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Dans un arrêt portant formellement sur le recours d’un important producteur de rouleaux de gazon qui demandait une indemnisation à l’État polonais, il est dit pour la première fois que la composition de la Cour constitutionnelle polonaise est « entachée d’illégalité ». Un tournant décisif pour la question de l’État de droit en Pologne. Un article d’EURACTIV Italie.
Malgré son nom, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) n’est pas une institution de l’Union, mais une juridiction internationale indépendante à laquelle les 47 membres du Conseil de l’Europe ont adhéré.
L’arrêt rendu dans l’affaire Xero Flor w Polsce sp. z o.o. contre la Pologne ne traite pas d’une simple affaire de gazon. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme y évoque davantage l’État de droit que la question de l’indemnisation demandée par la société. La Cour considère, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qui concerne le droit à un procès équitable et le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi.
L’arrêt ne dit pas que la Cour constitutionnelle polonaise est purement et simplement illégale, mais pointe du doigt le collège spécifique qui a traité l’affaire, en raison de la nomination « irrégulière » de l’un des juges qui le compose. Le juge M.M. a été élu par le Sejm (la chambre basse du Parlement polonais), alors que le poste avait déjà été pourvu par un autre juge élu par le Sejm précédent. Dans son arrêt, la CEDH écrit: « la Cour a constaté que le président de la Pologne avait refusé de faire prêter serment à trois juges qui avaient été légalement élus en octobre 2015 par l’ancien Sejm ».
Il ne s’agit cependant pas d’un cas isolé selon le professeur Pech, qui parle depuis longtemps de « fake judges » (faux juges) : les individus nommés dans les tribunaux ordinaires polonais et aux postes de la Cour suprême sur la base de la loi polonaise du 8 décembre 2017 modifiant la loi sur le Conseil national de la magistrature, les individus nommés à la Cour constitutionnelle, ainsi que le président de ladite Cour, ne peuvent être considérés comme de véritables juges.
Selon cette interprétation, toutes les décisions de la Cour constitutionnelle polonaise devraient être considérées comme invalides, car les autorités polonaises ont violé de manière répétée et délibérée la Constitution polonaise et le droit européen.
L’arrêt de la CEDH s’inscrit dans le cadre du (faible) bras de fer qui oppose la Commission européenne et le gouvernement polonais concernant ses tentatives répétées de maintenir le pouvoir judiciaire sous contrôle politique. Dernier rebondissement dans le cadre de ce démêlé : la décision de la Commission de traduire la Pologne devant la Cour de justice de l’UE en raison de l’existence d’une chambre disciplinaire qui « porte gravement atteinte à l’indépendance des juges et à l’obligation d’assurer une protection juridique efficace, et donc à l’ordre juridique de l’UE dans son ensemble » (ce qui se réfère à la loi polonaise du 14 février 2020, officieusement appelée « loi muselière »).
Le professeur Pech évoque l'(in)action de la Commission et du Conseil, affirmant que la Commission a systématiquement agi trop faiblement et trop tard, et que le Conseil a systématiquement échoué à agir de manière significative, allant jusqu’à dire que l’inaction de ces deux institutions européennes peut être considérée comme une négligence.
Bien que la Pologne se soit clairement prononcée en faveur des droits de l’opposition biélorusse (dans une optique anti-russe), le pays, sous la direction du parti ultra-conservateur et nationaliste Droit et justice (PiS), recule sur les droits des femmes, et plus particulièrement sur la question de l’avortement, sur la liberté de la presse, les droits des migrants et ceux de la communauté LGBT*. Avec la Hongrie de Viktor Orbán, la Pologne en est arrivée à menacer de bloquer le fonds de relance européen Next Generation EU, précisément à cause de la question de l’État de droit.
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