Ingérence étrangère : protéger les élections 2024

Le Parlement européen a approuvé jeudi (1er juin) un rapport sur la lutte contre l’ingérence étrangère et la manipulation de l’information, appelant à une approche collective pour s’attaquer à ce problème.

Le rapport a été préparé par la commission spéciale du Parlement européen sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’UE (ING2), qui a publié l’année dernière son premier rapport sur la situation dans l’UE et les mesures à prendre pour y remédier.

Le document, dont un avant-projet a été approuvé par la commission en avril, souligne notamment la nécessité de protéger les prochaines élections européennes, prévues en juin 2024. Le texte a été adopté lors de la session plénière du Parlement par 469 voix pour, 71 contre et 75 abstentions.

L’UE doit adopter une approche plus proactive pour se prémunir contre l’ingérence étrangère, a déclaré la rapporteure du dossier, l’eurodéputée Sandra Kalniete (Parti populaire européen, PPE), avant le vote. « C’est pourquoi nous devons établir un programme européen spécifique et investir dans notre démocratie de manière durable », a-t-elle déclaré.

« Il ne s’agit pas d’une solution pour demain, et elle sera coûteuse », a-t-elle poursuivi. « Mais il s’agit certainement d’un investissement à long terme qui en vaut la peine. »

Ingérence étrangère : les eurodéputés appellent l’UE à intensifier ses efforts

Les eurodéputés ont adopté mercredi (26 avril) une résolution appelant à une action coordonnée concernant l’ingérence étrangère, mettant en garde contre les risques à l’approche des élections du Parlement européen.

Une approche fondée sur l’analyse des risques

Le rapport préconise notamment l’abandon des approches qui ne tiennent pas compte des caractéristiques nationales dans la lutte contre l’ingérence étrangère et la manipulation de l’information, une approche actuellement pratiquée par la Commission et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), l’organe diplomatique de l’UE.

Il recommande plutôt une approche « fondée sur l’analyse des risques », basée sur des critères objectifs, dans laquelle les autorités sont disposées à identifier et à nommer les pays qui ont tenté d’interférer dans les affaires d’un pays.

Le rapport appelle également à la mise en place d’une stratégie globale de lutte et de prévention contre les activités de manipulation de l’information et d’ingérence menées depuis l’étranger, notamment par le renforcement de l’application des mesures existantes et la mise en œuvre d’actions de renforcement des capacités.

Une attention et une communication accrues avec les pays tiers dans le voisinage immédiat de l’UE et au-delà sont également préconisées.

Résilience

Le rapport insiste également sur la nécessité de renforcer les capacités européennes et nationales en matière de prévention et de démystification de la désinformation, ainsi que d’améliorer les compétences cyber, la culture numérique et l’éducation civique.

« Nous devons aller au-delà de l’approche réactive centrée sur la vérification des faits, le démenti, etc., et nous concentrer plutôt sur le renforcement de la résilience et la vaccination de nos sociétés contre la désinformation », a déclaré Mme Kalniete au cours d’un débat sur le rapport.

Les législateurs ont appelé à une communication et une coordination accrues entre les institutions de l’UE et les organes des États membres, ainsi qu’à la création d’une structure européenne chargée d’analyser les données, de coordonner la recherche et de produire des rapports afin d’améliorer la connaissance de la situation, le partage des renseignements sur les menaces et les contre-mesures.

Le rapport propose également la mise en place d’un système d’alerte rapide pour les eurodéputés et les membres des parlements nationaux afin de lutter contre la désinformation, ainsi qu’une formation spécifique pour toute personne travaillant dans les institutions publiques.

Selon le rapport, le Parlement devrait également disposer d’un organe permanent pour assurer une « approche transversale » afin de suivre et de combattre efficacement l’ingérence étrangère.

Plateformes en ligne

Le rapport critique la réponse des grandes plateformes en ligne à la désinformation, regrettant que des acteurs tels que Meta, Google, YouTube, TikTok et Twitter n’en fassent toujours pas assez pour la contrer.

Twitter, en particulier, est pointé du doigt, le rapport dénonçant ses « pas en arrière » dans la lutte contre la désinformation depuis le rachat par Elon Musk l’année dernière. Les législateurs « déplorent » les réductions de personnel sur la plateforme et appellent les entreprises à garantir des ressources suffisantes pour travailler sur la question dans toutes les langues.

Le respect par Twitter du code européen de bonnes pratiques contre la désinformation est également demandé, trop tard toutefois, le vote intervenant quelques jours seulement après que la plateforme a confirmé son retrait de celui-ci.

Twitter pourrait se retirer du code européen de bonnes pratiques contre la désinformation

Twitter a informé la Commission européenne qu’il envisageait sérieusement de se retirer du code européen de bonnes pratiques contre la désinformation, selon des fonctionnaires de l’UE.

Les risques de l’intelligence artificielle dans la lutte contre la désinformation sont également soulignés, Mme Kalniete avertissant au cours du débat que la technologie rendra la création de tels contenus à grande échelle beaucoup plus facile et moins coûteuse.

Infrastructures critiques et autres influences

Dans le document, les eurodéputés mettent également en garde contre la dépendance de l’UE dans des secteurs stratégiques, notamment celui de l’énergie, des technologies numériques et des infrastructures critiques, et s’inquiètent de la vulnérabilité des câbles sous-marins.

Ils invitent également la Commission et les pays de l’UE à réduire les facteurs de risque et à renforcer la transparence, notamment dans des domaines tels que les investissements directs étrangers.

