prises à la majorité qualifiée, en réduisant l’influence négative des Etats
    • Utiliser le droit de manière créative en exploitant toutes les possibilités que le droit européen actuel permet

    Pour lire l’étude en entier : https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0590-proteger-les-contre-pouvoirs-pour-sauver-l-etat-de-droit

  • Union européenne : les 10 enjeux de l’année 2021

    Union européenne : les 10 enjeux de l’année 2021

    Le bâtiment de la Commission européenne, où de nombreuses décisions importantes devront être prises lors de l’année 2021 – Crédits : Lukasz Kobus / Commission européenne

    Barthélémy Gaillard

    De la vaccination à la relance économique, du pacte migratoire au respect de l’état de droit, 2021 s’annonce comme une année déterminante pour le continent européen. Une année qui pourrait permettre à l’Union européenne, particulièrement active et ambitieuse ces derniers mois, d’entrevoir une sortie de crise par le haut, mais qui pourrait également révéler quelques-unes de ces faiblesses.

    Après une année 2020 marquée par une crise sans précédent dans son histoire, l’Union européenne aborde 2021 avec deux certitudes. Celle, inquiétante, d’être confrontée à une situation critique, tant sur le plan économique que sanitaire, et celle, plus encourageante, d’avoir su tirer son épingle du jeu face à ces difficultés majeures. Ces derniers mois, l’Europe a en effet agi comme rarement dans son histoire (mise en plan de relance d’un plan de relance de 750 milliards avec un endettement commun, soutien aux systèmes d’assurance chômage), et ce avec une rapidité notable par rapport à ses standards habituels. Une situation facilitée par un changement de paradigme économique sur le continent, notamment en Allemagne.

    Les 10 dates qui ont changé l’Europe en 2020

    Au cours de l’année qui s’ouvre, l’enjeu principal pour l’Union sera donc de parvenir à maintenir la dynamique politique qu’elle a su enclencher pour répondre à la double crise sanitaire et économique qui a frappé le continent. Va-t-elle continuer sur cette lancée pour atteindre les objectifs que la présidente de la Commission européenne lui a fixé, à savoir un statut de leader mondial sur les plans écologique, numérique et diplomatique ? Ou son action va-t-elle être freinée voire empêchée par les divisions politiques ou les susceptibilités nationales, comme ont pu le laisser craindre un temps les vétos hongrois et polonais sur la question de la conditionnalité de l’accès aux fonds européens ? C’est toute la question à laquelle 2021 répondra à travers plusieurs dossiers qui ponctueront l’année.

    1 – Covid-19 : renouer avec la sécurité et la souveraineté sanitaire

    Alors que les campagnes de vaccination des Etats membres ont démarré à des rythmes différents le 27 décembre dernier, l’Union européenne, qui a dévoilé sa stratégie vaccinale encadrant l’action des Vingt-Sept en la matière, doit parvenir à trouver un équilibre précaire entre différents objectifs. Le premier consiste à assurer la sécurité sanitaire des Européens. Cela passe par la nécessité de garantir aux populations du continent l’accès au vaccin -à des prix plus intéressants en mutualisant les achats- pour pouvoir déclencher l’immunité collective contre le virus, mais aussi par un contrôle poussé des candidats vaccins proposés par les laboratoires.

    Vaccin contre le Covid-19 en Europe : quel rôle joue l’Union européenne ?

    Contrairement aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni qui ont donné des autorisations de mise sur le marché d’urgence (plus rapides, mais aussi moins poussées en termes de contrôle), la Commission européenne a donc accordé une autorisation de mise sur le marché conditionnelle -plus exigeante en termes d’examen scientifique- à Pfizer/BioNTech ainsi qu’à Moderna. Dans les mois à venir, elle pourrait en faire de même pour les autres candidats vaccins pour lesquels elle a signé des contrats.

    De la même manière, la Commission européenne a tenu à garantir l’égalité entre les Etats membres pour l’accès au vaccin. Cela signifie donc qu’elle a par exemple limité les distributions hebdomadaires à 520 000 doses pour la France, un quota que Paris juge insuffisant pour mener à bien sa campagne de vaccination nationale. Les critiques du gouvernement français à ce sujet soulignent la problématique de l’Union : tout le défi pour Bruxelles consiste donc à permettre aux Etats membres de bénéficier d’un stock suffisant de doses, tout en garantissant un égal accès à celui-ci pour les Vingt-Sept.

    Vaccination contre le Covid-19 en Europe : où en est-on ?

    La Commission européenne a autorisé la mise sur le marché conditionnelle du vaccin élaboré par Moderna le 6 janvier 2021. Critiquée -notamment en Allemagne- pour sa lenteur et le faible nombre de doses de vaccin commandées, elle a également signé un nouveau contrat avec BioNTech/Pfizer deux jours plus tard pour doubler ce nombre réservé aux Européens.

    Autre chantier qui devrait animer 2021 en matière de santé, la reconquête d’une souveraineté sanitaire européenne. La pandémie a en effet souligné la dépendance de la chaîne d’approvisionnement européenne aux importations d’Asie. Aujourd’hui, la Chine et l’Inde produisent 80 % des matières premières nécessaires à la fabrication des médicaments consommés en Europe. Un constat qui a donc poussé l’Union européenne à élaborer sa stratégie pharmaceutique.

    Pour inverser cette tendance, l’Union européenne projette de se doter d’une agence de recherche biomédicale dont la constitution sera précisée avant la fin de l’année. Elle a également acté un cadre financier pluriannuel 2021-2027 ambitieux en matière de santé, puisque le programme EU4Health est doté de 9,4 milliards d’euros, un montant 20 fois supérieur à celui de l’exercice précédent.

    La stratégie vaccinale de l’Union devrait être au coeur du premier Conseil européen de l’année, le 21 janvier.

