Législatives en Slovaquie : coup dur pour l’Union européenne

Grain de sel : Les élections slovaques du samedi 30 septembre voiyaient deux camps s’affronter : l’un tourné vers l’UE, l’autre populiste aux positions pro-russes, proche du Hongrois Viktor Orbán. Avec ce nouveau gouvernement populiste, de nouveaux blocages se dessinent pour l’UE et provoquent ainsi le retour du débat sur les réformes des institutions et du vote à la majorité

Slovaquie : le populiste Robert Fico gouvernera avec l’extrême droite

Vainqueur des élections législatives du 30 septembre, le leader populiste qui veut remettre en question l’aide militaire à l’Ukraine forme une coalition avec un parti de gauche et les nationalistes d’extrême droite pour diriger le pays.

C’est désormais certain. Le populiste Robert Fico, qui inquiète l’Europe avec ses prises de position hostiles à l’aide militaire à l’Ukraine, sera le prochain Premier ministre en Slovaquie. Le chef du parti Smer a annoncé ce mercredi un accord avec l’extrême droite et un parti de gauche en vue de former une coalition gouvernementale.

Le Smer est arrivé en tête des élections législatives du 30 septembre dernier, avec 23 % des voix, loin devant les centristes pro-européens de Slovaquie progressiste menés par Michal Simecka. La présidente de la République avait donc désigné Robert Fico pour réunir une coalition majoritaire. « Nous nous sommes mis d’accord pour former un gouvernement ensemble », a-t-il déclaré à la presse. L’accord de coalition et les noms des ministres seront présentés « dans peu de temps ».

« Plus une seule balle » pour l’Ukraine

Robert Fico , 59 ans, qui a déjà été Premier ministre de 2006 à 2010 et de 2012 à 2018, revient donc au pouvoir. Il gouvernera avec le parti de gauche Hlas de Peter Pellegrini, ex-Premier ministre lui aussi, et le parti nationaliste d’extrême droite SNS. Ensemble, les trois formations politiques contrôlent la majorité absolue des sièges à la chambre unique du Parlement (79 sur 150).

La coalition sera-t-elle solide ? « Arithmétiquement et politiquement, d’autres coalitions sont possibles au Parlement », souligne Lukas Macek, de l’institut Jacques-Delors. Il suffirait que Hlas décide de quitter l’alliance pour faire tomber le gouvernement. « Les surprises et les retournements de ce genre sont fréquents en Slovaquie », ajoute-t-il.

Pendant la campagne électorale, Robert Fico a promis que la Slovaquie n’enverrait « plus une seule balle de munition » à l’Ukraine. Il a aussi déclaré que son pays avait « des problèmes plus importants » que l’aide à Kiev.

Ses relations avec la Russie sont pour le moins ambiguës, il a appelé à de meilleures relations avec Moscou. La Slovaquie, frontalière de l’Ukraine, était jusqu’à présent l’un des piliers de l’aide à Kiev au sein de l’Otan et de l’Union européenne.

« Robert Fico s’appuie sur le sentiment pro-russe d’une partie de la population, imputant aux Etats-Unis la responsabilité de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, souligne Corinne Deloy dans une note récente pour la Fondation Robert-Schuman. 30 % des Slovaques seraient russophiles selon les dernières enquêtes d’opinion. »

« Retour aux traditions »

Robert Fico affiche aussi son hostilité à des politiques européennes majeures comme la gestion des migrations et la lutte contre le changement climatique. Il cible également les droits des minorités LGBT.

La Slovaquie pourrait devenir une alliée objective de la Hongrie et/ou de la Pologne pour s’opposer aux consensus, déjà fragiles, que les Vingt-Sept parviennent à former à Bruxelles sur ces dossiers.

« Parmi les pays d’Europe centrale, la Slovaquie était jusqu’à présent considérée comme un bastion pro-européen, c’était d’ailleurs le seul pays de la zone à avoir rejoint l’euro », rappelle le chercheur de l’institut Jacques-Delors, qui évoque la possibilité d’un « basculement » vers des positions plus hostiles à l’Union européenne avec le retour de Robert Fico au pouvoir à Bratislava. Même si la présence de Hlas au sein de la coalition « poussera le nouveau gouvernement à la modération », selon Lukas Macek.

