Grain de sel : Depuis plusieurs années, la prise de conscience de l’impact de l’agriculture productiviste sur la biodiversité et de le changement climatique, notamment par la déforestation, entraîne une réflexion normative croissante. Elle s’inscrit dans une reconfiguration des chaînes d’approvisionnement au regard du devoir de vigilance qui intègre les impacts écologiques et les atteintes aux droits humains, et couvre donc les questions de la déforestation et de la biodiversité. Au moment où le projet de Total en Ouganda fait polémique, l’impact des entreprises sur l’environnement continue d’alimenter inquiétude et colère…
Actualité du 6 février 2023 : Carrefour cesse de s’approvisionner auprès de 177 fermes accusées de déforestation au Brésil.
Le 15 mars 2024 : Le commissaire européen à l’Environnement, Virginijus Sinkevičius, est en tournée au Paraguay, en Bolivie et en Équateur cette semaine pour répondre aux inquiétudes quant à la mise en œuvre de la première interdiction au monde, imposée par l’UE, des produits liés à la déforestation — une mesure qualifiée de protectionniste par certains partenaires commerciaux de l’UE.
Pour lutter contre la déforestation, l’Institut Jacques Delors propose à la fois de changer les régimes alimentaires des consommateurs, de lutter contre le gaspillage alimentaire, et surtout de garantir des chaînes d’approvisionnement « zéro déforestation ».
Actualité de septembre 2024 : La mise en œuvre prochaine du règlement anti-déforestation européen suscite de vives tensions au sein du Parlement européen. Selon ce règlement, les entreprises commercialisant du soja, du boeuf, de l’huile de palme, du bois, du caoutchouc ou du café au sein du marché de l’Union européenne devront être en mesure de prouver à partir du 30 décembre 2024 que les produits ne sont pas issus de zones récemment déboisés ou qu’ils n’ont pas participé à la dégradation des forêts. Comme preuve de conformité, cette nouvelle législation impose aux entreprises qu’elles fournissent des données de géolocalisation des exploitations.
Le centre droit souhaite retarder l’application de ce règlement. Selon eux, l’application de cette loi risque de perturber le commerce de plusieurs biens de consommation et de menacer les approvisionnements de nourriture animale au sein de l’Union Européenne. Les socialistes, quant à eux, ont renouvelé leur souhait de respecter le calendrier initial.
Finalement, plusieurs groupes demandent une publication rapide des lignes directrices et des foires aux questions afin que les entreprises puissent mettre en œuvre les conditions nécessaires pour s’adapter à ce nouveau règlement. La Commission européenne avait assuré communiquer ces documents en mars dernier mais ces documents ne sont toujours pas publiés. Toutefois, la Présidente de la Commission européenne “a annoncé qu’elle proposerait un report ou une autre solution temporaire dans les jours à venir ”.
Le règlement sur la déforestation vient d’être publié, en annexe de cet article.
A l’approche du nouveau règlement européen, l’Institut rappelait qu’il est indispensable de s’attaquer à la déforestation mondiale pour réduire les émissions de GES, lutter contre le changement climatique et protéger la biodiversité. Selon le dernier rapport du GIEC sur l’atténuation du changement climatique, le secteur de l’agriculture, de la foresterie et des autres utilisations des terres (AFAT) représentait 13 à 21 % du total des émissions mondiales de GES d’origine
anthropique entre 2010 et 2019. De plus, 45 % des émissions totales du secteur AFAT sont dues à la seule déforestation14, alors que les forêts abritent la majeure partie de la biodiversité terrestre mondiale.
Introduction sur la déforestation
Les forêts mondiales sont menacées par la déforestation et la dégradation. Cela a des répercussions négatives sur la biodiversité et contrecarre les efforts d’atténuation du changement climatique. Il est donc indispensable de s’attaquer à l’expansion agricole, qui est à l’origine de près de 90 % de la déforestation mondiale. L’UE, dont on estime que la consommation est à elle seule responsable d’au moins 10 % de la déforestation tropicale, a un rôle important à jouer pour faire évoluer la situation.