    Le fonctionnement de l’Europe de la santé

    « L’espace Schengen est mis en danger par l’absence de coordination dans la mesure du risque sanitaire »

    2 – Garantir la libre circulation des personnes

    Autre enjeu afférent à la crise sanitaire actuelle, la garantie du principe de libre circulation des personnes au sein de l’espace européen. Ce dernier a en effet été mis à mal par les restrictions aux frontières décrétées par les Etats membres depuis le printemps 2020. Si la Commission européenne a fait adopter une recommandation en octobre 2020 pour éviter les discriminations entre nationalités européennes, la recrudescence épidémique observée sur le continent rend la question toujours pressante. L’exécutif européen doit là aussi trouver un équilibre fragile entre préservation de la santé des citoyens et garantie de leurs libertés.

    Pour faciliter la libre circulation des personnes, la Commission européenne travaille à favoriser l’échange d’informations entre les Etats membres ainsi qu’à unifier les modalités et les résultats des tests PCR comme antigéniques. La Cour de justice de l’Union européenne est quant à elle susceptible de condamner les Etats pour des mesures restrictives qu’elle jugerait discriminatoires.

    3 – Réussir la relance économique

    Après que les Vingt-Sept se sont entendus sur un paquet financier de 1800 milliards d’euros en juillet 2020, le Parlement européen et le Conseil ont validé en décembre ce montant inédit comprenant un budget pluriannuel de 1074 milliards d’euros ainsi qu’une enveloppe de 750 milliards d’euros destinée à financer le plan de relance européen. Reste désormais à investir l’argent au niveau des Etats membres et à limiter la fracture économique entre le Nord du continent et l’Europe du Sud et de l’Est, ainsi qu’à mettre en place les ressources propres destinées à rembourser l’emprunt contracté.

    D’ici le 30 avril 2021, les Etats membres devront avoir soumis leurs propositions de plan de relance à la Commission européenne et au Conseil, qui devront les valider dans un délai de deux mois. Des déclinaisons nationales qui devront remplir certains critères posés par l’exécutif européen quant au fléchage des dépenses (vers la transition écologique et numérique notamment). Soucieux d’exercer un contrôle étroit sur l’utilisation de ces fonds, les pays dits « frugaux » ont poussé pour que les Etats membres puissent saisir le Conseil européen si l’un ou l’autre de ces plans de relance nationaux leur semblait poser problème, ouvrant la porte à de potentielles tractations sur le sujet au cours de l’année.

    Plan de relance européen : quelles sont les prochaines étapes ?

    De « Next Generation EU » à « France Relance » : quels liens entre les plans de relance européen et français ?

    Qui sont les pays dits frugaux ?

    Autre sujet qui a déjà fait l’objet de vives tensions au sein des Vingt-Sept, le mécanisme de suspension de l’accès aux fonds européens en cas de non-respect de l’état de droit. La Hongrie et la Pologne ont un temps bloqué l’adoption du budget à long terme -et par ricochet le plan de relance pour s’y opposer-. Théoriquement effectif dès 2021, ce dispositif est de fait suspendu à un potentiel avis de la Cour de Justice de l’Union européenne, lorsque celle-ci sera saisie sur la question.

    Budget à long terme de l’UE : qu’est-ce que le cadre financier pluriannuel (CFP) ?

    Après l’entrée en application de la taxe sur les plastiques non recyclés au 1er janvier, l’Union européenne devra avancer sur la mise en place (date d’entrée en application et précisions sur les modalités) des autres ressources propres prévues à son agenda, dont les premières sont prévues d’ici 2023. Une proposition de la Commission sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est ainsi attendue avant juin 2021. Ces ressources propres ont une portée budgétaire et symbolique majeure car elles permettraient à l’Union européenne d’être moins dépendante des contributions des Etats membres, qui représentent aujourd’hui 70% de ses revenus environ. Le calendrier de mise en place de ces taxes doit encore être ratifié par les parlements nationaux.

    Budget européen : quelles ressources propres pour l’Union européenne ?

    Enfin, l’année 2021 sera également l’occasion pour l’UE de poursuivre l’achèvement de l’union bancaire, dossier sur lequel l’Eurogroupe a fait un pas en avant décisif en novembre 2020 en approuvant une réforme du mécanisme européen de stabilité. Celui-ci pourrait désormais  intervenir en dernier recours pour éviter une faillite bancaire, ce que le ministre italien des finances Roberto Gualtieri a qualifié de « filet de sécurité supplémentaire pour la stabilité du système bancaire« .

    La réforme doit maintenant être validée par les parlements nationaux. Le système de garantie des dépôts fait quant à lui toujours l’objet de négociations entre les Vingt-Sept. Il permettrait d’harmoniser la protection des déposants dans l’ensemble de l’UE, et ainsi d’éviter les retraits massifs et les faillites bancaires en cas de crise.

    4 – Accélérer la transition verte

    Après avoir mis le Pacte vert au cœur de son mandat, la présidente de la Commission européenne veut profiter de 2021 pour faire de l’Europe le continent moteur de la transition écologique.

    Après une année « blanche », de nombreuses échéances se présentent en 2021, comme le One Planet Summit et le Congrès mondial de la nature de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) organisés par la France, ou encore la présidence du G7 et du G20 par le Royaume-Uni et l’Italie, les deux pays co-organisant la COP26 qui se tiendra à Glasgow en novembre 2021. Au niveau des institutions européennes, d’ici le mois de juin, la Commission européenne devrait proposer un paquet de mesures votées avec la loi européenne sur le climat et destinées à parvenir à l’objectif intermédiaire de réduction de 55 % les émissions carbone en 2030 par rapport aux niveaux observés en 1990. D’ici là, elle formulera également une première proposition de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

    5 – Contrôler les flux migratoires et construire la solidarité entre Etats membres pour l’accueil des réfugiés

    Alors que la proposition d’un nouveau Pacte européen sur la migration et l’asile a été dévoilée le 23 septembre 2020, les différentes mesures en projet soulèvent de nombreuses questions. Les plus pressantes d’entre elles concernent la mise en place du nouveau système de contrôle des entrées a priori sur le territoire européen et surtout la réforme du règlement de Dublin, impliquant les relocalisations de certains demandeurs d’asiles vers les pays les moins sollicités.

