Intervenants du workshop, experts au CEDE(par ordre d’intervention)
Viviane de Beaufort, professeure à l’ESSEC BS, directrice du CEDE Charles SALVAUDON, géopoliticien Norman Alex Xavier DROUET, médiateur scientifique et auteur du blog ‘‘Hommes et Sciences’’ Ghenadie RADU, docteur en droit ALTAPRISMA, intervenant à l’ESSEC Maître Thaima SAMMAN, SAMMAN & Avocats Vincent BARRAILLER, professeur enseignant ESSEC, expert en géopolitique
Introduction
Viviane de Beaufort, professeure à l’ESSEC BS, directrice du CEDE[1] et titulaire d’une chaire Jean Monnet 2023-206 a souhaité ouvrir le débat sur les raisons qui l’ont poussée à choisir de développer, à partir du programme historique du CEDE : “l’Europe dans la globalisation”, le sujet de la quête de l’autonomie économique de l’Union européenne dans un monde qui a changé.
Le programme pionnier évoquait dans ses travaux, diverses dimensions liées à l’Europe et à la globalisation (multilatéralisme et OMC, réciprocité des marchés publics, IDE, etc.)
A l’aune des défis, voire des dangers auxquels le projet d’Union européenne est confronté, dans un monde en « perma crise » , caractérisé notamment par un affrontement économique entre deux grands puissances, mais également des entreprises tentaculaires dont les GAFAM et de nouveaux acteurs chinois, la question de souveraineté économique prend une dimension d’urgence évidente et sera donc l’objet des travaux actuels.
Le concept de souveraineté est enfin audible à Bruxelles après nombre de combats depuis le début des années 2008 qui ont entre autres conduit à créer ce centre de recherches à l’ESSEC. Le mot est prononcé dans les instances et les plus hauts décisionnaires et cette mandature a vu une accélération de textes de protection ainsi que des modifications de l’approche très ouverte en concurrence: le règlement sur le filtrage des idées en est un bon exemple, comme dans l’enquête diligentée sur les voitures électriques chinoises.
Il demeure cependant fort complexe d’appréhender de manière collective cette posture de souveraineté d’une part, parce que l’Union européenne qui demeure une puissance commerciale importante n’a pas les mêmes atouts qu’il y a 15 ou 20 ans pour imposer sa vision, d’autre part parce que sa dépendance à l’égard de produits ou matières majeures a été étalée à la lumière du jour avec la pandémie #covid19, la guerre en Ukraine et ses conséquences sur la raréfaction de l’approvisionnement en gaz russe, entre autres, etc.
L’union européenne peut-elle, se créer un chemin entre les deux géants, tout en relevant ses propres défis internes (vieillissement, migrations, défi alimentaire, dépendance énergétique, et par-dessus tout désormais création d’une autonomie en matière de défense) ? Peut-elle continuer à prôner des valeurs d’ouverture, promouvoir les droits humains et le respect de l’environnement ? Ca n’est pas un hasard si alors que nous préparons cette séance depuis janvier, le rapport Letta et un discours marquant de Mario Draghi viennent d’être publiés.
L’autonomie économique européenne est abordée ici avec des éclairages relevant de l’histoire, de la géopolitique, de l’économie et du droit, en priorisant pour chaque aspect un exemple afin de demeurer bien concret. D’autres déclinaisons thématiques (politique commerciale, politique de concurrence) ou sectorielles (numérique, énergie) interviendront dans des workshops ultérieurs. Nous revenons ici sur des points saillants du débat dans un document court prenant la forme d’un compte-rendu synthétique qui a vocation à être complété par une publication ultérieure du CEDE.
Débat
(Viviane de Beaufort) : la souveraineté européenne ?
« Cela ne fait que quelques années que l’expression souveraineté européenne n’est plus un gros mot » La notion de souveraineté européenne a bien été portée par quelques-uns, à partir de concepts plus consensuels comme celui d’avantages mutuels ou de réciprocité (M.Barnier, P.Lamy, M.Monti), elle a été prônée par plusieurs think tanks à l’échelle de l’UE et en France.
Sans le dire, elle a parfois été à l’origine de certaines décisions comme la création d’EADS aujourd’hui Airbus, ou le maintien de la golden share de l’Etat de Gaz de France dans le géant Engie, la notion de secteur stratégique apparaît en filigrane en droit de la concurrence,la revendication d’une ouverture des marchés publics européens sous conditions est nien une manifestation de la volonté de l’Union européenne d’être “open but non disarmed” (Marion Monti ), etc
Aujourd’hui, après 20 ans, l’expression de souveraineté circule dans l’espace européen (Discours de l’Union de U. Von Leyen septembre 2024), aussi bien que dans le milieu de la recherche et les sphères professionnelles. Pour autant, cette notion complexe n’est pas toujours comprise de la même manière par chacun, et requiert pour son application concrète, la prise en compte d’une multitude d’aspects d’ordre géopolitique, économique et juridique.
Dans ce workshop, nos intervenants ont essayé de restituer une image à l’instant T de l’Europe face à un monde dont les grands équilibres ont changé et d’évoquer ce que pourrait être un chemin vers une plus grande autonomie économique européenne, sachant que le concept de souveraineté ne doit jamais être compris comme celui d’un protectionnisme généralisé qui n’est pas une option pour notre vieux continent. Est-il encore temps? De quels atouts dispose l’Europe? C’est à la lumière de nombreuses lectures et prises de positions sur ce sujet, qui listées dans une bibliographie postée sur le site du CEDE[3], à part que les thèmes suivants ont été priorisés.
Cadre géopolitique: quelques éléments sur le projet d’Europe face aux USA et à la Chine
Réfléchir à une possible autonomie de l’Europe ne pouvait se faire sans questionner la posture de l’UE face aux États-Unis et à la Chine. C’est ce que Charles Salvaudon met en avant dans son argumentaire, appelant à questionner la place de l’Europe face aux deux puissances. Quant aux États-Unis, l’un des principaux défis repose sur la dépendance commerciale de l’UE. Ainsi, en 2023 l’impératif de substituer l’approvisionnement en gaz russe a conduit l’Europe à importer massivement du GNL (gaz naturel liquéfié) en provenance des États-Unis.
Ces importations représentent près de 50% près de 450 milliards d’euros. Au regard de ces chiffres, nous sommes amenés à interroger notre logique commerciale avec les États-Unis, et en questionner sa pérennité, notamment dans le cas d’une victoire de Donald Trump en novembre prochain, dont la posture potentiellement ultra protectionniste pourrait peser lourd sur nos relations futures.
Quant à la Chine, les risques sont eux aussi considérables: l’Union européenne dépend de celle-ci pour son approvisionnement en certaines matières critiques, dont les terres rares, mais aussi désormais des technologies nécessaires pour faire évoluer notre système énergétique vers le ‘‘Green’’ comme les panneaux solaires.
(VDB) Et la croissance se ralentissant sur le marché chinois après la crise immobilière et la conséquence du #Covid19 (fermeture totale des frontières), cet Etat n’a guère d’autre choix que de pousser un maximum ses exportations en Europe notamment puisque le conflit avec les US a perturbé les relations commerciales, mettant à mal certaines filières européennes.
Alors, comment à terme parvenir à une forme d’autonomie européenne? La relocalisation de certaines industries en Europe est à privilégier, le recyclage encore insuffisamment réalisé pour les matériaux que l’on ne trouve pas sur le sol européen est à développer en urgence, et l’acceptation d’une dose équilibrée de protectionnisme sur certaines filières stratégiques, comme l’énergie ne peut plus ne pas être à l’ordre du jour . Enfin, un enjeu de taille est la réalisation de l’UMC (Union des marchés de capitaux), moyen de stimuler la croissance économique de l’UE.
Le cadre géopolitique: Nouvelles routes de la soie : où va la Chine ?
Il y a un peu plus de vingt ans, la Chine est devenue membre officiel de l’OMC (L’Organisation mondiale du commerce) bénéficiant d’un statut de pays en développement, qui l’a d’ailleurs aidée à devenir l’une des plus grandes puissances commerciales du monde. Tandis qu’elle réalisait d’apparents efforts d’ouverture commerciale, la Chine a développé un réseau tentaculaire en faisant usage de sa route ancestrale de la soie, la Silk road, afin de réaliser une extension phénoménale de sa présence à travers le globe.
La stratégie d’expansion chinoise est d’abord terrestre puisque la Chine possède désormais une multitude de ports, dont ceux de Baku en Azerbaïdjan, du Pirée en Grèce et de Gênes en Italie. Puis, la Chine est parvenue à développer son réseau par d’autres moyens, tels que la création des réseaux satellitaires (système de navigation Beidou) et sous-marins (le câble P.E.A.C.E. d’une longueur de 15.000 km et contrôlé par des opérateurs chinois, reliant la Chine à l’Europe via Marseille) ainsi que le déploiement d’infrastructures 5G et de data centers chez ses partenaires.
Ces « routes numériques » lui permettent de sécuriser ses échanges de données partout dans le monde. Enfin, extrêmement compétente dans le domaine des technologies, et particulièrement dans l’intelligence artificielle, la Chine élabore jour après jour des partenariats scientifiques auprès de partenaires internationaux.
(VDB) Face à ce déploiement magistral les initiatives de l’Union européenne autour du global Gateway si elles sont loin d’être inutiles sont tardives et insuffisantes en termes financiers
Cependant, la prééminence de la Chine sur la scène internationale est une croissance en trompe-l’œil, nous dit Xavier Drouet. D’abord parce que les partenaires des chinois trouvent à redire aux conditions de partenariats asymétriques . Mais aussi parce que la Chine souffre des effets de la politique de l’enfant unique: la population active décroît depuis près de dix ans (-7 millions de personnes en 2022).
La crise Covid est aussi venue rebattre les cartes, en posant la question de la dépendance de l’UE face à la Chine, face à laquelle l’Europe a pris des mesures, dont des relocalisations de sites de production dans son espace. Il existe sans doute aujourd’hui une carte à jouer pour l’Europe avec la puissance chinoise, qui sous pression des USA, a besoin du marché européen pour poursuivre sa croissance.
L’union douanière européenne face aux défis du commerce international
L’Union douanière européenne (UDE) est un fondement de la construction européenne. La conception et la mise en place d’une politique commerciale et douanière commune entre Etats Membres puis relativement aux pays tiers, notamment vial’application des mesures tarifaires et non-tarifaires, fait partie des bases du projet commun de marché interieur. La souveraineté économique de l’UE ne peut pas se concevoir sans une politique commerciale européenne claire et bien définie sur le plan douanier, tenant compte de nos intérêts communs.
C’est ce que démontre M. Ghenadie RADU, lorsqu’il aborde la question de l’Union douanière européenne, mise en place dès le 1er juillet 1968. Au delà des règles quotidiennes, il n’est pas rare que certaines décisions géopolitiques s’appuient sur des mécanismes douaniers, le dernier exemple porte sur la mise en place par l’UE des droits de douane à l’importation des céréales russes (mai 2024)[4] .
(VDB) le débat actuel sur des droits de douane élevés imposés aux voitures électriques de provenance chinoise en est un autre.
Mais il reste que la complexité de la réglementation douanière en Europe constitue un véritable blocage au développement du marché . A titre de comparaison, une entreprise française commerçant à l’international doit respecter les dispositions du Code des douanes national français (470 articles), du Code des douanes de l’Union (288 articles), ce dernier étant ‘‘accompagné’’ par un Règlement délégué (256 articles) et par un Règlement d’exécution (350 articles), soit un total de 1364 articles (!), sans compter la longue liste d’Annexes. Le Code des douanes suisse du 18 mars 2005 compte lui 133 articles ! Il est évident que le « poids » des normes juridiques douanières pèse sur la compétitivité à l’international des entreprises françaises et européennes.
Le projet de réforme de l’UDE.Au premier regard, le projet de réforme de l’UDE proposé en mai 2023 qui a pour base un rapport d’experts pourrait paraître intéressant. Il prévoit le lancement d’une plateforme commune européenne pour les données douanières, l’association de l’IA à cette plateforme permettant de mieux cibler les contrôles, la réorganisation du commerce électronique sur le plan douanier, l’harmonisation des pratiques douanières au niveau de l’UE et la création, à terme, d’une Autorité douanière européenne (dès 2028).
Mais l’intention, à savoir inscrire notre UDE dans les échanges commerciaux internationaux modernes est légitime, cette réforme ne s’est pas attaquée au problème le plus important dont souffre notre UDE, celui de la trop grande complexité de la réglementation douanière européenne : quel intérêt de rajouter un étage supplémentaire à un bâtiment (allusion à la présente réforme de l’UDE), alors qu’il faudrait commencer par réparer les fondations du bâtiment en question, qui nécessite des travaux urgents de simplification de réglementation? . Selon G. RADU, «il est bien temps de revenir aux fondamentaux et faire en sorte que la réglementation douanière de l’UE soit la plus simple et la plus compréhensible possible pour les usagers ».
Comment l’Union européenne impose-t-elle (enfin) des normes de protection qui peuvent avoir par ailleurs une portée extraterritoriale
L’Union européenne a commencé à inscrire dans son Corpus juridique des mesures à portée extraterritoriale: le RGPD[5]et le Règlement sur l’Intelligence artificielle[6](RIA). Contrairement à la tradition américaine, l’approche européenne ne vise pas à imposer ses normes en dehors de sa juridiction, mais à s’assurer que tout acteur, européen ou non, exerçant une activité en Europe, respecte les normes et les valeurs européennes, notamment à travers une régulation des données personnelles.
Toute entreprise ayant une activité sur le sol européen, qu’elle y ait, ou pas, son siège, une filiale ou un établissement, qu’elle produise ses biens ou services sur le territoire ou qu’elle les fournisse de l’extérieur de ses frontières, a l’obligation de se conformer à ces règles.