Slovaquie : le populiste Robert Fico gouvernera avec l’extrême droite | Les Echos

Législatives 2023 Slovaquie (robert-schuman.eu)

En cas de victoire, Michal Šimečka (à gauche, Slovaquie progressiste) comme Robert Fico (à droite, SMER) seront forcés de trouver des alliés pour pouvoir gouverner la Slovaquie - Crédits : Philippe BUISSIN / Parlement européen | Etienne Ansotte / Commission européenne
En cas de victoire, Michal Šimečka (à gauche, Slovaquie progressiste) comme Robert Fico (à droite, Smer) seront forcés de trouver des alliés pour pouvoir gouverner la Slovaquie – Crédits : Philippe BUISSIN / Parlement européen | Etienne Ansotte / Commission européenne

Ce samedi 30 septembre 2023, il ne fait pas de doute que les responsables européens auront les yeux rivés sur la Slovaquie. Près de 4,5 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour participer à des élections législatives anticipées, qui devraient ensuite permettre de former un nouveau gouvernement.

Dans les sondages, deux favoris se dégagent. Robert Fico d’une part, leader du Smer, est surnommé l’ ”Orbán de gauche” en référence au Premier ministre hongrois. Social-démocrate à l’origine, son idéologie flirte souvent avec le nationalisme et l’euroscepticisme, en plus de prises de position pro-russes. Contre lui, Michal Šimečka est à la tête de Slovaquie progressiste, un parti libéral et europhile.

Si le premier parvient à emporter le scrutin et former un gouvernement, Viktor Orbán pourrait y trouver un allié au sein de l’Union européenne, notamment pour limiter le soutien à l’Ukraine et les sanctions à l’encontre de la Russie.

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Sortir de l’impasse politique

Les dernières élections législatives remontent à février 2020. Elles avaient amené un tournant majeur dans le paysage politique slovaque avec la victoire d’OL’aNO, un parti conservateur axé sur la lutte contre la corruption. La formation politique a alors profité d’une large mobilisation citoyenne à la suite de l’assassinat en 2018 du journaliste Ján Kuciak, qui a mis en lumière les liens du parti social-démocrate au pouvoir (Smer) avec la mafia. Le leader d’OL’aNO, Igor Matovič, a alors pris la tête d’une coalition gouvernementale composée de quatre partis.

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En mars 2021, lors de la pandémie de Covid-19, Igor Matovič a décidé d’acheter des doses du vaccin russe Sputnik V sans obtenir l’aval de ses partenaires de coalition, provoquant alors une grave crise politique et une vague de démissions au sein du gouvernement. Forcé par ses partenaires de céder sa place, son vice-président Eduard Heger lui a succédé. Mais en septembre 2022, en raison de divergences sur la politique économique menée par l’exécutif slovaque, l’un des partis alliés a quitté la coalition, rendant de fait le gouvernement minoritaire au sein du Parlement. Il a finalement été renversé par une motion de censure en décembre 2022.

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Le 31 janvier 2023, le Parlement slovaque a voté son autodissolution, provoquant la convocation d’élections anticipées le 30 septembre 2023. Le 7 mai 2023, la présidente slovaque Zuzana Čaputová a annoncé la nomination de l’économiste et vice-gouverneur de la Banque centrale de Slovaquie, Ľudovít Ódor, à la tête d’un gouvernement de technocrates, après la démission d’Eduard Heger. Même si ce dernier n’a pas obtenu la confiance du Parlement, la présidente a indiqué qu’il resterait en place jusqu’aux élections pour expédier les affaires courantes.

Un choix tranché s’impose aux électeurs

Dans les études d’opinion, deux partis font désormais la course en tête. Le premier, le plus souvent donné vainqueur par les instituts de sondage, est le Smer. Un parti dirigé depuis sa création, en 1999, par Robert Fico, ancien président du gouvernement slovaque de 2006 à 2010 puis de 2012 à 2018. Celui-ci se réclame de la social-démocratie malgré des prises de position anti-migrants, nationalistes, eurosceptiques et de plus en plus pro-russe. Face à lui se dressent Michal Šimečka et son parti, Slovaquie progressiste (PS). Un candidat libéral et europhile, aujourd’hui vice-président du Parlement européen.

