US/UE : les dés sont jetés, rien ne va plus face à l’Empire TRUMP

1. Menaces de guerre commerciale contre l’Union européenne

BREAKNEWS: Trump a signe lundi 10 février, un décret imposant des droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium importés qui entre en vigueur le 12 mars. La guerre est elle déclarée ? L’UE à ce stade a répondu fermement mais les mots seront ils suivis d’actes?

Etat des lieux : les forces et faiblesses de deux géants économiques

Acteurs majeurs des relations internationales, l’Union européenne et les Etats-Unis présentent des écarts sensibles en matière économique, sociale ou encore militaire.

Radiographie en quelques chiffres clés. 

Avec une population de 449,2 millions d’habitants, l’UE dépasse largement les États-Unis (340,1 millions). Pourtant, ces derniers dominent économiquement, avec un PIB de 27 720 milliards de dollars (26 954 milliards d’euros), presque 60 % supérieur à celui de l’UE en 2023 (17 193 milliards d’euros). Le revenu par habitant reflète nettement cet écart : il est de 80 586 euros aux Etats-Unis, contre “seulement” 37 600 euros pour les Européens.

Sur le marché du travail aussi les différences sont marquées. Le chômage est plus faible outre-Atlantique (4,2 % contre 5,9 % dans l’UE), mais l’Europe maîtrise mieux l’inflation dans la zone euro (2,7 % contre 4,1 %). Dans le domaine militaire, les Américains consacrent 3,4 % de leur PIB à la défense, soit près du double des 2,02 % européens, confirmant leur rôle de puissance stratégique dominante.

Les choix environnementaux et sociaux distinguent également les deux géants. Le total des émissions de CO₂ de l’UE est estimé à 3 milliards de tonnes en 2023, bien loin des 6,018 milliards de tonnes américaines. Par ailleurs, malgré des dépenses de santé moins élevées (11 % du PIB dans l’UE contre 18,2 % outre-Atlantique), l’espérance de vie est plus longue en Europe (81,5 ans contre 78,4 ans dans le pays de Donald Trump).

Nous avons conscience que les indicateurs présentés dans cette infographie comparative ne sont pas toujours parfaitement homogènes. Par exemple, les données relatives à l’innovation et aux nouvelles technologies américaines s’appuient sur les chiffres de 2022 faute de statistiques plus récentes, tandis que celles de l’UE datent de 2023. De même, les systèmes de santé et par extension, les dépenses afférentes, ne sont pas régis par les mêmes règles en Europe et aux Etats-Unis. Ces différences méthodologiques ou temporelles, bien que notables, permettent néanmoins d’offrir un aperçu des écarts et des spécificités de ces deux géants économiques et politiques, sans altérer l’objectif principal de ce dossier.

Source : [Comparatif] UE/Etats-Unis : forces et faiblesses de deux géants économiques – Touteleurope.eu

Droits de douane : l’Europe n’échappe pas au viseur de Donald Trump mais comprend il vraiment les règles ?

L’Union européenne est très mauvaise pour nous. Ils nous traitent très mal. Ils ne prennent pas nos voitures ou nos produits agricoles. En fait, ils ne prennent pas grand-chose”. Les Etats-Unis présentent en effet un déficit commercial important avec l’UE : “131 milliards de dollars, selon les données du représentant de la Maison-Blanche pour le Commerce (USTR)”, rapporte BFM TV.

En voulant relever les barrières douanières, Donald Trump relance les tensions commerciales qu’il avait déjà exacerbées lors de son premier mandat. Avec le risque d’enclencher une escalade. Il semble prêt à rejouer – en grand – la guerre commerciale commencée lors de son premier mandat”,  Alternatives économiques.

Grain de sel : Trump comprend il vraiment les principes et le fonctionnement du commerce international ?

Trump affirme que les USA sont en déficit important à l’égard de l’UE. Si l’on s’en tient aux chiffres: En 2023, les échanges commerciaux ont atteint un total de plus de 1540 milliards d’euros, tous biens et services confondus. L’Union européenne a exporté pour 504 milliards d’euros de biens vers les États-Unis, tandis que les importations américaines se sont élevées à 347 milliards d’euros, générant un excédent commercial de 187 milliards d’euros en faveur de l’UE. Cependant, sur le plan des services, les États-Unis dominent avec 396,4 milliards d’euros d’exportations contre 292,4 milliards pour l’UE.