Un grand nombre d’acteurs institutionnels considère comme une réussite l’existence d’un cadre réglementaire unique. Il peut cependant créer une situation défavorable, notamment en matière de recherche et développement, en contraignant la capacité d’innover. Des biens et services créés en dehors de ses frontières peuvent être ensuite proposés dans leur version finale en Europe sans que la méthode pour les élaborer ne soit soumise au droit européen.
Maître Samman interroge : « On ne peut pas revendiquer une souveraineté européenne qui risque d’entraîner des mesures de rétorsion d’autres pays souverains’’. Pour que la souveraineté économique devienne une réalité européenne, ces normes doivent s’appuyer sur une équation complexe d’objectifs et de moyens. Dans certains secteurs comme le numérique par exemple, le recours à des acteurs non européens, aux technologies bien plus avancées/sophistiquées, essentiellement américaines, sont indispensables à la productivité et la qualité des entreprises européennes.
En revanche, la capacité européenne d’imposer un cadre réglementaire harmonisé, comme celui de la collecte et du traitement des données personnelles, peut constituer un atout économique et permet de promouvoir les valeurs de l’UE (art.2 TFUE), pour autant que son application intègre l’approche par les risques tel que prévu dans les deux textes cités en introduction.
Extrait du rapport Draghi : il faut investir dans l’amélioration et la promotion des normes, en renforçant le rôle du marché intérieur en tant que plateforme solide qui soutient l’innovation, protège les intérêts des consommateurs et promeut le développement durable.
« Notre future compétitivité mondiale dans le domaine du numérique dépend des règles que nous mettons en place aujourd’hui. Et ces règles doivent être conformes à nos valeurs : la démocratie, l’État de droit, les droits fondamentaux et le respect de l’ordre international fondé sur des règles », a déclaré le président de l’AIDA, Dragoș Tudorache, co-rapporteur de la loi sur l’IA pour la Commission des libertés civiles (LIBE).
Conclusion: Venir à bout du verrou du veto au Conseil
Comment faire avancer l’Union européenne lorsque le processus de décision peut se heurter au verrou du vote à l’unanimité qui continue à s’appliquer pour des thématiques comme la Politique Étrangère et de Sécurité Commune (PESC), la fiscalité, la politique énergétique ou encore le cadre financier pluriannuel mais parfois aussi parce que la présidence tente le consensus ? C’est l’ultime question à laquelle a tenté de répondre Vincent Barrailler, à la demande de Viviane de Beaufort:
Cette modalité de vote avec un droit de veto de fait a peser et pèse sur la dynamique décisionnelle ; or, nous faisons face à des enjeux majeurs, notamment sur le plan géopolitique. Viktor Orbán, Premier ministre hongrois, a d’ailleurs récemment joué de cette carte monnayant abstention ou vote face au plan européen d’aide à l’Ukraine contre la récupération des subventions gelées au titre du non respect de l’état de droit par la Hongrie
Dans ce contexte, l’idée de réformer les règles de vote au Conseil est à nouveau à l’ordre du jour. C’est ce que lesmembres de la Convention sur l’Avenir de l’Europe ont proposé en 2022. Toutefois, une telle réforme implique une révision des traités qui repose sur une procédure lourde avec la nécessité de l’accord de tous les États membres…
Reste alors la solution des coopérations renforcées, prévue par le PFUE (art.329), ou encore des clauses passerelles : un groupe d’Etats membres pionniers avance sans obliger les autres ou bien les Etats décident de changer de modalité de vote et passer à la majorité qualifiée classique : 55 % des États (15 s/ 27) représentant 65 % de la population de l’UE. Dans le contexte politique actuel, c’est la solution qui semble la plus réaliste pour faire avancer l’Union européenne dans la voie d’une intégration plus forte. Cet outil présente cependant des inconvénients, notamment celui d’ajouter de la complexité aux rouages institutionnels de l’UE. Il risque aussi de la rendre moins compréhensible encore auprès de ses citoyens.
(VDB) Conclusion :
Extraits librement interprétés du rapport E; LETTA
Le marché unique est intrinsèquement lié aux objectifs stratégiques de l’UE. Il est intrinsèquement politique et doit être actualisé à partir d’une nouvelle vision du rôle de l’UE dans un monde qui a subi d’importantes transformations avec la résurgence des politiques de puissance. L’Union engagée en faveur de la coopération internationale a orienté ses interactions pour promouvoir un ordre normatif, cœur de son éthique fondatrice et de son cadre opérationnel.
La guerre de Poutine contre l’Ukraine représente une rupture radicale. La déclaration de Versailles de mars 2022, suivie par celle de Grenade d’octobre 2023 et la stratégie de sécurité économique de la Commission européenne démontrent que si l’Union repose sur les piliers du libre-échange et de l’ouverture, une voie doit être trouvée pour que l’on puisse encore jouer un rôle dans ce monde en ayant pour but de préserver la paix et de faire respecter un ordre international fondé sur des règles, en garantissant notre sécurité économique, un engagement à long terme pour transformer la société et l’économie européennes de manière durable et une transition écologique équitable.
Deuxièmement, la définition d’une orientation claire pour l’intégration des nouveaux membres représente l’un des principaux défis des prochaines années. Troisièmement, dans le nouveau désordre mondial, l’avenir de l’Union ne peut ignorer la nécessité d’assurer la sécurité des citoyens européens, ce qui requiert des positions et des décisions plus exigeantes dans le domaine de la défense. Ces trois grandes orientations stratégiques guideront l’Union dans les années à venir.
Grain de sel : La compétition internationale ressemble parfois à un choc des titans. Entre l’Union européenne et la Chine, le champ de bataille porte sur l’automobile ou les panneaux solaires, secteurs dans lesquels la Commission dénonce la concurrence déloyale par les subventions chinoises. En matière d’éoliennes, l’Europe monte au créneau pour protéger son industrie !
La Commission européenne a décidé d’ouvrir une enquête sur les parcs éoliens européens dont les technologies vertes sont fournies par l’industrie chinoise. La Chine est notamment accusée par l’UE de subventionner des fabricants d’éoliennes chinois, et donc de fausser la concurrence sur le marché européen, comme l’a annoncé Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence. En effet, selon elle, Pékin se permet injustement d’exporter ses éoliennes “à bas prix”, provoquant une concurrence déloyale dans l’ensemble de l’UE. Le lobby européen du secteur des éoliennes, WindEurope, déclare que “les éoliennes chinoises sont vendues à des prix jusqu’à 50% inférieurs à ceux des concurrents européens”. La Commission n’a cependant pas précisé quels étaient les projets concernés par l’enquête.
Cette dernière s’inscrit dans le cadre des nouvelles règles européennes entrées en vigueur en 2023 contre la concurrence déloyale pratiquée par des pays tiers dans le cadre d’appels d’offres. Une série d’autres accusations émises par la Commission contre le géant asiatique, et ce notamment vis-à-vis de l’industrie automobile, du ferroviaire et des panneaux solaires pour lesquels l’Europe était à l’origine très compétitive. Aujourd’hui, les fabricants européens doivent lutter contre les technologies solaires photovoltaïques chinoises qui inondent le marché à des prix bas.
Pour ne pas laisser mourir son industrie, l’UE a prévu de créer des critères internationaux de “fiabilité” concernant les technologies permettant la production d’énergie décarbonée en ajoutant par exemple l’empreinte environnementale d’un produit, le respect des droits du travail, ou les questions de cybersécurité. L’objectif de la Commission est de généraliser ces critères comme fondement des échanges entre partenaires commerciaux afin de soutenir les industries des technologies vertes respectueuses du climat. La Chine, quant à elle, compte sur ces exportations à forte valeur ajoutée pour relancer son économie dont l’activité est ralentie, profitant des objectifs d’énergies renouvelables fixés en Europe dans un contexte de réchauffement climatique.
La lutte de l’UE contre les distorsions de concurrence va de pair avec sa volonté de réindustrialiser le continent, en se concentrant notamment sur l’industrie des technologies vertes. Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, a d’ailleurs fait part de son engagement envers les producteurs nationaux de panneaux solaires en affirmant que l’Union signera la Charte solaire.
CONSEIL DU COMMERCE ET DES TECHNOLOGIES : COLLABORATION ENTRE L’UE ET LES USA
L’Union européenne et les États-Unis se sont réunis début avril à Louvain en Belgique pour la sixième édition du Conseil du Commerce et des Technologies. Ce conseil a été pensé pour approfondir la coopération transatlantique en définissant des approches communes relatives aux questions commerciales, techniques et sécuritaires. La collaboration entre l’UE et les États-Unis se fonde notamment sur un partage de leurs travaux respectifs. Parmi les sujets sensibles abordés lors de cette réunion, on retrouve l’Intelligence Artificielle, les semi-conducteurs, les technologies quantiques, la 6G ou encore les PFAS.
Un partage approfondi d’informations sera amorcé entre les deux puissances occidentales, concernant les indices de référence et les tendances futures du secteur. L’objectif de cette coopération repose également sur l’utilisation de l’IA comme un appui dans différents domaines tels que l’agriculture, la santé, ou la reconstruction. Elle aura aussi pour mission, selon le Conseil de Commerce et des Technologies, d’aider à affronter le changement climatique et à soutenir le développement durable.
Concernant les semi-conducteurs, l’UE et les États-Unis ont mis l’accent sur l’importance d’assurer la sécurité de leur approvisionnement, ces puces étant à la fois essentielles à l’économie mondiale mais aussi au cœur des tensions entre puissances commerciales. Cette discussion marque alors un prolongement de 3 ans des accords précédemment signés concernant le système d’alerte en cas de perturbation de la chaîne d’approvisionnement et la transparence mutuelle quant au soutien public du secteur. La collaboration transatlantique entend partager les études européennes et américaines au regard des éventuelles distorsions de ce marché, notamment en lien avec les puces en provenance de Chine.
Or, l’avenir du Conseil du Commerce et des Technologies est fortement remis en question. Si les acteurs des secteurs concernés se plaignent de la faiblesse des avancées permises par ce Conseil, le possible retour de Donald Trump au pouvoir pourrait encore davantage freiner la collaboration entre l’UE et les États-Unis comme son ancien mandat à la Présidence américaine l’avait démontré.
La Commission européenne vient de lancer le 9 janvier le premier cycle de coopération et de suivi pour la réalisation des cibles de la décennie numérique de l’Union européenne à l’horizon 2030. Si, dans le domaine du numérique, nous sommes confrontés aux enjeux de souveraineté, c’est parce que les Européens ont laissé le champ libre pendant plus de vingt ans aux géants américains de la Tech, qui ont imposé un jeu dont nous n’avons jamais compris les règles. Soit parce que ces règles étaient inaccessibles pour l’Union européenne (lois de Moore et Metcalfe), soit parce que nous avons accepté justement qu’il n’y ait pas de règles du jeu (Code is law, le code est la loi).
Substituer nos lois à celles du numérique
Tout a commencé par la loi de Moore (la capacité technologique des microprocesseurs double tous les deux ans), qui explique l’avance technologique des Américains. Ils ont compris le potentiel de cette loi pour le marché de l’informatique et ont massivement investi, rendant le rattrapage européen quasi-impossible. Plus tard, dans les années 2000, s’est ajoutée la loi de Metcalfe (la valeur d’un réseau est égale au carré de son nombre d’utilisateurs), à l’origine du Web 2.0 et de la naissance des plateformes géantes attirant les internautes dans leurs réseaux afin de monétiser leurs données (data). L’Europe constituant un marché hétérogène, les Européens n’ont malheureusement pas pu bénéficier des effets de réseau comme les Américains et les Chinois qui, par leur taille domestique, ont pu bâtir des communautés d’envergure mondiale (Facebook, YouTube, TikTok, etc.).
Incapable de rivaliser sur ces deux lois numériques, l’Europe se réveille enfin et décide d’imposer la seule loi qu’elle maîtrise : celle des États. Évitant ainsi le piège du « code is law » dans lequel les Européens étaient collectivement tombés, elle revient à un « state is law » (l’État est la loi), modèle certes moins disruptif, mais qui a fait ses preuves sur notre Vieux continent ou ailleurs. L’asymétrie économique entre Américains et Européens étant sans cesse amplifiée par une asynchronie juridique, les réglementations en cours comme la loi sur les services numériques ou Digital Services Act (DSA), la loi sur les marchés numériques ou Digital Markets Act (DMA) et la loi sur la gouvernance des données ou Data Governance Act (DGA) sifflent la fin de l’ère du laisser-faire et de la servitude numérique volontaire. C’est ce que le commissaire européen, Thierry Breton, résume si bien dans la formule « Tout ce qui est interdit dans l’espace physique sera aussi interdit dans l’espace online« .
Préférer l’européanisation du numérique à la « Siliconisation » de l’Europe
En faisant le choix de la règlementation, l’Union européenne ne fait pas qu’un choix défensif en protégeant ses intérêts (lutte contre les abus de droit, de pouvoir et de position dominante), elle opte aussi pour une stratégie offensive visant à promouvoir ses valeurs via l’extra-territorialité de son droit. L’Europe exporte ses valeurs fondamentales par ses règlements comme le Règlement général sur la protection des données (RGPD) ou la loi sur la gouvernance des données (DGA). Elle vise ainsi à européaniser le numérique, c’est-à-dire à imposer ses valeurs humanistes en créant un « numérique des Lumières[1] » comme modèle alternatif aux visions libertarienne à l’Ouest et autoritariste à l’Est.
