Abus de position dominante Google ou les algorithmes visés par la concurrence

Pourquoi la décision du 27 juin dernier de  la Commission Européenne concernant Google est elle particulièrement intéressante ?  

Edito  Anthony Peronnet, pour le  cours Droit et politiques européennes, dec 2017 , Viviane de Beaufort.

Rappel : La Commission européenne détient le pouvoir de contrôle de concurrence

A ce titre, il a été  décidé de sanctionner sévèrement le géant du Web, Google, pour abus de position dominante (article 102 du TFUE).

Cette condamnation, à la fois spectaculaire (amende supérieure à 2 milliards d’euros) et symbolique (la première pour un abus de position dominante sur une plateforme en ligne), marque l’entrée du contrôle de la concurrence dans le domaine du numérique et de l’algorithmie.

Après 7 ans de procédure, le 27 juin 2017, la Commission Européenne à la Concurrence, représentée par Margrethe Vestager sanctionne lourdement Google. La Commission Européenne accuse le géant du Web d’avoir favorisé son propre service de comparaison des prix, Google Shopping, au détriment ses concurrents. Elle lui a donné 90 jours pour rectifier le tir sous peine de lui infliger une sanction à hauteur de 5% du chiffre d’affaire de la firme(90 milliards de dollars).

Source :L’Europe inflige une amende record de 2,42 milliards d’euros à Google   – 27/06/2017 à 13:27

Margrethe Vestager, commisaire à la concurrence,  avait laissé deux possibilités à Google : corriger son service de comparateur de prix avant le 28 septembre 2017 ou  entrer dans un conflit juridique. Le 11 septembre dernier, Google a annoncé par un tweet sa volonté de faire appel de la sanction du 27 juin 217 et déposé un recours en annulation de la décision de la Commision devant la CJUE- Cour de Justice de l’Union Européenne.

Google a l’intention de montrer que l’amende provient d’une erreur d’appréciation de son service de recherche et que les accusations portées à son encontre sont infondées. La Direction Générale de la concurrence (DG COMP) a rappelé qu’elle dispose de preuves solides.

Source :  Google défend son comparateur de prix auprès du Tribunal de l’UE – 

Bruxelles ne compte pas se limiter au comparateur de prix de Google. Deux autres services seraient  potentiellement en abus de position dominante : Google Play sur Android et la publicité en ligne « Adsense ».

Dans le premier cas, la Commission Européenne accuse Google d’inciter les fabricants de smartphones à installer par défaut le moteur de recherche Google et le navigateur Google Chrome. Cette installation permettrait alors à l’utilisateur d’utiliser le Play Store. Conséquences : il est quasiment impossible pour les autres moteurs de recherche de devenir le service de recherche du smartphone. Par ailleurs, la Commission soupçonne Google d’avoir réalisé des incitations financières auprès de fabricants de smartphones dans le but de préinstaller son moteur de recherche.

Source :  Les trois critiques de Bruxelles contre Google et Android   – 

Dans le second cas, Google est accusé d’avoir réduit le choix en empêchant les sites web tiers de s’approvisionner en annonces contextuelles auprès de concurrents de Google. Au vu de sa position ultra-dominante sur les moteurs de recherche, la Commission craint que le géant du Web impose des conditions contractuelles aux services de publicité au moment de la vente ou de l’achat des espaces publicitaires qui seraient difficilement évitable.

Source : Sunday 12 November 2017 Google Vs Brussels: Another Europe antitrust fine is coming for the US tech giant as it awaits Adsense and Android investigation conclusions- Lynsey Barber

 

La condamnation de Google revêt un aspect spectaculaire . Tout d’abord, elle est la conséquence de plusieurs années de travail : comme le précise Margrethe Vestager, la Commission a récupéré plus de 5,2 téraoctets de résultats de recherche du moteur américain, soit environ 1,7 milliard de requêtes. Ensuite, elle correspond à la première qualification d’ abus de position dominante sur une plateforme numérique. Elle symbolise l’extension de terrain  de la Commission Européenne au monde du numérique et de l’algorithmie.  Les géants du web remettent en question les fondements théoriques du marché par leur gratuité. Ils créent aussi un nouveau marché : celui de la data qui devra bientôt être surveillé et contrôlé. Pour l’instant la Commission a souligné que le changement digital ne l’effrayait pas. Elle s’est montrée ambitieuse en s’attaquant à l’immense Google mais aussi novatrice en le laissant libre de la solution à apporter.

Vidéo: Isabelle de Silva, Présidente de l’Autorité de la concurrence Emission le Grand Témoin. Quelles sont les solutions de l’Autorité de la concurrence face à la révolution digitale ? 

———————Nota technique:

A dominant company has a special responsibility to ensure that its conduct does not distort competition. The Commission’s investigative powers to enforce Article 102 are detailed in Regulation 1/2003 (the Antitrust Regulation). The Commission is empowered, for example, to:

Send information requests to companies;
In the context of an inspection: enter the premises of companies;examine the records related to the business;take copies of those records;seal the business premises and records during an inspection;ask members of staff or company representatives questions relating to the subject-matter and purpose of the inspection and record the answers.
At the end of the  investigative phase, the Commission can take the decision to pursue the case as a matter of priority and to conduct an in-depth investigation, or to close it.

Statement of objections and Article 7 prohibition decision
Following the investigation, the Commission may issue a statement of objections (SO).

The parties are entitled to have access to the file,  may then reply to the SO. They may also request an oral hearing, which is conducted by an independent Hearing Officer.  If the Commission’s concerns are not – or only partly dispelled – it drafts a decision prohibiting the identified infringement . The draft is then submitted to the Advisory Committee composed of representatives of the Member States’ competition authorities. Finally, it is submitted to the College of Commissioners which adopts the decision. Alternatively, the Commission may take a commitment decision under Article 9 of Regulation 1/2003. This is a quick way of restoring effective competition to the market. Under commitment decisions, the Commission does not have to prove an infringement of the antitrust rules and imposes no fines. It voices its concerns and parties can come forward with commitments to address these concerns. If the Commission, after consulting market participants, finds these commitments sufficient, it takes a decision to make them legally binding. The commitments are usually valid for a specific period of time but if the companies breach them they can be fined.
A firm that has engaged in anti-competitive behaviour and so infringed competition law may be subject to fines. The Commission’s fining policy is aimed at punishment and deterrence.  They are calculated under the framework of a set of Guidelines last revised in 2006.

The parties subject to a Commission decision have the right to appeal to the General Court for the decision to be annulled.

+ Victims’ claims for damages
Any citizen or business which suffers harm as a result of a breach of the EU competition rules should be entitled to claim compensation from the party who caused it. This means that the victims of competition law infringements can bring an action for damages before the national courts.