C’est un choix assez tranché qui s’impose aux électeurs, explique Lukáš Macek, chercheur à l’Institut Jacques Delors et spécialiste de l’Europe centrale. D’un côté avec Michal Šimečka, on a les tenants d’une orientation pro-occidentale qui se réclament d’un fonctionnement de l’Etat slovaque conforme aux standards de l’UE au niveau de l’Etat de droit et de la qualité de la démocratie. De l’autre côté avec Robert Fico, on observe une orientation beaucoup plus ambiguë voire ouvertement pro-russe, anti-américaine, anti-occidentale, anti-OTAN et anti-UE, avec une conception de la démocratie plus proche du discours idéologique, qu’on peut aujourd’hui entendre du côté des gouvernements au pouvoir en Hongrie ou en Pologne.

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C’est la personnalité du second qui interroge – voire inquiète – les dirigeants européens. Durant la campagne, M. Fico a notamment promis de stopper l’aide militaire à l’Ukraine et plaidé pour la levée des sanctions à l’égard de Moscou. Pour une partie de la presse européenne, Robert Fico serait ainsi “l’Orban de gauche”. S’il parvient à retrouver le pouvoir, l’ancien Premier ministre pourrait-il mettre en pratique ses promesses de campagne ?

Il est difficile de prédire comment il va se comporter, concède Lukáš Macek. Doit-on se baser davantage sur son positionnement politique actuel ou plutôt sur la continuité de sa carrière politique et ce qu’il a fait par le passé ? Lors de ses premiers mandats, il s’est revendiqué comme pro-européen souhaitant placer la Slovaquie dans le noyau dur de l’UE si celle-ci se structurait dans une logique plus différenciéeMais on observe désormais chez lui une forme de radicalisation. En comparaison du Robert Fico d’hier, celui d’aujourd’hui est clairement ailleurs politiquement, idéologiquement et humainement”, analyse le chercheur à l’Institut Jacques Delors.

Une coalition gouvernementale inévitable

Ce qui est certain, c’est que le candidat arrivé en tête du scrutin ne pourra gouverner seul. La Slovaquie étant une république parlementaire composée d’une assemblée unique, une majorité des 150 députés slovaques doit soutenir le gouvernement pour que celui-ci puisse agir. Or, les sondages ne prédisent de majorité absolue pour aucun des partis en lice. Une coalition gouvernementale s’imposera, et c’est alors que les plus petits partis entreront en jeu pour lui permettre de voir le jour.

Si Robert Fico l’emporte, sa manière de gouverner dépendra beaucoup de ses partenaires de coalition, fait remarquer Lukáš Macek. Il sera obligé de gouverner avec deux, trois voire quatre partenaires dont certains issus de d’extrême-droite, ce qu’il a déjà fait par le passé car la mathématique parlementaire l’exigeait. Mais il est probable qu’il sera aussi obligé de composer avec un parti aux positions plus modérées que lui, et sera forcé, comme dans tous les gouvernements de coalition, de chercher des dénominateurs communs et d’abandonner certaines de ses promesses.

Le probable retour au pouvoir de Robert Fico pourrait tout de même renforcer ce que Lukáš Macek appelle “les forces anti-système et illibérales” qui fleurissent dans l’UE. De là à y voir un prélude d’éventuels bouleversements à venir lors des élections européennes de 2024 ? “Il faut rester prudent, tempère le chercheur. On a déjà entendu ce discours lors de l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en Italie, et le sentiment qui prévaut pour le moment est qu’elle a plutôt choisi la voie d’une certaine modération dans la continuité de ses prédécesseurs, plutôt qu’une rupture illibérale à la Viktor Orbán.”

Le parti populiste qui compte mettre fin à l’aide militaire à l’Ukraine et qui critique l’UE et l’Otan est arrivé en tête des élections législatives en Slovaquie, selon les résultats publiés dimanche.

