US/UE : La débandade mondiale crée par les tarifs américains- Acte 3

Après deux premiers articles de notre blog relatifs à l’opposition US/UE qui analysaient les prémisses d’une déclaration de guerre économique mondiale, voici l’acte 3 corédigé avec William Ouensanga

Dans ce volet, nous examinons la folie tarifaire trumpienne et ses conséquences. Le volte face inédit de Trump sur l’annonce de ses tarifs ouvre sur de nombreux rebondissements dans les trois mois à venir, que nous ne manquerons pas de relater… 

Table of Contents

Introduction : Une pause dans la tempête douanière ?

Le mercredi 9 avril 2025 devait marquer un tournant radical dans la politique commerciale américaine. À minuit, heure de Washington, les nouveaux droits de douane dits « réciproques », annoncés quelques jours plus tôt avec faste dans les jardins de la Maison-Blanche, entraient officiellement en vigueur pour une soixantaine de pays, dont les États membres de l’Union européenne.

Mais quelques heures à peine après leur mise en place, coup de théâtre : Donald Trump annonce une « pause » de 90 jours sur ces droits, évoquant un « geste de bonne foi » à l’égard des pays qui, à sa « suggestion », n’auraient pas riposté. Dans un message posté sur Truth Social, le président américain affirme : « Inversement, et parce que plus de 75 pays ont appelé des représentants des États-Unis […] pour négocier une solution […] j’ai autorisé une pause de 90 jours, et un tarif réciproque substantiellement plus bas pendant cette période, de 10 % également effectif immédiatement. »

Cette décision inattendue, qualifiée de « volte-face » par la presse européenne, a entraîné un soulagement instantané sur les marchés boursiers mondiaux. À Wall Street, le Nasdaq a bondi de plus de 10 %, le S&P 500 de 7,6 % et le Dow Jones de plus de 6,6 %. L’indice européen STOXX 600 et même les cryptomonnaies ont suivi le mouvement. Un répit bienvenu après plusieurs jours d’agitation intense provoquée par l’annonce initiale de droits de douane pouvant atteindre 104 % pour certains pays comme la Chine, ou encore 20 % pour l’Union européenne.

Cette suspension reste néanmoins partielle et conditionnelle. Elle ne concerne que les États n’ayant pas répondu par des mesures de rétorsion.

Le statut de l’Union européenne demeure flou : bien que mentionnée dans la liste des pays bénéficiaires de la suspension, sa publication simultanée d’une première salve de contre-mesures pourrait l’exclure de cette « pause » américaine.

Cette pause ne change pas la nature du choc initial. Les droits de douane réciproques ont bien été annoncés, préparés, activés puis — seulement après leur mise en œuvre — suspendus.

Autrement dit, toutes les analyses économiques et diplomatiques qui en découlent restent valides. Comme l’écrit Le Monde : « C’est une débâcle, une improvisation désordonnée, même si ses auteurs en refusent l’évidence. » La guerre commerciale entre dans une phase d’incertitude stratégique, où tout peut basculer. Une suspension de 90 jours ne saurait effacer la défiance installée. Et dans le bras de fer sino-américain, les hostilités se poursuivent . La Chine, frappée à hauteur de 125 %, a déjà riposté par des surtaxes de 84 % sur les produits américains, marquant une escalade sans précédent.

Que cherche le président US ?

La critique de la politique commerciale américaine est au cœur du discours public de Trump depuis les années 1980. Avec cet outil tarifaire, le président pense pouvoir mettre un terme aux «pertes» des États-Unis qui, selon lui, «subventionnent» leurs partenaires, mais aussi remplacer les impôts fédéraux sur le revenu et soumettre les autres pays à ses desiderata en matière de politique étrangère ou d’autres questions telles que la migration et le trafic de drogue — il a également menacé le Danemark de droits de douane si ce dernier refusait un transfert de souveraineté sur le Groenland.

— Ses positions ont largement été influencées par Peter Navarro, Conseiller principal pour le commerce et l’industrie manufacturière et Robert Lighthizer, le représentant au Commerce des États-Unis lors du premier mandat Trump. Tous deux pensent que certains pays comme la Chine, menant des politiques industrielles déséquilibrées qui leur permettent d’exporter beaucoup plus qu’elles n’importent, accumulent des richesses et du pouvoir en rachetant des actifs — entreprises, dettes, technologies – des nations déficitaires, notamment des États-Unis. Pour Lighthizer, cela aurait entraîné un transfert massif de la richesse américaine et rendu les citoyens américains plus pauvres.

aller plus loin : Trump et la guerre commerciale : l’Observatoire | Le Grand Continent

1. Les tarifs exorbitants et discriminatoires

Voici ce qui était annoncé : à partir du 5 avril, chaque produit provenant de n’importe où dans le monde se verra appliquer une surtaxe douanière américaine de 10 %. Ces frais sont payés par l’importateur, et non par l’exportateur, ce qui signifie que les entreprises et les consommateurs américains en subiront les conséquences en premier.

