Allemagne : la tentation du détricotage européen ?

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L’Allemagne veut renégocier les règles européennes de durabilité des entreprises

Vendredi 27 septembre, le ministre allemand de la Justice Marco Buschmann a fait part de son souhait de rouvrir les négociations sur la directive européenne sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD), au lendemain du carton jaune de la Commission pour l’Allemagne et 16 autres États membres pour avoir manqué les délais de transposition des règles.

Lors d’une conférence organisée par la Chambre allemande de l’industrie et du commerce (DIHK) vendredi 27 septembre, Marco Buschmann (Parti libéral-démocrate d’Allemagne/FDP, Renew Europe) a affirmé : « Nous devons utiliser la période jusqu’à la mise en œuvre complète de la CSRD pour renégocier ». 

Son commentaire fait écho aux récentes critiques selon lesquelles l’augmentation des règles de durabilité de l’UE entrave la compétitivité économique mondiale du continent.

La CSRD, adoptée en 2022 et entrée en vigueur en janvier 2024, a modifié le cadre précédent de l’Union européenne pour les informations sur le développement durable des entreprises non financières, en élargissant le champ d’application des règles à un plus grand nombre d’entreprises.

La mise en œuvre des règles de publication d’informations en matière de durabilité des entreprises doit s’étaler sur deux ans, les petites entreprises commenceront à rendre compte de leurs activités de 2026 en 2027.

Cependant, jeudi 26 septembre, la Commission européenne a envoyé un avertissement formel aux gouvernements de 17 États membres de l’UE, dont l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas et l’Autriche, pour ne pas avoir transposé les règles de la directive dans leur droit national avant la date limite officielle, fixée au 6 juillet.

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Entre-temps, dans son programme de travail pour 2024, la Commission a inclus la CSRD dans la liste des mesures qu’elle entendait revoir dans le cadre de l’allègement de la charge réglementaire pour les entreprises, une de ses grandes priorités pour relancer la compétitivité de l’UE. Cela affecterait en particulier les petites et moyennes entreprises, en réduisant de 25 % les exigences en matière d’information.

Dans le cas de la directive sur les rapports de durabilité des entreprises, cela s’est traduit par des propositions visant à repousser de deux ans, de 2024 à 2026, les échéances pour certains secteurs, ainsi que pour les entreprises non basées dans l’UE — ce qui a été approuvé par le Parlement et les États membres en août.

Toutefois, le ministre allemand Marco Buschmann estime que la Commission européenne lui met des bâtons entre les roues. Il a en effet évoqué une mesure adoptée jeudi par le parlement allemand qui, selon lui, devrait réduire d’environ un milliard d’euros les coûts totaux de mise en conformité des entreprises nationales, tout en soulignant que cette mesure pourrait être compromise par les effets de l’augmentation des textes législatifs européens.

En effet, l’étude d’impact de la CSRD a montré que sa mise en œuvre au niveau national entraînerait de nouveaux coûts de mise en conformité de 1,6 milliard d’euros pour les entreprises allemandes, selon Marco Buschmann.

Christian Petry, un député du Parti social-démocrate d’Allemagne (Socialistes et Démocrates européens), a cependant assuré à Euractiv qu’il s’agissait d’une initiative du FDP et non de la coalition gouvernementale, et qu’elle devrait être considérée comme une manœuvre électorale en vue des élections fédérales de l’année prochaine.

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« Un processus technocratique »

Pour sa part, Marco Buschmann a également critiqué la mise en place de la directive sur les rapports de durabilité des entreprises pour l’absence supposée de discussions et de négociations plus larges autour des règles finales, évoquant un « processus très technocratique » sans assez de débats au sein des groupes politiques.

Hildegard Bentele (CDU, PPE), lui a rétorqué que « [les rapporteurs] négocient au nom de leurs groupes etdoivent donc toujours revenir vers eux ».

De son côté, Richard Gardiner, responsable de la politique européenne de la World Benchmarking Alliance — une initiative du secteur privé visant à cartographier les progrès réalisés par les entreprises pour atteindre les objectifs de durabilité — a dénoncé les arguments de Marco Buschmann, estimant qu’ils étaient indéfendables.

« Dire qu’il n’y a pas eu de débat public est absurde. Les libéraux et le centre droit se sont retirés de ces discussions au Parlement. Ils ont refusé d’en débattre ouvertement — comme pour [d’autres] dossiers clés — et maintenant ils crient qu’ils n’aiment pas le résultat », a-t-il affirmé.

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Trop peu, trop tard ?

Plusieurs points de vue exprimés lors de la conférence ont en partie remis en cause les commentaires de Richard Gardiner. De nombreux entrepreneurs et responsables politiques allemands considèrent qu’ils étaient impliqués trop tard dans le processus législatif de l’UE, alors que le processus de mise en œuvre nationale des lois de l’UE avait déjà démarré.

« Lorsque nous, en tant que DIHK, disons à nos membres de faire attention, quelque chose se prépare [au niveau de l’UE], tout le monde sait qu’il faudra cinq ans avant que cela n’atteigne les entreprises en Allemagne », a déclaré Martin Wansleben, le directeur général de la DIHK.

« Tout le monde en Allemagne a donc autre chose à faire que de s’inquiéter de ce qui arrivera dans cinq ans », a-t-il ajouté. « Et quand cela arrive enfin cinq ans plus tard, tout le monde dit : “Oh, où étions-nous ?” », a-t-il poursuivi.

« Nous devons nous impliquer plus tôt dans ce processus », a déclaré Martin Plum, député allemand du parti conservateur CDU (PPE).

« Nous devons essayer d’exercer une influence et d’empêcher le pire de se produire avant même que la proposition de la Commission ne soit rendue publique », a-t-il insisté.

Anna Brunetti et Nick Alipour ont contribué à la rédaction de cet article.

https://www.euractiv.fr/section/economie/news/lallemagne-veut-renegocier-les-regles-europeennes-de-durabilite-des-entreprises/