COP30 au Brésil : résister sans les Etats-Unis ?

Grain de sel

Alors que la planète brûle, les États-Unis boudent les extincteurs. La prochaine COP30, prévue en novembre 2025 à Belém, en pleine Amazonie brésilienne, pourrait bien se tenir sans l’adhésion réelle (voire même la simple présence) de la première puissance économique mondiale. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier dernier, les États-Unis ont acté un nouveau retrait brutal de la gouvernance climatique internationale. Coupures budgétaires, blocage des engagements financiers, refus d’envoyer une délégation de haut niveau à Belém : Washington ne se contente plus de faire cavalier seul, il sabote l’élan collectif. Faut-il pour autant en conclure que la diplomatie climatique peut survivre à l’absence des États-Unis ? C’est bien la question géopolitique centrale de cette nouvelle phase post-Accord de Paris. Depuis 2015, les COP se succèdent, oscillant entre promesses ambitieuses et déceptions concrètes. Glasgow, Charm el-Cheikh, Dubaï… et bientôt Belém : chaque sommet illustre davantage le décalage croissant entre les engagements climatiques affichés et la réalité des rapports de force mondiaux.

La donne a radicalement changé : la guerre en Ukraine a relancé les investissements fossiles en Europe, la Chine investit à la fois dans le charbon et le solaire, et les États du Golfe verrouillent les négociations via leur poids économique. Désormais, le Brésil de Lula tente de repositionner l’Amazonie comme poumon stratégique, écologique, mais aussi diplomatique du Sud global.

L’action climatique multilatérale : un état des lieux

La COP30 qui se tiendra à Belém à la fin de l’année est l’occasion de relancer la lutte mondiale contre le changement climatique et de montrer que le multilatéralisme peut encore porter ses fruits.  Malgré l’urgence croissante et l’escalade des impacts, la crise climatique a été reléguée au second plan de l’agenda mondial et n’est aujourd’hui que rarement mentionnée par les dirigeants mondiaux lors des grands sommets tels que l’Assemblée générale des Nations unies. Sous la présidence de Lula, le Brésil s’est démarqué de cette tendance en s’imposant comme l’un des principaux acteurs de l’action climatique. Aujourd’hui, en tant qu’hôte de la COP30, il a l’occasion et la possibilité de favoriser les conditions diplomatiques, politiques et financières qui permettront de remettre le monde sur la bonne voie pour la décennie critique qui s’annonce.

Le Brésil incarne à la fois les conséquences désastreuses du changement climatique et le potentiel économique de l’action pour le climat. Les inondations lui coûtent désormais des points entiers de PIB. Les incendies de forêt exacerbent l’inflation. Les sécheresses diminuent la productivité de son secteur agricole. Le coût des inondations dans le Rio Grande do Sul et des incendies en Amazonie et dans le Pantanal a fait basculer le Brésil dans une situation de déficit budgétaire, quoique léger, cette année 1. Le pays abrite la forêt amazonienne, la plus grande forêt tropicale restante, essentielle à la stabilité du climat mondial et à la biodiversité. Mais l’Amazonie est proche d’un point de bascule, dont les conséquences seraient dévastatrices pour le pays, le bassin amazonien et l’ensemble de la planète 2.

Nulle part ailleurs les liens profonds entre l’action climatique et la démocratie ne sont mieux illustrés ou compris qu’au Brésil, une démocratie extrêmement plurielle et dynamique — mais aussi très menacée.  Sa réalité politique témoigne de ce que les changements des équilibres gouvernementaux modifient de manière décisive la trajectoire de ses émissions de gaz à effet de serre. Les faits ne laissent pas de place au doute : lorsque l’extrême droite est au pouvoir, comme en 2019-2023, les émissions augmentent. Lorsque les progressistes sont au pouvoir, elles diminuent. Le contraste entre le bilan du président Lula et celui de Jair Bolsonaro, son prédécesseur antidémocratique — ne pourrait être plus frappant. 

Le Brésil jouit de solides relations au-delà des clivages géopolitiques : il a la confiance de nombre de pays du Sud ; parle aussi bien avec l’Occident qu’avec la Chine ; et reste un membre clef du G20, tout en étant un pilier des BRICS en expansion — organisation qu’il préside d’ailleurs cette année). Pour le gouvernement de Lula, la COP30 est l’occasion de positionner le Brésil en tant que leader mondial à un moment où le leadership progressiste se fait rare, et de démontrer que, malgré tous ses défauts, le multilatéralisme reste essentiel pour résoudre les défis mondiaux. En tant que démocratie de taille moyenne au cœur de la guerre des capitalismes politiques entre les États-Unis et la Chine, le Brésil a un intérêt fondamental à défendre le multilatéralisme.

Lorsque l’extrême droite est au pouvoir, comme en 2019-2023, les émissions augmentent. Lorsque les progressistes sont au pouvoir, elles diminuent.Laurence Tubiana et Emmanuel Guérin

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche rend cette tâche déjà difficile encore plus complexe.  Quelques heures après son entrée en fonction, il a retiré les États-Unis de l’Accord de Paris pour la deuxième fois — alors même que Los Angeles continuait de se consumer dans des mégafeux aux conséquences économiques et humaines énormes. 