    Alors que le déploiement des nouveaux garde-côte et frontières européens est effectif depuis le 1er janvier, les négociations autour des modalités du pacte permettront de préciser les détails du nouveau principe de solidarité qui lie les Etats membres et la réforme du règlement de Dublin actuellement en vigueur. Les débats risquent d’être houleux, les Vingt-Sept et le Parlement européen étant divisés entre partisans d’une plus grande solidarité via des relocalisations des demandeurs d’asile arrivant dans les pays les plus sollicités et tenants d’une politique axée sur les seuls retours dans les pays d’origine. La proposition insiste d’ailleurs sur la nécessité de réussir à rapatrier un plus grand nombre de migrants illégaux. Cette volonté, au cœur du programme, pose néanmoins la question de sa faisabilité.

    Que contient le Pacte européen sur la migration et l’asile ?

    6 – Réaffirmer « l’Europe-puissance » et construire une Commission européenne « géopolitique »

    Qu’il s’agisse de « l’Europe-puissance » d’Emmanuel Macron ou de la Commission « géopolitique » appelée de ses vœux par la présidente Ursula von der Leyen, l’ambition est claire : parvenir à imposer l’Union européenne comme un acteur capable d’influer sur le comportement de ses partenaires mais aussi de ses adversaires. Cela passe par des accords commerciaux (voir plus bas) mais aussi par un positionnement géopolitique et diplomatique plus affirmé.

    Le principal point de tension à la frontière européenne se situe en Méditerranée orientale, dans les eaux territoriales grecques et chypriotes, riches en gisements d’hydrocarbures, sur lesquels la Turquie lorgne. Au mois d’aout, Ankara a donc dépêché un navire pour faire des forages au mépris du droit international. Le rapport de force entre l’Union et la Turquie est aussi marqué par l’enjeu migratoire et l’accord signé entre les deux puissances, qu’Ankara a déjà refusé d’appliquer par le passé.

    Crise migratoire : qu’est devenu l’accord entre l’Union Europénne et la Turquie ?

    Sur le dossier turc, l’Union devra alterner habilement entre le bâton et la carotte, entre les sanctions et les mains tendues, ce qui s’est notamment manifesté par l’interdiction de visas et le gel des avoirs dans l’UE de plusieurs personnalités du monde économique turc. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell remettra d’ici le mois de mars un rapport détaillant la stratégie à adopter face au dirigeant turc Recep Tayyip Erdoğan. L’ensemble des sanctions à disposition de l’UE pourront être utilisées, a ajouté le président du Conseil européen Charles Michel. A noter que dans son arsenal juridique de sanctions, l’UE dispose désormais d’une nouvelle arme : la loi Magnitsky européenne, lui permettant de viser directement des personnes physiques ou morales, et plus seulement des Etats ou des secteurs d’activité.

    Loi Magnitsky européenne : un nouveau régime de sanctions contre les violations des droits de l’homme

    7 – Renforcer les relations commerciales de l’Europe

    Du nouvel accord de commerce et de coopération avec le Royaume-Uni à l’arrivée au pouvoir de Joe Biden aux Etats-Unis, la fin d’année a rebattu les cartes pour l’Union européenne en matière de relations commerciales. Avec un défi majeur à relever pour les Vingt-Sept en 2021: passer des accords avec les autres poids lourds mondiaux pour parvenir à imposer les normes sociales et environnementales européennes sans pâtir de la concurrence internationale.

    Poids lourd économique de l’Union européenne, le Royaume-Uni a définitivement quitté l’Union européenne et donc l’union douanière et le marché unique le 31 décembre 2020. Si un accord de coopération et de commerce a été signé entre les deux parties et que les premières semaines de cette nouvelle relation n’ont pas laissé apparaitre de problème majeur des deux côtés de la Manche, l’année 2021 devrait permettre d’observer les ajustements nécessaires pour la bonne tenue des relations commerciales entre Londres et Bruxelles, notamment en matière de juste concurrence entre les entreprises, le Royaume-Uni s’étant engagé à ne pas pratiquer de dumping social, fiscal ou environnemental par rapport aux normes européennes.

    Brexit : les principaux points de l’accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne

    Alors que la Chine et l’Union européenne ont trouvé un accord de principe sur les investissements pour garantir une concurrence équitable entre leurs entreprises, les chefs d’Etat français et allemand Emmanuel Macron et Angela Merkel se rendront en Chine en 2021 pour poursuivre les discussions, qui devraient se clore dans un délai de deux ans. L’enjeu pour l’Union européenne consiste à garantir aux entreprises européennes un meilleur accès au marché chinois, jusqu’ici défendu par une législation restrictive et des subventions d’Etat de Pékin.

    L’accord de libre-échange signé avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) sera également au cœur des discussions après que la nouvelle présidence portugaise de l’UE a annoncé vouloir relancer le processus d’adoption. Le texte doit encore être ratifié par le Parlement européen et par les parlements nationaux, alors que la France et plusieurs autres Etats membres ont déjà marqué leur opposition à ce projet.

    8 – Renouveler la relation transatlantique

    Autre sujet déterminant pour l’avenir commercial de l’Europe, l’attitude de la nouvelle administration Biden à Washington. Une longue période de guerre commerciale transatlantique qui avait vu Donald Trump imposer de nouvelles taxes douanières sur une série de produits européens avait remis au gout du jour le débat sur « l’autonomie stratégique européenne ». Après cette nouvelle élection, l’objectif consiste à renouer une relation plus coopérative avec les Etats-Unis.

    Autre sujet structurant des nouvelles relations transatlantiques, les géants du numérique. Une bonne partie d’entre eux étant américains, Bruxelles devra s’entendre au mieux avec Washington sur la mise en application du récent paquet législatif (Digital Services Act et Digital Markets Act) proposé par la Commission européenne et sur sa volonté d’instaurer une taxe mondiale (ou, le cas échéant, européenne) sur les géants du secteur. Enfin, Bruxelles ambitionne de coopérer plus étroitement avec Washington sur d’autres sujets, notamment sur le dossier climatique, avec l’annonce de la volonté de Joe Biden de réintégrer les Etats-Unis aux accords de Paris.