Les provocations sur Ies droits de douane réciproques: Trump a annoncé qu’il allait imposer des droits de douane réciproques dans les prochains mois: par exemple puisque l’Union européenne applique un droit de 10% sur les importations de voitures en provenance des États-Unis, alors que ce tarif est de 2,5 % du côté américain, il montera les droits de douane a 10%.

Le commerce international est un peu plus plus complexe : certains pays appliquent des droits de douane plus élevés sur certains produits compensés par des droits de douane plus faibles sur d’autres. Par ailleurs, faire cela, c’est abandonner le principe commercial fondateur de l’OMC : la clause de la « nation la plus favorisée » sur lequel repose 80% du commerce mondial.

Trump a par ailleurs déclaré que les pays appliquant une taxe digitale pourraient faire l’objet de droits de douane et a même attaqué la TVA européenne, la considérant comme une barrière commerciale non tarifaire (???)

l’UE est une entité économique relativement indépendante. Mais

  • les US restent un fournisseur important de sécurité, notamment via l’OTAN, et fournissent du GNL (notamment depuis l’abandon du gaz russe). Le marché européen, auquel les entreprises américaines accèdent via les exportations de biens et de services, mais également au travers d’investissements et des activités de leurs filiales européennes, reste clef pour les US.
  • Du coté des X , les secteurs automobile et pharmaceutique européens figurent parmi les plus exposés. En 2022, l’UE a exporté 23 % de ses voitures produites vers les États-Unis, tandis que les importations d’automobiles américaines représentaient 14 % du total hors UE. Le secteur pharmaceutique, lui, constitue un pilier des échanges commerciaux, mais pourrait subir des impacts majeurs si les droits de douane venaient à augmenter. En matière agroalimentaire, le marché américain représente le deuxième débouché pour l’UE avec 27 milliards d’euros d’exportations en 2023, contre seulement 11,7 milliards d’importations.
  • Enfin , tous les pays ne seraient pas touchés de la même manière, en raison de leurs connexions plus ou moins importantes avec les États-Unis. Par exemple, l’Irlande expédie 45,8 % de ses exportations hors UE vers les États-Unis. La Finlande suit avec 25,5 % de ses exportations dirigées vers le marché américain. L’Allemagne se concentre davantage sur le volume : elle a exporté pour plus de 157 milliards d’euros de biens vers les États-Unis en 2023, dont une grande part issue du secteur automobile

Mais l’Europe est-elle si peu intéressante pour les US ? Pour Federico Fubini, l’Amérique de Donald Trump a un talon d’Achille qui la rend bien plus faible qu’elle ne le paraît.

Les États-Unis sont contraints de trouver chaque année des acheteurs pour au moins 2 000 milliards de dollars supplémentaires en bons du Trésor — soit un montant légèrement inférieur au PIB italien — qu’ils doivent placer sur les marchés tout en espérant ne pas avoir à augmenter les taux d’intérêt offerts pour attirer les investisseurs. Une telle hausse pourrait déclencher une spirale récessive pour les États-Unis et s’avérer financièrement insoutenable à moyen et long terme. Ainsi, les manœuvres et intimidations liées aux « tarifs » que Donald Trump veut imposer pourraient être directement liées à une tentative d’imposer à l’UE d’acheter de la dette américaine.

Quelles réactions de l’Union européenne ?

En 2018 déjà, lors de son premier mandat, le milliardaire “avait augmenté les droits de douane de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium, ouvrant la voie à des mesures de rétorsion de la part de ses partenaires commerciaux. […] La Commission européenne avait répliqué en appliquant des droits de douane sur un panel ciblé de produits américains fabriqués par des entreprises fidèles soutiens du président, comme les motos Harley-Davidson”, Alternatives économiques.

Alors qu’il recommence, les Européens sont encore divisés et à Davos , la cheffe de l’exécutif européen a déclaré “que l’UE souhaitait s’engager et négocier avec les États-Unis et a mis en garde contre le risque d’une ‘course mondiale vers le bas’ utilisant des outils tels que les droits de douane” [Reuters]. “l’Europe continue de buter sur son ADN multilatéraliste et ses divisions habituelles, reflet des intérêts divergents de ses Etats membres. Mais peut-elle rester libre-échangiste dans un monde qui ne l’est plus ?” Alternatives économiques .

