Accord Corée-Union Européenne – Des enseignements d’un Accord de « 2è génération »

Editorial  avec la collaboration d’ Alla Sofiane, Berry Alexandre, Daoudi Rami, Gelmetti Louis et Zheng Anqi, pour le cours de Droit et Politiques de l’Europe – ESSEC- Décembre 2017, Viviane de Beaufort

Dans un contexte mondial de re/montée  d’un patriotisme national parfois  sournois, alors que les Etats envisagent d’élever  à nouveau des barrières non tarifaires, l’Union Européenne de tradition libérale et qui a besoin de garder les marches ouverts semble, depuis 2011, nager à contre-courant avec la signature d’accords commerciaux avec la Corée du Sud, le chili et le Pérou, Singapour, la mise en vigueur partielle du CETA et des négociations en cours ou à venir avec les Etats-Unis, le Japon et l’Australie, etc.

 

En réalité ce n’est pas tant une course aux accords de libre-échange (l’UE signe entre un et trois accords par an depuis les années 80) qu’une réorientation de ces accords vers des pays Nord-Nord susceptibles de doper la croissance des pays-membres. Il s’agit aussi d’étendre  la portée des accords d’une manière significative.  Des enseignements peuvent être tirés de l’accord avec la Corée du Sud précurseur des accords commerciaux dits de 2è génération 

Un accord symbole de l’ouverture de l’UE vers l’Asie

L’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et la Corée du Sud négocié depuis mai 2009 est entré en vigueur le 1er juillet 2011 après 8 cycles de négociations. Il s’agit du premier accord de libre-échange conclu entre l’UE et un pays asiatique ainsi que le premier accord dit de seconde génération car il dépasse les  négociations sur les droits de douanes. Cinq ans après l’entrée en vigueur de l’accord, 98,7% des droits de douanes ont disparu et seul un petit nombre de produits sensibles sont exclus de l’accord ( principalement des produits agricoles ou issus de la pêche) mais l’enjeu va bien au-delà.

Ajoutons peut être que l’UE négociait en position de force face la Corée du Sud avec le poids du  marché intérieur européen de plus de 500 millions de consommateurs et sa qualité de second exportateur mondial. Le marché intérieur représente 2 415 milliards d’euros d’exportations et 2 188 milliards d’euros d’importations

Un accord dit de seconde génération

On parle d’accord de seconde génération car ceux-ci ont une portée normative.  Jean Fouré, économiste au CEPII explique ainsi la différence de fond : « ces accords ne concernent pas seulement les droits de douane, mais traitent les questions d’accès au marché public, d’investissement, et de normes sanitaires ».  En particulier, l’accord avec la Corée du Sud inclut  un chapitre « commerce et développement durable », avec des engagements sur les normes du travail et les normes environnementales. Il comporte également un chapitre de protection de la propriété intellectuelle, qui entérine la protection des indications géographiques et renforce celle des droits d’auteur.

Une portée relative mais des résultats significatifs

L’application de l’accord a permis de doper les exportations européennes à destination de la Corée qui ont augmenté de 59,2 %, passant de 28 milliards d’EUR en 2010 à 44,5 milliards d’EUR en 2016. La hausse annuelle moyenne atteint 8,1 % pour les exportations européennes à destination de la Corée et 0,8 % pour les importations européennes en provenance de Corée.

Les importations en provenance de Corée représentaient 2,6 % des importations totales dans l’Union en 2010 et 2,4 % en 2016; la Corée est le 8e partenaire commercial de l’Union pour les importations.

Les exportations de l’Union à destination de Corée représentaient 2 % du total des exportations de l’Union en 2010 et 2,6 % en 2016: la Corée est le 9è marché d’exportation de l’Union. Pour la Corée, la part de l’Union européenne dans le total des importations coréennes est passée de 9,1 % avant le début de l’application de l’ALE à 12,8 % en 2016: l’Union est le 2è partenaire commercial de la Corée pour les importations (après la Chine).

Les exportations de l’UE qui ont progressé le plus étant excepté le pétrole de la mer du Nord, les machines et véhicules à moteur qui ont augmenté de 244 % en valeur de 2010 à 2016, passant de 1,68 milliard d’EUR (64 200 unités) à 5,79 milliards d’EUR (176 900 unités), soit 13 % du total des exportations de l’Union à destination de la Corée tandis que les importations de l’Union en provenance de Corée ont augmenté de 53 %, passant de 2,48 milliards d’EUR à 4,79 milliards d’EUR ou de 13 % en termes d’unités importées (de 300 000 à 339 000). Le commerce de services de l’Union avec la Corée représente lui  1 % du commerce de services hors UE avec un  excédent commercial de 4,8 milliards d’EUROS.

En 2015 (pas de chiffres sur 2016), les stocks d’IDE (investissements directs étrangers) européens  à destination de la Corée ont représenté 49,8 milliards d’EUR et les stocks d’IDE européens entrants en provenance de Corée  20,9 milliards d’EUR. Les stocks européens en Corée sont environ 2,5 fois plus importants que les stocks coréens dans l’Union. De 2010 à 2016, les stocks d’IDE européens entrants ont augmenté de 59 % et les stocks d’IDE sortants de 33 %.

Des accords qui préfigurent les points d’achoppement à venir avec de plus grands partenaires commerciaux

De nombreux freins  subsistent entre l’UE et la Corée, par exemple, le maintien de l’embargo sur la viande bovine française, des droits de douanes significatifs sur l’importation de riz,  le nombre limité d’équivalences réglementaires dans le domaine de l’automobile ou encore  les normes en droit du travail et de l’environnement:  par exemple, le respect des principes fondamentaux de l’OIT en matière de liberté d’association et de droit à la négociation collective et à la ratification des conventions fondamentales de l’OIT.

Les Parties ayant  entériné le principe d’un accord « vivant ou évolutif » , la mise en place de forums réguliers de coopération réglementaires destinés à pousser à l’harmonisation des normes permet de créer une convergence progressive: sept comités spécialisés, sept groupes de travail et un dialogue sur la protection de la propriété intellectuelle ont été instaurés.

Un exemple parmi d’autres avec le groupe de travail «Produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux», réuni à Bruxelles en juin 2016 sur  la politique coréenne en matière de tarification des produits pharmaceutiques et la reconnaissance de la valeur des technologies et médicaments innovants, les numéros de série pour les médicaments, la reconnaissance des recueils pharmaceutiques originaires de l’Union, ainsi que le remboursement des dispositifs à usage unique, les exigences relatives aux essais cliniques, et la situation des organismes notifiés dans l’UE.

Il n’en reste pas moins que des chocs culturels violents interviennent encore par exemple à propos de la consommation des chats et chiens

voir rapport annuel du 20 octobre 2017: COM-2017-614-F1-FR-MAIN-PART-1