Le tempérament de Trump est imprévisible, mais certaines hypothèses devraient — malheureusement — se vérifier à coup sûr. Son administration n’a aucun intérêt à réduire les émissions de CO2. Alors que d’autres pays s’engagent dans la transition énergétique, les États-Unis redoubleront d’efforts en faveur des combustibles fossiles, en les promouvant de manière agressive à l’intérieur et à l’extérieur du pays 3. Le multilatéralisme et ses principales institutions sont considérés comme des escroqueries visant à affaiblir les États-Unis et à renforcer leurs rivaux. Les programmes de financement de la lutte contre le changement climatique ne seront pas seulement ignorés mais activement sapés. Certaines villes et certains États continueront à prendre des mesures en faveur du climat, conformément aux souhaits de millions d’Américains et d’entreprises. Mais au cours des quatre prochaines années, l’administration américaine se désengagera dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, elle perturbera activement les efforts mondiaux de lutte contre la crise climatique.

La principale victime du déni de réalité de Donald Trump sera les États-Unis eux-mêmes. Des progrès internationaux significatifs ont été réalisés au cours de sa première présidence, même sans le leadership des États-Unis. Aujourd’hui, les arguments en faveur du maintien du cap par les autres pays sont encore plus forts. Les États reconnaissent désormais que leur prospérité future est étroitement liée à leur capacité à passer à une énergie propre abondante et aux technologies qui la permettent. Cette prise de conscience entraîne un renouveau de la stratégie industrielle et une course intense pour s’assurer une part des industries vertes en pleine expansion. 

Les énergies renouvelables sont en plein essor dans le monde entier, la capacité globale augmentant à un rythme remarquable, dépassant régulièrement les prévisions des analystes.

Grâce à la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) du président Biden, les États-Unis ont tiré des avantages considérables de la croissance des technologies propres qui, selon l’Agence internationale de l’énergie, devraient représenter 2 milliards de dollars d’ici à 2035 4. Le brusque changement de cap de Donald Trump n’arrêtera pas la dynamique économique mondiale, mais il privera les Américains de ses bénéfices et coûtera aux États-Unis leur position de leader dans un domaine stratégique clef.

Au cours des quatre prochaines années, l’administration américaine se désengagera dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, elle perturbera activement les efforts mondiaux de lutte contre la crise climatique.Laurence Tubiana et Emmanuel Guérin

Rétablir la dynamique politique

Il est cependant indéniable que nous nous trouvons dans un creux du cycle politique climatique — un chemin sinueux fait de hauts et de bas mais dont la tendance pointe plutôt dans la bonne direction. Ceux qui voudraient revenir sur la bonne voie doivent être lucides sur la réalité de la situation actuelle et sur les raisons qui l’expliquent. Le défi essentiel pour la présidence brésilienne de la COP30 est de trouver un moyen d’impliquer les participants et de remettre le changement climatique au premier plan de l’agenda mondial. Lors de la préparation de la COP21 il y a dix ans, la présidence française s’est attachée à identifier les forces qui poussent à une action climatique ambitieuse et celles qui y font obstacle — la stratégie de base étant d’amplifier les aspects positifs et d’atténuer les aspects négatifs. Il est clair que les conditions qui ont rendu possible l’accord de Paris il y a dix ans ont changé. Mais il existe encore aujourd’hui de puissants arguments à faire valoir, que la présidence brésilienne peut exploiter pour inspirer et mobiliser les participants.

Le fait que le mouvement mondial en faveur du climat reste fort est fondamental mais encore sous-estimé. L’idée que les citoyens auraient cessé de se préoccuper du climat est fausse : une enquête menée auprès de 130 000 personnes dans 125 pays — représentant 96 % des émissions mondiales — a révélé que 89 % d’entre elles étaient favorables à une action climatique plus forte 5. De nombreux responsables politiques et économiques ont interprété à tort les préoccupations légitimes concernant l’équité des politiques de transition comme un rejet de l’action climatique elle-même. En France, par exemple, 79 % des personnes interrogées estiment que « ce sont les plus pauvres qui paient pour la crise climatique et énergétique, alors que ce sont les plus riches qui en sont responsables » 6. Ils n’ont pas tort : au niveau mondial, les 1 % les plus riches émettent autant que les 66 % les plus pauvres réunis 7. Même dans les économies où les émissions historiques et par habitant sont les plus faibles, il existe un écart important entre les émissions des plus riches et celles de l’ensemble de la population. Il ne devrait pas y avoir lieu de s’étonner que l’introduction de mesures climatiques mal conçues et régressives — qui s’ajoutent à ces inégalités criantes — suscite des réactions négatives.

Le Brésil peut profiter de sa présidence pour remettre la justice et les citoyens au cœur de la réponse collective à la crise climatique. 