Un moyen sûr de juger si un orateur a délivré son message est d’examiner les réactions. Voici quelques exemples de la manière dont les médias européens ont interprété le discours d’U. Von der Leyen à Davos :

  • « ‘Abattre les barrières’ – Von der Leyen annonce des réformes de l’UE » – Handelsblatt
  • « Donald Trump ? Von der Leyen ne mentionne pas l’éléphant dans la pièce » – Die Welt
  • « Von der Leyen déclare que l’UE sera ‘pragmatique’ dans ses relations avec Donald Trump » – Les Échos
  • « La présidente de la Commission européenne : ‘Prêts à négocier avec Trump sur le commerce, mais nous défendrons nos intérêts’ » – Corriere della Sera

La presse anglo-américaine avait ses propres interprétations :

  • « Von der Leyen met en garde contre un ‘éclatement’ de l’économie mondiale après la menace de Trump sur les tarifs douaniers » – FT
  • « L’UE dit à l’Amérique de Trump : Nous avons d’autres options » – Politico

Un haut responsable du PPE nous a dit que le discours de Davos concernait en réalité la Chine. Un autre a affirmé qu’il visait à montrer qu’elle jouait des relations entre les États-Unis et la Chine. Alors comment vous DECRYPTEZ vous un tel discours? Il va falloir attendre des Actes…

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2. Trump et la doctrine Mar-a-Lago : coordonnées d’une présidence impériale

Intervenir ou s’isoler – Comment Trump se situe t-il parmi les 3 courants républicains ? 

Au sein du Parti républicain, trois courants de pensée se disputent la direction de la politique étrangère de Trump. Les isolationnistes, prônent une politique d’auto-centrisme. Les « primacists », défendent une vision interventionniste pour protéger leurs intérêts, mais également pour promouvoir un ordre international basé sur des valeurs démocratiques. Enfin, les « prioritisers », plaident pour une approche sélective de priorités stratégiques : Joseph Nye, ancien secrétaire adjoint à la Défense pour les affaires de sécurité internationale aux États-Unis a rapproché la vision de Trump a celle du 3e camps: intervenir uniquement lorsque les « intérêts vitaux » sont en jeu, en évitant de s’imposer comme arbitre universel des conflits mondiaux.

Il demeure que cette notion peut être à géométrie variable tant la notion d’intérêt vital est par essence sujette à interprétation. On peut le constater avec la 1ere série de décrets promulgués: l’intérêt vital justifie tant des interventions musclées dans l’ordre interne aux usa ( politique d’immigration , etc)  voire des « chantages commerciaux/ pol » de toutes sortes avec les menaces de droits de douane de 25%, puis l’application de seulement 10% mais pour à peine un mois, le temps que le couteau sous la George les États concernés (Canada et Mexique entre autres) se mettent au pas.

Quoi qu’il en soit, la vision de Donald Trump marque une rupture fondamentale avec l’idéologie néolibérale et mondialiste dominante depuis les années 1980. Selon Branko Milanović, elle repose sur trois piliers principaux : profits, néo-mercantilisme, et nationalisme américain. Cette approche se distingue par un retour à des principes transactionnels et impérialistes, visant à prioriser les intérêts nationaux tout en réorganisant l’ordre mondial autour de la puissance américaine.

Ce changement idéologique, parfois qualifié de « vibe shift », représente une transition profonde, un rejet des valeurs universelles libérales au profit d’une ambition renouvelée. Il reflète une volonté de rompre avec les illusions de la mondialisation égalitaire pour embrasser un pragmatisme brutal : souveraineté nationale, protectionnisme économique, et rejet des migrations massives.

Trump incarne une réponse à l’effondrement du consensus néolibéral, dénonçant une mondialisation qui aurait fragilisé les classes moyennes et ouvrières, tout en exposant l’Amérique aux crises migratoires et industrielles. Ce changement d’humeur dépasse les frontières américaines, influençant un nouvel ordre mondial fondé sur des relations asymétriques et transactionnelles, où l’Occident est remodelé pour répondre aux priorités stratégiques de Washington.

Ainsi, Trump propose une vision révisionniste, audacieuse et profondément nationaliste, marquant la fin symbolique de l’idéologie mondialiste et annonçant une reconfiguration durable des équilibres géopolitiques.

