Déforestation : le Parlement européen détricote un texte clé

Le Parlement européen est parvenu à détricoter une partie du règlement contre la déforestation. Un texte-clé du Green Deal qui vise à interdire les produits issus de la déforestation sur le continent. Outre le report d’un an de son entrée en application, la droite et l’extrême-droite ouvre une nouvelle brèche pour amoindrir sa portée.

Ça aurait pu être pire, mais c’est quand même “un désastre”. Le Parlement européen a approuvé jeudi 14 novembre, le report d’un an du règlement contre la déforestation. Ce texte inédit au niveau mondial, adopté en 2023, entend mettre fin à la commercialisation sur le continent européen de produits issus de la déforestation tels que le cacao, le café, le soja, l’huile de palme, le bois, la viande bovine ou le caoutchouc. Il devait entrer en application au 30 décembre 2024. Mais il était de plus en plus critiqué  par une partie du monde économique et par certains pays d’Amérique du Sud et d’Asie.

Sous pression, la Commission européenne a donc proposé début octobre de reporter l’application du texte d’un an pour laisser à chacun le temps de s’y préparer. Une proposition, approuvée le 16 octobre par le Conseil de l’UE, et qui était mise au vote ce jour au Parlement. Sauf que le PPE, le parti conservateur majoritaire dans l’hémicycle, en a profité pour tenter d’affaiblir encore plus la portée du texte. Et y est en partie arrivé.

BREAKING NEWS : Selon une lettre consultée par Euractiv, Christine Schneider, eurodéputée allemande du Parti populaire européen (PPE), a décidé de ne pas poursuivre la création d’une catégorie « sans risque » qui aurait pu exempter certains États membres de l’Union européenne (UE) du règlement européen anti-déforestation (EUDR).

The drama over enforcing the EU’s groundbreaking anti-deforestation rules (EUDR) is finally over, with trade partners now breathing a sigh of relief after months of legal uncertainty.

Last night (3 December), the European Parliament and Council agreed to delay the law’s enforcement by one year. The EUDR will target major global commodities like soy, cocoa, coffee, livestock, palm oil, timber, and rubber – some of the largest drivers of global deforestation.

Sure, the one-year delay gives governments and businesses more time to implement the rules. But the legislation’s core has remained intact, despite efforts by the centre-right European People’s Party (EPP) and far-right allies to weaken it by reopening key provisions. Ironically, this push came from the same party that led negotiations on the law two years ago.

Back in 2022, Christophe Hansen, an EPP member and now agriculture commissioner, was the Parliament’s lead negotiator on EUDR and successfully expanded the law’s ambition.

Under Hansen’s leadership, the scope of products covered increased and the definition of forest degradation was broadened. The legislation passed in a landslide: 552 votes to 44 – uniting Greens, centrists and even the far right.

Fast forward to this year, the tide has turned.

EPP lawmaker Christine Schneider proposed 15 amendments to dilute the rules. Why? A close look into the proposed amendments suggests they were designed to shield European companies, farmers, and administrations from the same standards imposed on trade partners – a move that can be described as “green protectionism.”

From the beginning, the EUDR was a hard pill to swallow for leading producers of these commodities, responsible for an important part of global deforestation, including Malaysia, Indonesia, and Brazil, who have often slammed the rules as discriminatory.

A particularly controversial EPP proposal, the ‘no risk’ category, would have exempted countries with a history of reforestation from checks – creating potential loopholes that could allow deforestation products to continue to enter the EU.

This led to accusations of hypocrisy, with Brazil’s largest farming group, CNA, wasting no time condemning the ‘ »no-risk » category as a “protectionist” move pandering to European interests.

“It is an unambiguous sop to European interests and a knee-jerk reaction to recent demonstrations across Europe,” Felipe Spaniol, advocacy coordinator at the CNA, told Euractiv.

This is not the first time the EU has faced criticism for using environmental policies as trade barriers. Its carbon border adjustment mechanism (CBAM) and opposition to the EU-Mercosur free trade agreement have also raised eyebrows.

