Traité de Sandhurst – Entente franco-britannique à l’épreuve du Brexit

Un Edito d’Anaïs IMBERT DE BALORRE,Zahia BELHAJ SOULLAMI et Jean-Baptiste HUIBAN, étudiants ESSEC- cours de Droit et politiques européennes 2017/2018- Viviane de Beaufort 

C’est dans un fort contexte d’instabilité créé par le Brexit qu’a eu lieu ce jeudi 18 janvier le 35e sommet franco-britannique (voir video d’ouverture), à l’issue duquel a été signé le Traité de Sandhurst. Son but est de renforcer la coopération bilatérale entre les deux pays. Deux thèmes majeurs ont été  abordés par Theresa May et Emmanuel Macron:

-la participation du Royaume-Uni à l’Europe de la Défense

-la gestion de la frontière franco-britannique face à l’afflux de migrants souhaitant traverser la Manche.

 

La coopération en matière militaire

La question de la défense commune est un des piliers de la coopération bilatérale et conforte sa place de sujet phare. D’abord parce que la France et le Royaume-Uni ont traditionnellement une culture interventionniste en matière d’intervention militaire. Ensuite parce que le Brexit permet  de progresser de façon remarquable sur la défense commune de l’Union Européenne dans la mesure où le Royaume-Uni a cessé d’être un obstacle à des avancées.

Contre toute attente, Londres  ne souhaite pas rester en marge de ce sujet et milite pour faire émerger une force d’intervention européenne, qui serait gérée en dehors de Bruxelles. La Première ministre britannique a proposé de mettre à disposition trois hélicoptères Chinook dans le Sahel pour assister les forces françaises dans leur lutte contre le terrorisme au Mali. Le Royaume-Uni devrait contribuer financièrement à l’effort international en versant 56 millions d’euros d’aide à l’Alliance pour le Sahel, lancée sous l’impulsion franco-allemande en 2017 afin de renforcer la coordination sur des secteurs ciblés tels que la formation, le développement rural et la sécurité alimentaire ou encore l’employabilité et l’éducation des jeunes. En contrepartie, la France a promis un appui militaire en 2019 au groupement tactique de l’OTAN dirigé par le Royaume-Uni en Estonie. « Le Royaume-Uni tente  de renforcer la coopération bilatérale avec les alliés continentaux« , et « par-dessus tout la France » [Politico]. « Les accords bilatéraux de Lancaster House » qui « régissent la coopération franco-britannique dans le domaine de la défense » devraient ainsi être réaffirmés.

 

La gestion des frontières

Autre sujet brûlant, améliorer les accords du Touquet de 2003, qui avaient instauré des contrôles d’immigration communs dans les ports des deux pays – sans réussir à juguler l’afflux de migrants à Calais » et qui sont évidemment, aujourd’hui très controversés, car la France se retrouve contrainte de contrôler une immigration clandestine massive aux abords du tunnel de la Manche dont l’importance n’avait pas été anticipée.

Pour rééquilibrer ces rapports, Theresa May s’est engagée à verser l’équivalent de 50.5 millions d’euros pour assurer la sécurité et la gestion des contrôles autour de Calais. Cet argent doit servir selon Theresa May à renforcer « les infrastructures de sécurité avec davantage de vidéosurveillance, des clôtures et des technologies infrarouge à Calais et dans d’autres postes frontières » [TV5 Monde]. On pourra regretter qu’une partie de la contribution ne soit pas mise au service du renforcement de l’attractivité de ce territoire qui a gravement souffert de l’afflux de migrants.

Par ailleurs, Emmanuel Macron a également obtenu l’engagement ferme de son homologue de mieux prendre en charge les mineurs isolés et vulnérables qui demandeurs asile au Royaume-Uni. En effet, le délai de traitement des dossiers  devrait être réduits ainsi de six mois à 25 jours pour les enfants et un mois pour les adultes. Le communiqué publié (à écouter ou lire ) à l’issue de la rencontre affirme  que le Traité va permettre de « renforcer la gestion conjointe de notre frontière commune avec un traitement amélioré des mineurs non accompagnés demandeurs d’asile« .
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Critiques de part et d’autre

Au Royaume-Uni, « ces annonces ont cependant été diversement accueillies par la classe politique et la presse britanniques, des voix s’élevant pour critiquer les concessions de Downing Street ». Tel est le cas du tabloïd europhobe Daily Mail, qui ironise : « la France demande 45 millions de livres supplémentaires pour stopper les migrants à Calais, et on nous prête la tapisserie de Bayeux comme lot de consolation » [Challenges]. Harry de Quetteville, éditorialiste au Daily Telegraph cité par Courrier International, estime qu’ »Emmanuel Macron est le plus raffiné des manipulateurs affectifs de notre temps ».
En France,  le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand, le traité de Sandhurst ne contient au contraire « rien de nouveau » [Challenges]. Selon lui, « les Britanniques vont faire un chèque qui ne va permettre de payer qu’une partie de la facture ».

https://www.touteleurope.eu/revue-de-presse/a-sandhurst-emmanuel-macron-et-theresa-may-renforcent-la-cooperation-franco-britannique.html

Si les concessions octroyées par le Royaume-Uni n’ont pas fait l’unanimité en France, il n’en demeure pas moins que le Royaume-Uni est un partenaire indispensable sur une majorité de sujets politiques et économiques. Ce sommet franco-britannique revêt ainsi une importance symbolique majeure car il permet de montrer, au moins en apparence, que les deux pays entretiennent une « entente cordiale » malgré le divorce qui s’opère entre Londres et Bruxelles; sous la houlette déterminée de Michel Barnier, un français!

 

 

D’autres liens:

https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/0301151919744-la-ministre-des-armees-plaide-pour-la-montee-en-puissance-de-la-force-g5-sahel-2145055.php#dL193WbluVmYyTIe.99

http://www.lemonde.fr/international/article/2018/01/19/au-sommet-franco-britannique-l-entente-cordiale-a-du-mal-a-resister-au-brexit_5243851_3210.html

https://www.touteleurope.eu/revue-de-presse/defense-et-crise-migratoire-au-centre-du-sommet-franco-britannique-a-sandhurst.html

http://www.bfmtv.com/international/macron-et-may-signent-un-traite-sur-le-controle-de-l-immigration-a-leur-frontiere-1353167.html