Les eurodéputés valident la Commission von der Leyen et rappellent leurs priorités – Parlement européen : la législature 2019

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28.11.2019

Marie Guitton, à Strasbourg

Après l’investiture de la nouvelle Commission européenne, la législature peut enfin entrer dans le vif des sujets. Réunis en session plénière du 25 au 28 novembre, les eurodéputés ont commencé par décréter l’état d’urgence climatique en Europe et valider un budget européen à la hausse pour 2020.

Ursula von der Leyen et David Sassoli, le 27 novembre - Crédits : Marc Dossman / Parlement européen 2019

Ursula von der Leyen et David Sassoli, le 27 novembre – Crédits : Marc Dossman / Parlement européen 2019

Le sujet phare : La Commission von der Lyen validée parles eurodéputés

« Aujourd’hui, nous avons une majorité nette, stable, qui conforte ma volonté de porter un agenda de changement« . Ursula von der Leyen peut finalement souffler. Son collège a été largement approuvé au Parlement européen mercredi 27 novembre, par 461 voix contre 157 et 89 abstentions.

La Commission von der Leyen entrera donc en fonction ce dimanche 1er décembre, après l’examen minutieux du profil de chaque commissaire réalisé entre septembre et novembre par les eurodéputés. Ils n’avaient pas hésité à dire non à trois candidats présentés par les Etats membres, notamment à la Française Sylvie Goulard. En juillet dernier, Ursula von der Leyen elle-même n’avait été élue qu’à neuf voix près.

 Qui sont les futurs commissaires européens ?

Si son collège a finalement été approuvé avec une quarantaine de voix de plus que la Commission Juncker en 2014, la fermeté affichée par le nouveau Parlement européen au cours des derniers mois sonne donc comme un avertissement.

La majorité qui s’est de fait constituée le 27 novembre pour investir la nouvelle équipe (PPE, Renew, S&D, et une partie de l’ECR) tiendra-t-elle bon au cours de la mandature ? Rien n’est moins sûr. Le PPE et Renew se sont levés pour applaudir le discours d’Ursula von der Leyen, au cours duquel la présidente a rappelé ses priorités : la transition écologique (Green deal), le numérique et l’innovation. Mais les sociaux-démocrates, regrettant que le « pacte vert » sur le climat ne s’accompagne pas d’un « agenda rouge » sur le social, ont nuancé leur soutien dans l’hémicycle, tandis que la moitié des conservateurs de droite souverainiste ont préféré s’abstenir ou voter contre la nouvelle équipe.

Le groupe des Verts, lui aussi, a choisi de réserver son jugement à l’aune des actions concrètes à venir (abstention quasi générale). Tandis que l’extrême droite et l’extrême gauche ont voté contre le nouveau collège.

Commission européenne : la nouvelle équipe d’Ursula von der Leyen largement approuvée par le Parlement européen

Le vote phare : L’état d’urgence climatique et environnementale décrété en Europe

429 voix pour, 225 voix contre, 19 abstentions. Jeudi 28 novembre, les députés européens ont fait de l’Europe le « premier continent » à « déclarer l’état d’urgence climatique et environnementale« .

Au cours d’un débat en séance plénière lundi, tous les groupes politiques, sauf l’extrême droite (ID) dénonçant une « approche dogmatique« , s’étaient accordés sur l’urgence d’agir face au réchauffement. A la veille de la COP25 (du 2 au 13 décembre à Madrid) et de la présentation par la nouvelle Commission européenne de son « Green deal » (prévue le 11 décembre), c’est donc un « message fort aux citoyens et au reste du monde » qui a été envoyé par les eurodéputés, selon Pascal Canfin (Renew), le président de la commission de l’Environnement au Parlement européen.

Cette résolution n’est pas contraignante, mais les élus réclament que toutes les nouvelles lois de l’UE soient désormais « alignées » sur l’objectif de limiter à 1,5°C le réchauffement en 2100, par rapport à 1880.

Dans un autre texte adopté jeudi, les parlementaires demandent plus concrètement à Ursula von der Leyen d’inclure dans le pacte vert un nouvel objectif de réduction des émissions de CO2 : -55% d’ici à 2030 par rapport à 1990 (contre -40 % actuellement, et -65 % réclamés par les Verts), « pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050« . Ils exhortent également les pays de l’UE à au moins doubler leur contribution au Fonds international vert pour le climat. Et à « supprimer progressivement toutes les subventions directes et indirectes en faveur des combustibles fossiles d’ici à 2020« .