Mais Trump ne s’est pas arrêté là. Alors que la plupart du monde sera soumise à une taxe de 10 %, environ 60 pays se sont vus imposer des taux dits « réciproques » encore plus élevés à partir du 9 avril. C’est dans cette partie des droits de douance qu’on trouve d’énormes disparités selon les pays? allant jusqu’à 50 % pour des dizaines de pays, infligeant particulièrement des dommages aux petites économies en développement.

De la Chine aux autres

Droits de douane : les Bourses chutent, Pékin promet une riposte « ferme et vigoureuse »

Jour J pour les droits de douane de Trump à l’encontre de la Chine, et pour une soixantaine de pays. Des taxes douanières qui vont de 17 % pour Israël à 50 % pour le Lesotho, en passant par 20 % pour l’Union européenne ou 46 % pour le Vietnam. Pékin écope de son côté de droits de douane de 104 %.

9h51 – Pékin promet des mesures « fermes et vigoureuses » en réponse aux droits de douane américains

La Chine a promis mercredi des mesures « fermes et vigoureuses » pour défendre ses intérêts, après l’entrée en vigueur des derniers droits de douane américains sur les produits chinois. Après la hausse forfaitaire de 10 % du week-end dernier, les taxes sur les produits entrant aux Etats-Unis ont augmenté mercredi juste après minuit pour de nombreux pays.

11h32 – La Russie « inquiète » par la guerre douanière entre les Etats-Unis et la Chine

Moscou, épargné par les surtaxes douanières des Etats-Unis, remet en cause les choix du président Trump et sa guerre commerciale. Washington se croit hors des « règles » du droit économique international, s’est agacée la diplomatie russe ce mercredi. Celle-ci s’inquiète également de l’escalade de la guerre douanière entre les Etats-Unis et la Chine.

« La dernière décision douanière de la Maison Blanche […] viole les règles fondamentales de l’OMC, et montre que Washington ne se considère pas lié par les normes du droit commercial international », a dénoncé la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, lors de son briefing hebdomadaire. La guerre douanière entre Washington et Pékin « est d’autant plus inquiétante qu’elle concerne les deux principales économies mondiales », a-t-elle ajouté.

L’UE : la moyenne des « tarifs », cas si l’UE n’existait pas

On l’a dit, les lois européennes imposent une politique tarifaire commune, Trump a été contraint de prendre en compte la spécificité européenne et a imposé un tarif unique de 20 % . Mais en pratique avec les clauses d’exemptions, les droits de douane effectifs diffèrent :

Alors que la formule de calcul est connue, il est intéressant de se poser la question : que se serait-il passé sans l’UE ?

Voici quelques exemples qui montrent à quel point les taux auraient variés si l’on avait considéré chaque pays européen individuellement pour le calcul des tariffs, à partir de la fameuse formule absurde de Trump.

Quid des DOM-TOM ?

Parmi les nombreuses annonces de Donald Trump, les ultramarins français ont eu la surprise de voir leur territoire figurer dans le tableau récapitulatif des nouvelles surtaxes douanières américaines. Ainsi « les départements et territoires ultramarins français vont être soumis dans les prochains jours à des niveaux de taxation individuels, bien différents des 20 % qui vont s’appliquer à l’UE« , annonce La 1ere.

La Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Mayotte, qui sont « parties intégrantes du territoire douanier de l’UE mais considérées fiscalement comme des territoires tiers […] verront leurs produits imposés à hauteur de 10 % supplémentaires par les autorités américaines« , et non 20 % comme pour l’ensemble de l’UE, poursuit le média ultramarin. « En revanche, la Réunion, qui bénéficie pourtant du même statut légal, verra ses produits taxés à hauteur de 37 % ».

« Le gouvernement américain prévoit aussi d’imposer des droits de douane de 50 % sur les produits importés depuis l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon mais de 10 % sur ceux arrivant de la Polynésie française, deux territoires qui ne font pas partie de l’Union européenne aux yeux des douanes« , abonde La 1ere.

Pour aller plus loin : Si l’Union n’existait pas : une simulation exclusive des tarifs trumpistes pays par pays  | Le Grand Continent

Détails : comment ces droits imposés sont-ils définis ?