La tragédie des récentes COP est qu’elles ont exclu le moteur le plus puissant du progrès climatique : la mobilisation de masse. À Bakou et à Dubaï, la société civile et les ONG ont été mises à l’écart, réduisant au silence les voix qui ont toujours poussé les gouvernements à agir. Le Brésil pourrait inverser cette tendance. La ministre brésilienne du climat, Ana Toni, elle-même issue de la société civile, s’est engagée à faire de la « mobilisation » un thème central de la COP30, avec des projets déjà en cours pour une Assemblée mondiale des citoyens et pour un « bilan éthique ».

Le Brésil devrait nous inciter à nous rendre compte que la crise climatique n’est plus une menace lointaine : elle est déjà une réalité. Les effets du changement climatique nous frappent aujourd’hui de plein fouet. Les vagues de chaleur, les ouragans et les inondations laissent une marque indélébile et dévastatrice de vies perdues et d’économies perturbées. 

La tragédie des récentes COP est qu’elles ont exclu le moteur le plus puissant du progrès climatique : la mobilisation de masse.Laurence Tubiana et Emmanuel Guérin

Il devient impossible d’ignorer la crise, même pour ceux qui sont d’ordinaire les plus enclins à la nier. 

Les secteurs de l’assurance et de la réassurance se font de plus en plus entendre sur le coût de l’inaction malgré les pressions exercées sur le secteur financier pour qu’il fasse profil bas. Aon estime ainsi que les catastrophes naturelles ont causé 368 milliards de dollars de pertes économiques dans le monde en 2024, dépassant les 300 milliards de dollars pour la neuvième année consécutive 8. Seuls 40 % de ces pertes ont été couvertes par une assurance, et le « déficit de protection » se creusera à mesure que les primes augmenteront et que les assureurs se retireront des zones à haut risque. Le débat qui déchire actuellement la Californie et la Floride — sur la question de savoir qui doit payer en tant qu’assureur de dernier recours — ne fera que s’amplifier au fur et à mesure que les effets du changement climatique s’aggraveront. Le secteur de l’assurance ne peut pas se permettre de rester neutre vis-à-vis des combustibles fossiles. S’il continue à souscrire et à investir dans le secteur qui est à l’origine des catastrophes pour lesquelles il paie, il se retrouvera dans une position de plus en plus intenable — pris en tenaille entre l’augmentation des demandes d’indemnisation, la hausse des primes et la pression croissante des régulateurs, des assurés et du public.

De l’importance de montrer l’exemple et d’avoir un plan

Une présidence réussie de la COP exige plus que la capacité d’écouter toutes les parties et un engagement en faveur du multilatéralisme — elle exige un leadership fort et énergique. 

Les pays doivent présenter cette année leurs plans climatiques actualisés (appelés « contributions déterminées au niveau national » ou CDN). 

Attendre passivement de recevoir les engagements que les pays choisiront de prendre, à leur propre rythme, ne suffira pas à susciter l’augmentation collective de l’effort nécessaire dans ce moment critique. Le Brésil doit tirer parti de son influence et de ses relations diplomatiques pour inciter activement les pays à présenter des CDN à la fois ambitieuses et crédibles afin de créer une dynamique et une pression vertueuses, qui décourageront les engagements trop faibles. Il sera essentiel de donner la priorité à l’engagement avec les principaux émetteurs — en particulier les pays du G20, qui représentent à eux seuls 80 % des émissions mondiales. 

Le Brésil devrait également s’assurer le soutien de partenaires ambitieux sur le plan climatique, tels que l’Union européenne et le Royaume-Uni, pour mener à bien cet effort, tout en reconnaissant qu’il ne peut et ne doit pas assumer seul cette responsabilité.

Aucun pays ne peut revendiquer de manière réaliste un rôle de leader international s’il ne montre pas d’abord l’exemple. 

Le Brésil a été l’un des premiers État, avec le Royaume-Uni et les Émirats arabes unis, à présenter sa contribution déterminée au niveau national (CDN) actualisée, s’engageant à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de 59 % à 67 % d’ici 2035, par rapport aux niveaux de 2005. Si la partie supérieure de cet objectif est positive, la partie inférieure n’est pas à la hauteur de ce qui est requis pour que le pays apporte sa juste contribution aux nécessaires réductions des émissions mondiales. La priorité du gouvernement doit maintenant être de mettre en œuvre correctement cette CDN, en s’appuyant sur des consultations sérieuses avec le secteur privé, les villes et les États, ainsi que la société civile. En alignant son « Plano Clima » sur le plan de transformation écologique du ministère des finances, le Brésil peut attirer les investissements dont il a besoin pour réaliser ses ambitions en matière d’industrialisation verte, y compris sa stratégie de « délocalisation des pouvoirs » visant à favoriser les pôles industriels basés sur l’accès à des énergies renouvelables abondantes et abordables — 91 % de l’électricité brésilienne est produite à partir de sources propres 9.

Le gouvernement a indiqué qu’il souhaitait que la COP30 se concentre sur la « mise en œuvre » et le « retour aux fondamentaux ». Au lieu de faire de grandes annonces, l’accent sera mis sur des solutions pratiques pour surmonter les obstacles à la réalisation d’objectifs déjà convenus lors de négociations antérieures. Cette approche pragmatique est judicieuse. Ces dernières années, la légitimité du processus de la COP a souffert de l’impression qu’il génère plus de rhétorique et de promesses que de résultats tangibles.