Le parti Smer-SD, dirigé par l’ancien Premier ministre Robert Fico a obtenu 23% des voix lors du scrutin de samedi devant le parti centriste Slovaquie Progressiste qui a recueilli 18% des voix.

Les populistes ont donc besoin de partenaires de coalition pour parvenir à une majorité et former le gouvernement.

« La Slovaquie et ses habitants ont des problèmes plus importants que (les relations avec) l’Ukraine », a déclaré M. Fico aux journalistes dimanche.

Il a ajouté que l’Ukraine constituait « une énorme tragédie pour tous » et a appelé à des pourparlers de paix, car « de nouvelles tueries n’aideront personne ».

Pendant la campagne, M. Fico, âgé de 59 ans, a promis que la Slovaquie n’enverrait pas « une seule munition » à l’Ukraine et a appelé à de meilleurs liens avec la Russie.

La présidente Zuzana Caputova, ancienne membre de la Slovaquie progressiste et rivale politique de longue date de M. Fico, a déclaré dimanche qu’elle le chargerait de former un nouveau gouvernement.

« Dans l’esprit de notre tradition constitutionnelle, je confierai demain la formation du gouvernement au vainqueur de l’élection », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

Selon les analystes, un gouvernement Fico pourrait radicalement changer la politique étrangère de la Slovaquie pour ressembler à celle du Premier ministre hongrois Viktor Orban.

La Hongrie est considérée comme un fauteur de troubles au sein de l’UE, souvent critiquée pour des questions d’État de droit et pour avoir entravé les efforts de l’UE et de l’Otan en vue d’aider l’Ukraine.

« Robert Fico est un nouvel allié pour M. Orban », a estimé à l’AFP l’analyste Tomas Koziak de l’Université tchèque des sciences politiques.

M. Orban a lui-même félicité M. Fico sur X, anciennement Twitter, « pour sa victoire incontestable aux élections législatives slovaques ».__ »Il est toujours bon de travailler avec un patriote. J’ai hâte d’y être! » a souligné M. Orban.

Toutefois, M. Fico a déclaré que l’orientation de la politique étrangère de la Slovaquie ne changerait pas, car « nous sommes naturellement membres de l’UE ».

« Cela ne signifie évidemment pas que je ne peux pas critiquer les choses qui me déplaisent au sein de l’UE », a-t-il précisé.

« Les gens en ont assez »

Cependant, de nombreux Slovaques sont moins préoccupés par la politique étrangère, dans l’espoir que le nouveau gouvernement se concentrera sur l’économie et se disputera moins que le précédent.

Vendant des petits pains dans une boulangerie de Bratislava, Jana Urbanova a déclaré à l’AFP qu’elle s’attendait à ce que le gouvernement s’attaque à l’inflation « insupportable ».

« Fico a de l’expérience, c’est un professionnel, n’est-ce pas? Je n’ai pas voté pour lui mais je ne pense pas que ce soit grave qu’il ait gagné », a-t-elle déclaré.

Tomas Hrivnak, 23 ans, déclare qu’il avait voté pour la PS et qu’il était « déçu », mais que le résultat n’était « pas la fin du monde ».

« Les gens en ont assez de l’ancien gouvernement composé de centristes et de droite, de leurs querelles et de leur incapacité à gérer correctement le pays », a-t-il estimé.

Mais une autre électrice de PS, Eva Lichnerova, reste inquiète. « La plus grande menace c’est le dos tourné à l’Union européenne, le glissement vers la Russie, la suppression des droits et des libertés des journalistes », dit-elle.

Aide à l’Ukraine

Le Smer a remporté 42 sièges sur les 150 que compte le Parlement et a donc besoin de partenaires de coalition pour obtenir la majorité.

Hlas-SD, qui a émergé en 2020 d’une scission d’avec le Smer, est un partenaire potentiel avec 27 sièges.

Son président, Peter Pellegrini, a occupé le poste du Premier ministre en 2018 après la démission de M. Fico, au milieu de grandes manifestations après le meurtre du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée, Martina Kusnirova.