    Présidentielle américaine : ce que l’élection de Joe Biden change pour l’Europe

    9 – Vie institutionnelle et politique : maintenir la dynamique

    Marquée par des crises majeures, l’année 2020 a poussé l’Union européenne à prendre des décisions novatrices, telles qu’un emprunt commun destiné à financer le plan de relance de 750 milliards d’euros. Afin de poursuivre sur cette voie en 2021, elle devra néanmoins passer sans encombre plusieurs échéances électorales et institutionnelles importantes.

    L’année sera marquée par deux événements d’ampleur. Tout d’abord, les élections législatives allemandes en septembre. A cette date, Angela Merkel a d’ores et déjà annoncé qu’elle mettrait un terme à 16 ans passés à la tête du gouvernement allemand. L’Union perdra donc l’une de ses figures majeures, tant la chancelière était rompue aux arcanes de la politique européenne. L’identité de son successeur et sa capacité à maintenir la bonne dynamique actuelle du couple franco-allemand pourraient s’avérer déterminantes pour l’avenir de l’UE.

    Les couples franco-allemands, ciment de la construction européenne

    D’autre part, la Conférence sur l’avenir de l’Europe, dont le lancement était initialement prévu le 9 mai 2020, a été repoussée. Ma prochaine échéance n’est pas encore connue, mais cet événement doit permettre à la société civile de définir de manière participative et transparente les priorités à venir pour l’Union européenne.

    Après une présidence allemande marquée principalement par les discussions sur le budget et le plan de relance, 2021 sera ponctuée par les présidences du Portugal et de la Slovénie. Dans cet intervalle, la France, qui doit récupérer la présidence tournante de l’UE en 2022, devra préparer le terrain pour que son mandat soit le plus fructueux possible.

    10 – Les autres enjeux : l’Europe numérique, l’Europe sociale, transports…

    D’autres dossiers majeurs seront évoqués au cours de l’année 2021. Parmi eux, la digitalisation de l’économie européenne, l’une des deux grandes priorités de la Commission annoncées par Ursula von der Leyen lors de sa prise de fonction. En la matière, l’Union devrait notamment travailler à un système d’identification européen pour permettre à chacun de contrôler son identité en ligne et ses données personnelles et ouvrir l’accès à des services numériques transfrontaliers.

    La politique numérique de l’Union européenne

    La présidence portugaise de l’Union européenne a d’ores et déjà affirmé son ambition d’approfondir l’Europe sociale en organisant un sommet à Porto en mai 2021. A l’occasion de cette rencontre, les Vingt-Sept seront invités à s’accorder pour construire sur la base du socle européen des droits sociaux et débattre autour de l’idée d’un salaire minimum européen.

    Qu’est-ce que le socle européen des droits sociaux ?

    Enfin, 2021 devrait également être « l’année européenne du rail » , un moyen de transport compatible avec les objectifs de réduction des émissions carbone de l’Union. Dans le cadre de son Pacte vert, la Commission européenne ambitionne d’électrifier ou de recourir à l’hydrogène pour le secteur ferroviaire. L’exécutif européen devrait plus largement proposer de nouvelles normes environnementales pour les différents moyens de transports. D’ici juin, il devrait entre autres réviser les normes d’émission en CO2 des voitures.

     

    Les échéances

    • Social : Sommet de Porto (mai 2021)
    • Environnement : Congrès mondial de la nature de l’UICN à Marseille (septembre 2021) Cop 15 de Kunming (octobre 2021), Cop 26 de Glasgow (novembre/décembre 2021), Cop contre la désertification (date à déterminer)
    • Relations extérieures : visite de Joe Biden à Bruxelles mi-2021, visite commune de Macron et Merkel en Chine (date à déterminer)
    • Traités : 20 ans du Traité de Nice en février, 70 ans du traité CECA en avril
    • Elections : présidentielle portugaise en janvier, législatives néerlandaises et régionales françaises en mars, élections législatives allemandes en septembre

    Vous pouvez trouver ici les calendriers des sommets européens, des Conseils des ministres de l’UE et des réunions de l’Eurogroupe.

     

    Les semaines européennes

     

    Les capitales européennes

    • Capitale européenne de la Culture : Rijeka / Galway (initialement désignées pour 2020 mais prolongées jusqu’à avril 2021 en raison du Covid)
    • Capitale européenne de la jeunesse 2021 :  Klaipeda (Lituanie)
    • Capitale verte européenne 2021 : Lahti (Finlande)
    • Capitale européenne du sport 2021 : Lisbonne (Portugal)
    • Région européenne de la gastronomie 2021 : Ljubljana (Slovénie)

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    https://www.touteleurope.eu/actualite/union-europeenne-les-10-enjeux-de-l-annee-2021.html

  • Tensions entre les Relations commerciales UE-Afrique!

    Tensions entre les Relations commerciales UE-Afrique!

    Les relations commerciales seront au cœur du « partenariat stratégique » attendu entre l’UE et l’Afrique, mais des tensions concernant le contenu et la forme du prochain accord commercial doivent être résolues.

    Le sommet entre l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE), a été reporté à 2021, pandémie mondiale oblige. .

    REVENDICATIONS

    • capacité du continent à développer les entreprises locales et le potentiel de production afin d’exporter des produits à haute valeur ajoutée et non des matières premières.
    • création de nouveaux instruments visant à stimuler les investissements dans les infrastructures correspondantes et à améliorer l’accès aux fonds européens existants, tels que le programme d’investissement extérieur (PIE) et les aides de la Banque européenne d’investissement (BEI).
    • APE : Les pays africains les moins avancés bénéficient d’un accès en franchise douanière au marché européen avec ou sans les APE, tandis que les pays plus riches déplorent que les conditions de ces accords les empêchent de protéger les industries locales et de renforcer la capacité pour exporter les produits finis.
    • 54 pays africains se sont entendus pour créer une zone de libre-échange continentale africaine (ACFTA)

    FRICTIONS :

    La Commission européenne veut un respect du Pacte vert pour l’Europe (plan d’action visant à mobiliser 1 000 milliards d’euros sur 10 ans afin de parvenir à la neutralité carbone dans l’UE d’ici à 2050). Les gouvernements africains craignent que la proposition de l’UE d’introduire une taxe carbone aux frontières pour financer les budgets futurs de l’UE ne les impactent dans leur capacité a exporter .