Formule de calcul des tarifs :

Si Donald Trump a présenté ces nouveaux tarifs comme constituant des « mesures réciproques », soit une imposition par les États-Unis de taux similaires à ceux pratiqués par les partenaires commerciaux de Washington, les chiffres annoncés reposent en réalité uniquement sur la balance commerciale et le montant des importations. La formule en apparence complexe publiée sur le site du Bureau du représentant américain au Commerce (USTR) ne prend de facto en compte que ces deux paramètres. L’élasticité-prix de la demande d’importation et l’élasticité des prix à l’importation par rapport aux droits de douane sont quant à eux fixés à des valeurs qui s’annulent l’un et l’autre, ce qui revient à les multiplier par un.

Contrairement à ce qui a été mis en avant par l’administration Trump ces dernières semaines, les taxes (notamment la TVA), réglementations et autres barrières non-tarifaires au commerce ont été évacuées de l’équation sur la base de laquelle la Maison-Blanche a fixé les niveaux de ses tarifs réciproques. La méthodologie employée pour aboutir à un taux de 20 % sur les importations de l’Union est ainsi contestée, ou du moins questionnée, par des responsables européens — d’autant que, selon Trump, ce taux aurait dû être de 39 %, mais a été réduit de moitié dans un élan de « gentillesse ».

En appliquant la formule utilisée par l’USTR, les États membres de l’Union auraient fait face à des tarifs allant de 10 % — soit le seuil minimal fixé — à 47 % pour la Slovaquie et la Slovénie. Alors que ces deux pays ont enregistré un faible excédent commercial avec les États-Unis de 8 et 6 milliards de dollars respectivement en 2024, ils seraient frappés du taux le plus élevé parmi les États membres. L’Allemagne, qui a exporté vers les États-Unis pour 85 milliards de dollars de biens de plus qu’elle n’a importé, ne serait soumise qu’à un taux de 26 %. Le taux appliqué à la France serait quant à lui de « seulement » 14 %, soit 6 points de moins que le tarif universel appliqué à l’Union.

Ce que Trump a présenté dans la roseraie ne correspondait toutefois pas à ses promesses. Au lieu de fixer de vrais tarifs réciproques (c’est-à-dire calquer les tarifs américains sur ceux pratiqués par les partenaires), les États-Unis ont littéralement créé une formule arbitraire : ils ont divisé le solde commercial bilatéral par le commerce total, puis ont divisé ce chiffre par deux — censément par « générosité ».

Le Bureau du Représentant au commerce des États-Unis (USTR) a ensuite publié une formule pseudo-scientifique pour justifier les résultats. Tous les pays reçoivent au moins la base de 10 %. Si la formule n’atteignait pas ce seuil, le pays restait simplement à 10 %.

Cette méthode grossière a conduit à des résultats profondément injustes. Ainsi, le territoire français de Saint-Pierre-et-Miquelon, avec moins de 5 000 habitants, s’est vu imposer un tarif de 50 %, en raison d’un déséquilibre commercial minime : 3,4 millions $ d’exportations vers les États-Unis (principalement du poisson) contre seulement 100 000 $ d’importations depuis les États-Unis. Résultat selon la formule Trump : 99 % d’« injustice », donc 50 % de tarif.

Un sort similaire a été réservé à la plupart des pays d’Asie. Le Vietnam, puissance exportatrice, avec un excédent commercial important vis-à-vis des États-Unis, se voit imposer 46 %. Le Cambodge : 49 %, le Laos : 48 %, le Myanmar : 44 %, la Thaïlande : 36 %, l’Indonésie : 32 %, la Malaisie : 24 %. Même les économies développées n’y ont pas échappé. La Corée du Sud, malgré un accord de libre-échange avec les États-Unis, obtient 25 %, le Japon 24 %.

La méthodologie utilisée par l’administration Trump est largement contestée par les économistes, qui considèrent au mieux que celle-ci relève d’une approximation utilisée faute de temps suffisant pour étudier chaque relation commerciale bilatérale, et au pire que celle-ci est erronée sur le plan économique et le fruit de l’incompétence de l’équipe économique de la Maison Blanche.

2. Des conséquences économiques dévastatrices : Trump l’arroseur arrosé ?

Un impact asymétrique sur la croissance

Les politiques protectionnistes de Trump et son imprévisibilité pourraient transformer la relation UE–États-Unis, accélérer la multipolarisation, et mettre fin à l’hégémonie du dollar américain, selon des analystes.

Les vastes « tarifs réciproques » imposés par Trump sont assurément une mauvaise nouvelle pour l’Europe – mais ils pourraient être potentiellement dévastateurs pour les États-Unis eux-mêmes.