Jan Kuciak avait découvert des liens entre la mafia italienne et le gouvernement de M. Fico, dans son dernier article, publié à titre posthume.

Selon M. Pellegrini, la présence de deux anciens Premiers ministres au sein d’un même gouvernement n’est pas une bonne idée, mais cela ne signifiait pas qu’une telle coalition était impossible.

Les deux partis pourraient faire équipe avec le parti nationaliste slovaque (SNS), qui a remporté 10 sièges, pour obtenir une majorité parlementaire de 79 sièges.

M. Fico a déjà gouverné à deux reprises avec le SNS, qui est comme lui opposé à l’aide militaire à l’Ukraine.

La Slovaquie compte parmi les principaux donateurs européens à l’Ukraine, compte tenu de la taille de son économie.

Montée de la désinformation

Le prochain parlement comprendra également le parti centriste OLaNO de l’ancien Premier ministre Igor Matovic, qui s’est battu avec un membre du Smer pendant la campagne électorale.

Les chrétiens-démocrates centristes et la droite du SaS ont aussi obtenu suffisamment de voix pour avoir des sièges au parlement.

La campagne électorale a été ternie par des taux particulièrement élevés de désinformation en ligne, visant souvent le président de la Slovaquie progressiste, Michal Simecka, vice-président du Parlement européen.

La Slovaquie est devenue un pays indépendant en 1993, à la suite d’une séparation pacifique d’avec la République tchèque, quand la Tchécoslovaquie s’est débarrassée du régime communiste totalitaire en 1989.

La campagne de M. Fico a été marquée profondément par une rhétorique à l’encontre de la communauté LGBTQ+ et des migrants, ce qui a suscité l’inquiétude des organisations non gouvernementales.

L’analyse de la Fondation Robert Schuman

Comme annoncé par les enquêtes d’opinion mais de façon plus large que prévu, Direction-Démocratie sociale (SMER-SD), parti social-démocrate dirigé par l’ancien Premier ministre (2006-2010 et 2012-2018) Robert Fico, est arrivé en tête des élections législatives du 30 septembre en Slovaquie avec 22,94% des suffrages et 42 des 150 sièges du Conseil national de la République (Narodna rada Slovenskej republiky), chambre unique du Parlement (soit + 4 par rapport aux  précédentes élections législatives du 29 février 2020). Slovaquie progressiste (PS), parti social-libéral et pro-européen dirigé par Michal Simecka, se place en 2e position avec 17,96% des voix et 32 sièges (il n’était pas représenté dans le parlement sortant). 5 autres partis ont obtenu des élus. Hlas, (Voix en slovaque), créé en 2020 par l’ancien Premier ministre (2018-2020) Peter Pellegrini après sa sécession de SMER-SD, a recueilli 14,7% et 27 sièges (il s’agit de la première participation de ce parti à des élections législatives) ; le Parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes (OL’aNO), conduit par l’ancien Premier ministre (2021-2022) Igor Matovic, a obtenu 8,89% et 16 sièges (-37) ; le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) de Jan Figel obtient 6,82% et 12 sièges, ce qui lui permet de revenir au Parlement; Liberté et solidarité (Sloboda a Solidarita, SaS), parti libéral conduit par Richard Sulik, 6,32% et 11 élus (- 2) et le Parti national (SNS), nationaliste et populiste dirigé par Andrej Danko, retrouve les bancs du Parlement avec 5,62% et 10 sièges.

Ces élections étaient anticipées d’un an. Le 23 janvier dernier, le gouvernement et Liberté et Solidarité s’étaient accordés sur une révision de la Constitution qui permettait au Parlement de convoquer des élections législatives anticipées. Le Premier ministre Eduard Heger (Démocrates, D), avait quitté ses fonctions le 7 mai après la démission de 2 ministres, Samuel Vican en charge de l’Agriculture et du Développement rural, et Ratislav Kacer, ministre des Affaires étrangères. Il avait été remplacé par le vice-président de la Banque nationale Ludovit Odor à la tête d’un gouvernement de technocrates, chargé par la présidente de la République, Zuzana Caputova, de conduire les affaires courantes jusqu’au scrutin du 30 septembre.