Parlement européen : décréter « l’urgence climatique » en Europe, ça veut dire quoi ?

Le récit de la plénière : Agir contre les violences faites aux femmes


Le 25 novembre, le Parlement européen s’est illuminé en orange en hommage aux femmes victimes de violences – Crédits : Christian Creutz / Parlement européen 2019

Dans l’UE, « une femme sur trois est victime de violence physique ou sexuelle au cours de sa vie […]. Nous devons mettre fin, chers collègues, au silence, à la honte et à l’impunité. La violence de genre, c’est une violence contre les droits de l’homme. » Lundi 25 novembre, avant même l’ouverture officielle de la séance plénière à Strasbourg, le président du Parlement européen David Sassoli a fait respecter une minute de silence dans l’hémicycle « en l’honneur de toutes les femmes victimes de violence« . Le soir, pour leur rendre hommage, le Parlement européen a aussi été illuminé en orange. Et jeudi, 500 eurodéputés ont voté une résolution appelant l’Union européenne et tous ses Etats membres à enfin ratifier la Convention d’Istanbul.

Car cette convention internationale, adoptée par le Conseil de l’Europe en 2011 et qui fixe des normes juridiquement contraignantes en vue de prévenir la violence à l’égard des femmes, n’est toujours pas en vigueur dans sept pays européens : la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie et la Tchéquie. Selon le Parlement européen, plusieurs de ces pays donneraient une « interprétation intentionnellement erronée » de cette convention pour justifier leur veto (l’un de leurs arguments consisterait par exemple à dire qu’elle ouvrirait la voie au mariage pour tous).

Mais aussi… Protéger les droits de l’homme en Algérie et les droits des enfants migrants

La majorité de l’hémicycle a aussi décidé de sortir de sa réserve face à la situation en Algérie. Une résolution a été adoptée pour condamner « fermement les arrestations arbitraires et illégales ainsi que l’emprisonnement, les attaques et les intimidations de journalistes, syndicalistes, avocats, étudiants, défenseurs des droits de l’homme et de manifestants pacifiques qui prennent part aux manifestations d’Hirak« , le mouvement populaire contre le régime algérien.

Lundi, les eurodéputés avaient également appelé à « la mise en œuvre complète du régime d’asile européen commun afin d’améliorer les conditions des enfants migrants […]. La protection de l’enfant devrait notamment être le principe directeur lorsqu’il s’agit d’enfants non accompagnés, plutôt que les politiques de migration« , explique le Parlement.

L’Europe au quotidien

« Dieu existe, son nom est Petrunya ». Mercredi 27 novembre, le 13e prix Lux du cinéma a été remis à la réalisatrice macédonienne Teona Mitevska, pour son film qui « contribue à la lutte féministe et à la lutte contre les sociétés conservatrices« . Il raconte, dans les Balkans, l’accession d’une femme à une tradition religieuse réservée aux hommes. Grâce au prix Lux, il sera traduit dans les 24 langues officielles de l’UE.

Cinéma : le prix Lux, moteur de la diversité culturelle européenne

Plus d’argent pour le climat (+5,6 % par rapport à 2019), Erasmus+ (+3,6 %) ou encore l’emploi des jeunes ? C’est une « petite » victoire dont se sont félicités plusieurs membres du Parlement européen mercredi : le budget de l’UE pour l’année 2020 a été adopté après d’intenses semaines de négociations avec les Etats membres. Au final, « nous avons obtenu 1,9 milliard d’euros de plus que ce qu’ils proposaient« , explique Pierre Larrouturou, négociateur pour le groupe des sociaux-démocrates (S&D).

Mais à cette bataille succèdera une autre, bien plus importante : l’adoption du prochain cadre financier de l’UE pour la période 2021-2027. « Clairement, nous voulons faire partie de la négociation budgétaire« , a averti David Sassoli, le président du Parlement européen en personne. « Nous rappelons que c’est le Parlement européen qui vote… »

Deux exigences sont actuellement mises en avant par les eurodéputés : des contributions nationales à la hauteur des enjeux et la création de ressources propres supplémentaires (de l’argent que l’UE gagne elle-même sans le recevoir des Etats membres) pour financer les nouvelles priorités de l’Union européenne… sans avoir à raboter les anciennes.

