L’Europe, le projet d’Emmanuel Macron

Synthèse personnelle des étudiants de l’ESSEC : Anaïs de Balorre, Diane Karcher-Mourgues, Lydia Kerbache, Sarah Kettani – cours  Droit et politiques de l’Europe – novembre 2017

“L’Europe est une idée portée depuis des siècles par des pionniers, des optimistes, des visionnaires”. Telle est l’expression utilisée par Emmanuel Macron lorsqu’il présente sa vision du projet européen. Si le Président de la République Française opte pour un ton optimiste et défend ardemment les bienfaits d’un projet europhile, force est de constater que l’Europe est aujourd’hui dans une impasse, et que les outils destinés à rapprocher les peuples creusent les écarts civilisationnels et renforcent le sentiment eurosceptique alimenté par la montée du populisme.

Dans quelle mesure l’Europe d’Emmanuel Macron est-elle réellement porteuse de réformes

Une vision résolument europhile  : la vision « Macronienne » de l’Europe

Le président Emmanuel Macron a récemment livré lors d’un discours à la Sorbonne sa vision d’une refonte de l’Europe, accompagnée de propositions concrètes afin de conduire une nouvelle politique européenne. Afin de relever le défi d’une nouvelle Union évoluant au coeur des crises internationales actuelles, l’Europe selon Macron doit d’abord être unie et forte. Le président français présente une vision d’une Europe qui s’impose dans le monde par l’exercice d’une politique commune, afin d’offrir une réelle souveraineté aux pays européens, qui s’entend d’un point de vue des enjeux de défense et des frontières externe de l’UE.

L’Europe de Macron se doit également d’être un moteur d’innovation économique tant pour l’industrie et les services qu’en ce qui concerne le secteur agricole. Cette dynamique d’innovation se doit nécessairement de passer par une avance constante en terme de transition écologique afin de pérenniser l’avenir économique et écologique de l’Europe.

La thématique d’une union forte est fortement présente avec la vision d’un marché unique renouvelé qui encouragerait plus la convergence que la concurrence entre les marchés. Une convergence fiscale est donc nécessaire en plus d’une convergence sociale. Le sentiment d’union chez les citoyens est également au coeur de la vision macronienne de l’Europe; il souhaite pousser à la création d’un réel sentiment d’appartenance à l’Europe et ce par des échanges culturels et une coopération forte d’un point de vue du savoir tant au niveau académique que professionnel.

Le thème de la démocratie au sein de l’Europe est au coeur de la vision développée par le président. Il affirme dans ce sens qu’une souveraineté européenne ne peut se dispenser du maintien fort des principes démocratiques. Une réflexion commune consister à repenser la démocratie européenne et poussant à des débats nationaux et transnationaux pour la création de convention démocratiques sont nécessaires pour un tel maintien.

Cette vision s’accompagne de propositions développées dans un projet à l’horizon 2024. Le rôle du couple franco-allemand dans la mise en place de ces propositions est explicité, en mettant en évidence l’intérêt premier de l’impulsion franco-allemande dans la réalisation de réformes européennes. Emmanuel Macron souhaite une refonte des institutions de l’Europe et un renouveau des relations entre les Etats afin d’avoir une Europe unie mais différenciée, à l’écoute des différents membres. La réussite d’une telle proposition passe nécessairement par l’implication de chaque membre de l’UE dans une réflexion commune.

Source : Bruxelles afp.com/Aurore Belot

Les propositions de réformes de la politique européenne

Emmanuel Macron insiste tout d’abord sur la vitalité d’une Europe souveraine, qu’il compte construire autour de six axes stratégiques: sécurité (politiques de défense et de lutte contre le terrorisme communes), maîtrise des frontières (gestion commune de la crise des migrants), partenariat spécifique avec l’Afrique et la Méditerranée (prolongement du processus de Barcelone et aide au développement de l’Afrique), transition écologique et agricole (réforme de la PAC, marché européen de l’énergie…), numérisation de l’Europe (création d’une Agence Européenne pour l’Innovation, renforcement du couple franco-allemand dans la coopération pour l’intelligence artificielle), Europe puissance économique et industrielle (création d’un Ministère Européen des finances, poursuite d’une politique spatiale, consolidation d’une industrie européenne compétitive).