Mais la mise en œuvre n’est pas qu’un exercice technique. Elle est profondément et intrinsèquement politique. Le succès dépend de la capacité à naviguer dans les politiques de distribution complexes de l’action climatique — qui supporte les coûts d’investissement ? Comment les bénéfices sont partagés et comment les dynamiques de pouvoir façonnent-elles la prise de décision ? Même une « COP de la mise en œuvre » ne peut éluder ces réalités. Pour y faire face, il faut une stratégie claire qui identifie les domaines clefs dans lesquels des progrès sont nécessaires et politiquement réalisables. Nous avons des suggestions sur la manière dont la présidence brésilienne pourrait faire bouger les choses sur certaines des grandes questions — les finances, les combustibles fossiles et les forêts. Nous mettons également l’accent sur un défi plus fondamental : réformer la gouvernance climatique afin de rééquilibrer la balance en faveur des personnes les plus vulnérables à la crise climatique et de celles qui sont les plus désireuses d’agir.

Le Brésil peut profiter de sa présidence pour remettre la justice et les citoyens au cœur de la réponse collective à la crise climatique. Laurence Tubiana et Emmanuel Guérin

Financement de la transition : sortir des sentiers battus

Les négociations sur le nouvel objectif de financement de la lutte contre le changement climatique — ou NCQG selon son acronyme anglais communément utilisé — à Bakou ont été particulièrement difficiles. 

L’Inde a critiqué l’accord final, qui est loin d’être à la hauteur des besoins, et qui n’a été adopté qu’après le débrayage de nombreux « pays les moins avancés » et « petits États insulaires en développement » 10. Le montant finalement convenu — 300 milliards de dollars par an pour les pays en développement d’ici à 2035 — est de l’avis général insuffisant 11. Reconnaissant que ce résultat ne serait pas durable, les négociateurs ont adopté la « feuille de route de Bakou à Belém », un nouveau processus permettant d’atteindre les 1 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035 qui sont considérés comme nécessaires.

La COP29 n’a sans doute pas été aidée par les facteurs externes qui ont perturbé sa préparation et sa tenue — l’anticipation de la présidence de Trump par exemple, ainsi qu’une présidence mal organisée en interne. 

Mais ce piètre résultat reflète des réalités de fond. 

Malgré de solides arguments moraux et égoïstes en faveur du financement de la lutte contre le changement climatique, la volonté des pays développés d’augmenter de manière significative les subventions ou les transferts vers les pays en développement est au mieux limitée. Même l’aide publique au développement (APD) traditionnelle a été réduite ou réorientée dans de nombreux pays à revenu élevé. Nous devons continuer à la défendre mais il nous faut être lucides sur ce qui est possible à une époque où la marge de manœuvre budgétaire est limitée, où l’austérité est de mise et où les préoccupations liées au coût de la vie sont très répandues dans les pays développés.

En clair, dans le contexte économique actuel, il n’y aura pas de miracle. Le Brésil et d’autres pays chefs de file en matière de financement de la lutte contre le changement climatique poussent à juste titre à des réformes du système financier international pour faire face au coût beaucoup plus élevé du capital pour les projets verts dans les pays en développement et pour s’assurer que les mandats de la Banque mondiale et du FMI reflètent réellement les réalités du changement climatique. Ils tentent également — là encore à juste titre — de trouver des solutions à la crise de la dette et des liquidités qui empêche de nombreux pays en développement d’investir dans leur avenir. Ces efforts constituent une contribution clef à l’effort global. Mais ils ne suffiront pas à combler l’écart considérable entre 300 milliards de dollars et 1 300 milliards de dollars par an 12.

De nouvelles politiques audacieuses sont nécessaires pour mobiliser des ressources publiques supplémentaires : des arguments solides plaident ainsi en faveur d’impôts progressifs sur les activités à forte intensité de carbone et les richesses extrêmes. 

Le tabou de la coopération en matière de fiscalité s’érode face aux nouvelles réalités économiques et politiques.Laurence Tubiana et Emmanuel Guérin

Ces taxes pourraient générer des revenus importants tout en étendant le principe des « responsabilités communes mais différenciées » aux industries et aux individus. Les recettes de ces taxes pourraient aider les pays à revenu élevé à augmenter le montant du financement de la lutte contre le changement climatique accordé aux pays plus pauvres et plus vulnérables. Pour les pays en développement, elles constitueraient une source supplémentaire de revenus prévisibles, leur permettant d’allouer des ressources aux investissements climatiques sans détourner des fonds destinés à d’autres besoins urgents. Une taxe de 5 dollars par tonne de CO2 sur l’extraction des combustibles fossiles en 2024 générerait environ 216,2 milliards de dollars par an — tandis qu’un impôt minimum mondial sur les milliardaires égal à 2 % de leur richesse générerait environ 200 à 250 milliards de dollars par an.