La « vassalisation heureuse »

Après les rêves d’une mondialisation heureuse, les élites européennes et les contre-élites souverainistes pourraient enfin converger vers un horizon commun. On pourrait le nommer : la vassalisation heureuse. Donald Trump ne semble pas préparer de retrait américain, ni de repli militaire. Son projet pour 2025 est celui d’une Grande Amérique qui, sur le papier, n’a rien d’isolationniste. La doctrine Trump—c’est ainsi que le Parti républicain l’appelle désormais officiellement—présente une matrice profondément impérialiste, allant jusqu’à ouvrir la frontière américaine à de nouvelles conquêtes territoriales.

Dans cette vision géopolitique, si le rival systémique des États-Unis reste la Chine, la politique America first implique avant tout la suprématie des États-Unis sur l’Occident. Cette réorganisation de l’Occident autour d’un principe brutalement impérial repose sur un présupposé et une condition: la neutralisation de toute souveraineté concurrente à l’intérieur de ce grand espace. C’est un projet—il est encore loin d’être pleinement mis en place et il existe plusieurs moyens de l’empêcher. Mais, dans le style Trump, il est clairement énoncé et il faut le prendre au sérieux. En particulier, il faut prendre au sérieux l’effet qu’il a déjà sur l’espace politique européen. Pour parvenir à ses fins, le dispositif impérial de Donald Trump porté par Elon Musk—capitaine d’une sorte de nouvelle Compagnie des Indes gérant les échanges entre la métropole américaine et ses colonies—agit de manière de plus en plus proactive pour soutenir des formations souverainistes, de la Roumanie au Royaume-Uni.

Depuis Machiavel, Hobbes et Jean Bodin, la souveraineté a été la matrice politique de l’Europe occidentale. Par le truchement de souverainistes qui pourraient devenir les «idiots-utiles» de la vassalisation américaine, assiste-t-on à son crépuscule dans un continent de plus en plus convaincu de son inéluctable agonie et qui ne sait plus comment miser sur sa force? Assisterons-nous passivement au partage de l’Europe?

Donald Trump et Elon Musk sont en train de construire un projet impérial—mais, comme le disait Mike Tyson, «tout le monde a un plan—jusqu’à la première droite dans la figure».

Le Grand Continent – LA LETTRE DU DIMANCHE – ­S07/E03 – 18 janvier 2025

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Le président italien, démocrate-chrétien sicilien de 83 ans, souhaite mobiliser les États et peuples de l’Europe, notamment la jeunesse, contre les projets des «empereurs modernes» de Russie ou des Etats-Unis.

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Extraits de son discours :
« L’Europe entend-elle être un objet de dispute internationale, un espace d’influence pour les autres — ou au contraire devenir un sujet de politique internationale, dans l’affirmation des valeurs de sa propre civilisation ? Peut-elle accepter d’être coincée entre oligarchies et autocraties ? Avec, tout au plus, la perspective d’une « vassalisation heureuse ».

