Data Act : l’industrie contre-attaque – EURACTIV.fr

Opposées au Data Act, les principaux acteurs de l’industrie, des entreprises technologiques aux constructeurs automobiles, se préparent à contester la proposition de la Commission européenne de nouvelle loi sur les données (Data Act en anglais). C’est ce qu’il ressort d’un projet de lettre consulté par EURACTIV.

Le projet de lettre a circulé parmi les associations professionnelles  jeudi (3 février), suite à la publication de la proposition de loi sur les données divulguée par EURACTIV mercredi (2 février).

Le Data Act comprend des obligations de partage des données, des garanties supplémentaires pour les transferts de données et la réglementation de l’accès à ces données par les organismes publics, ce qui n’a pas été bien accueilli par les acteurs privés qui seront soumis à ces nouvelles règles.

La lettre est adressée au commissaire en charge du Marché intérieur, Thierry Breton, et à la vice-présidente exécutive de la Commission, Margrethe Vestager, et est datée du 17 février, ce qui indique qu’elle serait envoyée une semaine avant la publication officielle de la proposition.

Deux sources proches du dossier ont confié à EURACTIV que les moteurs de l’initiative sont les associations professionnelles Computer & Communications Industry Association et Allied for Startups.

« Nous espérons que le Data Act établira des règles harmonisées qui préserveront les incitations économiques pour tous les opérateurs du marché, dont la plupart partagent déjà ou cherchent à partager leurs données et à accéder aux données de tiers », indique la lettre.

Les principales associations professionnelles du secteur des technologies ainsi que les organisations représentant l’industrie automobile semblent participer aux discussions autour de la signature de cette lettre. Une source a confié à EURACTIV que le projet de proposition de la Commission était vu d’un mauvais œil par de nombreuses entreprises technologiques, raison pour laquelle l’on s’attend à ce que la liste des signataires soit longue.

Pour les représentants du secteur, « des incitations, plutôt que des obligations, encourageraient les entreprises à poursuivre le partage et l’accès aux données de manière responsable ». Ils ajoutent que la législation devrait s’appuyer sur les meilleures pratiques existantes pour créer un cadre de gouvernance permettant aux entreprises de partager des données aux conditions de leur choix.

L’association professionnelle a soutenu que la Commission devrait encourager le développement d’outils pratiques pour rendre les données à caractère non personnel disponibles et accessibles dans le respect de la législation européenne pertinente en matière de protection des données, de sécurité, de propriété intellectuelle et de secrets commerciaux.

« À l’inverse, de nouvelles contraintes indiquant quand et comment les entreprises doivent partager ou réutiliser les données d’autres entreprises ou de particuliers risquent de freiner les tendances du marché en faveur du partage des données et de l’innovation axée sur les données », poursuit la lettre.

Les parties prenantes craignent que le Data Act n’empêche les « clauses contractuelles unilatérales », même si elles sont indispensables pour entrer sur un marché particulier ou être compétitif sur ce dernier, notant que de telles situations pourraient déjà être couvertes par les règles de concurrence actuelles.

La cohérence avec les législations qui se chevauchent — notamment avec le règlement général sur la protection des données (RGPD), la loi européenne sur la protection de la vie privée — a été soulignée, de même que la nécessité de rendre les règles de partage des données « pragmatiques, fondées sur ce qui est techniquement faisable et économiquement viable ».

La lettre met également en garde contre l’adoption de « restrictions unilatérales » au flux international de données non personnelles, étant donné que le projet de proposition comprend des garanties pour les transferts de données vers des pays tiers.

Pour les acteurs du secteur, ces mesures pourraient « réduire la concurrence dans le domaine du cloud au sein de l’UE et perturber fondamentalement la manière dont les entreprises travaillent actuellement avec leurs filiales, partenaires, fournisseurs et vendeurs, et saper les efforts des entreprises pour se développer en dehors de l’Europe ».

En revanche, la lettre propose que l’exécutif européen travaille avec des partenaires partageant les mêmes idées pour répondre aux « préoccupations légitimes concernant l’accès aux données gouvernementales ».

Selon le projet de règlement, les entreprises privées pourraient être amenées à communiquer leurs données à la demande d’organismes publics dans des circonstances exceptionnelles telles que des urgences publiques. Les entreprises privées préconisent des partenariats volontaires plutôt que des règles obligatoires pour le partage des données entre entreprises et administrations.

Les représentants de l’industrie ont fait remarquer que des accords volontaires sont déjà en place, soulignant les collaborations existantes dans le contexte de la planification urbaine ou des urgences sanitaires.

La lettre fait allusion aux implications potentielles pour la sécurité, car « l’année dernière seulement, les administrations publiques et les gouvernements ont souffert de plus d’incidents de sécurité que jamais auparavant ».

« Si la Commission envisage d’introduire de nouvelles règles d’accès obligatoire aux données, le Data Act devrait définir des conditions claires et détaillées dans lesquelles les organismes du secteur public peuvent demander l’accès aux données détenues et contrôlées par les entreprises, en commençant par des “intérêts publics” étroits et bien définis », peut-on également lire dans la lettre.

https://www.euractiv.fr/section/economie/news/lindustrie-se-prepare-a-contester-le-data-act-de-la-commission/