Sous la présidence de Lula et de son ministre des Finances Fernando Haddad, le Brésil a fait progresser de manière significative l’agenda de la justice fiscale mondiale en en faisant une priorité de sa présidence du G20. Il pourrait faire en sorte que les taxes de solidarité climatique atteignent une masse critique en les plaçant au cœur des discussions financières de la COP30.

La présidence brésilienne peut également s’appuyer sur une dynamique politique, puisque le groupe de travail sur les contributions de solidarité mondiale — présidé par la Barbade, le Kenya et la France — compte désormais 17 membres, avec un bon équilibre entre les pays du Nord et du Sud. Le tabou de la coopération en matière de fiscalité s’érode face aux nouvelles réalités économiques et politiques. L’importance de ces prélèvements a été largement reconnue lors des négociations de Bakou, soulignée par le secrétaire général des Nations unies dans son discours d’ouverture, et de plus en plus reflétée dans la couverture de la presse financière 13. Dans un éditorial, le quotidien de référence Financial Times a soutenu les taxes sur le pollueur-payeur comme moyen de financer l’action climatique 14. La Feuille de route de Bakou à Belém offre un moyen et une occasion de traduire cet élan en un examen sérieux du rôle que ces taxes pourraient jouer pour aider à combler le fossé des 1000 milliards de financement manquants.

Une COP en Amazonie : les forêts au cœur des négociations climatiques

Sous la présidence de Lula, le Brésil a fait de grands progrès dans la réduction de la déforestation en inversant les politiques néfastes de son prédécesseur, Jair Bolsonaro 15

Le choix de Belém comme ville hôte souligne la volonté du Brésil d’utiliser la COP30 pour réaliser des progrès au niveau international et élaborer de nouvelles solutions en matière de protection des forêts, d’utilisation durable des terres et d’émissions liées au système alimentaire. 

Certes, le choix de Belém a suscité des inquiétudes et des critiques. Il présente en effet de véritables défis logistiques. Mais là n’était pas la question : le président Lula veut montrer au monde que l’Amazonie n’est pas seulement un bien public mondial, le « poumon de la planète » ou une vaste collection d’arbres. C’est aussi un foyer pour les gens : ceux qui vivent dans les forêts, en particulier les communautés indigènes dont le mode de vie est profondément affecté par la déforestation. Mais aussi les millions de personnes qui vivent dans de grandes villes relativement pauvres comme Belém et Manaus. Accueillir la COP30 au cœur de l’Amazonie obligera le monde à la voir pour ce qu’elle est vraiment : c’est une décision courageuse.

L’organisation d’une COP dans un pays très boisé et très agricole changera la dynamique du débat. Elle mettra en doute le bluff de nombreux acteurs du marché volontaire de compensation des émissions de carbone qui prétendent faire partie de la solution tout en offrant à ceux qui luttent contre la déforestation des prix dérisoires pour les crédits de carbone. Les marchés du carbone peuvent avoir un rôle à jouer, mais leurs antécédents montrent qu’ils ne peuvent que compléter les investissements réels — non les remplacer. Nous n’avons pas besoin d’un système qui permette aux pollueurs d’acheter leur liberté d’action — quatre crédits carbone sur dix sont utilisés par des entreprises de combustibles fossiles 16 — mais d’un financement sérieux des efforts à grande échelle pour lutter contre la déforestation et la perte de biodiversité — des efforts qui respectent véritablement les droits et les moyens de subsistance de ceux qui vivent dans les forêts et à proximité de celles-ci.

Accueillir la COP30 au cœur de l’Amazonie obligera le monde à la voir pour ce qu’elle est vraiment : c’est une décision courageuse.Laurence Tubiana et Emmanuel Guérin

Le Fonds pour les forêts tropicales éternelles (ou « TFFF »), lancé en 2023 à l’initiative du Brésil, offre un modèle alternatif prometteur pour préserver les forêts tropicales encore debout — ce qui est une priorité à la fois d’un point de vue économique, climatique et en termes de biodiversité 17. Il vise à rémunérer équitablement les pays pour leur gestion des forêts tropicales en mettant l’accent sur l’implication étroite des populations autochtones et locales. Contrairement à de nombreuses solutions fondées sur la nature qui reposent sur des subventions ou des financements à plus petite échelle, elle utilise des mécanismes de financement novateurs pour mobiliser des capitaux privés importants pour chaque dollar versé par les pays donateurs.

Le TFFF a l’intelligence de distinguer clairement la « déforestation évitée », le reboisement — la plantation de nouveaux arbres — et la gestion durable des forêts, que les marchés du carbone considèrent trop souvent comme interchangeables en dépit de leurs implications environnementales très différentes. Bien mis en œuvre, ce Fonds pourrait changer la donne. Des questions subsistent quant à la manière dont les mécanismes environnementaux et le modèle économique qu’il finance fonctionneront dans la pratique. La COP30 est l’occasion pour le Brésil de collaborer avec ses partenaires, en particulier avec d’autres pays possédant des forêts tropicales, afin de déterminer avec précision comment l’argent sera acheminé vers ceux qui en ont besoin sur le terrain, en garantissant une bonne gouvernance et un partage équitable des bénéfices.