La décision du président américain, annoncée mercredi, d’imposer des droits de douane forfaitaires de 20 % sur les produits de l’UE, ainsi qu’un minimum de 10 % sur toutes les autres importations, réduira le PIB de la zone euro beaucoup moins que celui des États-Unis, selon plusieurs études publiées jeudi.

Dans ce contexte, la Deutsche Bank – principal créancier historique de Trump – a abaissé ses prévisions de croissance pour la zone euro en 2025, les faisant passer de 0,8 % à entre 0,25 % et 0,50 %, tout en réduisant fortement la croissance attendue des États-Unis de 2,2 % à 1 %.

Le Conference Board, un think tank américain, a estimé que les politiques de Trump pourraient réduire le PIB de l’UE de 0,2 point de pourcentage, contre 1,2 point de pourcentage pour le PIB américain.

Sony Kapoor, professeur de géoéconomie à l’Institut universitaire européen, a résumé : ces nouveaux droits de douane seront probablement « néfastes, mais pas fatals » pour l’économie européenne.

Récession ou désinflation ?

Les tarifs augmentent le risque de récession en zone euro, principalement parce que le bloc fait déjà face à une série de difficultés : prix élevés de l’énergie, faible demande, et concurrence féroce des exportateurs chinois.

« Est-ce une bonne nouvelle pour l’économie mondiale, pour l’UE, pour l’Inde, la Chine, ou qui que ce soit d’autre ? Absolument pas. Est-ce que cela risque de plonger le monde dans une nouvelle Grande Dépression ? Presque certainement pas. Est-ce que cela accroît le risque de récession en zone euro ? Oui, mais cela tient surtout au fait que l’Europe n’est pas en grande forme. »

Selon Carsten Brzeski, chef économiste chez ING Research, « aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, une guerre commerciale totale pourrait, à long terme, être désinflationniste pour l’Europe ».

Sander Tordoir, économiste au Centre for European Reform, partage ce constat. Le dumping chinois possible, combiné à une forte dévaluation du renminbi et à une demande européenne affaiblie, rend probable que les pressions désinflationnistes l’emportent sur les pressions inflationnistes à l’avenir.

Deutsche Bank n’a d’ailleurs pas modifié ses prévisions d’inflation pour la zone euro : 2,2 % en 2025 et 1,9 % en 2026. En revanche, elle a relevé sa prévision d’inflation pour les États-Unis de 2,7 % à 4 % pour cette année.

Marchés financiers : réactions contrastées

Cette divergence de trajectoire s’est aussi reflétée sur les marchés boursiers.

L’indice S&P 500, qui suit les grandes entreprises américaines, a chuté de 4,10 % à 21h (CET), tandis que le STOXX Europe 600, indice large des actions européennes, n’a reculé que de 2,57 %. Depuis le début de l’année, le S&P a perdu 7,33 %, alors que le STOXX a gagné 2,44 %.

Le risque d’une dé-dollarisation

Les analystes soulignent aussi que les inquiétudes des investisseurs vis-à-vis des politiques de Trump et de son imprévisibilité pourraient faire perdre au dollar son statut de monnaie de réserve mondiale — un privilège qui permet aux États-Unis d’emprunter à des taux très bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Soulignant ces craintes, le dollar a chuté de 5,93 % face à un panier de devises depuis le début de l’année. L’euro a quant à lui progressé de 1,23 % face au dollar jeudi, atteignant 1,10 $ à 21h (CET).

« Il y a de nombreux facteurs qui expliquent la domination du dollar dans le système financier mondial, notamment l’État de droit et la prévisibilité réglementaire », a déclaré Mujtaba Rahman. « Dans la mesure où ces éléments sont activement sapés par l’administration, cela crée, bien sûr, des risques pour l’hégémonie du dollar à long terme. »

Tordoir estime également qu’une pression pourrait s’exercer sur le dollar à l’avenir, soulignant que les États-Unis risquent de perdre leur « privilège exorbitant » de gérer la monnaie de réserve mondiale dans un avenir proche.

« C’est un scénario réel », a-t-il dit. « Je ne pense pas que cela se produira du jour au lendemain. »

Les plus vulnérables durement frappés

Les conséquences des tarifs ne se limitent pas aux grandes puissances. Les pays les plus pauvres subissent de plein fouet les hausses de droits de douane.

Le Lesotho, par exemple, est désormais soumis à un tarif de 50 %, malgré une dépendance quasi totale à l’export vers les États-Unis. D’autres pays comme le Cambodge (49 %), le Laos (48 %), ou encore le Myanmar (44 %) sont également concernés. Ces surtaxes risquent de fragiliser davantage leurs économies, déjà très exposées aux chocs extérieurs.