Cette troisième voie numérique est celle de la décentralisation et de la coopération. Nous devons cesser de fantasmer sur la création d’un modèle de « GAFAM » européen. Car sans pouvoir profiter à plein des lois de Moore et de Metcalfe, c’est impossible à réaliser. Il faut au contraire profiter de l’ère du Web décentralisé (Web 3) pour capitaliser sur nos différences et imaginer nos propres règles du jeu. Les « Big Tech » ont certes une avance capitalistique et technologique énorme, mais sans avoir notre culture industrielle ni notre connaissance des métiers. L’Europe est un leader mondial dans de nombreuses filières et peut compter sur son intelligence collective pour créer de nouveaux modèles de business, de nouvelles pratiques, à condition de coopérer, car aucun leader européen ne fait le poids face aux géants numériques quand il s’agit d’innovation technologique.
L’Europe a prouvé dans un passé récent qu’elle n’était pas condamnée à subir les règles des autres, mais qu’elle pouvait imposer les siennes en proposant de nouveaux standards. Nous sommes désormais en matière numérique à un moment comparable à celui des télécoms au début des années 1990, lorsque l’Europe avait fait le choix de la coopération en investissant sur des standards communs (GSM) pour faire face au monopole de Motorola. Cela avait permis non seulement de freiner la domination américaine, mais aussi à la filière télécom européenne de prendre la direction mondiale en devenant de facto le standard référent de la téléphonie !
Les Européens doivent donc se lancer pleinement dans le chantier stratégique des standards, en se saisissant d’une part de l’opportunité que va offrir le règlement sur la gouvernance des données (DGA) et d’autre part en s’impliquant pleinement dans son opérationnalisation viaGaia-X, le meta-cloud européen qui a pour ambition d’offrir une alternative aux solutions proposées par Google, Amazon et Microsoft. Si les acteurs européens du numérique n’ont pas pu connecter les huit milliards d’humains, l’Europe peut en revanche connecter les entreprises et faire du partage des données entre elles sa propre aventure numérique.
Elle éviterait ainsi que les GAFAM, après les internautes, ne piègent à leur tour les entreprises dans leurs écosystèmes fermés via leurs offres de cloud (hyperscales[2]). C’est pour cela que le partage des données (Data sharing) est la clé. En effet, les données sont soit partagées entre pairs, soit centralisées par les grandes plateformes étrangères. Notre destin est donc entre nos mains.
Souveraineté, la nouvelle frontière franco-allemande
Pour maîtriser notre destin commun, l’Europe doit toutefois retrouver sa capacité à imposer ses valeurs, ses intérêts et, surtout, ses lois. Autrement dit, à renouer avec sa souveraineté. Pour ce faire, elle doit accepter que la souveraineté numérique soit un idéal, un cap imaginaire guidant nos choix, mais pas une destination. Aucun pays n’a atteint la souveraineté technologique pleine et entière, pas même les Américains comme en témoigne, par exemple, leur dépendance à Taïwan pour les semi-conducteurs. La quête politique de la souveraineté se traduit donc en un objectif d’autonomie stratégique, que l’on peut mesurer par les niveaux de dépendances consenties et d’interdépendances choisies. À l’instar de la souveraineté énergétique, où un État choisit de ne pas dépendre totalement d’un seul pays fournisseur, ni d’une seule énergie, la souveraineté numérique[3] cherche, elle aussi, à contrôler ses dépendances.
Mais les différences de visions sur ce sujet entre la France et l’Allemagne sont de plus en plus visibles et dessinent une ligne de fracture dangereuse pour l’unité de l’Union européenne. La France définit la souveraineté numérique par les infrastructures, quand les Allemands préfèrent parler de souveraineté des données (Datenhoheit). Pour l’Allemagne, la souveraineté est un frein à l’exportation de ses biens, quand la France pense qu’elle est une digue de protection pour ses valeurs. En France, cette dépendance aux infrastructures numériques est vécue comme une menace pour nos industries, tandis qu’en Allemagne le choix des centres de données américains (les hyperscalers comme Amazon-AWS, Microsoft-Azure, Google-Cloud), est vécu comme une garantie de pouvoir pénétrer le marché américain.
L’autonomie stratégique, telle qu’elle est entendue à Paris, est une volonté d’affranchissement de toute dépendance vis-à-vis de puissances extérieures, fussent-elles amicales. C’est une vision assez gaullienne selon laquelle, en relations internationales, l’alliance n’empêche pas l’autonomie. A Berlin, elle est interprétée essentiellement sous l’angle des relations commerciales, privilégiant l’approche libérale selon laquelle la souveraineté industrielle, chère aux puissants groupes de pression (lobbys) rhénans, passe par une alliance contractuelle avec les marchés extérieurs. Ces positions différentes sur le numérique – comme sur l’énergie et la défense – peuvent toutefois cohabiter si le socle de confiance franco-allemand sur lequel repose l’Union européenne reste maintenu.
La confiance, ciment d’une autonomie stratégique européenne
La souveraineté doit pouvoir s’appuyer sur un écosystème de confiance permettant de sceller les membres au sein d’une communauté de valeurs ou d’intérêts et de pouvoir imposer ses choix à ceux qui sont en dehors. Ce capital de confiance que l’Union européenne a su patiemment construire au fil des décennies, doit maintenant être transposé au numérique. Le monde a besoin d’une alternative entre les deux impérialismes technologiques américain et chinois, car les pays doivent avoir la possibilité d’adhérer à des valeurs universelles compatibles avec le multilatéralisme.
Ce contrôle des dépendances peut prendre plusieurs formes : soit en « faisant soi-même », dans les très rares cas d’une indépendance totale, soit plutôt en « faisant avec les autres », dans un cadre de confiance maîtrisé. Et si possible en « faisant pour les autres », afin de se rendre indispensable et, ainsi, de pouvoir dissuader quiconque de menacer l’équilibre de la confiance par sa maîtrise d’une composante indispensable à la souveraineté de chacun : Taïwan, la Corée, le Japon sont d’excellents exemples de cette « dissuasion douce ».
Gérer ses dépendances, c’est donc choisir ses interdépendances et nourrir son corollaire : l’indispensabilité. Pour protéger cet équilibre délicat, la quête de souveraineté consiste à construire et sécuriser un « écosystème de confiance » basé sur la maîtrise technologique d’une infrastructure matérielle et immatérielle commune, un cadre règlementaire sécurisant, une capacité à se défendre et, bien évidemment, un choix éclairé de parties prenantes fiables et complémentaires. Des partenaires solidaires qui partagent les mêmes valeurs de respect des données, d’ouverture et de transparence, au point d’assumer auprès d’eux des dépendances librement consenties pour pallier nos faiblesses.
À défaut de garantir une chaîne de valeur technologique pleinement souveraine (auto-suffisante), le grand enjeu de cette gouvernance équilibrée sera de sanctuariser une « chaîne ou un réseau de confiance » international. Un mode de gouvernance que Français et Allemands doivent réinventer et qui permettra de composer sur certaines strates, de bâtir des alliances technologiques internationales, de contractualiser avec des solutions extérieures en toute sécurité, mais de ne jamais subir ces influences extérieures de manière disproportionnée.
La souveraineté sans la confiance, c’est l’exercice unilatéral de la force, l’atteinte aux échanges multilatéraux et, donc, l’entrave à la prospérité telle que nous la concevons dans l’Union européenne. Tout l’art de la souveraineté consiste à choisir de qui nous souhaitons partiellement dépendre, et à quel niveau, c’est-à-dire en qui nous avons suffisamment confiance. Ce n’est pas un hasard si la notion de « numérique de confiance » se dessine en Europe, continent où la libre circulation est le socle de notre vie économique et politique, lieu où la prospérité est plus qu’ailleurs indissociable de la notion d’échange. Entre la Chine qui prône l’autosuffisance et les Etats-Unis qui assument une forme d’ingérence via l’extraterritorialité du droit américain, il s’agit pour l’Union européenne d’inventer une forme de souveraineté qui ne soit synonyme ni de protectionnisme, ni de féodalisme, mais au contraire dans la définition d’une autonomie stratégique partagée, ouverte et multipartite, faite de dépendances acceptées et réciproques avec des partenaires de confiance.
Créer une infrastructure de confiance pour contenir et conquérir le marché des Big Tech
Le numérique de confiance est composé, selon Digital New Deal, de trois couches : Cloud, Data et Intelligence artificielle (IA) auxquelles s’ajoute la cybersécurité qui vient protéger cet espace de confiance généré par la règlementation. Le problème, c’est que cet écosystème ne s’appuie que sur sa propre infrastructure. En effet, les projets numériques, notamment les espaces de données (data spaces) en cours de construction, ont des besoins d’infrastructure logicielle de partage de données communs (gestion des consentements, de l’identité́, des modèles légaux et business, etc.). L’incapacité́ des acteurs européens à se rassembler et à mettre en commun leurs efforts favorise la monopolisation des marchés par les grands fournisseurs de cloud américains. Pourtant, nous disposons en Europe de toutes les compétences nécessaires, ainsi que des moyens pour couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur. L’Union européenne ne doit pas se contenter de devenir un continent de start-ups. Plus elle en développe, plus elle amplifie paradoxalement ses dépendances, ces start-ups étant de grandes consommatrices des services techniques et marketing offerts par les entreprises de la Big Tech. Pour que ce magnifique tissu économique de la Tech soit protégé, pour que les écosystèmes deviennent véritablement systémiques et pour que chaque euro investi dans ces start-ups ne bénéficie pas uniquement aux géants américains, l’Europe doit se doter d’une infrastructure de confiance.
Pour cela, les Européens doivent contribuer à la création d’une « Infratech« : un écosystème d’acteurs européens spécialisés dans le logiciel, qui se fédèrent en vue de proposer une offre de bout en bout pour le cloud, la data et l’intelligence artificielle. Le but n’est pas de créer un superchampion, mais de réussir à fédérer une multitude d’acteurs – grands groupes, PME, ETI et des start-ups, talentueuses mais isolées – en les regroupant dans une offre compétitive. Cette offre alternative est à la fois une condition sine qua non pour l’intelligence artificielle de confiance, un levier pour la stratégie européenne de données (Data strategy) et un cheval de Troie pour le cloud souverain face aux Big Tech.
D’abord, car le défi de l’intelligence artificielle de confiance – c’est-à-dire transparente, respectueuse de valeurs – sera grandement facilité dans les cas d’usages basés sur des données de confiance, c’est-à-dire gouvernées, certifiées et protégées. Cela constituera un levier de « scalabilité[4] » pour le partage des données et les start-ups européennes. En mutualisant les efforts de développement via des outils numériques « open source » gouvernés et enrichis par cette « multitude » d’acteurs, nous abaisserons de facto les barrières à l’entrée d’un marché qui, sinon, restera monopolisé par les géants américains.
Enfin, l’Infratech est un cheval de Troie, car cette offre de services, souveraine et fédérée, pourrait être proposée par les fournisseurs de clouds européens (OVH, Outscale, OBS, T-System, etc.) permettant de contrer les offres liées des grands fournisseurs américains de cloud qui verrouillent leurs clients dans un écosystème opaque, allant jusqu’à appliquer une logique de gratuité pour empêcher l’émergence de la concurrence. Cette couche d’interopérabilité et de mutualisation des données éviterait ainsi une captation dans des systèmes propriétaires dont les entreprises clientes ne peuvent facilement ni sortir (complexe et coûteux), ni même mixer avec des services concurrents.
Ne nous y trompons pas. Soit nous réussissons à investir dans cette Infratech qui répond à notre vision singulière de l’autonomie stratégique, soit nous dépendrons d’une infrastructure basée sur des solutions fournies par les géants du cloud américain. Nous devons agir si nous ne voulons pas voir nos données d’intérêt général (santé, éducation, etc.) et nos données stratégiques (business) enrichir des solutions concurrentes à nos intérêts : c’est la condition de notre souveraineté numérique.
Concrètement, nous parlons ici – pour l’équivalent du coût de la construction d’un ou deux kilomètres de rail – du financement de l’infrastructure immatérielle de l’économie du XXIe siècle, un legs majeur pour notre continent !
La stratégie des données (data strategy), véritable plan Schuman du numérique
Il n’est pas trop tard, car des instances comme Gaia-X sont là pour que les Européens puissent créer cette infrastructure numérique de confiance, socle d’un marché commun de la donnée. Pour ne pas manquer ce rendez-vous, nous devons bien prendre conscience que l’Union européenne vit un moment important de son histoire : la Stratégie européenne pour les données de la Commission européenne est un véritable « plan Schuman de la donnée ». C’est en empruntant ce chemin, et seulement si elle l’emprunte, que l’Union européenne pourra ouvrir une troisième voie numérique. Pour cela, la France et Allemagne doivent toutefois parler de la même voix, afin de suivre la même voie
[1]https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/09/29/les-lumieres-a-lere-numerique-lancement-de-la-commission-bronner [2] L’hyperscale fait référence à la combinaison de composants matériels et d’installations permettant de faire évoluer un environnement de calcul jusqu’à inclure plusieurs milliers de serveurs ; l’hyperscale a pour objet l’extension massive des capacités de traitement informatique massif, généralement pour le big data ou le cloud computing. [3] Rapports d’information 4299 Mission d’information « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne » – 29 juin 2021 [4] Se dit d’un système informatique (ou de l’un de ses composants) apte à s’adapter d’un point de vue dimensionnel, tant vers des tailles inférieures que vers des tailles supérieures. La » scalabilité » peut ainsi concerner un flux, un volume, un espace-temps, etc.
Avertissement : Le 9 juin, les élections européennes ont une importance historique! l’Europe a connu de grands bouleversements géopolitiques, économiques et sociaux et montré sa résilience . A la croisée des chemins se dessine la survie de nos valeurs démocratiques et notre capacité à repenser la place du Vieux continent dans ce monde chahuté, alors que l’écart entre la perception citoyenne et la réalité de l’Union européenne s’aggrave. Aussi, l’Essec soutenue par le DG Vincenzo Vinzis’est engagée dans une série d’actions pour tenter de mieux faire comprendre les enjeux des européennes ; Irené Essec et la filière géopolitique que dirige Aurélien Colson, ma Chaire Jean Monnet et leCentre Européen de Droit et Economie (CEDE) proposent diverses iniatiatives.