Il faut choisir : être « protégés » ou être « protagonistes » ?
[…] L’Europe semble être à la croisée des chemins, divisée comme elle l’est entre des États plus petits et des États qui n’ont pas encore réalisé qu’ils étaient eux aussi petits face à la nouvelle situation mondiale. L’Union est l’un des exemples les plus concrets d’intégration régionale et constitue peut-être le projet — et l’exemple réussi — de paix et de démocratie le plus avancé de l’histoire. Elle représente sans aucun doute un espoir de contrer le retour des conflits causés par le nationalisme. C’est un modèle de coexistence qui, ce n’est pas un hasard, a fait des émules sur d’autres continents, en Afrique, en Amérique latine, en Asie.
Elle constitue un point de référence dans les affaires internationales, pour un multilatéralisme dynamique et constructif, avec une proposition de valeurs et de normes qui abandonne concrètement le récit spécieux qui voudrait que le comportement des « méchants » soit plus concret et plus fructueux que celui des soi-disant « gentils ».
L’Union sème et diffuse l’avenir de l’humanité. En témoignent les accords internationaux de stabilisation signés avec le Canada, le Mexique ou le Mercosur. Les mêmes politiques de voisinage, les intentions mises en place après la déclaration de Barcelone sur le partenariat euro-méditerranéen (nous sommes trente ans après cette date).
Les interlocuteurs internationaux doivent savoir qu’ils ont en Europe une référence solide pour les politiques de paix et de croissance commune. Un gardien et un protecteur des droits de l’individu, de la démocratie, de l’État de droit.
Quiconque pense que ces valeurs peuvent être remises en cause sait que, dans le sillage de ses précurseurs, l’Europe ne trahira pas la liberté et la démocratie. Les alliances elles-mêmes ne se justifient-elles que par des convergences d’intérêts — transitoires — et donc, par définition, à géométrie variable, ou portent-elles aussi sur des valeurs ?
L’Europe, rappelait Simone Veil au Parlement européen en 1979, sait que « des îlots de liberté sont entourés de régimes où règne la force brute. Notre Europe est l’une de ces îles ».
Rester retranché sur cette île n’est pas la solution : nous avons besoin d’un ordre international stable et mature pour réagir à l’entropie et au désordre causés par la politique de puissance, et pour faire face aux grands défis transnationaux de notre époque.
Les institutions actuelles ne suffisent cependant pas, et les réflexions proposées par la Conférence sur l’avenir de l’Europe ces dernières années méritent d’être reprises et mises en œuvre, avec une politique étrangère et de défense commune plus incisive, capable de transmettre la confiance dans le rôle de l’Europe pour répondre aux défis mondiaux.
Nous avons montré que nous étions capables d’agir efficacement en cas de crise, comme lors de la pandémie, et de nous opposer à des violations inacceptables des droits des peuples en faisant preuve d’unité, comme dans le cas de l’agression russe contre l’Ukraine.
C’est avec la même efficacité, la même unité que nous devons maintenant nous renouveler pour sauvegarder la sécurité et le bien-être des peuples européens et contribuer à la paix dans le monde, à commencer par la dimension méditerranéenne et les relations avec le continent africain voisin. Ce n’est pas la résignation qui doit nous guider, mais la volonté de donner un contenu aux démarches nécessaires pour atteindre ces résultats.
L’Union européenne — et en son sein la France et l’Italie — doit prendre la tête d’un mouvement qui, en revendiquant les principes fondateurs de notre ordre international, sache le renouveler, en étant attentif aux demandes de ceux qui se sentent marginalisés par la construction actuelle.
Une voie qui n’est pas celle de l’abandon des organismes internationaux ni celle de la répudiation des principes et des règles qui nous gouvernent, mais celle d’une réforme profonde et partagée du système multilatéral, plus inclusive et égalitaire que ce qu’ont pu faire les puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale, à laquelle il faut cependant reconnaître le grand mérite de réunir les gagnants et les perdants pour un monde nouveau.
De nouvelles idées sont nécessaires — et non l’application d’anciens modèles aux nouveaux intérêts de quelques-uns

Musk et la tentation du non droit : le conseiller tout puissant du président traite l’administration américaine comme son empire entrepreneurial

Le populisme d’Elon Musk a évolué pour passer d’une stratégie axée sur la transformation de Twitter/X à une implication politique directe sous l’administration Trump II. Initialement, Musk justifiait ses décisions par un discours populiste prétendant servir la « volonté générale » du peuple contre une élite corrompue. Cette approche, appliquée à Twitter/X, s’est ensuite étendue à son rôle à la tête du DOGE, une entité controversée visant à démanteler l’administration fédérale sous prétexte d’efficacité budgétaire. En utilisant des méthodes similaires à celles déployées sur Twitter (sondages en ligne, dénonciation d’une élite, suppression massive de postes), Musk exerce une influence considérable sur le gouvernement, posant une menace pour l’État de droit et la stabilité institutionnelle des États-Unis.

Pour aller plus loin : Du populisme de plateforme au populisme politique – Elon Musk change d’échelle

L’exemple du projet de loi « Make Greenland Great Again »

EURACTIV.com | traduit par Sarah Chaumot

Alice Bergoënd

Alors que le président américain élu Donald Trump a affirmé son ambition d’acquérir le Groenland, les républicains présentent un projet de loi au Congrès au titre provocateur « Make Greenland Great Again Act » — « Loi pour rendre au Groenland sa grandeur ». Le projet de loi diffusé pour obtenir des soutiens au sein du corps législatif, permettrait à Donald Trump d’entamer des négociations avec le Danemark en vue d’acheter le territoire. Ce projet n’est pas une lubie récente : en 2019, au cours de son premier mandat, Donald Trump a évoqué l’achat du Groenland par les États-Unis. Ces dernières semaines, il n’a pas exclu la possibilité d’utiliser la force militaire ou économique pour y parvenir. Le Danemark est pourtant membre de l’UE et de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Et les représentants du Danemark et du Groenland ont déclaré à plusieurs reprises que la région autonome n’était pas à vendre. « Nous ne voulons pas être des Danois, nous ne voulons pas être des Américains — bien sûr, nous voulons être des Groenlandais »a déclaré le Premier ministre groenlandais, Múte Egede. Selon le média groenlandais KNR, le Premier ministre a affirmé qu’il était ouvert aux États-Unis dans les domaines de l’exploitation minière et du commerce, et désireux de rechercher des possibilités de coopération avec le président américain.