Ces droits, présentés comme « réciproques » par l’administration Trump, s’avèrent donc être non seulement déséquilibrés mais potentiellement dévastateurs pour les petites économies qui dépendent fortement du commerce international.

3. En cas de relance des tarifs, l’UE se tient prête

L’UE prépare sa riposte depuis des mois

« A peine assenés, les droits de douane extrêmement lourds imposés mercredi 2 avril dans le monde entier par le président Donald Trump, que les réactions, outrées, ont commencé à tomber« , rapporte Libération. « L’Europe est prête à réagir« , a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ajoutant : « Nous défendrons toujours nos intérêts et nos valeurs. Nous sommes prêts à passer de la confrontation à la négociation« , rapporte Euronews.

« Cela fait des semaines que la Commission européenne, compétente en matière de commerce, prépare sa riposte« , indique Le Monde. Le journal du soir explique que les dirigeants européens « misent encore sur un accord avec Washington, qui leur permettrait d’éviter le pire« , pensant qu’il existe « un espace pour négocier […] tant le jeu de la Maison-Blanche est dangereux pour la croissance des deux côtés de l’Atlantique« .

Pour contrer ces nouveaux droits de douane, l’exécutif européen prépare deux documents, nous apprend le quotidien français. « Le premier est une liste de mesures de rétorsion qui pourraient entrer en vigueur fin avril ou début mai, le second énumère les sujets sur lesquels les Vingt-Sept seraient prêts à négocier avec Washington si les nouveaux droits de douane américains étaient finalement suspendus. Ils seront communiqués aux Etats membres et à la Maison-Blanche à la mi-avril. »

Par ailleurs, la Commission devrait, d’ici à une semaine, envoyer aux Vingt-Sept, pour une validation avant la mi-avril, la liste des produits américains qu’elle entend surtaxer en réponse aux droits de douane sur l’acier et l’aluminium imposés depuis le 12 mars par Washington et qui concernent 26 milliards d’euros d’exportations européennes.

Pour rappel, les échanges commerciaux annuels entre les Etats-Unis et l’Union européenne atteignent environ 1 500 milliards d’euros, avec un excédent de 150 milliards d’euros pour ce côté-ci de l’Atlantique. Mais le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a tenu à rappeler que les géants américains du numérique « réalisent 25 % de leurs revenus en Europe, [soit] plusieurs centaines de milliards d’euros chaque année« . Une donnée que la Commission a évidemment en tête dans la préparation de sa riposte.

A lire aussi : Déclaration de la présidente von der Leyen sur l’annonce de tarifs douaniers universels par les États-Unis – Commission européenne

L’UE approuve des tarifs de 22 milliards d’euros contre les États-Unis

Par : Thomas Moller-Nielsen | EURACTIV.com

Les États membres de l’UE ont approuvé à une écrasante majorité, mercredi, des droits de douanes d’une valeur de 22 milliards d’euros sur les marchandises américaines en réponse aux tarifs imposés par Washington, alors que les tensions commerciales mondiales s’intensifient.

Vingt-six des vingt-sept États membres du bloc ont voté en faveur de l’imposition de droits de « rééquilibrage » compris entre 10 et 25 % sur une série de produits américains, notamment le tabac, les motos, la volaille, l’acier et l’aluminium.

Seule la Hongrie, dont le premier ministre Viktor Orbán reste un allié indéfectible de Donald Trump, a voté contre les droits de douane.

Une « majorité qualifiée » d’États membres, soit 15 pays représentant 65 % de la population de l’Union, était nécessaire pour voter contre les droits de douane et empêcher leur entrée en vigueur.

Les droits de douane, qui font suite à l’introduction par Donald Trump de tarifs de 25 % sur l’acier et l’aluminium le mois dernier, seront introduits cette année en trois étapes progressives.

« L’UE considère que les droits de douane américains sont injustifiés et néfastes, causant un préjudice économique aux deux parties, ainsi qu’à l’économie mondiale », a déclaré la Commission dans un communiqué publié à la suite du vote, ajoutant qu’elle continuerait à chercher de négocier une solution « équilibrée et mutuellement bénéfique » avec Washington.

La première série de droits de douane entrera en vigueur le 15 avril, la plupart des droits étant appliqués à partir du 16 mai. Les taxes à l’importation sur certains autres produits, dont le soja et les noix, entreront en vigueur le 1er décembre.

La Commission européenne, qui supervise la politique commerciale de l’Union, avait initialement proposé des droits de douane sur une gamme plus large de produits d’une valeur de 26 milliards d’euros.