Parmi elles , une série d’ articles autour des grands enjeux des élections européennes symboliquement priorisés pour 9 mai Journée de l’Europe / 9 juin élection des députés au PE en France. Cet article est le 5ème de notre série
Une surprise, vraiment ou une folie annoncée impréparée (par nous)?
Dans la nuit du 21 février au 22 février 2022, la Russie a lancé l’invasion de l’Ukraine que l’Europe et les autres puissances pensaient improbable, préparée manifestement de longue date (pour V. Poutine il s’agit de « simple opérations militaires justifiées » par le souci de porter secours aux minorités russophones, mais c’est bien de chars et de bombes sur des civils aussi, dont il s’agit et désormais d’une guerre voire d’une guerre totale : Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré vendredi 22 mars que la Russie était « en état de guerre », marquant un important basculement sémantique. Poutine réélu, l’économie, la défense et l’armée russe ne servent désormais plus qu’un objectif principal : accélérer l’offensive en Ukraine. La détermination brutale (ou la folie) du président Poutine a bousculé toutes les certitudes et forcé l’Union européenne à une adaptation inédite et en mode urgence. Après le #Brexit, la #Covid, voilà peut être la crise la plus importante pour l’Union européenne qui doit démontrer sa résilience et sa capacité à avancer en mode collectif avec un système institutionnel qui demeure inadapté du fait d’une capacité de blocage d’un Etat sur les 27 (veto). La coopération renforcée pourrait être utilisée pour éviter des actions d’Etats membres isolées ou de groupes d’Etats membres se sentant plus concernés par la situation en Ukraine – Ces réactions nationales ne tiendront qu’un temps, dans un contexte éminemment instable et dangereux.
Cette « agression » aura aussi des conséquences économiques lourdes, oblige dans l’immédiat à mobiliser une capacité d’accueil de réfugiés politiques, interpelle sur la capacxité de défense de l’UE et doit, hélas, faire anticiper un risque de 3ème guerre mondiale sans doute différente des précédentes mais qui fait froid dans le dos. Rien ne sera plus comme avant? La raison d’être du projet commun de nos pays: faire respecter et respecter nous mêmes des valeurs de démocratie, de paix, de respect des populations est mise à mal.
Alors que faire ? Distinguer court terme et long terme
Bref les quatre premières semaines (22 février- 22 mars) ont ressemblé à un crash test et en mode triple salto arrière, la crédibilité de plus long terme de l’UE, sur sa place dans le monde aux côtés (mais pas sous les ordres des USA?), quant à sa relation à la Chine déjà fort compliquée (comme on dit), mais aussi avec des acteurs plus périphériques comme l’Inde et même des candidat à l’adhésion comme la Serbie en dissidence par rapport à la position de l’UE envers la Russie
Les 1ères sanctions prises en urgence et qui se développent progressivement interrogent sur leurs conséquences sur la population russe, elle aussi victime d’un autocrate procède à une désinformation massive de son peuple. Les massacres à KIEV et la suite ont remis en cause une éclaircie liée à de possibles négociations après des propositions de l’Ukraine d’adopter un statut d’Etat neutre, l’opinion publique mondiale réalise l’ampleur du problème et le danger. Sur le terrain les combats s’enlisent !
1. Des violations du droit international aux bombes sur les civils- crime de guerre ?
Le récit du drame ukrainien commence avec l’ abandon progressif des règles du droit international de la Russie. Comme l’évoque la Fondation Robert Schuman, la diplomatie russe s’est longtemps attachée au respect strict et formel des règles du droit international, s’y « cramponnant » parfois pour résister aux revendications des peuples. Même lors de la succession de l’URSS, cette constante a été respectée. Cependant, les agissements en Crimée et dans le Donbass depuis 2014 marquent l’abandon de ce formalisme, alors même que la diplomatie du Kremlin met en avant la nécessité de conclure de nouveaux traités avec les Etats-Unis et les Etats européens pour consacrer ses revendications.
Cette évolution (qu’on qualifiera de dérapage) aboutit le 21 février 2022 à la signature de décrets reconnaissant l’indépendance des provinces ukrainiennes de Donetsk et Louhansk les qualifiant de « républiques populaires ». Poutine a ensuite ordonné à la Défense russe de se tenir prête à « maintenir la paix » dans les provinces séparatistes (« perversion » du concept de maintien de la paix selon le Secrétaire Général des Nations Unies) et conclu des traités « d’amitié, de coopération et d’entraide » avec celles-ci. La Russie a avancé plusieurs motifs pour justifier le déclenchement des opérations militaires contre l’Ukraine. Les déclarations du président Poutine ont, successivement, nié l’existence de l’Ukraine en tant qu’Etat, accusé le gouvernement ukrainien de provocations militaires et qualifié le rapprochement entre l’Ukraine et l’OTAN de menace contre les intérêts russes (l’Ukraine est devenue un partenaire privilégié de l’OTAN en 2020). Mais il est surtout frappant d’identifier que son récit est basé sur la théorie selon laquelle le régime ukrainien porte une idéologie nazie dénonçant un projet génocidaire à l’encontre des populations russophones. Dans le même temps, les autorités russes ont mené une campagne massive de propagande sur les réseaux sociaux, via les comptes gouvernementaux, afin de décrédibiliser l’Ukraine et ses alliés. Les médias ont fait l’objet de censures et les réseaux sociaux étrangers, notamment Meta.
BREAKNEWS: le commissaire européen à la justice Didier Reynders a déclaré en ce mois d’avril 2024 qu’un tribunal spécial pourrait être créé d’ici la fin de l’année: « deux options principales sont envisagées : un tribunal international basé sur un accord multilatéral ou une solution simplifiée basée sur un accord bilatéral entre l’Ukraine et le Conseil de l’Europe ». Ce tribunal serait créé pour juger le président russe Vladimir Poutine ainsi que d’autres hauts responsables politiques/militaires russes.
2. Union sacrée sur les sanctions et aide à l’Ukraine ?
Bien en amont, alors que la tension se faisait sentir aux frontières ukrainiennes, l’Union européenne préparait ses sanctions en cas d’escalade militaire. Lorsque les bombes et les missiles russes se sont abattus sur l’Ukraine, suivis par des convois de blindés, l’Union Européenne a décidé d’adopter des sanctions inédites, affichant l’unité dans la condamnation de la guerre. D’autres organisations internationales ont réagi de concert : le Conseil de l’Europe a suspendu les droits de représentation de la Russie ; l’OTAN a entrepris de renforcer ses troupes présentes dans les pays Baltes.
Avancée européenne : la violation des sanctions européennes contre la Russie ajoutée à la liste des infractions pénales de l’Union européenne
Extrait de l’analyse de Didier Rebut – Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas – Directeur de l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris – Membre du Club des juristes
Face aux violations des sanctions prises par l’Union européenne à l’égard de la Russie, à la suite de l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, le Conseil de l’Union européenne a décidé d’adopter une décision destinée à ajouter la violation de ces sanctions à la liste des infractions pénales de l’Union européenne. L’Union européenne (UE) a adopté 13 paquets de sanctions économiques (le dernier le 23 février 2024) : embargo sur le pétrole, le charbon et l’or russes qui interdisent leur achat et leur importation dans les États membres, interdictions de vente de certains produits à la Russie comme des biens de haute technologie et les armes. gel des avoirs dans l’UE de la banque centrale russe, de Vladimir Poutine et d’un grand nombre de personnes et entités liées au gouvernement russe? etc.
Ces sanctions ont parfois fait l’objet de de violations pour éviter leur application. L’embargo sur le pétrole aurait ainsi été violé par des entités étrangères ayant acheminé du pétrole russe par des pays tiers. Des avoirs auraient été dissimulés derrière des sociétés écrans ou des prête-noms. Des sanctions auraient même été insuffisamment appliquées dans des États membres. Le montant des avoirs russes gelés en Hongrie s’élèverait à 3000 $, ce qui a été dénoncé par la Commission. Le droit de l’UE ne punit pas la violation de ces manquements à ces sanctions. Cette violation relève des droits nationaux qui diffèrent beaucoup les uns par rapport aux autres. Ceux-ci ne punissent généralement pas ces violations en elles-mêmes, l’infraction douanière ou ule blanchiment d’argent en découlant. C’est pour uniformiser et rendre effective la sanction de ces violations que le Conseil a décidé de les ajouter à la liste des infractions de l’UE. Décision remarquable parce qu’elle ouvre la voie à une répression pénale des violations des sanctions économiques prises contre la Russie. Cette décision est aussi remarquable par sa portée qui n’est pas limitée aux seules violations des sanctions contre la Russie, puisqu’elle concerne l’ensemble des sanctions économiques du même type prises par l’UE. L’UE va ainsi se doter d’un dispositif répressif comparable à celui des États-Unis qui punit la violation des mesures d’embargos décidées par les autorités américaines.
Cette décision est enfin remarquable en droit de l’UE car elle donne lieu à la première augmentation par le Conseil de la liste des infractions de l’UE, énumérées par l’article 83 § 1 du Traité du fonctionnement de l’UE (TFUE): terrorisme, traite des êtres humains, exploitation sexuelle des femmes et des enfants, trafic illicite de drogues, trafic illicite d’armes, blanchiment d’argent, corruption, contrefaçon de moyens de paiement, criminalité informatique et criminalité organisée. Le Conseil a donc ajouté la violation des sanctions économiques de l’UE à la liste des infractions pour lesquelles l’UE a une compétence directe. Cette décision remonte à la Présidence française de l’UE et l’ approbation a été obtenue, à l’unanimité comme le prévoit l’article 83 § 1 TFUE, lors de la Présidence la République tchèque. La décision du 28 novembre n’est cependant qu’une étape dans la création et l’entrée en vigueur des sanctions pénales applicables à la violation des mesures restrictives prises par l’UE. Une proposition de directive par la Commission va mettre en œuvre la décision et sera soumise au Parlement et au Conseil aux fins d’adoption d’une directive.
Cette application va incomber aux États membres compte-tenu de la nature pénale des sanctions qui seront applicables à la violation de ces mesures. Cela les obligera à transposer la directive en créant les infractions établies par cette directive et en respectant les règles de répression qu’elle a fixées. Il en découlera une uniformisation de la répression de ces violations. La poursuite de ces violations pourrait être confiée au Parquet européen.
Retour sur les sanctions économiques
L’Union européenne a adopté des sanctions visant des personnalités et dignitaires du régime russe, incluant le président Poutine et le ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov (gel des avoirs, interdiction de voyage sur le territoire de l’Union, etc.), mais surtout des sanctions économiques à portée générale (interdictions d’exportation et d’importation de marchandises en provenance ou à destination des deux provinces ukrainiennes non contrôlées par le gouvernement, restrictions d’accès de la Russie aux marchés de capitaux de l’UE et à ses marchés et services financiers). Au fil des mois, une escalade s’est poursuivie entre l’Union européenne et la Russie. L’Europe estime ces sanctions efficaces et entend poursuivre leur intensité en les harmonisant,
Principales sanctions et mesures de l’UE contre la Russie :
•Réduction de l’accès de la Russie aux marchés européens des capitaux •Interdiction de vente d’avions et d’équipements aux compagnies aériennes russes
•Gel des avoirs de Vladimir Poutine et d’oligarques russes •Exclusion du système bancaire Swift de plusieurs banques russes
•Gel des avoirs de la Banque centrale russe hors de Russie
•Fermeture de l’espace aérien européen à l’aviation russe •Interdiction de diffusion dans l’UE des médias Russia Today et Sputnik
•Embargo sur le charbon russe
•Fermeture des ports de l’UE aux bateaux russes
•Fermeture des routes de l’Union aux transporteurs russes
Des divergences ont parfois poussé l’un ou autre Etat à tergiverser. ar exemple la Pologne à remis en question un compromis, au sujet du gel de fonds européens destinés à la Hongrie pour non-respect de l’état de droit, présenté par la présidence du Conseil. Un accord entre Etats membres qui avait permis de lever le veto de Budapest au plan d’aide de 18 milliards d’euros à l’Ukraine”. Finalement, l’aide macro-économique destinée à l’Ukraine en 2023 a été débloquée par la levée du veto polonais. Mais tout ceci fait refléchir au nom de l’efficacite collectoive et de la démocratie à la légitimité du veto d’un Etat contre 27!
1. CASA affiche 600 millions d’euros en provisionnement de prudence: actif net de sa filiale ukrainienne (200 millions) , 350 millions de provisions sur risques « non avérés » sur son portefeuille de crédits ou de garanties exposé à la Russie et 43 millions sur des risques avérés. Le groupe a une zxposition à la Russie, qui a vite baiss – la banque ayant stoppé tout nouveau financement .
2. Société Générale a du céder sa filiale russe Rosbank: impact négatif de 2 milliards d’euros sur le compte de résultat.
3. BNP Paribas a déprécié 90% de la valeur comptable de sa filiale ukrainienne (160 millions), aux deux tiers fermés en raison de la guerre.
