L’UE poursuit sa politique de sanctions contre la Russie malgré le changement de ton des États-Unis

Grain de sel

Un seizième paquet de sanctions contre la Russie, et toujours la même question : sont-elles réellement efficaces ? Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Union européenne a multiplié les mesures restrictives, gelant des avoirs, coupant l’accès à SWIFT, interdisant l’importation de pétrole et contrôlant l’exportation de technologies sensibles. Mais alors que Bruxelles serre encore un peu plus l’étau avec de nouvelles restrictions sur les biens à double usage et des outils anti-contournement ciblant certains pays tiers, l’économie russe continue de s’adapter.

Certes, l’impact est bien réel : inflation galopante, fonds souverain en chute libre, taux d’intérêt à 21 %. Pourtant, le Kremlin tient bon, trouvant des alternatives via la Chine, l’Inde ou des réseaux opaques de contournement. Pire, depuis l’investiture de Donald Trump en janvier 2025, le rouble s’est envolé, dopé par les spéculations sur une possible levée des sanctions américaines.

Alors, l’UE peut-elle continuer seule cette guerre économique ? Le risque est réel de voir ses propres approvisionnements fragilisés, notamment en énergie et matières premières. Mais pour Bruxelles, reculer serait un aveu d’échec. Reste à savoir si cette stratégie de l’usure suffira à faire plier Moscou, ou si, au contraire, elle ne finira pas par user l’Europe elle-même.

Breaking News :

1. « L’économie russe pourrait s’effondrer très rapidement », une conversation avec David O’Sullivan, envoyé spécial de l’Union européenne pour les sanctions

L’Union européenne a approuvé 17 trains de sanctions différents à l’encontre de la Fédération de Russie et travaille actuellement sur le 18e, toujours en attente d’approbation. Alors que l’objectif de ces sanctions était de paralyser la capacité du régime de Poutine à mener la guerre, celle-ci se poursuit. Sont-elles vraiment efficaces ? 
Pour David O’Sullivan, il ne fait aucun doute que les sanctions sont efficaces — la question de savoir si elles peuvent à elles seules mettre fin à la guerre est autrement plus complexe.

2. L’UE serre à nouveau la vis contre Moscou. En juillet 2025, l’Union européenne a adopté un 18e paquet de sanctions contre la Russie, après la levée du veto slovaque. Il prévoit :
– Un nouveau plafonnement dynamique du prix du pétrole russe exporté vers les pays tiers, fixé à 15 % sous le prix moyen du marché (environ 47,60 dollars le baril), révisé tous les six mois.
– L’ajout de 105 navires à la liste des « shadow fleet » utilisés pour contourner l’embargo pétrolier (plus de 400 navires désormais visés).
– L’interdiction de transactions avec 22 nouvelles banques russes.
– Un gel juridique sur toute activité liée aux gazoducs Nord Stream 1 et 2.
– Des restrictions supplémentaires sur les technologies à double usage, visant 26 entités, dont des entreprises en Chine, Turquie, Inde et Hong Kong.
Bruxelles poursuit ainsi sa stratégie d’asphyxie économique progressive du régime russe.

L’UE approuve la révision du plafond du prix du pétrole russe dans le cadre de son 18e train de sanctions – Euractiv FR

Article

Par : Thomas Moller-Nielsen | EURACTIV.com | traduit par Sarah Chaumot

Les envoyés de l’Union européenne (UE) se sont mis d’accord mercredi sur une nouvelle série de sanctions contre la Russie, alors que les États-Unis envoient des signaux contradictoires sur l’avenir de leur propre régime de mesures restrictives à l’encontre de Moscou.

Le nouveau paquet de sanctions contre la Russie — le seizième de l’UE depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en 2022 — comprend des interdictions d’importation d’aluminium, des restrictions à l’exportation de chrome et d’autres articles utilisés pour produire des équipements d’usine, ainsi que le retrait de plusieurs banques russes du système de paiement international SWIFT.

Le paquet comprend également des mesures supplémentaires visant à réprimer le contournement par la Russie du plafond des prix du pétrole du G7, qui limite la vente de pétrole russe transporté par voie maritime à 60 dollars le baril.

Cette décision, qui intervient au lendemain de la rencontre en Arabie saoudite de responsables américains et russes pour discuter de la fin de la guerre en Ukraine, fait suite à une réunion des ministres des Finances de l’UE mardi à Bruxelles, au cours de laquelle les capitales ont réaffirmé leur soutien à la politique de sanctions actuelle du bloc.