Le Président de la République  française défend également l’importance d’une Europe unie, qu’il envisage de construire et consolider autour d’une convergence sociale et fiscale. Il entend également mener cette mission en créant un sentiment d’appartenance par la culture et le savoir, notamment en renforcement des échanges ainsi que le réseau d’universités européennes.

Enfin, Emmanuel Macron réaffirme l’une des missions phares de l’Europe: pérenniser les institutions démocratiques. Pour cela, le Président espère développer des conventions démocratiques ; il entend également mettre le Parlement Européen au coeur de la transformation de l’Europe, en demandant la modification des modalités des élections européennes, et renforcer le rôle des institutions européennes en proposant de modifier la structure de la Commission Européenne. Le couple franco-allemand constitue par ailleurs un moteur du projet européen selon la vision macronienne, qui prône une intégration totale des marchés français et allemands d’ici 2020.

La vision d’Emmanuel Macron s’organise ainsi autour de deux piliers: la consolidation de valeurs communes, par la création du “groupe de la refondation européenne”, et la transparence des accords et traités afin de renforcer la solidité du marché unique.

 Une vision limitée par une réalité politique et économique complexe

Un climat politique tendu

Si le discours prononcé par Emmanuel Macron en Sorbonne semble volontariste et a été largement salué par les autorités européennes – Jyrki Katainen l’a même qualifié de “rafraîchissant” -, il convient de ne pas oublier le contexte politique et économique dans lequel celui-ci s’inscrit. Sa difficulté nous incite à modérer notre enthousiasme.

En effet, les diverses élections dans toute l’Union ont vu une montée de partis anti-européens : UKIP, le FN, la France Insoumise ou encore l’AFD, un parti allemand d’extrême-droite qui a fait son entrée au Bundestag en septembre, une première depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les dirigeants ont donc de partout les mains liées, et toute proposition d’approfondissement de l’Union sera reçue avec beaucoup de scepticisme, si ce n’est une opposition franche et systématique.

Ainsi, en Allemagne, Angela Merkel, difficilement réélue, va être contrainte de former une coalition avec les libéraux du FDP, lesquels ont déjà prévenu par l’intermédiaire de la voix de leur président Christian Lindner qu’ils ne voulaient pas “de nouveaux budgets pour des transferts financiers en Europe”, ni “un budget de la zone euro où l’argent atterrirait en France pour les dépenses publiques ou en Italie pour réparer les erreurs de Berlusconi”. Le couple franco-allemand, crucial pour faire avancer l’Europe, va donc être sérieusement mis à mal. De plus, la réputation de la France comme “homme malade de l’Europe”, croulant sous la dette publique, sera un frein à la crédibilité d’Emmanuel Macron pour proposer des réformes en Europe.

Une Europe à plusieurs vitesses ?

Il persiste, entre les Etats membres, des désaccords de fond sur les chantiers d’approfondissement prioritaires de l’Union Européennes. Sur le sujet du travail par exemple, alors que Emmanuel Macron s’est engagé dans une campagne de durcissement de la directive sur les travailleurs détachés, la Pologne, premier pourvoyeur européen de salariés détachés, refuse de revenir sur ce texte favorable à ses nationaux. La confrontation se veut virulente puisque la première ministre polonaise Beata Szydlo a déclaré que le chef de l’État français ne pourrait pas décider seul de l’avenir de l’Europe.

Face à ces discordes qui affaiblissent l’approfondissement de l’Union, Le Président Macron propose une “Europe à plusieur formats”, tirée par des pays “pionniers” qui sont prêts à avancer sur les dossiers importants tel que celui l’Europe de la défense soutenus d’ailleurs par la Pologne. La solution prônée se situe dans une Europe qui avancera à plusieurs vitesses. Laisser les Etats membres volontaires avancer vers une meilleure intégration européenne, et permettre aux autres de rejoindre, ou pas, les pays pionniers, comme cela a été le ca pour les accords de Schengen.

Et de préciser que la coopération renforcée est un concept existant en droit de l’UE , il n’y a plus qu’à l’incarner. Introduite par le Traité d’Amsterdam en 1997, la coopération renforcée constitue une modalité particulière de différenciation du rythme de participation des États membres à l’approfondissement de l’Union européenne (cf. art. 43-45 TUE, art. 326-334 TFUE).