Pacte asile et migration : 8 ans de travail et 10 textes

Ce mercredi 10 avril, les députés européens ont approuvé le Pacte sur l’asile et la migration en session plénière à Bruxelles. Cet ensemble de textes a pour objectif de définir la nouvelle politique migratoire de l’Union européenne.

Le projet de Pacte sur la migration et l’asile vise à renforcer la lutte contre l’immigration illégale et accélérer la reconduction des personnes en situation irrégulière.

Il prévoit une nouvelle procédure de filtrage aux frontières de l’Union européenne, afin d’accélérer le traitement des demandes d’asile pour les personnes peu susceptibles de l’obtenir. 

Il veut également rendre les Etats membres plus solidaires les uns des autres pour éviter la concentration des demandeurs d’asile dans certains d’entre eux.

La Commission européenne a présenté son Pacte sur la migration et l’asile le 23 septembre 2020. Un paquet de textes qui ambitionne de réformer la politique en la matière : celle-ci a en effet été marquée par son inefficacité lors des crises migratoires, comme en 2015

Depuis les années 2000, la gestion des demandes d’asile incombe essentiellement aux premiers pays de transit des migrants, en vertu du règlement de Dublin. Ce sont notamment l’Italie et la Grèce, au sud de l’Europe, qui se retrouvent en première ligne pour accueillir les demandeurs ayant traversé la Méditerranée. A l’inverse, la plupart des Etats d’Europe de l’Est n’acceptaient, jusqu’à l’éclatement du conflit ukrainien, que très peu de réfugiés sur leur territoire. Par ailleurs, un certain nombre de migrants effectuent de fait leur demande dans un pays autre que celui de leur première arrivée, un phénomène qualifié de “mouvements secondaires” et proscrit par le système de Dublin. 

Pendant ce temps, les naufrages en mer se succèdent : après un pic en 2015, plus de 3 000 migrants ont de nouveau péri ou disparu en Méditerranée en 2023, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce sont ainsi plus de 40 000 migrants qui ont été portés disparus depuis 2014 après avoir tenté la traversée, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Par ailleurs, 1,14 million de demandes d’asile ont été effectuées dans l’Union européenne en 2023, tandis que 355 300 personnes sont entrées irrégulièrement dans l’UE la même année selon Frontex, soit le chiffre le plus élevé depuis 2016.

Le nouveau Pacte propose de remédier aux nombreuses failles de la politique d’asile européenne, en renforçant les contrôles aux frontières, notamment pour dissuader les volontaires au départ, et en organisant la gestion de l’asile en particulier lors de situations de crise. 

En septembre 2022, Parlement européen et Conseil de l’UE se sont engagés à œuvrer en vue d’une adoption du Pacte avant les élections européennes de 2024. Le 20 avril 2023, le premier a adopté sa position de négociation sur quatre textes de la réforme, dont ceux portant sur la solidarité entre Etats membres dans l’accueil des exilés, le filtrage des migrants et les migrations légales. Le 8 juin, le Conseil est à son tour parvenu à un accord politique à la majorité qualifiée de 21 membres (quatre pays se sont abstenus sur le volet “solidarité” du pacte, la Hongrie et la Pologne ont voté contre). Le 4 octobre 2023, c’est le volet “crise” qui a obtenu un accord du Conseil. 

Cinq textes clés du Pacte ont fait l’objet d’un compromis entre Parlement et Conseil le 20 décembre 2023 : gestion de l’asile et de la migration, situations de crise et force majeure, mise à jour de la base de données Eurodac, filtrage et procédure d’asile commune. Le 8 février 2024, le Conseil a adopté trois textes ayant fait l’objet d’un accord avec le Parlement en 2022 : règles uniformes pour les demandes d’asile, meilleures conditions d’accueil et nouveau cadre de l’UE pour la réinstallation. 

Le 10 avril 2024, le Parlement européen a adopté dix textes (neuf règlements et une directive) du Pacte sur la migration et l’asile. Sous réserve de l’approbation du Conseil de l’Union européenne, celui-ci entrerait en application en 2026 pour l’essentiel, avec un délai raccourci de dix-huit mois pour le règlement filtrage. La Commission européenne a prévu de présenter un plan d’action aux Etats membres sur la mise en place de ce nouveau paquet législatif lors du Conseil européen de juin 2024.

Dans le cadre de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel, le budget européen consacré à la gestion des migrations a été augmenté en février 2024 de près de 2 milliards d’euros sur la période 2021-2027.