Un responsable européen au fait des discussions estime qu’il est « très probable » que la politique de sanctions de l’UE « évolue indépendamment » de celle des États-Unis au cours des prochains mois, car on ne sait toujours pas quelle direction le président américain Donald Trump pourrait prendre après ses premières mesures visant à rétablir les relations avec le président russe Vladimir Poutine.

« Je n’ai pas constaté de réduction de l’engagement à mettre en œuvre notre ensemble de sanctions », a expliqué le fonctionnaire. « Et par conséquent, je ne pense pas que, si les États-Unis devaient prendre une direction différente, nous les suivrions. »

Le secrétaire d’État américain Marco Rubio avait initialement suggéré, après sa rencontre avec des responsables russes mardi, que Washington pourrait assouplir les sanctions contre Moscou dans le cadre d’un éventuel accord de cessez-le-feu — et laissé entendre que Bruxelles pourrait être contrainte de faire de même.

« Les sanctions sont le résultat de ce conflit », a affirmé Marco Rubio, notant que « pour mettre fin à tout conflit, il faut que toutes les parties fassent des concessions ».

« Mais il y a d’autres parties qui ont des sanctions », avait-il ajouté. « L’Union européenne va devoir s’asseoir à la table des négociations à un moment donné, car elle a également imposé des sanctions. »

Cependant, Bloomberg a par la suite rapporté que le responsable américain avait informé en privé plusieurs de ses homologues européens que Washington maintiendrait ses sanctions contre Moscou jusqu’à la fin de la guerre.

Un porte-parole du département d’État a également confirmé mardi que le secrétaire d’État américain avait informé les ministres français, allemand, italien et britannique, ainsi que la Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Kaja Kallas, « immédiatement » après la réunion de Riyad.

« Le groupe a convenu de rester en contact étroit alors que nous tentons de mettre un terme durable au conflit en Ukraine », a confié le porte-parole.

Les sanctions de l’UE nécessitent le soutien unanime des 27 États membres et doivent être renouvelées tous les six mois.

Un diplomate de l’UE a fait remarquer que la relation étroite de Donald Trump avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbán — qui a dénoncé à plusieurs reprises les sanctions de l’UE — pourrait entraîner des « problèmes » si Washington faisait pression sur Bruxelles pour qu’elle lève ses sanctions.

« Si ce scénario se produisait [où Donald] Trump demandait à l’UE d’assouplir les sanctions, je suis presque sûr qu’il y aura au moins un chef d’État qui serait prêt à le faire », a déclaré le diplomate.

Une confiscation controversée

Le ministre polonais des Finances, Andrzej Domański, dont le pays assure actuellement la présidence tournante de l’UE, a également déclaré mardi que Varsovie maintenait l’initiative controversée visant à confisquer les 210 milliards d’euros d’actifs russes gelés actuellement détenus dans l’UE.

Une telle initiative s’est heurtée à une vive résistance de la Belgique, dans laquelle se trouve la grande majorité des actifs. Les responsables politiques belges estiment que la saisie des actifs est juridiquement douteuse et pourrait menacer la stabilité financière de la zone euro.

La confiscation est cependant fermement soutenue par de nombreux États membres d’Europe de l’Est et a également été fortement approuvée par l’administration américaine précédente dirigée par Joe Biden.

Les bénéfices générés par ces actifs sont actuellement utilisés pour financer un prêt de 50 milliards de dollars à Kiev, suite à un accord conclu l’année dernière par les pays du G7.

« Nous pensons que ces actifs devraient être utilisés au profit de l’Ukraine et pas seulement les bénéfices, mais aussi les actifs [eux-mêmes] », a déclaré le ministre polonais. « Cela dit, des pays expriment une position différente », a-t-il ajouté. « Nous sommes donc en discussion permanente — il serait prématuré de dire quelle pourrait être la conclusion. »

Le commissaire européen à l’Économie, Valdis Dombrovskis, qui a refusé à plusieurs reprises d’exclure la saisie des actifs, a également suggéré hier que la politique de sanctions de l’UE pourrait évoluer indépendamment des États-Unis.

« Je pense qu’il est très clair, avec les actions de l’actuelle administration Trump, que l’UE devra prendre davantage en main les questions liées à sa sécurité », a-t-il confié, ajoutant que cela « concerne également la politique de sanctions ».

D’après la Commission européenne, l’UE a interdit des importations en provenance de Russie d’une valeur de 91,2 milliards d’euros depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, ainsi que des exportations d’une valeur de 48 milliards d’euros.

Le nouveau paquet de sanctions devrait être officiellement approuvé par les ministres des Affaires étrangères de l’UE lundi prochain à Bruxelles.

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Source : L’UE poursuit sa politique de sanctions contre la Russie malgré le changement de ton des États-Unis – Euractiv FR

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