*Depuis 2009, le Groenland a le droit de déclarer son indépendance vis-à-vis du Danemark. L’île de quelque 56 000 habitants, qui dépend chaque année d’importants transferts budgétaires de Copenhague, s’en est abstenue jusqu’à présent mais le Groenland doit organiser des élections législatives avant le 6 avril.

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Trump, l’OTAN et la défense européenne : l’autonomie forcée

Donald Trump méthode menace de quitter l’OTAN pour obtenir un engagement des États de l’UE de monter leurs budgets défense à la hauteur des enjeux. La guerre en Ukraine a mis en lumière la vulnérabilité de l’Europe et 23 des 32 pays membres de l’OTAN respectent l’objectif fixé en 2014 de 2% du budget national de chacun; à date, certains dépassant largement ce seuil : la Pologne (4,1 %), l’Estonie (3,4 %) ou la Lettonie (3,1 %), comme par hasard ceux situés en première ligne face à la Russie.

« Personne ne connaît l’OTAN mieux que moi. C’est moi qui les ai poussés à payer 2 %. Si vous êtes en défaut, nous ne vous protégerons pas. (…) Vous ne pouvez pas vous contenter de 2 %. Chaque pays — si vous voulez avoir une armée régulière, vous devez être à 4 %. Ils [l’Union européenne] sont dans une situation dangereuse — je pense qu’ils devraient être à 5 %, pas à 2 %. »

C’est la première fois que Trump suggère explicitement ce que quelques conseillers avaient laissé entendre aux dirigeants européens en décembre : le président-élu souhaite que les Européens consacrent 5 % de leur PIB à l’effort de défense. Si cette cible était atteinte, les Européens dépenseraient 915 milliards d’euros par an pour leur défense — contre 345 milliards actuellement. Sur les 32 membres de l’OTAN, seulement 8 ont consacré en 2024 moins de 2 % de leur PIB pour leur défense : Italie, Espagne, Slovénie, Luxembourg, Belgique, Canada, Italie, Portugal et Croatie. Selon nos calculs, les membres de l’OTAN devraient dépenser 265 milliards d’euros de plus par an pour arriver à 3 % du PIB consacré à la défense, dont 186,95 milliards incomberaient uniquement aux États membres de l’Union. Pour arriver à 5 %, un effort supplémentaire de 544 milliards d’euros devrait être fourni par les membres de l’Union européenne qui sont également membres de l’OTAN (tous à l’exception de l’Autriche, Malte, Chypre et l’Irlande).

Nombre de responsables politiques affirment que leurs budgets ne pourront pas supporter une telle charge sans compromettre d’autres priorités économiques et sociales. Dans un contexte budgétaire fragile, c’est l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la France qui devraient fournir le plus d’efforts budgétaires en volume pour atteindre le nouvel objectif. L’Italie devrait dépenser 35,7 milliards d’euros par an de plus pour atteindre 3 % de son PIB dédié à la défense, et 82,9 milliards en plus pour atteindre 5 %. Cela représente plus que le budget consacré à l’éducation et presque autant que le budget de la santé, soit un total de 122,9 milliards par an. Pour la France, il s’agirait de 92,7 milliards d’euros par an.

« Vous engagez-vous à continuer de soutenir les Ukrainiens pendant les négociations ? » — « Eh bien, je ne vous le dirais pas si on me le demandait. ». Voilà ce qu’e répondait ‘à répondu Trump après son investiture, qui tire sur la corde de l’ambiguïté.

Depuis le début de l’invasion russe en février 2022, les États-Unis ont fourni 61,4 milliards de dollars d’aide militaire à Kiev. Cependant, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche menace la continuité de ce soutien crucial, mettant en péril les capacités de défense ukrainiennes face à la Russie. Trump, soutenu par des alliés comme J.D. Vance, critique l’aide militaire en raison de contraintes sur les réserves d’armes américaines et privilégie une approche plus restrictive. Avec l’expiration prochaine du financement voté en 2024, il est peu probable que Trump approuve un renouvellement de l’aide sous sa forme actuelle. Zelensky a proposé d’utiliser les 300 milliards d’actifs russes gelés pour acheter des armes américaines, une idée à laquelle Trump n’a pas encore réagi.