EU leaders are quick to claim high environmental standards are non-negotiable, but some of the same groups decrying Mercosur on sustainability grounds seem far more resistant to greening Europe’s own food system.

For the EU to maintain credibility on sustainability and trade, it must apply consistent standards – both within its borders and beyond. Without this, its green policies risk being seen as protectionist posturing rather than genuine environmental leadership.

Une nouvelle catégorie “sans risque”

La droite, avec le soutien de l’extrême-droite, a fait passer des amendements pour créer une nouvelle catégorie de pays désignés comme étant “sans risque”, en plus des trois catégories existantes de risque “faible”, “standard” et “élevé”. Dans le viseur des élus : les pays européens, qui pour certains, ont découvert sur le tard qu’ils seraient eux aussi concernés par le règlement. Ils seraient donc pour certains d’entre eux exemptés de ce règlement.

Mais plus globalement, selon le décompte de l’association Canopée, ce sont 136 pays qui entreraient dans cette catégorie en raison des critères très faibles. Le PPE prévoyait aussi de porter le report à deux ans ou encore d’exempter les commerçants et les distributeurs, ce qui aurait vidé le texte de sa substance. Mais le groupe a finalement retiré ces amendements la veille du vote.

“C’est un jour sombre pour la crédibilité environnementale de l’Europe”, a réagi Julian Oram, directeur des politiques chez Mighty Earth. “L’inclusion d’une nouvelle catégorie “sans risque” permettra à de nombreux pays d’être considérés comme sans risque, même si la déforestation, la dégradation et les pratiques illégales se poursuivent. Il est également probable qu’il encouragera le trafic à grande échelle de produits agricoles depuis les territoires à haut risque vers les pays dits sans risque de déforestation”, craint-il.

En outre, alors que les votes ont été très serrés, il y a eu un problème technique avec les machines de vote au Parlement, empêchant de nombreux députés de voter. La présidente du Parlement, Roberta Metsola, a toutefois refusé de procéder à un nouveau vote. “Sur certains amendements clés, les votes se sont joués de 3 et 5 voix. Quand c’est extrêmement serré, il faut revoter. Avec les Verts et les Sociaux Démocrates, nous allons donc lancer une procédure pour contester ces votes et les refaire”, annonce l’eurodéputé Renew, Pascal Canfin, qui dénonce une “procédure anti-démocratique et anti-transparente”.

Vers un retrait de la proposition ?

Ces votes relancent un trilogue avec les Etats membres et la Commission européenne sur l’ensemble du texte. Mais cela implique qu’un accord soit trouvé d’ici le 1er janvier 2025, date d’application effective du texte actuel, ce qui laisse très peu de temps. Il semble en outre peu probable qu’un accord soit trouvé au Conseil, les pays étant réticents à ce que certains bénéficient d’exemptions et d’autres non, comme la France ou la Finlande par exemple, au sein même de l’UE. Si aucun accord n’est trouvé, alors le texte entrera en application au 1er janvier 2025, sans report ni modification.

Pour sortir de cette situation, une possibilité serait que la Commission européenne retire sa proposition de report. Ursula von der Leyen s’était en effet engagée à le faire si des modifications allant au-delà du simple report étaient engagées. Ce qui est le cas. 

“Si la Commission européenne ne retire pas sa proposition de report, les amendements adoptés aujourd’hui par l’alliance de l’extrême droite et de la droite vont rouvrir les négociations sur le texte. Et derrière, ce sont tous les textes du Pacte Vert qui pourraient connaître le même sort. L’enjeu est donc crucial !”, a lancé sur X l’eurodéputée verte Marie Toussaint. “Lors de l’annonce du report, on craignait d’ouvrir la boîte de Pandore, c’est exactement ce qui est en train de se passer”, ajoute Pascal Canfin.

À l’origine de 16% de la déforestation mondiale par le biais de ses importations (majoritairement de soja et huile de palme), l’UE est le deuxième destructeur de forêts tropicales derrière la Chine, selon le WWF. Le règlement sur la déforestation pourrait permettre une baisse de la déforestation globale de 10%, selon l’étude d’impact de la Commission. Et ferait de l’Union européenne un pionnier sur le sujet. ■