Enfin, les systèmes alimentaires se sont révélés être l’un des secteurs les plus difficiles à décarboner, bien qu’ils soient particulièrement vulnérables au changement climatique. Une puissance agricole comme le Brésil ne le sait que trop bien, il s’agit d’un sujet vaste et complexe qui comporte de nombreuses sensibilités économiques et politiques. La présidence brésilienne serait bien avisée de choisir ses batailles. L’un des domaines pratiques à améliorer lors de la COP30 concernera le développement de régimes de certification plus solides, qui permettent de vérifier si les pratiques agricoles respectent les normes de durabilité et fournissent un signal de marché pour encourager des méthodes de production plus respectueuses du climat. La certification des cultures — telles que le soja et le café — est relativement avancée. Mais les normes pour le bétail — en particulier les bovins — sont beaucoup moins développées. Un accord visant à élever les normes de certification du bétail au même niveau que celles des cultures n’est pas irréaliste et pourrait réellement faire la différence. L’établissement d’un niveau de référence international plus élevé constituerait également une base solide pour des accords de reconnaissance mutuelle dans le cadre de partenariats de commerce et d’investissement propres entre les pays — tels que le nouveau modèle promis par la Commission européenne.

La riposte des combustibles fossiles

Lors de la COP28 à Dubaï, les pays se sont enfin attaqués à la principale cause des émissions de carbone et du changement climatique : la combustion des énergies fossiles. 

Ils ont convenu, dans le « Consensus des Émirats arabes unis », d’abandonner les combustibles fossiles tout en s’engageant à tripler la capacité mondiale en matière d’énergies renouvelables et à doubler l’efficacité énergétique d’ici 2030 18.

Ce consensus a été salué par beaucoup comme une avancée — et commenté comme un triomphe diplomatique pour les Émirats arabes unis. 

Pour l’instant, son impact est toutefois surtout rhétorique.

Bien que la capacité des énergies renouvelables augmente rapidement dans le monde entier, elle complète jusqu’à présent les sources d’énergie à forte intensité de carbone, au lieu de les remplacer. Des données récentes de l’AIE montrent que les combustibles fossiles répondront aux deux tiers de la nouvelle demande d’énergie en 2023 19. Après une brève période d’alignement supposé sur la transition énergétique, les entreprises de combustibles fossiles reviennent sur leurs engagements de réduire l’expansion future du pétrole et du gaz et de réorienter leurs investissements vers les énergies propres. Elles revoient à la hausse leurs prévisions de demande — en contradiction directe avec les prévisions de l’AIE qui prévoit un pic pétrolier avant 2030 20 — et augmentent leurs budgets d’exploration et d’investissement pour les décennies à venir. Il s’agit d’un pari selon lequel, malgré le risque croissant d’actifs fossiles échoués, la transition énergétique sera plus lente ou plus inégale qu’on ne le pensait auparavant.

Le regain de confiance des émetteurs est dû à plusieurs facteurs. Les profits records réalisés à la suite de la flambée des prix de l’énergie provoquée par la guerre de la Russie de Poutine en Ukraine lui ont donné une assise financière, une influence politique et lui ont permis de retrouver une certaine respectabilité. La coalition carbone s’est présentée comme faisant partie intégrante de la sécurité énergétique — une affirmation absurde, étant donné que la dépendance aux combustibles fossiles a été la cause première de la crise énergétique de l’Europe. Aux États-Unis, le président Trump s’est fait le chantre inconditionnel du « drill, baby, drill » tandis que le secteur de l’IA et de la technologie, avide d’énergie — avec lequel il a forgé une alliance improbable —, prône une stratégie « d’abondance énergétique » dans laquelle l’électricité produite à partir du gaz est appelée à jouer un rôle clef 21.

L’industrie des combustibles fossiles préconise depuis longtemps un rôle important pour le captage et le stockage du carbone. Mais il s’agit davantage d’une tactique de retardement que d’une proposition sérieuse étant donné que l’AIE estime que pour parvenir à des émissions nettes nulles par le captage direct du carbone, il faudrait utiliser plus d’électricité que la demande totale d’électricité aujourd’hui 22. Désormais, l’industrie ne se contente plus de promouvoir des solutions inapplicables : elle s’oppose à nouveau activement à l’idée même que ses émissions constituent un problème.

Lors de la COP29 à Bakou, de nombreuses voix puissantes n’ont pas cherché à cacher leur mépris pour le Consensus des Émirats arabes unis adopté seulement un an plus tôt. Le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, a qualifié le pétrole et le gaz de « don des dieux » 23 et le secrétaire général de l’OPEP a eu des mots similaires 24. Une minorité de pays — manifestement en proie au syndrome du « regret de l’acheteur » — a tenté d’édulcorer le langage depuis Dubaï, notamment lors de la COP29 et du Sommet de l’avenir de l’ONU.