Les députés européens se sont (enfin)prononcés sur dix textes  composant le Pacte asile et migrations - Crédits : Philippe BUISSIN / Parlement européen
Les députés européens se sont prononcés sur les dix textes qui composent le Pacte asile et migrations – Crédits : Philippe BUISSIN / Parlement européen

Fin de parcours pour le pacte européen sur l’asile et la migration. Ce mercredi 10 avril, les députés européens, réunis en mini-session plénière à Bruxelles, ont adopté l’ensemble des dix textes constituant cette vaste réforme de la politique migratoire de l’Union européenne. Une adoption non sans mal d’une législation qui a suscité de vifs débats et cristallisé les tensions, notamment dans la dernière ligne droite qui coïncide avec la campagne pour les élections européennes de juin prochain.

Huit ans de négociations

Cette refonte des règles communes en matière d’asile et d’immigration se base sur une proposition de la Commission européenne dévoilée en septembre 2020, après l’échec d’une précédente proposition présentée en 2016. Le vote favorable des eurodéputés permet donc de voir le bout de ces longs débats qui auront duré près de huit ans.

Les différents textes qui composent ce pacte prévoient notamment l’instauration d’un mécanisme de solidarité obligatoire envers les pays de l’UE soumis à une pression migratoire, d’un contrôle préalable des migrants à l’entrée dans l’UE, de nouvelles procédures de traitement des demandes d’asile ou encore de conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile.

En décembre 2023, les négociateurs du Parlement européen et des Etats membres étaient parvenus à un accord qui ouvrait la voie à une telle adoption. Une nouvelle étape avait ensuite été franchie en février 2024, lorsque le Pacte migratoire européen avait été adopté en commission des Libertés civiles au Parlement européen. Ce vote en session plénière, avec l’ensemble des députés européens, constituait donc l’ultime étape d’envergure, avant de voir le texte s’appliquer.

Désormais, le Pacte sur l’asile et la migration doit être formellement validé par le Conseil de l’UE, avant d’entrer en vigueur probablement dans le courant de l’année 2026.

La fin du système de Dublin ?

Quelques jours avant la présentation du Pacte sur la migration et l’asile en 2020, Ursula von der Leyen avait annoncé vouloir “abolirle règlement de Dublin”, qui régit l’accueil des demandeurs d’asile depuis 1990. Un système peu efficace et dénoncé par les Etats en première ligne dans la gestion des demandes d’asile.

Peu après la crise des réfugiés de 2015, année où 1,28 million de demandes d’asiles avaient été déposées sur le territoire de l’UE (contre environ 966 000 en 2022), la précédente Commission avait tenté de faire adopter plusieurs réformes. Un projet resté lettre morte face aux réticences des Etats membres à faire preuve de plus de solidarité dans l’accueil des migrants. Ceux-ci se concentrent en effet dans les pays d’arrivée des routes migratoires : l’Italie, la Grèce, l’Espagne ou encore Malte.

Conformément au système de Dublin, les demandes d’asile ont majoritairement été traitées dans les pays d’entrée sur le territoire européen. Bien qu’un système de relocalisation des demandeurs ait été adopté, sa mise en œuvre a été largement limitée. L’hostilité de plusieurs pays européens, dont ceux du groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), a largement contribué à cet échec. 

Adopté en 2016, un accord controversé avec la Turquie a néanmoins permis de limiter l’afflux de migrants sur le territoire européen. En contrepartie d’une rétribution financière, le pays s’est engagé à exercer des contrôles plus stricts à ses frontières pour juguler l’immigration illégale ainsi qu’à accueillir tous les migrants illégaux venus de son territoire et arrêtés en Grèce. L’année suivante, un accord similaire a été conclu avec la Libye. En juillet 2023, c’est avec la Tunisie que l’UE a conclu un tel partenariat, puis en mars 2024 avec la Mauritanie et l’Egypte. 

De fait, le nouveau projet ne semble pas remettre fondamentalement en cause la règle générale de Dublin : qu’importe le pays de l’UE où le demandeur d’asile se trouve, il verrait sa demande traitée par le pays qui a enregistré son arrivée sur le sol européen. 

Certaines exceptions permettent aujourd’hui de déroger à ce principe, comme la présence d’un membre de sa famille dans un autre Etat membre. Le Pacte y ajoute de nouveaux critères d’exception, tels que l’intérêt de l’enfant, les diplômes, les relations significatives avec le pays et les connaissances linguistiques du demandeur. Les cas de regroupement familial seront par exemple traités en priorité et les liens familiaux identifiés rapidement.

https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/pacte-asile-et-migration-le-parlement-europeen-adopte-l-ensemble-des-textes-apres-8-ans-de-travail/

Complément : https://youtu.be/OhTrZr9a2LI?si=opWJsIKuxq9oJpv0