    Parallèlement, les troubles dans les chaînes d’approvisionnement régionales engendrés par la Covid-19 ont poussé à prioriser la production industrielle locale afin de garantir la sécurité alimentaire (les rendant moins dépendants de l’Europe).

    A suivre donc: vers un renforcement des relations UE/ Afrique?

    EN LIRE + :https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/tensions-simmer-over-eu-africa-trade-relations/

  • La démocratie européenne, un système fondamental à protéger – Fondation RS

    La démocratie européenne, un système fondamental à protéger – Fondation RS

    30 novembre 2020

    Eric Maurice

    La démocratie, fondement politique et moral de l’UE et des Etats qui la composent, est de plus en plus menacée et remise en question.

    L’UE a mis en place une variété de mesures, parmi lesquels le plan d’action pour la démocratie européenne, qui s’articulera autour de 3 axes.

    Il s’agit de permettre aux citoyens de prendre davantage part au système démocratique, par une prise de décision éclairée, et d’améliorer la résilience des démocraties.

    1er axe : affronter la menace hybride. Elles résultent du développement constant des nouvelles technologies et de leur utilisation dans une guerre informationnelle. La technique utilisée par les adversaires de l’UE que sont la Chine, la Russie et les Etats-Unis est de diviser les pays européens pour mieux les empêcher d’agir. Par exemple, la Russie et la Chine ont fait de la désinformation pour se montrer ensuite comme les sauveurs des européens.

    Les cas de cyberattaques, orchestrées notamment par la Russie, se sont multipliés ces derniers temps lors d’élections ou en représailles à des événements. Les cyber menaces visent à la fois le processus électoral et les infrastructures d’une société, afin de susciter une défiance envers l’Etat.

    L’UE s’est dotée d’outils et d’institutions afin de prévenir ces menaces dites hybrides. Mais en dépit de ces progrès, une coordination et prise de conscience font encore défaut au niveau inter-gouvernemental.

    2ème axe : assurer l’intégrité des élections. Les élections dans un système démocratique sont libres et non faussées et se déroulent après un débat ouvert et équitable. Le contournement de ces règles peut influencer le résultat des élections et affaiblir la légitimité des élus. L’UE ne peut intervenir en matière d’élections, mais peut inciter les Etats par le biais de recommandations.

    Un réseau européen de coopération a été crée afin de remédier aux déficiences et de favoriser un alignement des règles. Les règles sur le financement des partis doivent être rendues plus transparentes, de même que pour la publicité politique.

    3ème axe : lutter contre la désinformation. La désinformation est un outil répandu, car facile à utiliser et complexe à contrer. Elle se caractérise par une manipulation de l’information, à des fins politiques hostiles. Il faut surtout réguler les plateformes internet. Jusque là, celles-ci s’auto-régulaient, mais la Commission devrait adopter des normes plus contraignantes. L’UE s’est également dotée de dispositifs afin de vérifier les faits, les médias ne pouvant seuls assumer ce rôle.

    L’une des garanties fondamentales contre l’arbitraire et l’abus de pouvoir est le pluralisme et la liberté des médias. Il faut donc soutenir ceux-ci pour lutter contre les fausses informations.

    EN SAVOIR +https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-578-fr.pdf

  • Après la victoire de Boris Johnson, les Européens « prêts » pour l’après-Brexit

    Après la victoire de Boris Johnson, les Européens « prêts » pour l’après-Brexit

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    Actualité


    13.12.2019

    Boran Tobelem, à Bruxelles

    Les Vingt-Sept ont pris acte du succès électoral de Boris Johnson au Royaume-Uni. Vendredi 13 décembre à Bruxelles, ils ont appelé l’UE et les Britanniques à négocier leur relation post-Brexit au plus tôt.

    Le nouveau président du Conseil européen Charles Michel, le 13 décembre - Crédits : Union européenne

    Le nouveau président du Conseil européen Charles Michel, le 13 décembre – Crédits : Union européenne

    C’est la « clarification » que l’Elysée attendait. Jeudi 12 décembre, le Premier ministre Boris Johnson a remporté une écrasante victoire au Royaume-Uni, devançant son rival travailliste de plus de 160 sièges.

    Sa promesse phare ? Mener le Brexit à son terme. Aujourd’hui, plus personne ne doute à Bruxelles que l’accord de retrait conclu entre Bruxelles et Londres en octobre dernier sera donc ratifié par le parlement britannique. Et que le Brexit aura lieu le 31 janvier 2020, sans nouveau report.

    Elections au Royaume-Uni : les résultats

    [Revue de presse] Elections au Royaume-Uni : Boris Johnson réussit son pari

    « Nous sommes prêts à commencer la phase suivante« , a annoncé le nouveau président du Conseil européen Charles Michel. L’ancien commissaire belge, qui a pris ses fonctions le 1er décembre, est intervenu vendredi en milieu de journée, juste après la discussion des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE sur le Brexit qui a clôturé le sommet.

    Ainsi, les Vingt-Sept demandent à la Commission européenne de présenter au Conseil un « projet de mandat global pour [négocier] les relations futures avec le Royaume-Uni immédiatement après le retrait de celui-ci« .

    Ce traité sur les relations futures entre l’Union et le Royaume-Uni devra être conclu au cours de la période de transition, pendant laquelle le Royaume-Uni continuera d’appliquer et de bénéficier des politiques européennes (comme le marché unique) sans pouvoir participer aux décisions de l’UE.

    Expirant le 31 décembre 2020, cette période de transition pourra être étendue une fois, à la demande des Britanniques et avec l’accord unanime des Européens, mais Boris Johnson l’a pour l’heure exclu.