TotalEnergies qui a condamné l’agression militaire russe le 1er mars, s’est engagée à ne plus apporter de capital à de nouveaux projets dans le pays. Mais elle ne renonce pas à ses activités en Russie plaidant le fait que le gaz qu’elle produit est importé par les Etats de l’UE qui en ont besoin malgré les efforts pour trouver des approvisionnements substituables. La Russie représente pour TotalEnergies, 17 % de sa production mondiale d’hydrocarbures. « l’enjeu stratégique du pays pour la compagnie française est lié au gaz naturel », Patrice Geoffron, professeur d’économie à Paris-Dauphine et directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières (CGPEM). Cette énergie est au cœur de la nouvelle stratégie du groupe, dévoilée lors du changement de nom de Total en TotalEnergies, il y a un an. « Un tel retrait fragiliserait la capacité de Total à être un acteur de premier rang sur le GNL. Et à plus long terme, sa capacité à importer de l’hydrogène décarboné en provenance de Russie », anticipe Patrice Geoffron. Soit deux axes au cœur de sa nouvelle stratégie. La Russie, « c’est 3 % à 5 % des revenus de TotalEnergies, on gérera », Patrick Pouyanné – 24 février
Mais pour celles demeurées sur place pour diverses raisons à examiner au cas par cas, les accusations de «complicité de crimes de guerre» pourraient tomber, les entreprises sont en effet tenues, par la loi russe, de contribuer à la mobilisation. L’université de Yale qui avait dés le départ identifié les entreprises présentes en Russie actualise régulièrement ses données afin de publication
Pour la France:
Auchan-Retail,Babolat, Camille Albane salons franchisés,Clarins, Coface,Dessange International, Étam, Foraco, Groupe Le Duff, Groupe Savencia, Héliski Russie, Jean Cacharel, La Redoute, Lacoste, LACTALIS, Les cheveux de Mod, Orano, Groupe Provalliance (Jean Louis David) filiales ,Société Bic, SoudainAffaires, Véolia , Vinci SA , Ligne mondiale Affaires
Pour les Assemblées Générales 2024, le Forum pour l’Investissement Responsable a choisi d’interpeller les groupes du CAC40 demeurés sur place avec ce questionnement
Question 1 : À ce jour, vous opérez toujours en Russie selon le KSE Institute1 et/ou l’Université de Yale2. Quel est le nombre actuel de salariés employés par votre entreprise en Russie ? Nous souhaiterions aussi savoir, au moment où vous avez pris la décision de rester sur le territoire de la Fédération de Russie, comment vous avez pris acte que vos activités étaient conformes à vos propres engagements en matière de droits humains et qu’elles ne portaient pas atteinte aux droits de vos salariés ou d’autres parties prenantes ? Quelles mesures avez-vous prises pour vous assurer de pouvoir identifier les risques droits humains liés à vos activités enR ussie et ceux liés au conflit russo-ukrainien ainsi que les impacts, en termes de droits humains, de vos activités sur les personnes et sur le conflit? En septembre 2022, la Douma a adopté une loi fédérale (n°31-FZ) dont l’article 9 dispose que les entreprises étrangères opérant en Russie participent à la mobilisation. Quel process avez-vous mis en place pour contrôler la participation à l’effort de guerre ? En cas de mobilisation, comment est-ce conforme avec vos engagements en matière d’éthique et de droits humains ? Dans ce contexte, comment vous assurez-vous que votre entreprise ne viole pas le droit international humanitaire et ne se rend pas complice des potentiels crimes de guerre commis par l’armée russe en Ukraine ?
Question 2 : Votre gouvernance en matière de droits humains et de gestion des risques liés aux droits humains dans les zones dites affectées par des conflits ou à haut-risque, a-t-elle évolué depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 ? Quels enseignements avez-vous tirés de ce conflit et comment cela a-t-il influencé votre façon de gérer ces situations ?
Question 3 : En cas d’un nouveau conflit impliquant une de vos zones d’activités dans le monde, comment vous assurez-vous que les risques droits humains sont pris en considération dans la décision de maintenir vos activités ou non ? Selon quel processus de gouvernance : consultation du Conseil d’administration, des membres de la direction, des syndicats, échanges avec les investisseurs, engagement avec des populations locales et des Organisations non gouvernementales locales ? Comment intégrez-vous les équipes droits humains dans ces prises de décisions ?
Question 4 : Quelle est désormais votre politique sur le développement de nouvelles activités dans des zones à haut risque (1) ? Avez-vous mis en place une politique de diligence raisonnable renforcée sur ces zones ?
4. La posture militaire
Sur le plan militaire, le refus d’engagement est une ligne claire pour éviter une escalade cobelligérante, donc nous ne sommes pas officiellement en guerre !
Cependant, l’Union européenne a fourni des armes à l’Ukraine la présidente de la Commission européenne a annoncé la décision de l’UE de financer l’acheminement d’armes. Le 28 février le Conseil a adopté deux décisions PESC (2022/338 et 2022/339) portant financement de la fourniture d’armes à l’Ukraine, par la Facilité européenne pour la paix (FEP), établie en mars 2021 par la décision (PESC) 2021/509. Il s’agit d’un fonds extrabudgétaire financé par des contributions étatiques selon la clé du produit national brut, car les dépenses opérationnelles dans le domaine de la défense ne peuvent pas être financées par le budget de l’Union (art. 41 § 2 du Traité sur l’Union européenne, TUE). La principale nouveauté de la FEP est la possibilité de financer des armes létales.
Il est remarquable que le Conseil ait pu atteindre l’unanimité requise, qui plus est dans un délai si rapide et malgré au départ des positions bien différentes, notamment pour l’Allemagne. Mais quid de la suite tandis que les USA se désengageront vraisemblablement à terme.
5. Mobilisation pour l’accueil des réfugiés ukrainiens
Parce que la guerre frappe avant tout les populations civiles, les ukrainiens fuient les frappes russes. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés plus d’un million de personnes ont fui l’Ukraine et cinq millions d’autres devraient arriver. En Pologne, principale destination des réfugiés ukrainiens, les chiffres semblent plus élevés. « Près de 600 000 réfugiés sont arrivés dans notre pays», a indiqué Wladyslaw Ortyl, président de la voïvodie polonaise de Podkarpackie (Basses-Carpates). Si le poids de la crise naissante des réfugiés est actuellement supporté par les États de l’UE voisins de l’Ukraine: Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la Roumanie, on s’attend à ce que la plupart des pays et régions européens en ressentent bientôt aussi les effets. C’est pourquoi l’UE a décidé de réorienter ses fonds de cohésion régionaux pour soutenir les pays les plus mobilisés.
Pour faire face à cette crise, l’UE a simplifié les contrôles aux frontières. Selon les règles qui étaient en vigueur, les citoyens ukrainiens pouvaient entrer dans l’UE sans visa mais ne pouvaient y rester que 90 jours. Les Vingt-Sept ont accepté, jeudi 3 mars, à l’unanimité d’accorder une « protection temporaire » dans l’UE aux réfugiés fuyant la guerre en Ukraine, qu’ils soient ressortissants ukrainiens ou résidents de longue date dans ce pays, une décision jugée « historique » par Bruxelles. Le statut de protection temporaire s’appliquera pendant un an, mais pourra être étendu à trois ans. Les prochaines étapes seront particulièrement intéressantes à observer…
6. Les candidatures à l’adhésion à l’UE en mode accéléré
Peu après l’invasion de son pays, le Président Zelenski a demandé à l’Union européenne « l’adhésion de l’Ukraine via une nouvelle procédure spéciale » et dans un même mouvement, la Moldavie et la Géorgie ont fait acte de candidature. Ses candidatures soutenues par les États membres d’Europe centrale qui ont appelé l’UE à prendre des « décisions rapides et courageuses notamment en faveur de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE d’ici à 2030″ ne doit occulter d’une part que ces décisions requièrent l’unanimité des États membres, d’autre part que des conditions politique et économiques déclinées autour du concept « d’acquis communautaire » sont exigées. (C’est pas gagné et c’est pas maintenant.)
Un processus d’adhésion est long , très long et faire l’impasse sur le principe des acquis de l’UE serait folie et par ailleurs impossible en droit. Cependant il est possible de décider vite de la vocation de chacun de ces 3 Etats à être candidat en qualifiant leur caractère européen et ce, sans préjuger de la suite des négociations d’adhésion ; décision qui les placeraient dans une relation privilégiée avec l’Union européenne et les aideraient quant à leur relation avec la Russie. Mais ce signal doit être lancé en connaissance de cause quant aux la Russie le vivant mal pourrait augmenter encore son attitude belliqueuse. C’est donc à peser.L’Ukraine a formulé sa demande d’adhésion el 28 février et les pays européens lui ont accordé le statut de candidat. Le pays se prépare donc par l’alignement de ses politiques sur les standards européens.
7. Bouleversement du modèle énergétique européen
Au-delà des conséquences directes de la crise en Ukraine, des changements structurels sur le plan de l’énergie se sont inéluctablement engagés en réaction à l’agression russe. Aujourd’hui, l’Europe importe de Russie environ 40 % de son gaz, 35 % de son pétrole brut et plus de 40 % de son charbon. La prise de conscience brutale de cette dépendance oblige l’UE à repenser son modèle énergétique pour des raisons d’indépendance alors qu’elle était en train d’y procéder pour des raisons écologiques (voir les objectifs et dispositifs du FIT55). C’est plus particulièrement, l’Allemagne qui s’est trouvé confrontée à sa dépendance au gaz russe et appelle l’UE à revoir sa politique énergétique collectivement. « L’attaque russe doit aussi réveiller l’Europe en matière de politique énergétique. La politique énergétique est une politique de sécurité »: Robert Habeck, vice-chancelier allemand et ministre de l’Économie et de la protection du climat. Berlin a du renoncer au projet Nord Stream 2 et un moment reconsidéré même la perspective d’un retour au nucléaire, exclu du mix énergétique allemand après Fukuyama, l’hypothèse est abandonnée (pour le moment?). Parallèlement, Olaf Scholz a réouvert des mines de charbon et annoncé un engagement ferme en faveur de la construction de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) pour importer des volumes supplémentaires de gaz fossile des États-Unis et du Qatar, mais l’opposition pourraient vouloir que le gouvernement aille encore plus loin.
Une importante fuite de gaz dans la mer Baltique aux abords des gazoducs russes Nord Stream et Nord Stream 2 a été détectée le 27 septembre, à la suite de deux explosions enregistrées la veille. Les autorités suédoises et danoises n’excluent pas l’hypothèse d’un sabotage.
8. Guerre en Ukraine : vers de grandes famines ?
C’est une des conséquences dramatiques de cette guerre. Lundi 14 mars 2022, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a mis en garde contre le risque d’une guerre qui pourrait entraîner “un ouragan de famines” dans de nombreux pays. “L’Ukraine est en feu” et “le pays est en train d’être décimé sous les yeux du monde“, “Nous devons faire tout notre possible pour éviter un effondrement du système alimentaire mondial” “Les prix des céréales ont déjà dépassé ceux du début du printemps arabe et des émeutes de la faim de 2007-2008″. “L’indice mondial des prix des denrées alimentaires de la FAO est à son plus haut niveau jamais enregistré”. “45 pays africains et pays les moins avancés importent au moins un tiers de leur blé d’Ukraine ou de Russie – 18 de ces pays en importent au moins 50%. Dans de nombreux pays, le spectre des émeutes de la faim refait surface. En attendant, c’est la sécurité alimentaire des Ukrainiens qu’il s’agit de défendre. Alors que les besoins humanitaires “augmentent rapidement” le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires, Martin Grifiths, a annoncé débloquer 40 millions de dollars du Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) des Nations Unies afin d’”atteindre les personnes les plus vulnérables”
9. Une Europe géopolitique à naître ?
Le retour de la guerre en Europe marque la fin d’une illusion et pourrait paradoxalement constituer un acte de (re)naissance pour l’Europe: « parce que tout ce que nous devons comprendre, c’est que pour faire la paix, il faut être deux, mais pour faire la guerre, il suffit d’une seule partie — c’est exactement ce que nous dit M. Poutine . Nous devons réfléchir à l’instrument de coercition, aux représailles et à la contre-attaque face à des adversaires téméraires » Joseph Borell, chef de la diplomatie de l’UE qui concut (en espérant) qu’il s’agit de « l’acte de naissance de l’Europe géopolitique ».
Face à cette nouvelle posture, l’UE engage une nouvelle stratégie militaire. L’ébauche du nouveau document stratégique de l’UE avait été officiellement soumise aux ministres des Affaires étrangères de l’UE en novembre dernier. La version finale devrait être adoptée par les dirigeants européens en mars, sous la #PFUE. « Le retour de la guerre en Europe, ainsi que des changements géopolitiques majeurs, remettent en question notre capacité à promouvoir notre vision et à défendre nos intérêts », peut-on lire dans le projet de document: « Un environnement de sécurité plus hostile nous oblige à faire un bond en avant et à accroître notre capacité et notre volonté d’agir, à renforcer notre résilience et à assurer la solidarité et l’assistance mutuelle ». Certains États membres d’Europe de l’Est ont fait valoir que pour que l’UE devienne un poids lourd géopolitique, elle doit jouer un rôle en matière de sécurité non seulement en Afrique, mais plus encore dans son voisinage oriental.
En conséquence, et en raison de l’escalade des tensions, l’UE a consacré un soutien plus conséquent à ses partenaires orientaux, notamment en matière de sécurité et de défense. En ce qui concerne les dépenses de défense, la nouvelle version indique qu’« il devient urgent de dépenser plus et mieux » en coordination entre les États membres et au niveau de l’UE. L’Union « définira des objectifs en matière d’augmentation et d’amélioration des dépenses de défense » d’ici à la mi-2022, la Commission européenne étant chargée d’élaborer des mesures incitatives supplémentaires pour les investissements collaboratifs.
10 – Livraisons de chars à l’Ukraine : cobelligérance ?
La Russie menace depuis plusieurs mois les soutiens à l’Ukraine de les considérer comme cobelligérants et donc engagés dans le conflit. Qu’en est-il du point de vue du droit international ? Le soutien militaire à l’Ukraine par la livraison d’armes est légal au regard du droit international. Comme le résume le Club des Juristes, la résolution ES-11/1 du 2 mars 2022 de l’Assemblée générale des Nations Unies condamne l’invasion russe et « raffirme [l’]engagement [des Nations Unies] envers la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues ». La Russie est également reconnue comme coupable d’agression.