Cet article fournit une analyse de la nouvelle proposition de règlement de l’UE sur les chaînes d’approvisionnement zéro déforestation qui cherche à aborder la contribution significative de l’UE à la déforestation mondiale causée par sa demande de certains produits agricoles et alimentaires. Nous montrons que cette législation est une partie importante des mesures de la stratégie « de la ferme à la table » visant à rendre le système agroalimentaire européen plus durable. L’obligation de diligence raisonnée peut être un outil efficace pour réduire le risque de déforestation et de dégradation des forêts intégré dans les chaînes d’approvisionnement agroalimentaires de l’UE.
Nous soutenons que l’approche ciblée et basée sur les produits de base adoptée dans ce règlement est utile pour établir un cadre réglementaire solide et applicable qui pourrait résister aux contestations juridiques des partenaires commerciaux. Compte tenu du risque de lacunes et d’effets de fuite, il
sera toutefois nécessaire d’adopter des mesures complémentaires adéquates, qui incluent un engagement efficace avec les pays producteurs, les autres pays consommateurs et les parties prenantes, afin de favoriser l’efficacité et le succès de cette législation et de s’attaquer aux causes profondes de la déforestation.
La création d’un cadre politique harmonisé et cohérent pour tous les acteurs du système
agroalimentaire nécessite en outre d’assurer la cohérence entre ce règlement et les autres législations pertinentes, y compris pour le secteur financier.
Les négociations du trilogue sur la proposition de règlement européen sur les produits agroalimentaires zéro déforestation se sont récemment conclues. Europe Jacques Delors analyse la proposition de règlement, en la replaçant dans le contexte plus large de la transformation du système alimentaire et en soulignant ses forces et ses faiblesses. Les différences entre les positions de la Commission, du Parlement européen et du Conseil sont abordées.
Le point de vue d’Europe info hebdo :
A quoi bon protéger la nature au sein de l’UE, si nous consommons l’eau, les ressources ou la forêt des autres ? Même biologique, l’avocat et est un bon exemple de nos paradoxes de consommateurs avertis, végétarien ou végane : l’impact environnemental et social de sa culture mondialisée est particulièrement désastreux. On sait les dégâts de l’huile de palme et des célèbres pâtes à tartiner qui en abusent, mais le chocolat, le café, et même la viande sont des produits dont les voracités européennes sont causes de déforestation croissante.
- Alors que l’UE est le deuxième importateur de déforestation au monde, juste derrière la Chine, le règlement sur la déforestation importée veut bannir les produits tels que le soja, l’huile de palme, le cacao, le bois, le café ou encore le bœuf, le caoutchouc et certains produits dérivés comme le cuir, le chocolat ou les meubles, s’ils ne peuvent pas faire la preuve qu’ils ne sont pas issus de la déforestation.
- Adoptée fin 2022, la loi européenne est entrée en vigueur le 30 juin 2023 – cf. EIH 18/6/23.
- Cependant, face aux pressions internationales des partenaires commerciaux de l’UE, dont beaucoup sont aussi des bénéficiaires de l’aide européenne au développement, la Commission européenne a consenti la semaine dernière à retarder la pleine mise en œuvre du nouvel outil anti-déforestation.
- Une très longue et détaillée analyse de ce “pas de côté” démontre la difficulté du bloc européen à diffuser son ambition verte au reste du monde/
- En particulier aux pays les moins développés, dont la situation est aussi exploitée dans leur lobbying par les grandes compagnies agroalimentaires mondiales.
- Plusieurs gouvernements de pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ont critiqué la lourdeur de ces règles, qu’ils jugent par ailleurs injustes, et craignent qu’elles ne rebutent les investisseurs.
- En attribuant le même risque “standard” à chaque pays, l’Union européenne leur permet de prendre le temps de s’adapter aux nouvelles règles en matière d’importations de produits issus de zones déforestées.
- Mais elle retarde de fait la mise en place d’un contrôle strict de ces importations, explique cette synthèse de Courrier international.
- Une très longue et détaillée analyse de ce “pas de côté” démontre la difficulté du bloc européen à diffuser son ambition verte au reste du monde/
Le document complet : https://www.europejacquesdelors.eu/fr/publications/grape-4–deforestation-free-agri-food-supply-chains
74e8a67e-b389-436c-a212-afc229443783_GRAPE+4+(FR)+Lamy_+Pons,+Hub.pdf (prismic.io)