    Brexit : l’accord de sortie « Johnson/UE » en 8 points clés

    « Défendre et promouvoir les intérêts européens« 

    A ce stade, le Conseil européen n’a pas livré de détails sur le contenu des négociations à venir. Mais un ensemble de principes non négociables devraient être érigés en ligne rouge par les Vingt-Sept. « Nous sommes prêts à défendre et promouvoir les intérêts européens« , a affirmé Charles Michel.

    Les « intérêts stratégiques » de l’UE seront précisés « dès le début février dans un mandat de négociation« , a pour sa part déclaré Emmanuel Macron. Les Européens seront « clairs sur [les] priorités, notamment les conditions de concurrence équitable, la pêche et notre coopération en matière de sécurité extérieure et intérieure« , a annoncé le chef de l’Etat français.

    Charles Michel, de même que le président français, ont aussi évoqué un « level playing field« , c’est-à-dire une relation équitable entre les deux partenaires à l’avenir, qui pourrait passer par un principe de réciprocité dans les futures relations commerciales.

    Mais cette négociation pourrait s’annoncer très complexe. D’autant que Boris Johnson affiche pour l’instant son refus de renouveler la période de transition si aucun accord n’était conclu avec l’UE à la fin de celle-ci, soit seulement 11 mois après le retrait britannique.

    Quoi qu’il en soit, jeudi 13 décembre, Charles Michel a conclu sa conférence de presse en exprimant l’espoir des Européens de « conserver à l’avenir une relation stratégique très forte avec le Royaume-Uni« . Des propos partagés par Emmanuel Macron, qui souhaite que ce dernier « reste un pays allié, ami et partenaire extrêmement proche« .

    Brexit : tout comprendre

    Michel Barnier reconduit

    Pour mener à bien les nouveaux échanges entre Bruxelles et Londres, le Français Michel Barnier a été reconduit dans ses fonctions par la Commission européenne en tant que négociateur en chef de l’UE pour le Brexit.

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    https://www.touteleurope.eu/actualite/apres-la-victoire-de-boris-johnson-les-europeens-prets-pour-l-apres-brexit.html

  • L’UE s’engage sans la Pologne sur la neutralité carbone en 2050 – EURACTIV.fr

    L’UE s’engage sans la Pologne sur la neutralité carbone en 2050 – EURACTIV.fr

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    L’Union européenne s’est engagée à devenir neutre sur le plan climatique d’ici à 2050, un « signal fort » envoyé par le continent en pleine COP25, mais terni par l’absence de la Pologne, qu’elle n’a pas réussi à convaincre.

    « Nous sommes arrivés à un accord sur le changement climatique, c’est très important, c’est crucial », a lancé le président du Conseil européen Charles Michel lors d’une conférence de presse à Bruxelles au sommet européen.

    Pour son baptême du feu à la tête du cénacle des dirigeants européens, le Belge a été confronté à une discussion difficile. Sa décision d’annoncer un accord malgré l’absence de consensus a surpris, même si la Pologne n’est pas allée jusqu’à bloquer l’adoption des conclusions du sommet.

    Le dirigeant, et à ses côtés la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ont essayé de minimiser le délai accordé à la Pologne jusqu’en juin.

    Le Conseil européen a « endossé » l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050, mais il est noté dans les conclusions qu’un État membre « à ce stade ne peut pas s’engager à mettre en œuvre cet objectif en ce qui le concerne ».

    L’AIE voit la neutralité carbone à portée de main

    Dans son rapport annuel, qu’elle publie ce 13 novembre, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) présente un scénario compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris. Un article de notre partenaire le Journal de l’environnement.

    Selon plusieurs sources, Varsovie avait demandé à pouvoir s’engager pour une date postérieure à 2050 – 2070 a été évoqué-, ce qui lui a été refusé. Le fait que la Pologne reste en dehors est « complètement acceptable », a assuré Mme von der Leyen.

    « Cet objectif (de neutralité) engagera l’UE dans son ensemble », assure-t-on à l’Elysée. Aux autres pays de convaincre Varsovie de se rallier l’été prochain.

    « Nous comprenons que (la Pologne) a besoin de plus de temps », a expliqué Charles Michel. Le pays, encore très dépendant du charbon, est l’un des principaux pollueurs en Europe, et craint une transition énergétique désastreuse sur le plan économique et social.

    « Engagement majeur »

    En arrivant au Conseil, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki avait affirmé que le coût de la transformation énergétique dans son pays était « de loin plus élevé » que dans d’autres pays. Il a précisé que son pays atteindrait l’objectif de neutralité climatique « à son propre rythme ».

    Si le reste de l’UE se montre compréhensif, Ursula von der Leyen a toutefois assuré, au lendemain de la présentation du Pacte vert européen, que « cela ne changerait pas le calendrier de la Commission ».

    Cette feuille de route vise à mettre l’UE sur les rails de la neutralité climatique à l’horizon du milieu du siècle, au travers de diverses législations et plans d’actions dans des secteurs variés.

    D’ici juin, la Commission aura présenté plusieurs actes législatifs, a souligné la chancelière allemande Angela Merkel. En particulier, la grande « loi climatique » européenne, dans laquelle la Commission compte inscrire l’objectif 2050, qui doit être présentée d’ici mars.

    Selon l’accord européen annoncé plus tôt cette semaine, la loi sur le climat inclura l’objectif de neutralité climatique et, étant donné qu’elle traite d’environnement, les États membres n’auront qu’à atteindre une majorité qualifiée pour qu’elle soit adoptée.

    Les dirigeants européens auront d’ici l’été également avancé dans la discussion sur le futur budget pluriannuel de l’UE pour la période 2021-2027, qui devra refléter les ambitions climatiques du bloc.

    Et en janvier, Ursula von der Leyen présentera son « fonds pour la transition juste », très attendu par les pays dont la survie de certaines régions est liée au charbon.

    A l’entame du sommet, Varsovie n’était pas le seul pays récalcitrant. La Hongrie et la République tchèque affichaient aussi leur scepticisme, exigeant des garanties financières, mais également sur les moyens d’atteindre cet objectif climatique, y compris grâce au nucléaire.