Le bourbon a notamment été retiré de la liste des produits proposés par l’exécutif européen après la menace de Donald Trump d’imposer des droits de douane de 200 % sur les produits alcoolisés européens si des taxes étaient appliquées au whisky américain.

Bruxelles étudie actuellement sa réponse à la taxe de 25 % sur les automobiles et à la taxe générale de 20 % sur tous les produits de l’UE, cette dernière étant entrée en vigueur aujourd’hui. Une proposition officielle de la Commission est attendue d’ici la mi-mai si les deux partis ne parviennent pas à négocier une solution. Le vote de mercredi fait suite au rejet par Donald Trump d’une proposition de l’UE visant à supprimer les droits de douane sur tous les produits industriels échangés avec les États-Unis. Le président américain a annoncé que le bloc devrait plutôt acheter davantage de gaz naturel liquéfié américain.

Selon des responsables de l’UE, Washington impose désormais des droits de douane sur 370 milliards d’euros d’exportations de l’UE, soit 70 % des exportations totales du bloc vers les États-Unis. Donald Trump avait précédemment indiqué que Washington romprait ses liens commerciaux avec l’UE si Bruxelles ripostait contre ses politiques protectionnistes, qu’il juge nécessaires pour relancer l’industrie américaine. « Ils peuvent riposter, mais cela ne peut pas être une riposte efficace, parce que nous arrêterions tout net », a-t-il déclaré en février, en faisant référence à l’UE. « Nous n’achetons plus. Et si cela se produit, nous gagnons. »

Le vote intervient après que Donald Trump a tenu parole en imposant des droits de douane supplémentaires de 50 % sur les importations chinois. Pékin a riposté en augmentant ses propres droits de douane sur les exportations américaines de 34 % à 84 %. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a imposé un total de 104% de droits de douane sur les produits chinois, suscitant la crainte que de grandes quantités de produits chinois soient redirigées vers l’Europe à bas prix.

« Les États-Unis de Trump ne gagneront pas cette guerre », une conversation avec Marco Buti – 4 avril 2025

Comment l’Europe devrait-elle réagir au « Liberation Day » ?

L’Union a trois options : ne pas riposter et essayer de négocier une baisse de certains droits de douane ; adopter une approche ciblée et appliquer des droits de douane uniquement à une gamme limitée de produits, comme cela a été fait dans le cas de l’acier et de l’aluminium ; enfin, appliquer une stratégie horizontale de représailles, y compris pour les services — mais de manière intelligente, avec des exceptions pour les produits que nous devons continuer à importer des États-Unis et de manière progressive. La pire des réponses est celle qui se situe à mi-chemin : elle serait facilement déjouée par Trump qui répliquerait par une menace de droits de douane de 200 %, comme dans le cas du bourbon du Kentucky. Par conséquent, la seule véritable option est une réponse ferme et proportionnée, comme l’a annoncé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

Si elle fait preuve d’unité et de détermination, l’Union a d’excellentes cartes à jouer. Les États-Unis, qui viennent d’effacer en moins de deux mois l’héritage économique positif du président Biden, ne sont pas aussi forts qu’ils veulent nous le faire croire.

L’Union devrait être prête à se servir de l’instrument anti-coercition.

Ce petit jeu tarifaire est non seulement critique sur le plan économique, mais aussi pour des raisons politiques et institutionnelles. Fondamentalement, l’équipe Trump-Vance méprise l’Union non pas pour ses actions, mais pour ce qu’elle est. Il serait dramatique de valider la perception d’une Union faible et divisée.

L’instrument de lutte contre la coercition nous permet d’élargir la réponse à d’autres domaines que les droits de douane. Il a été conçu pour être utilisé contre la Chine : il est tragique qu’il soit utilisé contre les États-Unis. Mais l’Union devrait être prête à recourir à cette option.

Les États-Unis ne gagneront pas cette guerre, mais cela ne signifie pas pour autant que ce sera facile pour nous.

Nous ne sortirons pas de cette situation en faisant preuve de gentillesse ou en les charmant. Nous devons montrer que l’Europe est capable de tenir tête en tirant parti de notre puissance économique, notamment en ce qui concerne le commerce. La présidente de la Commission devra être forte car elle fera face à la pression politique de plusieurs États membres pour diluer notre réponse aux droits de douane de Trump. La pire chose que nous puissions faire serait de montrer aux Américains nos divisions : c’est précisément dans cette plaie-là que Trump remuera le couteau. Cela ne signifie pas qu’il faille couper tous les canaux de communication avec l’administration. Mais lorsqu’il s’agit de négocier, les États membres ne devraient pas saper les actions de la Commission.

