Europe vision du président français Emmanuel Macron

 Synthèse personnelle des étudiants de l’ESSEC : Jean-Samuel LECRIVAIN, Muriel MACKEN, Nicolas MAZE, Anthony PERONNET, Etienne SIMON –  Cours  Droit et politiques de l’Europe – novembre 2017

Le Président Macron a dévoilé sa vision et ses propositions pour l’Europe lors de son premier discours pour l’Europe le 26 septembre 2017. Ce discours intervenait deux jours après les élections allemandes, marquées par la réélection de la chancelière Angela Merkel à la tête d’une coalition aux contours encore incertains et deux semaines après le discours sur l’état de l’Union prononcé par le Président de la Commission Jean-Claude Juncker à Strasbourg.

Divisé en trois parties le discours promeut « une Europe souveraine, unie et démocratique ». Il cherche ainsi à répondre aux critiques adressées à une Europe marginalisée sur les grands dossiers internationaux tels que la Syrie, confrontée au Brexit et à la crise Catalane, divisée sur des thématiques sociales et économiques entre une partie Ouest et une partie Est – en particulier les pays dits du groupe de Višegrad – et incapable en apparence de remédier à son déficit démocratique. .

Une vision de l’Europe qui reprend ses propositions pendant la campagne présidentielle

Pendant la campagne présidentielle Emmanuel Macron avait déjà présenté sa vision de l’Europe, notamment dans son essai Révolution : Réconcilier la France dont le chapitre 25 (« Refonder l’Europe ») était consacré à la question européenne. Son discours était alors de même organisé autour de trois thématiques : la souveraineté, le goût de l’avenir et la démocratie.

Emmanuel Macron reprend les thèmes abordés pendant la campagne mais en les organisant d’une manière différente. Ainsi, alors que pendant les élections l’accent avait été mis sur la constitution d’un Parlement de la Zone Euro – pensé comme prélude à la constitution d’un véritable budget européen – le Président Macron a donné dans son discours une plus grande place aux questions de sécurité et de défense et relégué les questions économiques à la fin de son discours.

La première partie de son discours est axée sur une « Europe souveraine », un quasi-oxymore quand on considère que l’Europe est selon la formule de Jacques Delors une « Fédération d’États-nations ». En effet l’Europe est un assemblage d’États souverains et ne peut donc pas être souveraine par définition. Néanmoins derrière ce terme il faut voir la volonté d’Emmanuel Macron de faire face aux critiques d’impuissance adressées à l’Europe. Il décline cette thématique dans ce qu’il appelle les « six clés de la souveraineté européenne ».

Cette souveraineté européenne future devrait selon lui s’articuler autour d’une sécurité renforcée (force d’intervention, budget de défense, académie du renseignement et parquet antiterroriste), d’un meilleur contrôle des frontières externes (gestion les migrations, création un office européen de l’asile, harmonisation des procédures et renforcement de partage de fichiers), et d’une augmentation de l’aide au développement à destination de l’Afrique et de la Méditerranée. Enfin, l’Europe doit répondre à la transition écologique et agricole (taxe carbone aux frontières de l’Union), relever le défi du numérique (création d’une agence européenne pour l’innovation de rupture et de champions du numérique européens) et devenir une véritable puissance économique industrielle et monétaire (taxes sur les transactions financières, budget de la zone euro, Ministre des finances de la zone euro).

La seconde partie du discours est consacrée à une « Europe unie », qui doit chercher à concilier « l’ambition motrice de quelques-uns et le respect du rythme de chacun ». Ainsi derrière son désir d’unité – et contrairement à Jean-Claude Juncker (cf. discours sur l’état de l’Union[2]) – Emmanuel Macron assume une Europe à plusieurs vitesses. Face aux oppositions de certains pays et notamment du groupe de Višegrad, la constitution de coopération renforcée selon la méthode prévue par les traités paraît être la seule solution pour poursuivre l’intégration dans des domaines encore soumis à la règle de l’unanimité au Conseil. Pour lui cette unité peut être atteinte à travers le renforcement de la convergence sociale et fiscale et par la création d’un sentiment d’appartenance par la culture et le savoir.

La troisième partie de son discours vise à faire renouer l’Europe avec ce qu’il appelle son « essence », c’est à dire la démocratie. Pour faire face aux accusations de déficit démocratique, il apparaît nécessaire selon lui de constituer des listes transnationales pour renforcer la légitimité du Parlement européen et de développer des conventions démocratiques, qui seraient des débats nationaux et locaux sur des questions communes.

Enfin, Emmanuel Macron développe sa vision de l’Europe pour 2024, centrée autour de deux piliers, des valeurs communes et l’approfondissement de la convergence autour du marché unique, passant par une réforme des institutions européennes et la mise en place d’un groupe de refondation de l’Europe.

Des évolutions sont à constater et peuvent s’expliquer par l’évolution du contexte politique

Ces évolutions peuvent s’expliquer par le fait que le discours d’Emmanuel Macron intervient deux jours après les élections allemandes, qui ont renouvelé le mandat de la Chancelière Merkel mais en la contraignant à constituer une coalition avec le parti libéral démocrate allemand (PLD). Ce dernier est hostile à la création d’un budget de la Zone euro – considéré comme le prélude à potentielle mutualisation des dettes – risquant de faire reposer le coût des excès d’un sud « mauvais élève » sur un Nord plus vertueux.

Alors qu’un large consensus est nécessaire afin de réviser les traités, les réactions diverses au discours d’Emmanuel Macron augure des difficultés futures

Si le discours d’Emmanuel Macron a été unanimement salué par la Commission européenne, et au premier chef par son dirigeant Jean-Claude Juncker, il a suscité des réactions plus contrastées dans les différents pays de l’Union.

En Allemagne, la CSU et le PLD ont fait connaître un certain nombre de réticences, principalement autour de la création d’un budget de la Zone euro. À l’Est les réactions paraissent encore plus froides alors que Emmanuel Macron, de par son désir de réformer la directive sur les travailleurs détachés avait déjà suscité des critiques appuyées. Ainsi Ryszard Legutko, polonais membre du groupe des Conservateurs et réformistes européens a qualifié le discours d’Emmanuel Macron de « mirage ». En République Tchèque, Andrej Babis, ancien Ministre des finances et en bonne position dans les sondages pour devenir le nouveau Premier ministre a lui affirmé que davantage d’intégration pourrait encourager d’autres pays à suivre le Royaume-Uni.

Une grande partie des propositions d’Emmanuel Macron nécessite une révision des traités, ce qui nécessite l’unanimité des États-membres et la ratification par les Parlements nationaux. L’histoire montre qu’un tel processus en plus d’être long, est dépendant des contextes politiques nationaux et donc particulièrement incertain. Dès lors le choix de constituer un groupe de pays éclaireurs, autour de coopérations renforcées prévues par les traités, ou même en dehors des traités paraît être la seule possibilité pour Emmanuel Macron, au risque d’accroître les divisions au sein de l’Union.

Lien vers la vidéo  du discours d’Emmanuel Macron

[1] Emmanuel Macron, Révolution, XO Editions, 2016, 270 pages.

[2] Discours annuel sur l’état de l’Union européenne, prononcé devant le Parlement européen le 13 septembre 2017.