    Inacceptable pour des pays comme l’Autriche ou le Luxembourg, cette référence à l’atome était défendue par les trois capitales de l’Est. Les autres dirigeants ont fini par céder et par en faire mention dans les conclusions. Une reconnaissance importante car elle ouvre la voie à des aides et subventions.

    Le Premier ministre tchèque Andrej Babis s’est félicité d’avoir « convaincu » ses homologues que « l’énergie nucléaire est notre voie vers la neutralité climatique ».

    Selon la présidence française, les dirigeants des 27 ont par ailleurs apporté un « soutien unanime » à la mise en place d’une « taxe carbone » des produits provenant de l’extérieur de l’UE « s’ils ne respectent pas les mêmes exigences climatiques que les entreprises européennes ».

    Nettement plus nuancées, les conclusions officielles du sommet se bornent à indiquer que le Conseil « prend note de l’intention de la Commission de proposer un mécanisme d’ajustement aux frontières pour les secteurs très carbonés ».

    Le principe d’une telle taxe carbone aux frontières, réclamée de longue date par la France, vise à lutter contre le « dumping environnemental » et éviter le déplacement des émissions de CO2 vers des pays où il n’a pas de prix.

    L’avant-sommet avait été marqué par une action spectaculaire de Greenpeace, dont une trentaine de militants, trompant la sécurité du siège du Conseil, ont escaladé le bâtiment, déployant une banderole sur « l’urgence climatique » et allumé des fumigènes.

    L’ambition climatique de la nouvelle Commission est largement liée au futur budget pluriannuel de l’UE pour la période 2021-2027. Un sujet épineux mais sur lequel les dirigeants ne se sont pas attardés, chargeant le président du Conseil Charles Michel « de faire avancer les négociations ».

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    https://www.euractiv.fr/section/climat/news/lue-sengage-sans-la-pologne-sur-la-neutralite-carbone-en-2050/

  • Quatre ans après l’accord de Paris : l’Union européenne à l’avant-garde ?

    Quatre ans après l’accord de Paris : l’Union européenne à l’avant-garde ?

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    27.11.2019

    Léo Lictevout

    L’accord de Paris sur le climat de 2015, signé par 195 pays, constitue depuis son entrée en vigueur le 4 novembre 2016 un point de repère dans la lutte contre le réchauffement climatique. Depuis sa signature, l’Union européenne a manifesté son attachement au texte, et sa volonté d’en appliquer les objectifs… avec plus ou moins de succès.

    Le commissaire européen à l'Action pour le Climat, Miguel Arias Cañete (2014-2019), présentant les objectifs de l'UE avant l'ouverture de la COP21 à Paris - Crédits : Lieven Creemers / Commission européenne

    Le commissaire européen à l’Action pour le Climat, Miguel Arias Cañete (2014-2019), présentant les objectifs de l’UE avant l’ouverture de la COP21 à Paris – Crédits : Lieven Creemers / Commission européenne

    Signé par 195 pays et ratifié par 183, l’accord de Paris sur le climat fêtera en décembre 2019 ses quatre ans. Il vise notamment à contenir la hausse globale des températures en dessous de 2°C (et à maintenir les efforts pour limiter cette hausse à 1,5°C) par rapport à l’ère préindustrielle. Cette ambition passe par un « plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre« , et incite les Etats à fixer des stratégies à long terme et des objectifs de réduction de ces émissions. L’accord fixe également comme objectif la neutralité carbone au cours de la seconde moitié du siècle.

    2015-2019, de la victoire au scepticisme

    Sa signature avait des airs de victoire. Après douze jours de négociations au nord de Paris, les 195 délégations présentes à la COP21 ont unanimement adopté un accord de lutte contre le réchauffement climatique, le 12 décembre 2015, à l’issue de la 21e conférence des parties (COP21), présidée par la France. Le texte a rapidement été qualifié d’ »historique« , par sa capacité à rassembler les plus gros pays pollueurs autour d’objectifs communs. D’autant plus historique, qu’il a pour objet une intensification inédite des efforts de lutte contre le réchauffement climatique, six ans après l’échec de la Conférence de Copenhague de 2009, elle-même censée actualiser les engagements du Protocole de Kyoto de 1997.

    En moins de dix mois, l’accord a franchi le seuil de ratification (au moins 55 Etats représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre), et son entrée en vigueur est prononcée le 4 novembre 2016. Parallèlement à cette mise en application, de nombreux pays commencent à mettre en place leurs premiers plans d’action. A l’échelle européenne notamment, l’UE augmente le 2 novembre 2016 sa contribution au financement international de l’action climatique. Elle renouvelle son engagement pris en 2014 pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à l’horizon 2030, et une hausse de la part des énergies renouvelables. A ces objectifs s’ajoutent des résultats encourageants, avec une baisse de 23 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2017.

    Climat : la réduction des émissions de CO2 en Europe  

    Toutefois, plusieurs obstacles ont rapidement fait retomber l’optimisme généré par la signature de l’accord. A commencer par la décision américaine de s’en retirer, dès juin 2017. Signé par l’administration Obama et entré en vigueur à la fin de son mandat, le texte est vivement critiqué par son successeur Donald Trump, climatosceptique et partisan du charbon. Notifié le 4 novembre 2019, le retrait prendra effet le 4 novembre 2020. Celui-ci a amputé la coalition internationale contre le changement climatique du premier PIB mondial, également second émetteur de gaz à effet de serre et poids lourd diplomatique. L’Union européenne, troisième entité émettrice de dioxyde de carbone (CO2) après la Chine et les Etats-Unis, doit ainsi assumer une part plus importante dans la définition d’objectifs en lien avec l’accord de Paris et l’action climatique.

    Et cette responsabilité apparaît d’autant plus grande après la publication fin 2018 d’un rapport alarmant du GIEC détaillant les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C, lequel met en lumière l’état encore trop peu avancé de la lutte contre le réchauffement climatique. Le 26 novembre 2019, c’est au tour du Programme des Nations Unies pour l’Environnement d’avertir sur le manque d’action des Etats.