Il est devenu évident que le parapluie américain n’est plus là — et ne le sera pas à l’avenir.

Nous devons aussi réduire la vulnérabilité de l’économie européenne et de notre modèle de croissance. Trop souvent, nous avons compté sur la demande extérieure. Or c’est là le comportement typique d’un petit pays, pas d’une grande Union. L’Europe est une puissance économique, nous ne pouvons pas nous comporter ainsi. Notre tâche consiste maintenant à réorienter notre modèle européen. Nous devons mettre l’accent sur le développement des biens publics européens et, pour ce faire, nous devrons restructurer le budget de l’Union.

Enfin, l’Europe devra reconstruire le multilatéralisme de bas en haut. Nous ne pouvons pas compter sur les institutions de Bretton Woods — telles que le FMI, la Banque mondiale ou l’OMC — car elles ont été affaiblies par les États-Unis depuis des années — avant que Trump ne leur assène le coup fatal.

Un actif sûr et un rôle international plus fort de l’euro sont également des éléments clefs d’une réponse structurée aux décisions tarifaires de Trump.

Il est crucial d’éviter la fragmentation du marché, en particulier du marché obligataire. La Banque centrale européenne et la Commission sont parvenues à éviter une telle fragmentation pendant la pandémie. D’une certaine manière, cela pourrait être l’occasion de relancer le débat sur la création d’un véritable actif européen sûr.

Un actif européen sûr est essentiel pour renforcer la domination internationale de la monnaie unique. Il permettra également de protéger l’économie européenne. Cela nécessite toutefois un changement de mentalité en matière d’aléa moral et de mutualisation de la dette.

La BCE peut jouer un rôle de catalyseur dans ce domaine.

4. Autres réactions internationales : entre colère, inquiétude et repositionnements

Alors que l’Union européenne prépare sa propre riposte, d’autres grandes puissances et partenaires commerciaux des États-Unis ont vivement réagi à la décision de Washington. Entre indignation diplomatique, ajustements économiques et repositionnements géopolitiques, les réactions autour du globe témoignent de la portée mondiale de cette nouvelle guerre commerciale.

La réponse rapide et ferme du Canada

Le Canada a dévoilé un plan visant à imposer des droits de douane sur 155 milliards de dollars canadiens d’importations (produits agricoles, volailles, spiritueux, véhicules électriques, aluminium et acier, etc). Le pays va être particulièrement touché par les tarifs de 25 % imposés le 12 mars sur l’acier et l’aluminium.

  • 25 % à partir du 13 mars sur l’équivalent de 20,8 milliards de dollars de biens américains.
  • 25 % sur les importations automobiles en provenance des États-Unis.
  • 25% des droits de douane, en deux vagues (en pause depuis le 6 mars), sur :

Le jus d’orange, le beurre de cacahuète, le vin, les spiritueux, la bière, le café, les appareils électroménagers, les vêtements, les chaussures, les motos, les cosmétiques, la pâte à papier. En pause depuis le 6 mars, pour un total de 30 milliards de dollars canadiens (20,7 md $) de marchandises américaines.

Deuxième vague : les véhicules et camions, les produits en acier et en aluminium, certains fruits et légumes, les produits aérospatiaux, le bœuf, le porc, les produits laitiers, les véhicules de loisirs et les bateaux de plaisance pour un total de 125 milliards de dollars canadiens (86,3 md $) de produits.

La Chine hausse le ton

Pekin a introduit des tarifs de 125 % sur les importations américaines. Sans surprise, la cible principale des surtaxes, avec un niveau record de 104 % imposé sur ses produits, a immédiatement réagi. Le ministère du Commerce chinois a promis des mesures « fermes et vigoureuses » pour défendre ses intérêts.

« La Chine a promis mercredi des mesures ‘fermes et vigoureuses’ pour défendre ses intérêts, après l’entrée en vigueur des derniers droits de douane américains sur les produits chinois. »

Cette réaction marque une nouvelle escalade dans les tensions sino-américaines, renforçant les craintes d’un découplage économique durable entre les deux premières économies mondiales.

La Russie dénonce un mépris du droit international

Moscou, bien que non concernée par les nouvelles surtaxes, a vivement critiqué la démarche américaine. La diplomatie russe a accusé Washington de violer les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

« La dernière décision douanière de la Maison Blanche […] viole les règles fondamentales de l’OMC, et montre que Washington ne se considère pas lié par les normes du droit commercial international », a dénoncé la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. Elle a également souligné que cette guerre commerciale est d’autant plus inquiétante qu’elle concerne les deux principales économies mondiales.