Bien qu’opposé aux aides directes, Trump pourrait envisager un prêt permettant à l’Ukraine d’acquérir du matériel militaire, tout en limitant l’envoi de systèmes sensibles comme les missiles ATACMS.

Pour aller plus loin : Le Grand Continent | Trump et la doctrine Mar-a-Lago – coordonnées d’une présidence impériale

Étrangement la menace de quitter l’OTAN va mal avec sa nomination de Marco Rubio comme secrétaire d’État, partisan de l’OTAN. C’est lui qui a fait adopter une loi renforçant le maintien des États-Unis au sein de l’Alliance, en exigeant une majorité qualifiée des deux tiers du Sénat pour tout retrait.

Au delà de cette menace, les déclarations du président américain reflète un rapprochement avec le Kremlin, avec la promesse d’un deal : « Je sais que Poutine aimerait me rencontrer. La Russie a attaqué l’Ukraine parce qu’elle a vu que ces gars-là [les États-Unis] étaient incompétents, qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Mais nous, nous savons ce que nous faisons maintenant, et tout cela va s’arrêter. Nous avons une grande armée. »

Dans une tentation impériale, Donald Trump reprend la propagande poutinienne en miroir : « La Russie, depuis de nombreuses années, bien avant Poutine, a dit que l’Ukraine ne devait jamais être impliquée dans l’OTAN. Biden a dit : ‘non, ils devraient pouvoir rejoindre l’OTAN’. Ensuite, la Russie a quelqu’un juste à sa porte, et je peux comprendre leur réaction face à cela. (…) Je crois qu’ils avaient un accord, puis Biden l’a rompu. Ils avaient un accord, qui aurait été satisfaisant pour l’Ukraine et tout le monde. Mais ensuite Biden a dit : ‘non, vous devez pouvoir rejoindre l’OTAN’. »

Ce rapprochement se confirme largement du côté Russe. Par exemple, l’un des principaux conseillers de Poutine affirmait : « J’estime que les négociations relatives à l’Ukraine doivent avoir lieu entre la Russie et les États-Unis—sans qu’y interviennent d’autres pays occidentaux. Nous n’avons rien à débattre avec Londres ou Bruxelles. » Si ce n’était pas assez clair, le Kremlin le dit encore plus brutalement. Le président russe veut négocier d’égal à égal avec Donald Trump pour démembrer l’Ukraine et redessiner la carte de l’Europe.

NB: on ne pourra pas ne pas faire remarquer le degré de méconnaissance de l’Union européenne deTrump . Il a confondu l’Espagne avec les BRICS, annonçant que l’Espagne pourrait se voir imposer des taxes « d’au moins 100% » pour tout échange commercial avec les Etats-Unis si sa contribution à l’OTAN n’atteignait pas la cible des 2% de PIB,; celà laisse augurer de décisions aberrantes mais ne nous y trompons pas il a des conseillers experts.

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La réorientation vers l’Asie

Initié en 2011 par l’administration Obama, cette réorientation répond à la montée en puissance de la Chine, perçu comme l’ennemi numéro un au delà de clivages partisans. Un renforcement des alliances stratégiques, à travers l’AUKUS : partenariat entre les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni et l’intensification de la coopération au sein du Quad+: le cadre stratégique regroupant les États-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie qui vise à contrer l’influence de la Chine dans la région Indo-Pacifique en incluant d’autres partenaires régionaux et en renforçant des collaborations sur diverses questions de sécurité, économiques et humanitaires. Par exemple, en 2020, des pays comme la Corée du Sud, le Vietnam et la Nouvelle-Zélande ont été invités à participer aux réunions du Quad et le Brésil, Israël et la Corée du Sud ont été inclus dans des discussions sur des réponses globales à des crises comme la pandémie de COVID-19.

Il est désormais clair que l’Europe n’est plus la priorité absolue pour Washington. Cependant, le partenariat transatlantique reste essentiel pour contrer les menaces globales, qu’il s’agisse de la résurgence de la Russie ou des défis posés par la Chine.