« Oui bien sûr », tweete le Président Trump le 20 juillet. « Chine, Union européenne et autres ont manipulé leurs changes et leurs taux d’intérêt à la baisse, pendant que les US montent leurs taux et que le dollar devient chaque jour plus fort, ce qui nous prive de notre gros avantage compétitif. Comme toujours, pas un jeu égal ». Il reprend ce message fin août, d’autant plus qu’il voit la Banque centrale américaine monter ses taux en septembre et en décembre, en attendant 2019.
« Non bien sûr », écrit le Trésor américain dans son rapport sur les politiques de change de 2017. Pour rendre ce verdict, opposé à celui du Président, le Trésor s’intéresse à des pays qui manipulent leur monnaie selon trois critères : en étant excédentaires avec les Etats-Unis pour au moins 20 milliards $, en ayant un excédent de compte courant d’au moins 3% de leur PIB, en achetant des devises étrangères pour au moins 2% de leur PIB sur 12 mois, donc en vendant la leur pour la faire baisser. Mais aucun pays ne coche ces trois cases ! Bien sûr, Chine (375 milliards de dollars), Japon (69), Allemagne (64), Inde et Corée (23 milliards chacun) ont plus de 20 milliards $ d’excédents commerciaux, sans oublier Mexique (71) et Italie (32). Bien sûr, les excédents des comptes courants pèsent plus de 2% du PIB pour l’Allemagne (8,1% !), la Corée (5,1%), le Japon (4%) et surtout la Suisse (9,8%). Troisième critère : deux pays. L’Inde a acheté pour 2,2% de son PIB de devises, mais de façon transparente et pour regonfler ses réserves dit-elle. Ok ! Surtout, la Suisse a acheté des devises (dollar), pour 6,6% de son PIB ! Mais, même si elle essaie de faire baisser son Franc Suisse, il reste fort et le pays très exportateur ! Manipulateurs, ces Suisses, ou dans un paradis fiscal ? Le Trésor américain va les surveiller. Mais ce diable de Yuan est stable et la Banque centrale chinoise vient d’indiquer qu’un mécanisme (?) l’empêchera dorénavant de baisser !
Chou blanc : pas un seul vrai manipulateur. Mais, quand même, le Trésor américain les prévient tous. La Chine doit faire plus de réformes (pro market bien sûr), consommer plus, investir moins. Le Japon doit mener des réformes structurelles, pour soutenir sa croissance. La Corée doit encourager sa demande interne, et faire monter le Won. L’Inde a assez de réserves : la roupie doit monter. Et la Suisse doit vendre de ses réserves pour faire baisser le Franc suisse, ce refuge surfait.
Et l’Allemagne ? Quelle manipulatrice cachée de la monnaie celle-là, puisqu’elle n’en a pas en propre ! C’est pourtant elle, le premier excédent en compte courant du monde ! Le Trésor américain lui demande alors de soutenir sa consommation et son investissement – donc d’importer plus, tout en baissant la fiscalité à la consommation – donc de réduire son excédent budgétaire. C’est le Trésor US qui parle ! A moins que ce ne soient le FMI, Bruxelles ou ses collègues de la zone euro !
Oui, l’euro est manipulé, mais dans deux sens qui se compensent. Il est faible pour ceux qui exportent beaucoup (on aura reconnu l’Allemagne) et fort pour ceux qui n’y arrivent pas (on aura reconnu la France). Il échappe ainsi au radar américain, puisqu’il est, dans son ensemble, de 3% inférieur à sa moyenne calculée en termes réels sur 20 ans et de 1% supérieur au dollar sur la même période. Pas de quoi fouetter l’euro donc, et pourtant…
Côté Allemagne, le mark, s’il revenait, serait supérieur d’au moins 15% face à ses excédents ! L’euro aide donc l’Allemagne à exporter beaucoup, d’autant qu’elle ne consomme ni n’investit assez en infrastructures et dépenses militaires. Et donc, puisqu’il n’y a qu’un seul euro, il est trop fort pour les autres ! Ils exportent et avancent lentement, mais ne disent rien ! Alors l’Allemagne continue de manipuler l’euro à la baisse et à son avantage, ce qui fait monter les tensions dans la zone. De cela le Trésor américain ne dit mot, sauf s’il souhaite l’accident.
Donald Trump ne tweetera donc pas que l’euro-allemand est manipulé à la baisse, alors que c’est vrai, un peu parce c’est compliqué pour lui, plus parce que c’est notre faute. Alors nos taux d’intérêt à court terme restent ici à zéro pour soutenir la reprise. Alors l’épargnant allemand va se plaindre, des bulles immobilières et financières grossir, mais l’euro reste faible. Ce qui aide l’Allemagne !
Pire, avec ces taux si faibles, plus la peine de faire des réformes, mieux vaut s’endetter : « l’Allemagne paiera » ! C’est risqué, de manipuler.