    Climat : malgré les efforts européens, la situation reste alarmante

    Des efforts insuffisants

    Cette inquiétude est partagée par le reste de la société civile, notamment à travers les manifestations internationales pour le climat. Et bien que les Etats aient cherché à rassurer quant à leur engagement écologique, leur action peine à convaincre.

    Si les principaux pollueurs ont manifesté leur soutien à l’accord de Paris, plusieurs pays parmi les plus gros extracteurs de pétrole (Turquie, Libye, Iran…) ne l’ont toujours pas ratifié. Le retrait des Etats-Unis, vu comme un coup porté à la lutte globale contre le réchauffement climatique, fait davantage peser sur le reste des Etats développés les efforts nécessaires à la réduction des émissions. Les pays du G20, responsables de 80 % des émissions mondiales de CO2, ont vu pour certains leurs émissions carbonées croître en 2018, conséquence d’un manque d’efforts et d’un attachement aux énergies fossiles. Et cette trajectoire ne semble pas prête de s’inverser

    Car même s’il représente une avancée notable dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’accord de Paris souffre cependant d’importantes faiblesses.

    Le texte n’est pas suffisamment contraignant étant donné l’absence de mécanismes de sanction ou de contrôle le caractérisant. Le Nicaragua avait même refusé, dans un premier temps, de le ratifier, ne le trouvant pas assez contraignant. Chaque Etat étant libre de fixer ses objectifs, ces derniers se révèleraient à l’heure actuelle insuffisants pour contrer la hausse des températures tel que le dispose l’accord. Et ce même si les engagements de certains gros pollueurs comme l’Inde ou la Chine apparaissent atteignables. L’accord ne fait par ailleurs pas mention d’un quelconque abandon des énergies fossiles, principales sources d’émissions de CO2, ni de réduction des émissions dans certains secteurs comme l’aviation ou le transport maritime. Enfin, sa visée générale serait trop peu ambitieuse : pour le GIEC notamment, un réchauffement de la planète limité à 1,5°C serait déjà porteur de conséquences désastreuses. La hausse des températures par rapport au niveau préindustriel, estimée en 2016 à déjà 1,1°C, pourrait ainsi dépasser le seuil de 1,5°C dès 2022, et provoquer une hausse incontrôlable des températures sur le long terme (selon l’ONU, l’accord ne pourrait parvenir qu’à limiter la hausse de 2,9 à 3,4°C).

    Le Sommet Action Climat convoqué en marge de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2019 se devait d’inciter les Etats à revoir ces objectifs à la hausse. Dans le viseur de la communauté internationale, on trouve des grands pollueurs comme la Chine, l’Inde et la Russie. De même que les Etats-Unis, qui comptent profiter de leur sortie de l’accord de Paris pour développer l’industrie du charbon. Mais plusieurs pays européens se trouvent aussi dans cette liste.

    Si l’Union européenne fait figure de « bonne élève » dans les objectifs qu’elle a pris pour lutter contre le réchauffement climatique, certains de ses membres (Grèce, Pologne, Allemagne…) dépendent encore beaucoup du charbon et entravent les objectifs chiffrés de réduction des émissions, ainsi que la volonté affichée de la Commission d’atteindre la neutralité carbone en 2050. La France elle-même est jugée « en retard » par le Haut Conseil pour le climat, instance consultative nationale.

    Une volonté de leadership européen

    Au sein des parties de l’accord, l’UE est devenue, depuis la sortie des Etats-Unis, la première puissance occidentale émettrice de CO2. Souhaitant y remédier, elle mène notamment une politique de « diplomatie climatique« , cherchant à emmener avec elle les autres puissances économiques vers plus d’efforts climatiques. La nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a d’ailleurs affirmé sa volonté de mettre l’Europe à l’avant-garde de cette lutte internationale. Mais il est difficile pour l’Union, dont le poids politique à l’échelle mondiale reste restreint, de faire pencher des Etats comme la Chine ou l’Inde sans levier politique ou économique.

    C’est ce qu’elle a essayé de faire vis-à-vis du Brésil, dirigé depuis 2019 par le climatosceptique Jair Bolsonaro : lors des négociations de l’accord commercial UE-Mercosur, la Commission a cherché à établir des clauses environnementales, pour assurer le respect de l’accord de Paris, prévenant par cette disposition une sortie unilatérale du Brésil de celui-ci à la manière des Etats-Unis. La France a par la suite suspendu son soutien au traité de libre-échange avec l’organisation économique sudaméricaine, lors de la polémique sur l’inaction du gouvernement brésilien à propos de la déforestation et des incendies en Amazonie. Une clause similaire de respect de l’accord de Paris, critiquée pour son inefficacité par certains parlementaires, avait été précédemment établie avec le Canada autour du CETA.

    L’Union se montre également exigeante envers ses Etats membres. L’objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre entre d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, en passe d’être atteint, devrait être relevé : si la Commission von der Leyen souhaite l’élever à 50 %, elle devrait même soutenir le Parlement européen dans sa volonté de le porter à 55 %. Le nouvel exécutif européen vise par ailleurs la neutralité carbone en 2050, un objectif qui pourrait devenir contraignant si les derniers Etats réfractaires, la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, l’acceptaient.

    Pacte vert européen : le programme écologique de la nouvelle Commission

    La COP25, qui s’ouvrira le 2 décembre prochain à Madrid, sera la troisième conférence successive à se tenir sur le territoire européen. Une occasion pour l’Europe de tenter de progresser dans la mise en place d’un leadership mondial en matière climatique. Cette COP devrait par ailleurs permettre de préparer le terrain en vue de la COP26 en 2020 à Glasgow au Royaume-Uni, marquant les cinq ans de l’accord, et au cours de laquelle les parties devraient revoir leurs engagements à la hausse. Ursula von der Leyen souhaite profiter de ce sommet pour mettre l’Europe « en pointe« .

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    https://www.touteleurope.eu/actualite/quatre-ans-apres-l-accord-de-paris-l-union-europeenne-a-l-avant-garde.html