58 779 Slovaques résidant à l’étranger ont rempli leur devoir civique. 61,7% ont voté en faveur de Slovaquie progressiste. Liberté et solidarité a pris la 2e place avec 10,8%. Direction-Démocratie sociale la 3e avec 6,1%.

La participation a été supérieure à celle enregistrée lors du précédent scrutin du 29 février 2020 s’élevant à 68,42% (+ 2,62 points).

Résultats des élections législatives du 30 septembre 2023 en Slovaquie


Participation : 68,42%

Source : https://volby.statistics.sk/nrsr/nrsr2023/sk/vysledky_hlasovania_strany.html

La présidente de la République, Zuzana Caputova, a déclaré qu’elle confierait la formation du gouvernement au dirigeant du parti qui arriverait en tête du scrutin. Robert Fico devrait donc être appelé à former le prochain gouvernement. Les analystes politiques s’accordent sur la forte probabilité de voir émerger une coalition comprenant les partis SMER-SD, Hlas et SNS. Robert Fico a gouverné à deux reprises avec le parti nationaliste, de 2006 à 2010 et de 2016 à 2018. Il pourrait choisir de s’appuyer sur le Mouvement chrétien-démocrate.« Le retour de SMER-SD au gouvernement est l’une des options les plus probables. Même le bon résultat de Slovaquie progressiste dans les sondages dessine en creux l’immense déception qu’a suscité le gouvernement sortant. Le seul parti recueillant encore le vote urbain et libéral est ce parti extraparlementaire. Les personnes qui ont participé à la coalition gouvernementale sont décrédibilisées » déclarait en amont du scrutin Jana Vargovcikova, maître de conférences en science politique à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), ajoutant « Retrouver le pouvoir pour Robert Fico un enjeu personnel, ces élections législatives ne concernent pas seulement la politique mais son avenir personnel ».  « Robert Fico est un technicien du pouvoir, de loin le meilleur en Slovaquie. Il n’a pour l’heure aucun concurrent » a souligné Michal Vasecka du think tank Bratislava Policy Institute de Bratislava.  « Un choix assez tranché s’impose aux électeurs. D’un côté, avec Michal Simecka, nous avons les tenants d’une orientation pro-occidentale qui se réclament d’un fonctionnement de l’Etat conforme aux standards de l’Union européenne sur le plan de l’Etat de droit et de la qualité de la démocratie. De l’autre côté, avec Robert Fico, nous observons une orientation beaucoup plus ambiguë, voire ouvertement pro-russe, anti-américaine, anti-occidentale, anti-OTAN et anti-Union européenne, avec une conception de la démocratie plus proche du discours idéologique qu’on peut entendre du côté des gouvernements au pouvoir en Hongrie ou en Pologne » avait analysé à la veille du scrutin Lukas Macek, directeur du campus de Sciences Po à Dijon. Robert Fico a promis durant la campagne électorale que sa première action sera de couper l’aide militaire à l’Ukraine. Il faut savoir que Bratislava est l’un des plus importants soutiens à Kiev : accueil des réfugiés, mise à disposition d’une flotte d’avions de combat dont 13 MiG-29 et d’un système de défense antiaérienne. « Aidons si possible, mais les intérêts de la Slovaquie passent en premier » a répété le dirigeant de SMER-SD qui n’a pas hésité à déclarer que « la guerre en Ukraine a commencé en 2014 lorsque des fascistes ukrainiens ont tué des victimes civiles de nationalité russe » ou qui a affirmé que l’OTAN avait davantage attaqué Moscou que ce dernier n’avait agressé Kiev. Robert Fico a su attirer les électeurs avec ses propos anti-européens, en condamnant la décision d’apposer des sanctions à la Russie. Le mécontentement dont SMER-SD a fait l’objet il y a 3 ans a été oublié et Robert Fico a su attiser la colère contre le gouvernement sortant. « Il est difficile de prédire comment Robert Fico va se comporter. Doit-on se fonder sur son positionnement politique actuel ou plutôt sur la continuité de sa carrière politique et sur ce qu’il a fait par le passé ? (…) On observe désormais chez lui une forme de radicalisation. Comparé au Robert Fico d’hier, celui d’aujourd’hui est clairement ailleurs, politiquement, idéologiquement et humainement » a déclaré Lukas Macek. « S’il l’emporte, on se dirigerait vers un gouvernement qui aurait une vision très différente de l’Etat de droit et de la démocratie, une combinaison de ce que l’on a en Pologne et en Hongrie » a indiqué Michal Vasecka. « Il y a le discours électoral et puis il y a ce que la responsabilité gouvernementale imposera de faire. Evidemment, ils sont moins « ukrainophiles » et moins engagés que le gouvernement sortant mais en même temps, il n’y a pas eu de remise en cause de la question de l’accueil et de l’aide humanitaire. Ce dont il a été question, c’est de la fourniture d’armement » modère toutefois, Etienne Boisserie professeur d’histoire de l’Europe centrale à l’Inalco « La tâche de l’Occident est de veiller à ne pas perdre la Slovaquie et à s’engager à dialoguer de manière constructive avec Robert Fico, mais Moscou se réjouit de ce qui est perçu comme des fissures dans la partie orientale de l’Europe et du fait que la Hongrie n’est plus seule » a affirmé Milan Nic du Conseil allemand des relations extérieures.Agé de 59 ans et originaire de Topolcany (ville située à l’ouest du pays), Robert Fico est diplômé de droit de l’université Comenius et de l’Institut d’Etat et de droit de l’Académie des sciences de Bratislava. Il a débuté sa carrière professionnelle au sein de l’Institut du droit du ministère de la Justice avant d’être nommé, en 1994, représentant de la Slovaquie à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, un poste qu’il occupera durant 6 ans. Membre du Parti communiste à partir de 1987, puis du Parti de la gauche démocratique (SDL), il a été élu député en 1992. Il quitte son parti après les élections législatives de septembre 1998, vexé de ne pas avoir obtenu de poste ministériel à l’issue du scrutin. En décembre 1999, il fonde Direction (SMER). Robert Fico est nommé Premier ministre après la victoire de son parti aux élections législatives du 17 juin 2006. Il arrive de nouveau en tête du scrutin législatif du 12 juin 2010 mais il est dans l’incapacité de proposer une ligne d’action cohérente et de rassembler autour de son parti et il échoue à former un gouvernement.  Il retrouve le poste de Premier ministre le 10 mars 2012 après des élections législatives anticipées. En mars 2014, il échoue à l’élection présidentielle, largement battu au 2e tour de scrutin par Andrej Kiska (59,38% des suffrages). Il remporte toutefois les élections législatives du 5 mars 2016 et forme une nouvelle coalition gouvernementale. 


