Pologne et Ukraine : armes et céréales, un tournant

Mercredi 20 septembre, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a prévenu que son pays ne fournirait plus d’armement à Kiev. Une déclaration prononcée deux jours après la saisine de l’OMC par l’Ukraine visant à mettre fin à l’embargo de la Pologne sur ses céréales.

Le Premier ministre Mateusz Morawiecki est depuis le début de la guerre un des principaux soutiens humanitaires et militaires de l'Ukraine

Le Premier ministre Mateusz Morawiecki est depuis le début de la guerre un des principaux soutiens humanitaires et militaires de l’Ukraine – Crédits : Conseil européen

« Nous ne transférons plus aucun armement à l’Ukraine, car nous nous armons nous-mêmes avec les armes les plus modernes« , a déclaré le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki le 20 septembre [Le Figaro]. Interrogé par la chaine de télévision Polsat News, le chef du gouvernement est resté vague : il « n’a pas précisé quand la Pologne […] avait cessé d’en fournir, ni [si]cela avait un lien avec le conflit sur les céréales« , détaille Le Figaro.

Il a même expliqué que « le hub militaire […] de Rzeszow, dans le sud-est du pays, par lequel passe le matériel occidental à destination de l’Ukraine, fonctionnait normalement« , relatent Les Echos.De fait, M. Morawiecki a surtout indiqué qu’il se concentrait « sur la modernisation et l’armement rapide de l’armée polonaise, afin qu’elle devienne l’une des armées terrestres les plus puissantes d’Europe, et ce dans un délai très court » [BFM TV].

« Si vous ne voulez pas être sur la défensive, vous devez avoir quelque chose pour vous défendre« , a-t-il ajouté [Süddeutsche Zeitung].Mais tandis que Les Echos titrent « La Pologne ne veut plus livrer d’armes à l’Ukraine« , Der Spiegel livre une autre version des faits. D’après le journal allemand, « le contexte de l’entretien ne permet pas de savoir si Morawiecki veut réellement arrêter complètement les livraisons d’armes polonaises à Kiev« .

La Pologne, alliée importante de Kiev

Jusque-là, Varsovie était pourtant l’un « des plus grands fournisseurs d’armes à l’Ukraine« , poursuit Le Figaro. Et « dès le début » de l’invasion russeelle « s’est positionnée comme le ou l’un des meilleurs alliés de Kiev« , d’après Les Echos. Un « allié clé », confirme le Guardian. La Pologne accueille notamment « un million de réfugiés ukrainiens, qui ont bénéficié de diverses formes d’aides de l’Etat« , indique le journal britannique. Un rôle que n’a pas manqué de rappeler Mateusz Morawiecki, en déclarant que « nous avons été les premiers à faire beaucoup pour l’Ukraine et c’est pourquoi nous espérons qu’ils comprendront nos intérêts« .

Les céréales ukrainiennes en cause

Mais les relations entre les deux pays, tendues depuis plusieurs semaines, se sont profondément détériorées ces derniers jours. En cause, le commerce extérieur de l’Ukraine : depuis l’invasion russe, le pays “dépend de ses voisins européens pour exporter son maïs, son blé ou encore son tournesol vers le reste du monde”, notait RFI en début de semaine.Or après avoir levé les droits de douane pour faciliter l’export de ces céréales, « l’UE a accepté de restreindre les importations vers la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie« , rappelle le Guardian.

Un moyen de « protéger les agriculteurs de ces pays qui accusaient les importations d’être responsables de la chute des prix sur les marchés locaux« , poursuit le quotidien.Mais vendredi dernier, Bruxelles a annoncé la fin de cet embargo, arguant que « les distorsions du marché dans les cinq Etats membres limitrophes de l’Ukraine ont disparu« , rapporte la Deutsche Welle. La situation a « enflammé les esprits, provoquant des embargos unilatéraux [de la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie], auxquels Kiev a répliqué lundi en annonçant porter plainte devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC)« , écrit Le Figaro.

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Méthodes inappropriées

Le lendemain, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a expliqué devant l’Organisation des Nations unies que « certains pays [feignaient] la solidarité en soutenant indirectement la Russie » [BFM TV]. Des propos qui ont conduit Varsovie à convoquer « d’urgence » l’ambassadeur ukrainien. Le gouvernement polonais a également averti que « faire pression sur la Pologne dans les forums multilatéraux ou envoyer des plaintes aux tribunaux internationaux ne sont pas des méthodes appropriées« , et que la liste des produits ukrainiens interdits d’importation serait élargie, fait savoir Les Echos.

La diplomatie ukrainienne a réagi rapidement. Le porte-parole de la diplomatie ukrainienne, Oleg Nikolenko, a appelé ses « amis polonais à mettre l’émotion de côté« , écrit Le Monde. « La partie ukrainienne a proposé à la Pologne une solution constructive au problème des céréales« , rapporte également Le Figaro. Des propositions qui « serviront de base pour faire évoluer le dialogue dans une direction constructive« , espère M. Nikolenko.