Le Royaume-Uni accélère ses accords commerciaux

Face à un contexte international en mutation rapide, le Royaume-Uni entend tourner la page du partenariat économique prioritaire avec les États-Unis. La ministre des Finances Rachel Reeves a déclaré :

« Dans un monde qui change, ce gouvernement accélère les accords commerciaux avec le reste du monde pour soutenir les entreprises britanniques et assurer la sécurité aux travailleurs. »

Cette posture post-Brexit reflète une volonté de diversification des échanges et de réduction de la dépendance à l’égard des États-Unis.

Coopération renforcée entre le Vietnam et l’Espagne

Certaines nations, prises en étau par les surtaxes américaines, ont choisi de renforcer leurs alliances commerciales bilatérales. C’est le cas du Vietnam et de l’Espagne, qui ont signé une déclaration conjointe visant à hisser leur partenariat au plus haut niveau.

« Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, en visite à Hanoï, a signé une déclaration conjointe avec son homologue vietnamien Pham Minh Chinh, visant à élever les liens des deux pays à un niveau de partenariat stratégique global. »

Cette démarche illustre une dynamique plus large de recomposition des alliances économiques à travers le monde.

Conclusion : Guerre commerciale, ou théâtre politique ?

Alors que le monde s’efforce encore de comprendre la logique des annonces successives de Donald Trump, une certitude demeure : la politique commerciale américaine n’a plus rien de rationnel ni de stable. Elle avance par coups d’éclat, improvisations tactiques, volte-faces tonitruantes et calculs électoraux à courte vue. Derrière les surtaxes et leur suspension, il y a moins une stratégie qu’un réflexe : celui de nourrir l’illusion d’un président en guerre pour son peuple.

Dans cet étrange théâtre, les droits de douane ne sont pas tant une arme économique qu’un accessoire de mise en scène. Chaque décret signé, chaque humiliation publique, chaque pic adressé à la Chine ou à Bruxelles vise moins à défendre une industrie nationale qu’à entretenir un récit : celui d’un chef qui frappe, impose, protège, sans jamais avoir à rendre de comptes. Le réel ? Il viendra plus tard.

Philippe Aurain l’écrivait dans une tribune visionnaire : « Dans le monde virtuel trumpien, l’électeur est ‘payé’ par la signature du décret, l’humiliation télévisuelle, la proclamation d’une victoire factice. » Ce n’est pas la prospérité qui guide ces décisions, mais l’apparence de puissance. Le protectionnisme devient performatif. Il rassure les « déclassés » américains, flatte les égos souverainistes, et conforte un monde où « il n’y a pas d’amis, d’alliés, d’adversaires. Il y a des entités à dominer, contrôler, combattre ou associer au gré des intérêts ».

Mais cette mise en scène a un coût. Économique, d’abord : les droits de douane — même provisoires — freinent les échanges, renchérissent les prix, désorganisent les chaînes d’approvisionnement et creusent les inégalités. Géopolitique, ensuite : à force de transformer chaque partenaire en cible potentielle, Trump pousse le reste du monde à se coaliser contre les États-Unis. Et enfin institutionnel : à jouer avec le feu du populisme autoritaire, il met à l’épreuve les contre-pouvoirs américains, qui, jusque-là, tenaient bon.

La « petite apocalypse » décrite par Aurain n’est pas seulement économique. Elle est démocratique. Car à force de briser les règles, de renverser les cadres, d’élargir la fenêtre d’Overton jusqu’à en faire tomber les murs, c’est la politique elle-même qui devient un champ de ruines. Reste à savoir si, à l’issue de cette pause de 90 jours, il restera autre chose que des cendres diplomatiques, du désordre stratégique… et un président en campagne.

Il faudra bien un jour que les faits reprennent le dessus sur les tweets. Mais d’ici là, préparez-vous : la pièce ne fait que commencer.

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Sources :

Trump et la guerre commerciale : l’Observatoire | Le Grand Continent

What’s really unfair about Trump’s reciprocal tariffs | Article | Hinrich Foundation

Donald Trump dévoile ses nouveaux droits de douane contre le reste du monde, l’UE se dit « prête » à riposter – Touteleurope.eu

Droits de douane : coup de tonnerre, Trump suspend une partie des droits réciproques pour 90 jours | Les Echos

Donald Trump annonce une « pause » de 90 jours des droits de douane réciproques pour 75 pays – Touteleurope.eu

« Il faut être flexible », justifie Trump après sa volte-face sur les droits de douane | Les Echos

« Trump : la petite apocalypse et la transaction factice » | Les Echos