Les M&Ms – Merz, Macron et l’Avenir de l’Europe : Rupture ou Continuum ?

GRAIN de SEL :

Les élections fédérales allemandes ont donc rendu leur verdict le 23 février. Les conservateurs de la CDU et leurs alliés de la CSU ont remporté le scrutin sans trop de surprise avec une percée historique de l’extrême droite mais contenue à ce qui était attendu.

C’est un tournant pour l’Europe et la place de l’Allemagne dans le monde. Merz, nouvel homme fort du pays avec ne l’oublions pas une présidente de la Commission allemande et émanant de son parti et un autre homme fort au Parlement Européen: le leader du PEE

Que signifie l’arrivée au pouvoir de F. MERZ particulièrement pour l’axe franco-allemand, la dynamique européenne et l’évolution de la politique allemande ? Merz est un proche de Schäuble, décédé en 2023, dont le tryptique était : une forte vision pro-européenne et la conviction que les Européens doivent assurer leur propre défense. Face au danger que représente les prises de positions radicales de Trump en Ukraine mais plus généralement l’abandon du soutien US de l’Europe en termes de défense, cette détermination devrait aller grandissant et MERZ rejoindre la Pologne qui assume la présidence (D. Tusk) et Macron qui pour le moment se positionne en avant garde des Etats déterminés à agir .

Des positions-clés mieux compatibles avec les vues françaises: l’autonomie stratégique européenne et l’envoi de missiles de longue portée (Taurus) pour l’Ukraine. Il n’est pas contre revenir sur la règle constitutionnelle disputée limitant le déficit annuel du gouvernement fédéral à 0,35 % du PIB pour doper l’investissement. Il laisse entrouverte la porte à des émissions obligataires européennes pour la défense. Mais la France devra mettre de l’eau dans son vin à propos du Mercosur par exemple, après n’est ce pas honnêtement raisonnable de le faire alors qu’une guerre commerciale avec les USA est annoncée

Lire aussi :

Une analyse avant les élections qui donne déjà nombre d’éléments

Paris espère beaucoup de ce nouveau chancelier

L’appel de Merz à l’Europe avec un verbatim 

« Je suis déterminé à mettre à profit les deux années restantes du mandat du président Emmanuel Macron pour réaliser avec lui la vision d’une Europe souveraine », disait Friedrich Merz déjà en janvier 2025.

Vidéo sur ARTE :

ANALYSE

Une analyse des résultats

Jamais le scrutin fédéral n’avait autant mobilisé les électeurs outre-Rhin. Ce dimanche, les Allemands ont élu leurs 630 représentants au Bundestag, l’équivalent de notre Assemblée nationale. Des élections fédérales historiques, au moins sur le plan de la participation : 82,5 % des électeurs se sont rendus aux urnes, un record depuis la réunification allemande en 1990. 

Le malheur du BSW fait le bonheur des conservateurs et des sociaux-démocrates. Avec respectivement 208 et 120 sièges, les deux formations historiques disposent donc à elles deux d’une courte majorité au Bundestag. Une situation qui n’aurait pas été possible si le BSW avait dépassé la barre des 5 %, et mécaniquement engrangé une trentaine d’élus.

La situation libère donc la voix à Friedrich Merz pour devenir le futur chancelier. Agé de 69 ans, il devrait donc pouvoir gouverner à la tête d’une « grosse coalition » (große Koalition ou « Groko » en allemand) composée des conservateurs (CDU/CSU) et des sociaux-démocrates (SPD).

Avec 152 élus, l’AfD va devenir la principale force d’opposition. Tandis que les Verts et Die Linke compteront respectivement 85 et 64 membres au Bundestag. Enfin, le petit parti régional SSW obtient un élu : représentant une minorité ethnique, en l’occurrence les Danois du Schleswig-Holstein, il est exempté de la règle des 5 % requise pour obtenir des sièges au Bundestag. 

Vers un duo franco-allemand réoxygéné ?

Lorsque Friedrich Merz est venu à Paris en décembre 2023 pour un tête-à-tête avec Emmanuel Macron, il a pris le temps de rendre visite à Anselm Kiefer dans son atelier de Croissy-Beaubourg. Ce choix révèle bien plus qu’un simple goût pour l’art : il illustre une proximité idéologique et une volonté d’ancrer le couple franco-allemand dans une vision européenne renouvelée.

Comme Kiefer, Merz et Macron partagent une fascination pour la grandeur historique et une approche pragmatique de la politique. Contrairement à Olaf Scholz, dont le style froid et distant a souvent ralenti l’élan du tandem franco-allemand, Merz semble prêt à relancer la coopération bilatérale.

Fidèle à la tradition du Westbindung d’Adenauer, il défend un ancrage occidental indéfectible de l’Allemagne, combinant fidélité aux États-Unis et engagement européen. Pour lui, l’Europe est le levier stratégique permettant à l’Allemagne de s’affirmer sur la scène mondiale, ce qui rapproche son approche de celle de Macron.

Un Weimar élargi : Rome et Madrid dans l’équation ?

L’une des critiques majeures de Merz envers Scholz réside dans l’oubli du triangle de Weimar, qui réunit l’Allemagne, la France et la Pologne. Il plaide pour un élargissement de cette dynamique à Rome et Madrid, renforçant ainsi une Europe plus souveraine et capable de s’affirmer face aux États-Unis et à la Chine.

Ce repositionnement stratégique s’appuie sur des convergences entre conservateurs européens : discipline budgétaire, défense européenne, restriction de l’immigration. En redonnant une place centrale à la relation avec Varsovie et en intégrant Rome et Madrid, Merz veut consolider une alternative à l’axe traditionnel Paris-Berlin.

Oui, mais Merz est un atlantiste et un pragmatique : quelle coalition gouvernementale ?

Merz incarne un conservatisme ordolibéral strict et un atlantisme assumé. Il a dirigé le forum transatlantique Atlantik-Brücke, rejeté Nord Stream II et adopté une position dure vis-à-vis de la Russie et de la Chine.

Sa vision économique repose sur un retour au capitalisme actionnarial, inspiré de l’Agenda 2010 de Gerhard Schröder. Il veut alléger les impôts, réduire les allocations chômage et lever les restrictions sur les voitures thermiques après 2035. Ce programme séduira-t-il le FDP ?

Quant aux Verts et au SPD, bien qu’idéologiquement distants, ils pourraient être tentés par une coalition de raison face à l’AfD. Si une alliance CDU-FDP semble naturelle, l’avenir pourrait réserver des surprises.

Face à la percée de l’AfD, quelle posture ?

Merz se positionne comme un rempart contre l’AfD. Il refuse de serrer la main de ses représentants et qualifie le parti de « honte pour l’Allemagne ». Pourtant, il adopte une rhétorique ferme sur l’immigration et la culture nationale pour endiguer sa progression.

Mais le contexte international complique la donne. L’influence d’Elon Musk et Donald Trump radicalise une partie de l’électorat conservateur. Si Trump est réélu, la CDU devra composer avec une pression populiste accrue. L’histoire prouve que droitiser le discours ne suffit pas toujours à contenir l’extrême droite. L’AfD continue de grimper malgré la stratégie de Merz, posant un dilemme stratégique pour son mandat.