L’assassinat le 21 février 2018 du journaliste Jan Kuciak (et de sa fiancée Martina Kusnirova, tous deux âgés de 27 ans), qui enquêtait pour aktuality.sk, site internet du premier quotidien du pays Novy cas, sur les soupçons de fraude aux subventions européennes organisées par la mafia italienne en Slovaquie avec l’aide de proches du gouvernement, fait descendre plusieurs dizaines de milliers de Slovaques dans les rues, la plus grande mobilisation depuis la révolution de velours de 1989, et in fine conduit à la démission de Robert Fico, de 2 ministres et du chef de la police. SMER-SD est ensuite sanctionné dans les urnes lors du scrutin du 29 février 2020. 


Sept ans et demi après avoir été contraint à la démission, Robert Fico a donc signé le 30 septembre sa 5e victoire à des élections législatives Durant sa campagne, il a promis « la stabilité, l’ordre et le bien-être » à ses compatriotes. Va-t-il y parvenir et avec quelle coalition ? 

Législatives 2023 Slovaquie (robert-schuman.eu)

Législatives en Slovaquie : des élections à fort enjeu pour l’Union européenne – Touteleurope.eu

Coup dur pour l’UE : Robert Fico, l’allié de Viktor Orban, remporte les législatives en Slovaquie | Euronews