Or, selon l’article 41 des articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, « les Etats doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave » d’une obligation du droit international général. L’envoi d’armes à l’Ukraine est donc licite voire encouragé, pour mettre fin à la violation russe. De même, l’Ukraine étant considérée comme en légitime défense, elle peut utiliser les armes livrées de manière offensive, y compris en Crimée toujours reconnue comme partie intégrante du pays. Cette livraison d’armes ne constitue par ailleurs pas un cas de cobelligérance, dont la définition reste floue.
La cobelligérance désigne la situation dans laquelle des pays se battent contre un ennemi commun, sans pour autant partager un traité d’alliance formel. On peut par exemple citer la lutte contre Daech au cours de la guerre civile syrienne, rassemblant des pays non alliés comme la Russie et les Etats-Unis. Les pays livrant du matériel à l’Ukraine, que ce soit les membres de l’OTAN mais aussi le Maroc ou encore Taiwan, ne sont donc pas cobelligérants puisqu’ils ne sont pas en guerre contre la Russie. Dans l’autre sens, l’Iran et la Corée du Nord, qui ont fourni un soutien matériel à la Russie, ne sont pas en situation de cobelligérance. Il ne s’agit cependant que d’une définition usuelle, ce terme n’étant pas employé en droit international. On parle plutôt de « partie au conflit », c’est-à-dire un membre impliqué dans la guerre, directement ou indirectement.
10. La suite au fil des dates et d’articles proposés sur le blog
Le 16 novembre, un missile frappe la Pologne et tue deux personnes, sans que son origine ne puisse être attribuée. La tension monte d’un cran du côté européen et la préparation des défenses nationales s’accélèrent, aussi bien dans les discours que dans la nouvelle revue de l’AED. Parallèlement, les craintes autour des centrales nucléaires se poursuivent.
Le 9 février, Volodymyr Zelensky rejoint Bruxelles, en s’adressant d’abord aux eurodéputés réunis au Parlement européen. “Si l’Ukraine tombe, c’est votre mode de vie qui disparaîtra, celui des Vingt-Sept”, prévient-il.
25 février 2023 : un dixième train de sanctions européennes contre la Russie est adopté
23 mars 2023 : les Vingt-Sept approuvent un plan de livraison d’un million de munitions à l’Ukraine d’ici à 12 mois. Quatre milliards d’euros seront nécessaires pour assurer ces livraisons, dont deux milliards fournis par l’Union européenne via la Facilité européenne pour la paix, un instrument de financement des dépenses communes en matière de défense. Si les Etats membres puiseront dans leurs stocks, ils prévoient aussi de réaliser des achats de munitions ensemble.
4 avril 2023 : la Finlande devient le 31e membre de l’Otan, la Suède attend encore les feux verts de la Turquie et de la Hongrie.
5 mai 2023 : la Commission européenne propose un onzième train de sanctions contre la Russie qui a pour objectif d’empêcher le Kremlin de contourner les sanctions via des Etats tiers. En particulier via l’importation depuis ces pays neutres ou alliés – Chine, Iran, Emirats arabes unis, Ouzbékistan, Arménie ou encore Syrie
14-16 mai 2023 : en déplacement en Europe, Volodymyr Zelensky appelle ses alliés à intensifier leur soutien militaire et notamment l’envoi d’ avions de combat
21 juin 2023 : l’UE et ses alliés annoncent 60 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine pour sa reconstruction, lors d’une conférence à Londres les 21 et 22 juin 2023 où intervient le lancement de l’ ”Ukraine business compact”, initiative invitant le secteur privé dans le monde entier à participer aux efforts de reconstruction.
23 juin 2023 : onzième train de sanctions européennes contre la Russie
15 novembre 2023 : la Commission européenne propose un douzième train de sanctions contre la Russie aux Etats membres de l’UE
14 décembre 2023 : le Conseil européen décide d’ouvrir les négociations d’adhésion à l’UE avec l’Ukraine sans le vote de la Hongrie. L e Conseil européen ouvre les négociations avec la Moldavie, victime collatérale de la guerre en Ukraine et elle aussi candidate depuis juin 2022 et la Géorgie,
14 décembre 2023 : le Conseil européen adopte le douzième paquet de sanctions contre la Russie : interdiction du commerce de diamants et sanctions frappant le pétrole russe étendues au gaz de pétrole liquéfié (GPL).
1er février 2024 : les Vingt-Sept accordent une aide de 50 milliards d’euros à l’Ukraine
23 février 2024 : les Vingt-Sept adoptent un treizième train de sanctions contre la Russie
26 février 2024 : Emmanuel Macron affirme que l’envoi de troupes au sol dans le pays ne doit pas “être exclu”
27 avril 2024 , le chef de l’Etat français déclare “ouvrir le débat” sur la défense européenne afin de mettre toutes les options “sur la table”, y compris l’inclusion de l’arme nucléaire française.
18 mars 2024 : les Vingt-Sept adoptent un fonds de cinq milliards d’euros pour soutenir militairement l’Ukraine en adoptant formellement la réforme de la Facilité européenne pour la paix, instrument européen destiné à financer les actions de l’UE en matière de défense.
21 mai 2024: Les Vingt-Sept ont approuvé l’utilisation des bénéfices générés par les actifs russes gelés dans l’Union européenne. Une décision qui doit permettre de récupérer jusqu’à 3 milliards d’euros par an afin d’armer l’Ukraine.
L’UE impose des droits de douane « prohibitifs » sur les importations de céréales russes
11 – L’UE impose des droits de douane « prohibitifs » sur les importations de céréales russes
GDS : Dans le contexte de guerre, des droits de douane prohibitifs sont une arme commerciale redoutable. L’UE s’en empare et veut faire cesser toute importation de céréales russes ou biélorusse.
Valdis Dombrovskis, commissaire européen en charge du Commerce. [EPA-EFE/RONALD WITTEK]
Les États membres de l’Union européenne ont approuvé jeudi (30 mai) une augmentation importante des droits de douane sur les céréales, les oléagineux et les produits dérivés provenant de Russie et de Biélorussie (proche allié de Moscou) dans le but de suspendre les importations de ces produits dans le bloc.
« Les nouveaux droits de douane fixés aujourd’hui visent à stopper concrètement les importations de céréales russes et biélorusses dans l’UE », a déclaré le ministre belge des Finances, Vincent Van Peteghem, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’UE.
« C’est une nouvelle façon pour l’UE de montrer son soutien à l’Ukraine », a-t-il poursuivi.
La décision, validée par les ministres européens au Commerce réunis à Bruxelles jeudi, reviendra à taxer fortement à partir du 1er juillet les céréales, oléagineux et leurs dérivés, entre autres produits, pour lesquels les droits d’importation dans l’UE sont actuellement faibles ou nuls, peut-on lire dans un communiqué du Conseil.
Des sources diplomatiques européennes ont confié à Euractiv que le règlement avait été approuvé avec le soutien d’une majorité écrasante d’États membres. Tous les pays ont voté en faveur de la loi, sauf la Hongrie qui se serait abstenue.
La mesure douanière devait être entérinée par une majorité qualifiée d’États membres (15 pays représentant 65% de la population du bloc), sans requérir l’aval des eurodéputés. Un processus plus aisé et rapide que l’adoption d’un embargo total, qui aurait nécessité l’unanimité des Vingt-Sept.
L’objectif de la proposition, présentée en mars derniers par la Commission européenne, est d’empêcher la « déstabilisation » des marchés de l’UE, d’arrêter l’exportation illégale de céréales volées par la Russie en Ukraine et de stopper le financement de la guerre russe en Ukraine grâce aux exportations dans l’Union.
Les droits de douane n’affecteront pas les exportations vers les pays tiers transitant par l’UE, afin de préserver la sécurité alimentaire mondiale.
« Notre engagement en faveur de la sécurité alimentaire mondiale demeure inébranlable et nous veillons à ce que les pays en développement ne soient pas affectés par ces mesures », a déclaré Valdis Dombrovskis, commissaire européen en charge du Commerce. « Nous maintiendrons ce soutien aussi longtemps qu’il le faudra », a-t-il ajouté.
La Commission européenne a proposé d’augmenter les droits de douane sur les importations de céréales et d’huiles russes et biélarosses afin à la fois de ne pas déstabiliser le marché européen, de ne pas financer l’agression russe contre l’Ukraine et d’essayer de calmer les manifestations des agriculteurs.
Financement de la machine de guerre russe
Vincent Van Peteghem a insisté sur le fait que la nouvelle mesure permettra d’empêcher le Kremlin d’utiliser les revenus des exportations vers l’UE pour financer sa guerre contre l’Ukraine.
Depuis le début de son invasion du pays en 2022, les importations européennes de céréales russes ont dépassé la moyenne quinquennale, l’Italie, la Lettonie et l’Espagne étant les principaux importateurs, selon les données de la Commission européenne.
La Russie a exporté 4,2 millions de tonnes de céréales, d’oléagineux et de produits dérivés vers l’UE en 2023, pour un montant de 1,3 milliard d’euros. Concernant les seules céréales, elle a importé 1,5 million de tonnes l’an dernier, contre 960.000 tonnes en 2022, sur fond d’envolée de la production russe la saison dernière.
Les importations de céréales russes, très inférieures aux volumes venant d’Ukraine, constituent une infime partie (environ 1%) du marché européen.
Perturbations du marché européen et vol de produits ukrainiens
« Même si la Russie reste un fournisseur relativement modeste pour l’UE, elle est l’un des principaux producteurs et exportateurs mondiaux, et est en capacité de réorienter d’importants volumes vers l’UE pour en perturber le marché », a fait valoir le Conseil dans son communiqué.
L’UE activera une clause d’exception pour faire en sorte que Russie et Biélorusse n’aient plus accès aux quotas céréaliers de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) leur offrant un meilleur traitement tarifaire.
Dans les différents trains de sanctions adoptées contre Moscou depuis 2022, les Européens avaient pris soin de ne cibler ni le secteur agricole, ni les engrais: ils redoutaient de déstabiliser les échanges et de fragiliser la sécurité alimentaire de pays d’Asie et d’Afrique dépendant de l’agriculture russe.
Une situation qui indignait Kiev, à l’heure où l’UE plafonne ses importations de produits agricoles ukrainiens exemptés de droits de douane par peur de déstabiliser le marché unique.
Parallèlement à cela, le Conseil note également qu’« il existe des preuves » que Moscou « s’approprie illégalement de grandes quantités » de céréales et oléagineux dans les territoires ukrainiens qu’elle occupe, les achemine vers ses marchés d’exportation et les étiquète comme étant russes.
Les nouveaux droits de douane visent également à endiguer ce phénomène.
Aller plus loin
Les nouveaux droits de douane sont suffisamment élevés pour décourager les importations dans l’UE, avec des droits à 93 ou 95 euros par tonne pour le blé tendre, le seigle, l’orge, le maïs ou le sorgho, et un droit de 50% « ad valorem« , c’est-à-dire proportionnel à la valeur de la marchandise, pour d’autres produits (huiles, légumes…).
Cependant, certains veulent aller plus loin.
Lors de la réunion des ministres du Commerce jeudi, un groupe de pays a réclamé des mesures plus ambitieuses. La République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Lituanie et la Suède ont soutenu une déclaration commune présentée par la Lettonie demandant des restrictions sur d’autres produits agricoles russes.
Selon une version préliminaire de déclaration commune consultée par Euractiv, les délégations ont appelé la Commission à poursuivre les discussions avec les États membres et à soumettre « dès que possible » une proposition visant à étendre les restrictions à « gamme plus large de produits » en provenance de Russie et de Biélorussie.
« Il est dans l’intérêt commun de l’UE de s’assurer que les restrictions à l’importation sont aussi larges et strictes que possible afin, entre autres, d’atténuer les inquiétudes de la communauté agricole de l’UE quant au risque de déstabilisation du marché », peut-on lire dans le texte.
En février, la Lettonie a été le premier pays de l’Union à approuver une interdiction unilatérale totale des importations de produits agricoles en provenance de Russie et de Biélorussie jusqu’en 2025, autorisant uniquement leur transit.
Et la suite s’écrit chaque jour avec des morts en Ukraine, des réfugiés, des menaces à l’ordre mondial… que l’Union européenne tienne bon est la seule chose à nous souhaiter!
L’Union européenne a conclu des ALE avec des dizaines de partenaires économiques. Elle tente désormais d’allier ouverture commerciale, lutte contre la concurrence déloyale et respect de l’environnement.
Quelques chiffres:
L’UE c’est : 16,5 % de la richesse produite mondialement, un PIB de15 906 milliards d’euros en 2022. Et le nombre d’emplois qui dépendent du commerce extérieur dépasse les 30 millionsEn 2022, l’Union européenne a accusé un déficit commercial de 432 milliards d’euros en raison de l’explosion des prix de l’énergie sur les marchés mondiaux et de la dépréciation de l’euro face au dollar. 60 % des échanges européens se font au sein de l’Union, les Vingt-Sept ont pour partenaires extérieurs privilégiés les US, le RU et la Chine, la Suisse, la Turquie, le Japon puis la Norvège.
Aspects institutionnels: compétence exclusive
Dès le traité de Rome de 1957 la réalisation d’un marché commun implique des règles communes envers les pays tiers. La politique commerciale relève pour l’essentiel de la compétence exclusive de l’Union. La Commission européenne négocie les accords de libre-échange, représente l’UE dans les organisations internationales comme l’OMC.Les Etats membres donnent mandat à la Commission pour la négociation des accords, sont consultés et décident de la signature et de la conclusion des accords (à la majorité qualifiée ou à l’unanimité selon les cas). Les députés européens disposent eux d’un droit de veto sur la ratification des accords (Article 206 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).