Désormais, l’industrie ne se contente plus de promouvoir des solutions inapplicables : elle s’oppose à nouveau activement à l’idée même que ses émissions constituent un problème.Laurence Tubiana et Emmanuel Guérin

Un dialogue structuré sur les obstacles à la transition énergétique

Cette résistance s’explique en grande partie par le lobbying cynique habituel de ceux qui profitent de l’économie des combustibles fossiles. Mais la réalité est que, pour de nombreux pays en développement, les revenus tirés des combustibles fossiles restent une bouée de sauvetage et que les implications budgétaires de la transition vers l’abandon de ces combustibles sont sérieuses. Elles ne peuvent être ni écartées ni prises à la légère et doivent être traitées avec prudence et de manière progressive.

Prenons l’exemple de la Colombie, pour laquelle les combustibles fossiles représentent environ la moitié de ses exportations, deux tiers de sa consommation finale d’énergie et 3 à 6 % de son PIB 25. Son gouvernement reconnaît qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème environnemental mais aussi d’une dépendance excessive et risquée à l’égard d’une seule matière première, et il s’est efforcé de réduire progressivement sa production, notamment en interrompant l’octroi de nouveaux permis de prospection et de forage pétroliers. Mais ces efforts ont jusqu’à présent déclenché des réactions nerveuses de la part des marchés de devises et de la dette ainsi que des agences de notation — ce qui ajoute aux pressions économiques auxquelles le pays est confronté.

Il s’agit là d’un arbitrage exceptionnellement difficile : trouver un équilibre entre l’impératif de l’action climatique et la nécessité d’assurer l’avenir à long terme du pays d’une part, et maintenir une stabilité fiscale et macroéconomique immédiate de l’autre.

L’Indonésie, qui a de manière courageuse annoncé lors de la COP29 son ambition d’éliminer progressivement le charbon dans un délai de quinze ans seulement 26, sera confrontée à bon nombre des mêmes obstacles fiscaux, ainsi qu’à un ensemble plus large de défis sociaux et d’économie politique que même les pays très développés où les capacités de l’État sont avancées ont du mal à gérer.

La COP30 est l’occasion de s’attaquer à ces obstacles structurels de manière systématique, en organisant un dialogue entre les importateurs et les exportateurs de combustibles fossiles et les industries — tant du côté de la production que de celui de la consommation. Un tel dialogue pourrait s’attaquer aux politiques enracinées et à la dépendance fiscale que les opposants à la transition exploitent pour retarder l’action. Il pourrait permettre de sortir du dilemme perpétuel de la « poule et de l’œuf » entre l’offre et la demande et de faire face aux risques supplémentaires liés au fait d’être le « premier à agir ».

Concrètement, le dialogue pourrait déboucher sur un accord visant à généraliser l’approche adoptée par certains États brésiliens comme celui d’Espírito Santo, qui consiste à hypothéquer les redevances pétrolières pour contribuer au financement de l’adaptation au climat et de la transition énergétique. Il pourrait également favoriser un consensus sur un ensemble plus large de politiques visant à diversifier progressivement l’économie et à élargir l’assiette fiscale des pays, afin de les aider à réduire leur dépendance à l’égard des recettes tirées des combustibles fossiles d’une manière durable et équitable.

La COP30 est l’occasion de s’attaquer à ces obstacles structurels de manière systématique, en organisant un dialogue entre les importateurs et les exportateurs de combustibles fossiles et les industries — tant du côté de la production que de celui de la consommation.Laurence Tubiana et Emmanuel Guérin

Les trois dernières COP — toutes accueillies par des producteurs de combustibles fossiles — ont été des occasions manquées d’organiser un débat plus approfondi de ce type. 

Le Brésil — qui est lui-même le cinquième exportateur mondial de pétrole brut 27 — est idéalement placé pour enclencher ce que ses prédécesseurs n’ont pas pu faire : pour l’instant, il n’est ni un précurseur dans la transition vers l’abandon des combustibles fossiles, ni un frein. En tout état de cause, il ne sera pas le producteur du dernier baril de pétrole. Si la transition se fait dans une logique purement économique, ce sera l’Arabie Saoudite — qui bénéficie des coûts de production les plus bas. Si la transition est organisée de manière équitable, ce sera un pays d’Afrique. Le choix du Brésil est donc : soit de suivre passivement une transition plus lente — dont il ne bénéficiera pas particulièrement —, soit de participer activement à l’accélération de la sortie des fossiles. Les indications de la présidence brésilienne montrent que le pays souhaite s’inscrire dans la deuxième voie et que la COP30 a un rôle clef à jouer pour y parvenir. Pour cela, le Brésil mérite d’être félicité : dans ces circonstances, personne ne l’aurait blâmé s’il avait choisi de concentrer ses énergies ailleurs.

Belem+10 : réformer un système sous tension

À tort ou à raison, la présidence brésilienne devra tenir compte du fait que de nombreux progressistes perdent confiance dans le système international de gouvernance climatique. Certaines voix éminentes, frustrées par la lenteur des progrès et la capacité d’une minorité à bloquer l’action, se demandent si ce format consensuel et hautement procédural est adapté à l’urgence de la crise 28.

Ces frustrations sont compréhensibles, mais les critiques bien intentionnés ne doivent pas oublier que la nature multilatérale du système est précisément ce qui fonde sa légitimité.

