Gaz : la Russie utilise « l’approvisionnement en gaz comme levier politique » – EURACTIV.fr

Malgré une demande record et des prix du gaz élevés sur les marchés européens, l’entreprise publique russe Gazprom a exporté des quantités de gaz historiquement faibles vers l’UE, a déclaré lundi 7 février Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.

L’Europe est actuellement confrontée à une crise énergétique et à des prix de l’électricité historiquement élevés, principalement en raison des prix élevés du gaz, mais Gazprom n’a «  aucun intérêt pour le moment à augmenter ses approvisionnements, malgré les prix élevés et la demande exubérante  », a déclaré Mme von der Leyen aux participants de la conférence Europe 2022.

«  Il y a de plus en plus de preuves que le Kremlin continue d’utiliser l’approvisionnement en gaz comme levier politique  », a-t-elle ajouté.

Les commentaires de la présidente de la Commission coïncident avec l’acceptation par l’UE de sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Les manœuvres militaires du Kremlin à la frontière ukrainienne n’ont fait qu’accroître les inquiétudes quant à la sécurité énergétique de l’Europe.

«  L’Europe importe 90 % de son gaz, dont plus de 40 % en provenance de Russie  », a souligné Mme von der Leyen.

Si tous les pays de l’UE ne sont pas aussi dépendants du gaz russe, les grands pays comme l’Allemagne et la Pologne et plusieurs petits États comme l’Autriche, la Lituanie, la Slovaquie et la Hongrie dépendent presque entièrement du gaz russe.

Une diversification rapide à effectuer

En raison de ce que Mme von der Leyen appelle le «  comportement commercial très étrange de Gazprom  » et du rôle crucial que le gaz fossile va être amené à jouer pendant les années à venir dans le bouquet énergétique européen, l’Union cherche de plus en plus à diversifier son approvisionnement en gaz.

«  Nous devons devenir indépendants et travailler de manière cohérente avec des fournisseurs de gaz fiables  », a-t-elle déclaré aux participants de la conférence.

Les regards ont déjà commencé à se tourner vers le «  gaz de la liberté  » des États-Unis pour sa capacité à libérer l’Europe de sa dépendance à l’égard des approvisionnements russes. Jusqu’à présent, le gaz naturel liquéfié (GNL) américain — souvent produit à partir de pratiques controversées de fracturation — a été concurrencé par le gaz russe moins cher acheminé par gazoduc.

Le mois dernier, l’UE et les États-Unis ont publié une déclaration sur la collaboration pour assurer la sécurité énergétique de l’Europe, et Mme von der Leyen a réitéré les espoirs de cette collaboration lundi.

«  Nous construisons un partenariat de sécurité énergétique avec les États-Unis. Il s’agit avant tout d’accroître l’approvisionnement en gaz GNL  », a-t-elle déclaré. «  Nous discutons avec d’autres fournisseurs de gaz, par exemple la Norvège, pour augmenter leurs approvisionnements en Europe.  »

La Norvège, qui n’est pas membre de l’UE, a déjà donné son feu vert à une augmentation significative de sa production de gaz en octobre. «  L’UE et la Norvège ont une excellente coopération  », avait alors déclaré Kadri Simson, la commissaire à l’Énergie.

Le jour même de l’annonce de Mme von der Leyen, Mme Simson et le Haut représentant aux Affaires étrangères, Josep Borrell, se sont rendus au Conseil UE-États-Unis sur l’énergie, aux États-Unis. Leur objectif était de «  faire progresser la coopération entre l’UE et les États-Unis en matière de sécurité énergétique et de transition vers une énergie propre  », a écrit Mme Simson sur Twitter.

Les carburants de l’avenir

Les problèmes d’approvisionnement en gaz de l’Europe sont davantage compliqués par le rôle clé que l’UE a accordé au gaz fossile dans ses efforts de décarbonation. De nombreux pays de l’UE et la Commission européenne considèrent le gaz fossile comme un tremplin pour sortir du charbon, plus polluant.

«  Le gaz naturel sera encore nécessaire pendant de nombreuses années au cours de la transition de l’UE, notamment pour remplacer les sources d’énergie plus polluantes  », a déclaré Mme Simson au journal azerbaïdjanais Trend au début du mois.

Le point de vue de la Commission sur le gaz en tant que combustible de transition est apparu encore plus clairement dans sa proposition controversée d’attribuer un label «  vert  » transitoire aux centrales électriques au gaz qui remplacent le charbon.

Les centrales au gaz construites avec un «  label vert  » doivent se décarboner entièrement après 2035 en utilisant des gaz dits neutres en carbone comme l’hydrogène ou le méthane biologique.

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