Mexique (pourparlers pour remplacer le précédent accord de 2020), Chili , Mercosur. (Signé en juin 2019, pas ratifié et est remis en cause par plusieurs pays.
Depuis 1971, un système généralisé de préférences est proposé aux pays en voie de développement et moins avancés.
Le 1er janvier 2024, l’accord de Samoa régira les relations commerciales entre l’UE et 79 pays de l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP).
accords commerciaux de l’UE 2023
Débats et perspectives
Le commerce extérieur européen génère aujourd’hui des débats sur le bien-fondé du libre-échange, sur l’opacité des négociations, les risques d’une concurrence trop importante pour l’agriculture européenne, ceux pour l’environnement ou ceux liés à l’instauration de tribunaux d’arbitrage privés pour régler les litiges commerciaux entre Etats et entreprises.
Dans sa nouvelle stratégie commerciale du 18 février 2021, la Commission européenne annonce vouloir faire du respect des accords de Paris une composante essentielle des futurs traités commerciaux, s’assurer que les importations soient conformes aux normes européennes (y compris en matière environnementale), et que l’UE puisse instaurer des sanctions dans le cas contraire.
Enfin, l’UE a ouvert la voie à l’introduction de “clauses miroir” en 2022 pour les denrées agricoles importés des pays partenaires , afin d’imposer le respect des mêmes normes de production sanitaires et environnementales que celles d’ Europe.
La remise en question du multilatéralisme est évidente depuis l’échec de doha et s’est accentuée sous le gouvernement Trump. L’UE est un cteur actif dans la réforme de l’OMC et de l’ORD …
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Partie anterieure
Quelques aspects essentiels des objectifs de politique commerciale extraits notamment d’articles EURACTIV.FR
Après une année au ralenti, le calendrier de la politique de libre-échange de l’Union européenne s’accélère sous la présidence tchèque du Conseil de l’UE.
Les mesures commerciales unilatérales semblent conserver leur élan. Début 2021, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie commerciale préconisant une « politique commerciale ouverte, durable et volontariste ».
Dns un contexte de tensions accrues sur le plan géopolitique, où les dépendances commerciales sont exploitées à des fins politiques, la volonté de s’affirmer semble plus importante que l’ouverture.
Les États membres se sont attachés à renforcer la politique commerciale de l’Union sous la #PFUE. Ils ont conditionné l’accès aux marchés publics de l’UE à un accès réciproque, se sont mis d’accord sur un régime visant à limiter les distorsions causées par les subventions étrangères et ont commencé à discuter de la proposition d’un instrument anticoercitif.
Plus de durabilité
L’UE est également passée au pilier « durabilité » de sa stratégie commerciale. En juin, la Commission européenne a présenté une proposition visant à renforcer le rôle des chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange
Des avancées avec de petits partenaires commerciaux
Si le cycle de négociations essentiel avec l’Australie aura lieu après l’été, la mise à jour de l’accord commercial avec le Mexique est freinée par des inquiétudes concernant la structure de l’accord, à savoir si l’accord d’investissement doit être traité séparément ou non. S’il est possible que les ALE avec la Nouvelle-Zélande, le Chili, l’Australie et le Mexique soient signés et ratifiés d’ici la fin de l’année prochaine, il s’agit de petits partenaires commerciaux de l’UE.
« Les obstacles à la ratification d’accords commerciaux plus controversés comme celui du Mercosur ou l’accord d’investissement avec la Chine restent très importants…
Le sort du Mercosur sera également déterminé par le résultat des élections présidentielles d’octobre prochain au Brésil. En outre, les relations commerciales avec le Royaume-Uni et la Suisse) restent fragiles pour des raisons politiques. En l’absence de solution aux différends, les relations commerciales pourraient même se dégrader avec ces marchés essentiels.
Pour être sincere
« La situation est plus réjouissante du côté des mesures commerciales unilatérales, où aucune concession n’est à faire à des tiers », a déclaré M. Poitiers, qui estime que les instruments au moyen desquels l’Union européenne impose unilatéralement ses critères de durabilité ou ceux qui lui permettent d’éviter la coercition économique continueront à jouer un rôle plus important dans les mois à venir. Cette approche unilatérale permet à l’UE de poursuivre ses objectifs de manière plus musclée . Toutefois celle-ci « risque de fractionner le commerce mondial et de créer des conflits avec les partenaires commerciaux ».
Un an après la révélation du scandale Pegasus, nombreux sont ceux qui estiment qu’il reste du chemin à parcourir pour ce qui est de la transparence, de la responsabilité et de la réglementation.
Une enquête menée par un collectif de 17 médias, sous la direction d’Amnesty International et de Forbidden Stories, a révélé le 18 juillet 2021 comment le logiciel espion a été vendu à des régimes autoritaires et a été utilisé pour cibler des militants, des hommes politiques et des journalistes. Rapidement, il est apparu que des gouvernements démocratiques avaient, eux aussi, utilisé Pegasus de manière illégitime.
Si l’utilisation de technologies de cyberespionnage n’est pas nouvelle, le scandale a alarmé toute l’Europe et a déclenché la création d’une commission d’enquête européenne sur Pegasus et d’autres logiciels espions.
Cependant, un an s’est écoulé depuis, et de nombreuses victimes, la société civile, les chercheurs et les politiciens sont mécontents du manque de progrès réalisés.
« Un an plus tard, le temps de l’indignation et de la condamnation est terminé. Il faut agir maintenant », a confié Kristina Hatas, chargée de plaidoyer à Amnesty International, à EURACTIV.
Ce que l’on sait de Pegasus
Parmi les principaux politiciens ciblés par le logiciel espion figurent le commissaire européen en charge de la Justice Didier Reynders, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez et le président français Emmanuel Macron.
Chaim Gelfand, un représentant de l’entreprise israélienne à l’origine de la technologie, NSO Group, a admis que la firme avait conclu des ventes avec au moins cinq États membres.
L’Office fédéral allemand de police criminelle a confirmé avoir acquis et déployé une version modifiée du logiciel Pegasus.
En France, en Finlande et en Belgique, l’utilisation de Pegasus a été « confirmée par la police scientifique », tandis qu’aux Pays-Bas, elle est qualifiée de « possible », indique une étude récente du Parlement européen.
Sophie in ‘t Veld, rapporteur de la commission Pegasus, a déclaré qu’il y avait des raisons de se pencher également sur la Grèce et son utilisation de logiciels espions.
Cependant, Pegasus n’est qu’un logiciel faisant partie d’un écosystème plus large de logiciels espions, a souligné Ben Wagner, professeur à l’Université de technologie de Delft. « Pegasus n’est que la partie émergée de l’iceberg », a-t-il affirmé.
« Nous devrions répertorier tous les fournisseurs — ils sont nombreux, mais ils sont très opaques, volontairement, et il est impossible de retracer qui fait quoi », a ajouté Mme in ‘t Veld.
Recommandations
M. Wagner a présenté de multiples recommandations politiques au comité Pegasus, dont l’une consiste à empêcher les gouvernements européens d’acheter cette technologie en établissant des tarifs élevés et en renforçant la transparence.
Il a également soulevé le fait que les victimes d’abus par des logiciels espions n’obtiennent ni réparation ni protection. Des tarifs douaniers ou des amendes pourraient être utilisés pour indemniser les victimes et protéger les personnes vulnérables.
Mme In ‘t Veld a également déclaré qu’un cadre juridique approprié est nécessaire car « actuellement, il est différent ou absent dans les États membres. Nous avons également besoin d’une meilleure surveillance ».
Comme le souligne le rapport 2022 sur l’État de droit, malgré les allégations liées à l’utilisation de Pegasus, aucune enquête n’a été lancée par le ministère public polonais.
Deux poids, deux mesures ?
Le comité Pegasus présentera les résultats de son enquête de douze mois au printemps 2023. Des missions en Israël, en Pologne, en Hongrie et aux États-Unis pour recueillir davantage d’informations ont été confirmées.
Cela a suscité un tollé du côté des Catalans, qui estiment que la décision de ne pas envoyer de mission en Espagne est la preuve que l’UE fait « deux poids, deux mesures » face aux différents pays touchés.
Erika Casajoana Daunert, représentante adjointe du gouvernement catalan auprès de l’UE, a confié à EURACTIV que les eurodéputés espagnols tels que Juan Antonio Zoido, qui est membre de la commission Pegasus, tentent d’entraver les enquêtes en Espagne, car cela pourrait déstabiliser encore plus le gouvernement.
M. Zoido a été le ministre espagnol de l’Intérieur entre 2016 et 2018. Le référendum sur l’indépendance de la Catalogne a eu lieu en 2017 et de nombreux partisans auraient été ciblés par Pegasus.
Le bureau de Mme In ‘t Veld a expliqué que la Pologne et la Hongrie ont été choisies pour faire l’objet d’une enquête car elles ont des problèmes plus importants liés à l’État de droit.
Conséquences possibles
Ce n’est pas la première fois que des recommandations sont formulées sur la manière de limiter les abus des techniques de cybersurveillance. Mais, à l’heure actuelle, la prise de mesures reste de la compétence des États membres.
Interrogée sur ses espoirs de changement cette fois-ci, Mme In ‘t Veld a souligné que « nous pouvons faire autant de bruit que possible. Nous ne pouvons pas discipliner complètement les États membres, mais nous ferons ce que nous pouvons ».
Dans une situation où l’on ne sait pas exactement quels pays utilisent des logiciels espions, sur qui exactement et pour quelles raisons, certains experts ont suggéré un moratoire sur l’utilisation de cette technologie.
« S’il faut maintenant attendre cinq ans de plus avant de se mettre d’accord sur des règles qui protègent les droits de l’homme de manière adéquate, il ne faut pas exporter davantage de logiciels espions dans l’intervalle », a déclaré Mme Hatas.
Les États-Unis ont déjà inscrit Pegasus sur une liste noire pour avoir « ciblé de manière malveillante » les téléphones de dissidents, de militants des droits de l’homme et d’autres personnes.
Cependant, il est peu probable que le Parlement européen soutienne une interdiction, estime Sophie In ’t Veld.
Au lieu de cela, l’Union européenne envisage actuellement de mettre en place un espace sécurisé situé au Conseil de l’UE pour protéger les discussions de haut niveau des espions.
Après deux ans d’élaboration, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’UE ont approuvé le projet de la future stratégie militaire de l’UE, qui prévoit de renforcer la sécurité et la défense de l’Union d’ici à 2030.
« Les menaces augmentent et le coût de l’inaction est évident. La Boussole stratégique constitue un guide pour passer à l’action », a déclaré le diplomate en chef de l’UE, Josep Borrell.
« L’adoption de ce document envoie un signal fort d’unité et de détermination. Et elle intervient à un moment très important, car nous devons absolument renforcer nos capacités en matière de sécurité et de défense », a-t-il ajouté.
Les dirigeants européens devraient donner leur approbation finale dans le courant de la semaine lors de leur sommet de jeudi et vendredi, auquel participera également le président américain Joe Biden.
Pour la France, qui réclame depuis longtemps une « autonomie stratégique » de l’UE, le document est une pièce maîtresse de la présidence française de l’UE, mais a été éclipsé par la guerre en Ukraine.
La première version avait été présentée aux ministres des Affaires étrangères de l’UE à la mi-novembre, l’objectif étant que le document « définisse une vision stratégique commune de la sécurité et de la défense de l’UE pour les cinq à dix prochaines années ».
La Russie était déjà en tête de la section consacrée à l’analyse des menaces, mais le texte du projet, qui a déjà été révisé six fois par les États membres, contient des termes qui auraient été considérés comme parfaitement inconcevables il y a deux ans à peine.
L’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine a entraîné une réécriture importante du document, la menace sécuritaire de l’agression de Moscou devenant le fil conducteur des dernières versions du document.
« Bien entendu, il [le document] n’est pas une réponse à la guerre d’Ukraine — nous avons commencé à y travailler il y a deux ans », a déclaré M. Borrell aux journalistes.
« Mais il est très opportun que nous approuvions cette Boussole stratégique à un moment où chaque citoyen européen peut comprendre l’objectif d’un document qui veut accroître la force de l’UE en tant que garant de la sécurité », a-t-il ajouté.
La version finale indique que « l’environnement sécuritaire plus hostile nous oblige à faire un bond en avant, en renforçant notre volonté et notre capacité d’action ».
Toutefois, pour l’UE, cela signifie surtout qu’elle se cantonnera à des opérations de crise limitées par le biais de la nouvelle force de déploiement rapide de l’UE, une unité permanente de 5 000 hommes qui pourrait être déployée « dans des environnements non permissifs ».
Cette force serait axée sur les « opérations de sauvetage et d’évacuation » et sur la « phase initiale des opérations de stabilisation », mais les experts doutent qu’une évacuation comme celle qui a eu lieu en Afghanistan l’année dernière soit possible.
Elle est censée se fonder sur les capacités nationales et sur des « groupements tactiques de l’UE substantiellement remaniés », qui n’existent que sur le papier depuis 2009 et n’ont jamais été utilisés.
Au cours du processus de rédaction, les États membres d’Europe de l’Est ont insisté pour que soit ajoutée, au début du document, une référence obligatoire au fait que l’OTAN « reste le socle de la défense collective de ses membres », répétée plusieurs fois, afin de fixer une limite aux ambitions futures de l’Union.
Les États membres ont ainsi défini pour la première fois une répartition des tâches entre les deux organisations, qui, soulignent-ils, est complémentaire de l’OTAN.
« Il ne s’agit pas de créer une armée européenne », a déclaré M. Borrell aux journalistes, précisant qu’il s’agirait d’exercices conjoints, par exemple dans le domaine de la cyberdéfense, mais pas d’un équivalent du devoir de défense mutuelle de l’OTAN.
