Hongrie : la future présidence hongroise du Conseil de l’UE suscite le malaise à Bruxelles

Ce jeudi 1er juin, les eurodéputés ont voté une résolution appelant les Etats membres à “trouver des solutions appropriées” vis-à-vis de la Hongrie, qui présidera le Conseil de l’UE à partir de juillet 2024. L’Allemagne a également partagé ses inquiétudes.

La résolution du Parlement européen propose par exemple de réduire sa coopération avec la présidence au strict minimum (image : conférence de presse des différents groupes parlementaires portant la résolution, le 31 mai) – Crédits : Parlement européen »C’est une rotation aussi précise que le mouvement des astres« , explique la RTBF. « Tous les 6 mois, un pays membre […] prend la présidence du Conseil de [l’Union européenne]. Le calendrier est déjà fixé jusqu’en 2030« .

En principe, il reviendra donc à la Hongrie de présider le Conseil de l’UE du 1er juillet au 31 décembre 2024.Or mardi 30 mai, certains ministres des Affaires européennes ont fait part à la presse « de leur malaise à la perspective de voir la Hongrie de Viktor Orbán– illibérale et proche du Kremlin – occuper la présidence tournante » [Le Monde].Le Parlement européen, quant à lui, avait prévu d’adopter ce jeudi « une résolution appelant le Conseil à ‘trouver une solution adaptée‘ pour protéger les valeurs de l’UE » [La Libre]. Un texte finalement validé à une large majorité.

L’institution est en effet, « de longue date, très critique de la façon dont Viktor Orbán et son parti, le Fidesz, exerce le pouvoir en Hongrie depuis 2010« , poursuit le quotidien belge.Facilitateur de compromis. La présidence tournante du Conseil a pour rôle de faire avancer les travaux législatifs de l’UE en suscitant le compromis.

Elle « s’assure que ses invités se réunissent en harmonie, c’est-à-dire qu’ils peuvent exprimer leurs différences [mais] se quittent en bons termes et avec un objectif commun » [RTBF].Le pays qui l’occupe agit donc comme intermédiaire neutre, « une condition que la Hongrie ne pourra pas remplir en raison de ses nombreux conflits avec l’UE, selon le Parlement » [Reuters].

« Face aux nombreuses atteintes à l’indépendance de la justice et au pluralisme médiatique en Hongrie« , la Commission a notamment gelé des fonds européens destinés à la Hongrie en décembre dernier, rappellent Les Echos.

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En outre, juillet 2024 marquera « la première présidence tournante de la future Commission européenne et du futur Parlement européen » issu des élections de juin, souligne Gwendoline Delbos-Corfield, eurodéputée du groupe des Verts et rapporteure de la résolution votée aujourd’hui [RTBF]. Ce sera également « à ce moment-là qu’il faudra trouver un remplaçant [au président du Conseil européen] Charles Michel« , relève RFI.

« Le rôle de la présidence tournante redevient alors central puisque c’est elle qui devra proposer les compromis« , poursuit la radio internationale.

La Hongrie isolée

En écho aux préoccupations des eurodéputés, la secrétaire d’Etat allemande aux Affaires européennes, Anna Lührmann, a elle aussi émis des doutes sur la capacité de la Hongrie à mener à bien la présidence du Conseil [Le Point]. Budapest « est actuellement isolée au sein de l’Union européenne en raison de problèmes liés à l’état de droit qui sont vraiment graves« , a déclaré la responsable allemande, soulignant par ailleurs que le pays « laisse toujours planer le doute sur son soutien à l’Ukraine« .

Néanmoins, « parmi les 27, seule l’Allemagne a partagé ouvertement les préoccupations du Parlement européen« , remarque la RTBF. Le ministre des Affaires étrangères néerlandais, Wopke Hoekstra, a exprimé son « inconfort » à l’idée d’une présidence hongroise, ajoute Le Monde. Son pays préfère toutefois « se concentrer sur le rétablissement de l’état de droit en Hongrie » plutôt que d’annuler ou d’ajourner la présidence hongroise, poursuit le média.

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Statu quo

Mardi, la ministre hongroise de la Justice Judit Varga a fustigé la « pression politique » du Parlement européen, jugeant « insensée » la résolution mise aux voix ce jeudi [Le Figaro]. Elle a ensuite publié sur Twitter « une photo la montrant en réunion avec ses homologues espagnol et belge, comme un signe de soutien de ces pays. Ses deux collègues ont également fait circuler l’image« , précise Le Monde.

Les trois pays seront amenés à coopérer en « trio », comme l’ont fait avant eux la France, la République tchèque et la Suède.À LIRE AUSSIPrésidence du Conseil de l’UE : qu’est-ce qu’un trio ?« En théorie, les autres Etats membres pourraient se passer de l’avis de la Hongrie » avec un vote à la majorité qualifiée du Conseil, relève Marianne Dony, présidente de l’Institut d’études européennes de l’ULB interrogée par la RTBF.

Or s’ils décidaient in fine de changer l’ordre des présidences, « la Hongrie pourrait dire qu’il ne s’agit pas d’une simple modification […] mais que l’intention de ses partenaires européens est de la priver d’un droit inscrit dans les traités », souligne la chercheuse. La suppression d’une présidence « n’est arrivé[e] qu’une fois pour le Royaume-Uni en 2017 après le vote en faveur du Brexit« , rappelle France Inter.

« Attendre une action du Conseil, c’est comme attendre Godot« , soupirait mercredi l’eurodéputée libérale néerlandaise Sophie in ‘t Veld [La Libre]. « Il est temps que nous commencions à jouer les durs« , ajoutait cette dernière [Politico]. La résolution du Parlement propose ainsi, parmi les pistes possibles, de « réduire la coopération [du Parlement] au strict minimum » lors de la présidence hongroise.