L’accord de Paris n’a été conclu que parce que tous les pays, y compris les plus vulnérables au changement climatique — comme les petits États insulaires en développement — ont eu leur mot à dire sur leur propre destin, ce qui n’aurait jamais été le cas si les négociations sur le climat avaient été pondérées par la puissance économique ou les émissions. Néanmoins, une certaine réforme est nécessaire, et la secousse provoquée par le retrait des États-Unis peut donner l’impulsion requise pour renforcer et restaurer la voix de ceux qui sont les plus touchés par la crise climatique.

Un changement important consisterait à donner un rôle formel aux villes et aux régions dans le processus de gouvernance climatique. Les acteurs « infranationaux » sont en première ligne de la lutte contre le changement climatique et constituent souvent un filet de sécurité essentiel lorsque les gouvernements nationaux n’agissent pas. 

Cela a été mis en évidence pendant la première présidence de Trump, lorsque les villes et les États à travers les États-Unis se sont engagés à continuer à réduire les émissions malgré l’inaction fédérale, et de la même manière au Brésil sous le gouvernement anti-climat de Bolsonaro. Une façon de formaliser leur rôle serait de les inclure dans le bilan mondial, qui a lieu tous les cinq ans — le premier a été conclu lors de la COP28 —, ce qui permettrait de reconnaître leurs efforts et leurs progrès et de relever les défis auxquels ils sont confrontés. Cette démarche doit s’accompagner d’un changement culturel visant à inclure systématiquement les collectivités territoriales dans l’élaboration des politiques nationales en matière de climat, y compris les CDN. Bien que des progrès aient été réalisés à cet égard, les villes, les régions et les gouvernements décentralisés sont encore trop souvent laissés pour compte et doivent mettre en œuvre des plans sur lesquels ils n’ont pas été suffisamment consultés.

Il est également urgent de renforcer la responsabilité des engagements volontaires pris par le secteur privé lors des COP. 

La COP30 pourrait laisser un héritage transformateur.Laurence Tubiana et Emmanuel Guérin

Trop souvent, cette plateforme est utilisée pour faire des promesses ambitieuses sans que l’on sache vraiment si elles seront tenues — l’occasion de se racheter une réputation verte sans conséquences réelles en cas de manquement. Ces engagements sont souvent vagues, difficiles à mesurer et déconnectés des plans nationaux de lutte contre le changement climatique. Les règles régissant ces engagements doivent être renforcées. L’octroi d’une tribune à la COP devrait par exemple être subordonné à la présentation de rapports réguliers et transparents sur les progrès accomplis, avec des critères clairs pour l’évaluation des résultats. Le cas échéant, ces initiatives volontaires devraient être directement liées ou intégrées aux CDN des pays, afin de garantir qu’elles soient soumises au même examen et à la même responsabilité que les engagements gouvernementaux. En outre, l’expérience et les connaissances du secteur privé devraient être rationalisées dans les différents processus de mise en œuvre de l’Accord de Paris.

Parallèlement, de nouveaux mécanismes sont nécessaires pour renforcer l’interaction entre les COP et l’Accord de Paris avec les institutions financières internationales.

Alors que des institutions telles que le FMI et la Banque mondiale ont fait de réels efforts pour aligner leurs opérations sur les objectifs de l’Accord de Paris, ils pourraient être rendus beaucoup plus efficaces si les COP étaient habilitées à leur demander de rendre compte officiellement de leurs actions pour s’aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris. Tout comme le G20 donne des mandats à des institutions telles que le Conseil de stabilité financière, le processus de la COP devrait être en mesure de demander aux institutions financières internationales d’augmenter le financement climatique, d’ajuster les cadres de prêt et de veiller à ce que leurs opérations respectent les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris.

La proposition du Brésil d’établir un Conseil du changement climatique (CCC) sous l’égide des Nations unies pourrait jouer un rôle important pour relever le défi plus large de la coordination et de la mise en œuvre. Comme l’a souligné le président Lula lors du sommet du G20 à Rio de Janeiro, le CCC contribuerait à rassembler le paysage fragmenté des différents acteurs et processus pour s’aligner plus efficacement sur les objectifs de l’accord de Paris 29. Sur le modèle du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le Brésil envisage la création du CCC à travers une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en 2026.

Bien entendu, toute réforme qui donne la priorité à l’ambition et à la responsabilité sur la capacité des retardataires à entraver le progrès se heurtera à une résistance farouche. 

Il est peu probable que ceux qui profitent de l’inertie du système actuel abandonnent leur capacité à bloquer l’action sans se battre. Mais si le Brésil, en collaboration avec des partenaires clefs tels que d’autres pays émergents et l’Europe, est prêt à mener cette charge, la COP30 pourrait laisser un héritage transformateur.

Au-delà du souvenir de Paris+10, elle pourrait marquer le début d’une ère « Belém+10 » — une ère qui, dans dix ans, sera considérée comme le moment où le système a évolué pour répondre à l’urgence et à l’ampleur de la crise climatique. Et le début d’une remontada environnementale — un retour à l’unité, à l’équité et à une mission menée par les gens pour mettre le monde sur la bonne voie.

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