« Nous ne pouvons pas agir seuls, et nous désirons agir de manière plus coordonnée entre nous, et nous souhaitons agir de manière plus intégrée avec nos partenaires », a-t-il déclaré lorsqu’on l’a interrogé sur une éventuelle duplication des efforts.
« Nous agirons en complémentarité avec l’OTAN, qui reste certainement la pierre angulaire de la défense territoriale de l’Europe, mais nous, Européens, avec ce document, avons affirmé notre ferme volonté d’être un pourvoyeur de sécurité plus fort pour nos citoyens », a-t-il ajouté.
Alors que 21 États membres de l’UE appartiennent à l’OTAN, la Suède et la Finlande ont veillé à ce que la Boussole stratégique comprenne un engagement relatif à la clause de défense mutuelle du traité de l’UE, à savoir l’article 42, paragraphe 7.
Avec la guerre en Ukraine, l’UE a brisé certains de ses tabous de longue date, l’un des plus notables étant qu’elle ne peut utiliser ses ressources pour fournir des armes à un pays tiers, même s’il est en détresse.
« Ce n’est que le début (…) Nous devons évaluer nos lacunes en matière de défense, nous devons combler ces lacunes. Nous devons être efficaces et coordonnés. Nous devons accroître notre capacité de résistance », a déclaré M. Borrell aux journalistes.
Si l’ambition de certains États membres influents de l’UE, comme la France, était que l’UE s’émancipe de l’OTAN en poursuivant son propre projet de défense, la guerre de M. Poutine en Ukraine a certainement bouleversé ces plans.
Avec la guerre aux frontières de l’UE, la confiance dans l’alliance transatlantique n’a jamais été aussi forte au sein des pays de l’UE et de l’OTAN.
En revanche, de nombreux autres pays de l’UE, notamment de l’Est, qui ont prôné la « complémentarité » entre l’OTAN et la défense de l’UE, semblent être sur le point de voir leurs objectifs se réaliser.
Emmanuel Macron a plaidé mercredi (16 février) à Toulouse en faveur d’une Europe souveraine dans l’espace, un « bien commun » qui doit faire « rêver », et poussé les dirigeants européens à se positionner sur les vols habités vers la Lune et Mars.
Sur un échiquier mondial de plus en plus compétitif, l’Europe doit avoir sa propre « maîtrise » de l’espace si elle veut acquérir une souveraineté technologique, industrielle, militaire et scientifique, a affirmé le président lors d’une réunion « informelle » des ministres européens chargés de l’Espace et de l’ESA (Agence spatiale européenne), dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne.
L’Europe doit notamment prendre « d’urgence » son « destin en main » dans le domaine des constellations de satellites, si elle veut garder la maîtrise de ses télécommunications, a estimé Emmanuel Macron, quasi-candidat à la présidentielle d’avril.
Face aux constellations privées Starlink d’Elon Musk (42 000 satellites prévus) ou Kuiper de Jeff Bezos (3 200 satellites), Oneweb porté par le gouvernement britannique (650 satellites), l’enjeu est de se lancer avant que les orbites et fréquences ne soient trop encombrées.
La constellation européenne, dont les premiers satellites doivent être opérationnels en 2024, doit fournir un réseau internet propre à l’UE et une couverture de communications commerciales à l’échelle de l’UE et l’Afrique.
« Nous avons un accord politique » pour déployer une « constellation indépendante », s’est félicité en marge de la réunion le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, selon qui les aspects de son financement seront réglés ultérieurement.
« Marchandisation »
Mais l’Europe doit aussi investir dans « la part de rêve » que représente l’espace, au-delà de l’orbite terrestre, a poursuivi le chef de l’Etat. « Pour nous Européens, le modèle spatial viable n’est pas celui de l’exploitation, de l’augmentation du nombre de touristes spatiaux », mais celui d’un « bien commun qui doit être utile à tous », a-t-il fait valoir, opposant sa vision à une « marchandisation de l’espace ».
Dans cette optique, l’Europe doit selon lui « anticiper un positionnement pour une première mission internationale humaine vers Mars, probablement à la fin de la prochaine décennie ».
« L’ESA a déjà identifié des pistes en matière de sciences spatiales et de vols habités, et je propose que nous puissions accompagner cet élan en travaillant (…) d’ici l’été prochain pour formuler des propositions sur nos ambitions européennes en matière d’exploration, de vols habités », a affirmé le président.
L’objectif est « d’éclairer les décisions stratégiques » qui devront selon lui être prises en novembre, lors d’une réunion ministérielle de l’ESA qui réunira ses 22 Etats membres à Paris.
« Quelle doit être la part respective des vols habités et robotisés, notamment pour les vols à destination de la Lune ou de Mars? », s’est-il interrogé.
« Visons-nous des coopérations à la lumière de l’ISS (la station spatiale internationale) ou l’autonomie stratégique en la matière? », a ajouté M. Macron, se gardant de prendre position.
Face à la ruée vers la Lune et l’apparition d’acteurs privés du vol habité, la communauté spatiale européenne milite afin que l’Europe se dote de moyens propres pour envoyer des astronautes dans l’espace, sans dépendre d’un système de troc utilisé jusqu’ici avec les Russes ou les Américains.
« Le moment est venu d’une ambition européenne pour l’espace », a plaidé Josef Aschbacher, le directeur général de l’ESA qui compte 22 Etats membres, mercredi à l’issue du Conseil ministériel de l’ESA réuni lui aussi à Toulouse.
L’ESA a annoncé la création d’un « groupe consultatif de haut niveau » sur « l’exploration spatiale humaine pour l’Europe », qui devra livrer de premières conclusions à la réunion ministérielle de novembre.
Ce groupe réunira des experts non-industriels (historiens, économistes, philosophes…) pour « nous aider à prendre la bonne décision », celle qui « va façonner ce à quoi l’Europe ressemblera dans la décennie à venir », s’est félicité Josef Aschbacher.
Son ambition concernant les vols habités a reçu le soutien de 45 astronautes européens, qui ont appelé mercredi dans un manifeste les dirigeants de l’UE à prendre une décision « de toute urgence » pour « rester dans les principaux rangs des nations spatiales qui façonnent l’avenir de cette planète, ou prendre du retard dans le rôle de partenaire junior pour les décennies à venir ».
« Ensemble, solidaires de nos valeurs européennes, nous le pouvons. Il est temps de mettre les voiles », a tweeté l’astronaute italien Luca Parmitano.
En matière de batteries, entre ses 3 usines de fabrication – ou gigafactorys – et son label “mines responsables” en cours de création, la France investit, d’un bout à l’autre de la chaîne. Pascal Canfin détaille les propositions du Parlement européen pour améliorer le règlement batterie, l’une des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), et les actions à mener pour accélérer vers une mobilité 100 % électrique.
Pascal Canfin est le président de la commission de l’Environnement, de la Santé publique et de la Sécurité alimentaire du Parlement européen.
Dans le cadre de la PFUE, la France souhaite avancer d’ici mars sur le règlement batterie. Ce règlement peut-il aboutir d’ici la fin de la présidence française ?
Au Parlement européen les choses avancent vite et bien et nous voterons en commission Environnement le 10 février. Nous sommes d’accord, à une très large majorité, sur des compromis, ce qui nous permet d’imaginer que la plénière de mars ne modifiera pas nos propositions.
Il ne s’agit pas de modifier les grands équilibres du texte de la Commission, qui est déjà bon. C’est notamment la première loi au monde qui fixe des critères environnementaux d’entrée sur le marché pour les batteries électriques. Avec ce texte, nous devenons les leaders mondiaux de l’encadrement environnemental de la production de batteries sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
Quels sont les compromis sur lesquels vous êtes tombés d’accord au Parlement ?
Nous avons apporté des éléments qui permettent d’améliorer le texte de la Commission, par exemple l’intégration des batteries des vélos et des trottinettes électriques dans le règlement.
Nous nous sommes également mis d’accord sur le devoir de vigilance (L’obligation, pour les multinationales, d’assurer sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement le respect des droits humains et de l’environnement. La Commission doit proposer un texte fin mars, ndlr) : il n’y a aucune raison d’en exempter le secteur qui produit des batteries.Mais il n’y a aucune raison non plus d’aller plus loin pour ce secteur par rapport à ce qu’on demande aux autres. Ni privilèges, ni sanctions supplémentaires donc.
Enfin, nous avons beaucoup discuté du calendrier. On souhaite accélérer de six mois l’entrée en vigueur. Seules les batteries respectant un standard environnemental minimum seront acceptées au 1er janvier 2027, au lieu du 1er juillet 2027. Si les choses se passent bien au Conseil européen et au Parlement, le règlement batterie devrait logiquement être adopté en 2022. Cela laisse quatre années pleines à l’industrie européenne des batteries pour se déployer, et notamment les gigafactorys (grandes usines de fabrication, ndlr). Cela laisse aussi aux importateurs la possibilité de prendre en compte cette nouvelle norme de façon à améliorer leurs pratiques.
Vous évoquez les gigafactorys. Où en est-on de la création de ces usines ?
Il y en a 3 en cours de déploiement en France, et en Suède, une gigafactory a produit, fin décembre, les premières batteries “made in Europe”. C’est un très bon exemple d’alliance réussie au niveau européen. Il faut, partout en Europe, un écosystème performant qui nous permette de nous positionner comme l’un des leaders mondiaux, en tant qu’Européens, de la production de batteries.
Si toutes les gigafactorys qui sont prévues arrivent à tenir leur échéance, nous serons les deuxièmes producteurs de batteries au monde en 2025, derrière la Chine, alors qu’il y a 5 ans, on était nulle part. Lorsqu’on agit ensemble en Europe, lorsqu’on aligne toutes nos politiques, industrielles, de recherche, d’aides d’État, etc., on est capable de jouer dans la cour des grands.
Le rapport de Philippe Varin sur les matériaux stratégiques, remis au gouvernement français le 10 janvier, souligne qu’en 2030, l’Europe ne produira pas plus de 30 % de ses besoins en minerais stratégiques pour les batteries électriques de la transition énergétique. Dans quelle mesure ce rapport peut-il influer sur le règlement Batterie ?
Pour s’assurer de la soutenabilité du sourcing des matières premières pour les batteries, le premier élément est le recyclage. Il faut augmenter le taux de recyclabilité effective, et c’est un élément clé du règlement batterie.
Le deuxième élément, c’est la diversification de notre approvisionnement en matière première, afin d’être moins dépendant de la Chine. C’est un enjeu géopolitique qui passe par des accords avec d’autres pays, tels que l’Afrique du Sud ou le Chili.
Enfin, le troisième élément consiste à produire et extraire nous-mêmes les minerais, et donc d’avoir une activité minière en Europe. C’est sans doute le sujet le plus sensible dans l’opinion publique, mais il faut savoir ce qu’on veut faire : on ne peut pas vouloir électrifier toute la mobilité, ne pas être dépendant de la Chine et ne rien produire chez nous !
Pour électrifier la mobilité sans être totalement dépendant de la Chine, il faut diversifier l’approvisionnement mais aussi produire chez nous. La circularité croissante de la chaîne de valeur ne suffira pas ; il va falloir également développer une activité minière responsable en Europe.
La France travaille justement sur un label “mine responsable”. Est-ce qu’un tel label fait partie des pistes d’amélioration du règlement européen ?
Ce sujet n’est pas suffisamment intégré dans le texte, et la question de comment on développe une stratégie européenne de mine responsable n’est pas assez prise en compte dans la stratégie du Green Deal.
Il y a un travail européen à faire pour harmoniser au maximum les exigences environnementales. Nous avons des standards européens pour les émissions de CO2 des voitures, pour les énergies renouvelables, etc. il serait donc logique d’avoir également des standards européens d’exigences environnementales pour les mines.
La Commission doit accélérer maintenant sur ce sujet pour qu’on puisse se doter d’un cadre européen de mines responsable à l’horizon 2025-2026.
Avec l’arrivée des batteries électriques européennes, deux autres points posent question. D’abord les emplois à pourvoir, près de 800 000, pour répondre aux besoins à venir de la filière, et pour lesquels la formation doit suivre. Ensuite, le prix des véhicules électriques qui risque d’augmenter à cause des coûts de production des batteries. Comment l’UE peut-elle remédier à ces problèmes ?
Nous allons créer 800 000 emplois en Europe, liés à la transition écologique, dans une seule chaîne de valeur qui est celle de la batterie. C’est d’abord une très bonne nouvelle !
Je plaide depuis plusieurs années pour des contrats de transition écologique à destination des salariés de l’industrie automobile thermique, qui vont voir leurs emplois progressivement disparaître. Cela leur permettrait de se former pour pouvoir occuper des emplois dans la mobilité électrique.
Quant au prix des véhicules électriques, il devrait être à parité avec celui des véhicules thermiques en 2026.
Le nombre de véhicules électriques augmente aujourd’hui, et l’objectif est qu’ils deviennent la norme en 2026, qu’on passe les 50%, puis qu’on arrive à 100 % de voitures zéro-émissions commercialisées en 2035. Afin d’y parvenir, il nous faut un écosystème de production – que l’on met en place avec le règlement batterie, les gigafactorys, etc. – et des bornes de recharge. Ce dernier point est au coeur d’un autre règlement du paquet Climat.
En défendant une Commission « géopolitique », la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a signifié que l’Union européenne était sortie de ses origines économiques et technocratiques, qu’elle était désormais prête à assumer et renforcer sa puissance, à se mesurer aux nouveaux rapports de force mondiaux. En ce sens, elle a donné la réplique au président français Emmanuel Macron qui, depuis 2017, thématise la « souveraineté européenne » et revendique cet appel à la puissance.