Budget 2021-2027 : le Parlement européen prêt à dire « non » aux Etats membres

Les eurodéputés ont validé jeudi l’augmentation des contingents de bœuf (non nourri aux hormones de croissance) que les Etats-Unis peuvent exporter dans l’Union européenne sans droits de douane. Mathématiquement, il ne s’agit que d’une réorganisation des quotas jusque-là détenus par les Etats-Unis, l’Australie, l’Argentine et l’Uruguay au titre d’un accord datant de 2009.

Pour le groupe libéral Renew, cela permettrait « d’apaiser les tensions et éviter de nouvelles taxes américaines sur les produits agricoles« , afin de protéger les producteurs européens. Au contraire, le groupe des Verts ou encore les socialistes français ont « condamné ce vote« , estimant que l’UE cédait ainsi au « chantage » de Donald Trump, alors même que celui-ci a retiré son pays de l’accord de Paris. Par ailleurs, ils craignent que les perdants de cette redistribution réclament des compensations dans le cadre de nouveaux accords de libre-échange. Ce qui conduirait alors les producteurs européens à subir une concurrence plus forte « sur un marché de la viande bovine déjà totalement saturé. »

La personnalité de la session : Oleg Sentsov, défenseur des droits de l’homme en Ukraine

 

Le 27 novembre, le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov, lauréat du prix Sakharov 2018, s’est exprimé dans l’hémicycle – Crédits : Marc Dossmann / Parlement européen

Libéré le 7 septembre au cours d’un échange de prisonniers entre la Russie et l’Ukraine, le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov, défenseur des droits de l’homme, a enfin pu recevoir le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, qui lui avait été décerné par le Parlement européen en 2018.

Tout en dédiant ce trophée à « tous les prisonniers politiques ukrainiens dans les prisons russes« , il a lancé un avertissement très fort aux dirigeants de l’UE :

« Le pays le plus euro-optimiste dans le monde, c’est l’Ukraine actuellement, parce que nous ne voyons pas d’autres modèles de développement. Nous ne pourrons pas survivre autrement comme pays que sur la voix européenne. Donc chaque fois que l’un d’entre vous songe à tendre une main d’amitié à Poutine en passant par-dessus nos têtes, rappelez-vous les 13 000 morts ukrainiens, pensez aux centaines de nos jeunes qui se trouvent encore en prison et peut-être subissent des tortures à l’heure où je vous parle. […] On parle beaucoup d’apaisement, de faire la paix avec la Russie. Mais je ne crois pas ce que dit Poutine et je vous encourage à ne pas le croire non plus.« 

Guerre en Ukraine : où en est l’Union européenne ?

Et à côté… 310 enfants, hérauts des droits de la planète

Mercredi, une Déclaration des droits de la planète et du vivant a été présentée au Parlement européen… écrite par 310 enfants issus de 10 pays de l’UE. Après les avoir salués dans l’hémicycle, David Sassoli et Ursula von der Leyen sont allés les féliciter en personne.

LIRE AUSSI : Au Parlement européen, des enfants présentent une déclaration pour protéger la planète

Le calendrier à venir : Des précisions sur le Green deal et le budget 2021-2027 ?

La nouvelle Commission européenne prendra ses fonctions dimanche, le 1er décembre. Au même moment, le Belge Charles Michel remplacera le Polonais Donald Tusk à la tête du Conseil européen. Mardi, les eurodéputés ont également approuvé la reconduction du président de la Cour des comptes européenne, l’Allemand Klaus-Heiner Lehne… Et ainsi s’achève donc le grand mercato 2019 des postes clés de l’Union.

Les institutions vont donc pouvoir entrer dans le vif des sujets. Dès les 12 et 13 décembre, au Conseil européen à Bruxelles, les chefs d’Etat et de gouvernement seront attendus sur le cadre financier pluriannuel. La veille, le 11 décembre, Ursula von der Leyen devrait avoir précisé son pacte vert pour l’Europe. De quoi nourrir de nouveaux débats lors de la prochaine session plénière, laquelle aura lieu juste avant les vacances de Noël.

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