Ils mettent également en garde contre l’exercice d’une influence par l’intermédiaire d’institutions universitaires et culturelles, ainsi que contre l’accaparement des ressources par les élites et le financement opaque d’activités politiques par des donateurs étrangers.

Le rapport sur l’ingérence

  • Le Parlement s’attend à une aggravation de l’ingérence étrangère et de la manipulation de l’information
  • Des « services de désinformation à la carte » ont été employés pour attaquer les processus électoraux
  • Inquiétudes concernant l’ingérence russe et chinoise
  • Les députés recommandent d’interdire TikTok à tous les niveaux des gouvernements nationaux et des institutions européennes
Les députés avertissent que l'ingérence dans les processus démocratiques augmentera à l'approche des élections de 2024 ©Roibu/Adobe Stock
Les députés avertissent que l’ingérence dans les processus démocratiques augmentera à l’approche des élections de 2024 ©Roibu/Adobe Stock 

Le PE demande une stratégie coordonnée pour améliorer la résilience de l’UE face à l’ingérence étrangère et la manipulation de l’information, et pour protéger les élections européennes 2024.

Les députés estiment que l’ingérence étrangère, la désinformation et les attaques contre la démocratie sont susceptibles de s’aggraver et de devenir de plus en plus sophistiquées à l’approche des élections européennes en juin 2024. Cet avertissement figure dans un rapport de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation. Le texte a été adopté en plénière par 469 voix pour, 71 contre et 75 abstentions.

Dans le texte, les députés soulignent l’ingérence sur les plateformes en ligne, la protection des infrastructures critiques et des secteurs stratégiques, l’ingérence au cours des processus électoraux, le financement dissimulé d’activités politiques provenant d’acteurs étrangers, et la résilience face aux cyberattaques. Le rapport porte une attention particulière à l’ingérence russe et chinoise dans l’UE, dans les pays candidats à l’adhésion à l’UE, y compris les Balkans occidentaux, et dans les paysdu Sud.

Ingérence dans les processus électoraux

Le Parlement condamne le dangereux phénomène de « désinformation à la carte », dans le cadre duquel des fournisseurs proposent des services de désinformation à des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, sur le dark web par exemple, pour attaquer les processus électoraux.

Afin de lutter contre les transactions financières étrangères interdites qui infiltrent le système politique de l’UE, les députés appellent la Commission à faciliter la traçabilité des dons. Ils demandent aussi aux États membres de se pencher d’urgence sur la question des dons de pays tiers aux partis politiques nationaux.

Infrastructures critiques

Les députés soulignent les risques de dépendance économique, d’espionnage et de sabotage lorsque des entreprises étrangères acquièrent une influence sur les infrastructures critiques de l’UE. Ils précisent que les entreprises maritimes chinoises ont acquis des participations majoritaires, oude grande ampleur , dans plus de 20 ports européens. Les députés recommandent également d’interdire TikTok à tous les niveaux des gouvernements nationaux et dans les institutions européennes. Ils demandent au Conseil et à la Commission d’exclure l’utilisation d’équipements et de logiciels provenant de fabricants de pays à haut risque, en particulier la Chine et la Russie, tels que ByteDance Huawei, ZTE, Kaspersky, NtechLab ou Nuctech.

Stratégie coordonnée de l’UE

Le Parlement souhaite une stratégie européenne coordonnée qui inclue de nouvelles initiatives ainsi qu’une meilleure application des dispositions existantes. Il demande également des financements adéquats pour lutter contre la désinformation et défendre les processus démocratiques. Les députés invitent la Commission à développer un train de mesures de défense de la démocratie ainsi qu’une législation pour lutter contre les menaces hybrides dans l’UE, en tenant compte des propositions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Ils demandent par ailleurs la création d’un organe permanent au sein du Parlement européen afin de surveiller et de combattre efficacement l’ingérence étrangère.

En adoptant ce rapport, le Parlement répond aux attentes des citoyens européens qui souhaitent un renforcement de la lutte contre les ingérences étrangères et contre la désinformation, les menaces en ligne et la propagande, de manière objective et factuelle – comme l’expriment les propositions 23(5), 27(all), 28(2), 33(4), 37(4), 46(2) des conclusions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe.

Retrouvez les principales conclusions du rapport en cliquant ici.

Citation

La rapporteure Sandra Kalniete (PPE, LV) a déclaré : « L’ingérence étrangère dans les processus démocratiques représente une menace croissante pour la sécurité des États membres de l’UE, en particulier dans le contexte du développement technologique rapide et de la guerre que mène actuellement la Russie en Ukraine. Nous devons agir de toute urgence en adoptant nos recommandations rapidement. Des investissements importants et durables doivent être réalisés pour renforcer notre résilience démocratique, en s’inspirant de l’expérience de nos partenaires tels que l’Ukraine et Taïwan ».

Contexte

Le rapport fait suite à la mise en œuvre de la résolution sur l’ingérence étrangère adoptée en mars 2022. Au cours de la préparation de ce nouveau rapport, les députés ont rencontré des décideurs politiques nationaux, européens et internationaux, des services de renseignement des États membres, ainsi que le centre StratCom de l’OTAN à Riga et le Centre d’excellence européen pour la lutte contre les menaces hybrides (Hybrid CoE) à Helsinki. Ils ont également échangé avec le gouvernement et les autorités australiennes, avec les organes respectifs de l’ONU à New York, ainsi qu’avec les entités et autorités compétentes à Kiev, en Ukraine.

Ingérence étrangère: protéger de toute urgence les élections européennes 2024 | Actualité | Parlement européen (europa.eu)

Les eurodéputés soutiennent un rapport appelant à agir contre l’ingérence étrangère – EURACTIV.fr