GDS : Le Mercosur 2.0 comme rupture avec les anciens accords de libre-échange ? Dans un contexte de crise agricole et de remise en question du libre-échange, le Président cherche un nouvel équilibre pour venir à bout de ce serpent de mer politico-économique.
Le président français Emmanuel Macron fait un geste alors qu’il s’exprime lors du « Forum économique Brésil-France : La transition vers l’économie verte », à la Fédération des industries de l’État de Sao Paulo (FIESP), à Sao Paulo, Brésil, le 27 mars 2024. [EPA-EFE/ISAAC FONTANA].
Au Brésil, Emmanuel Macron a proposé de bâtir un « nouvel accord » entre l’UE et le Mercosur, que son ministre des Affaires étrangères imagine plus large que seulement commercial. Détracteurs et défenseurs de l’accord attendent désormais des précisions.
« Finissons-en avec le Mercosur d’il y a 20 ans ! », a déclaré le président français, Emmanuel Macron, mercredi (27 mars), depuis Sao Paulo, au Brésil.
Voilà qui donne le ton, alors que le président français était au Brésil pour une visite officielle de trois jours. Et bien que l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) n’était pas à l’ordre du jour, son évocation était inévitable.
Cela fait 25 ans qu’est sur la table des négociations le plus grand accord de libre-échange au monde, visant à concentrer plus de 780 millions de personnes et 120 milliards d’euros d’échanges de biens et de services par an au sein d’une union aux taxes douanières réduites.
La France, comme d’autres États membres de l’UE, s’oppose toujours à sa conclusion « en l’état » et revendique l’intégration en son sein de clauses de réciprocité sur les normes écologiques et sociales, dites « miroirs ».
Dès lors, « bâtissons un nouvel accord », a proposé M. Macron mercredi, quand son ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, déclarait dès janvier dernier depuis Buenos Aires (Argentine) qu’il ne « fermait pas la porte » à « autre chose » qu’un accord commercial pour sceller la relation entre les deux rives de l’Atlantique.
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Emmanuel Macron au Brésil : l’accord UE-Mercosur est « très mauvais »
Le président français a martelé mercredi au Brésil que l’accord commercial négocié entre l’Union européenne et le bloc sud-américain du Mercosur était un « très mauvais accord »et appelé à en bâtir « un nouveau ».
25 ans d’enlisement
En 2019, les négociateurs trouvent un accord politique, avant que la France prenne la tête d’une fronde. Avec l’élection de Luiz Inácio « Lula » da Silva à la tête du Brésil fin 2022, l’espoir renaît.
Deux ans de discussions plus tard, l’accord n’est toujours pas conclu. La Commission européenne, chargée des négociations, a bien tenté de trouver des compromis, mais rien n’y fait, l’accord est repoussé aux calendes grecques.
Pas de panique : « nous avons encore le temps », a déclaré le ministre brésilien des Finances, Fernando Haddad, lors de l’événement à Sao Paulo avec M. Macron mercredi.
« Nous allons continuer les efforts pour signer cet accord avec l’UE. Je vous avoue qu’il est maintenant beaucoup plus prometteur qu’avant », a déclaré jeudi Lula.
Fondamentalement, la France ne s’y oppose pas. Néanmoins, elle n’en veut pas « en l’état ». D’où la proposition de M. Macron de « bâtir un nouvel accord ».
Accord UE-Mercosur : 25 années d’une journée sans fin
Cela fait 25 ans que les États membres du Mercosur et de l’UE cherchent à conclure un accord de libre-échange. 25 ans de va-et-vient politiques auxquels s’ajoute, désormais, l’impossibilité d’ignorer les enjeux écologiques. 25 ans que l’Histoire, chaque jour, se répète.
De quoi parle Emmanuel Macron ?
Selon M. Macron, un nouvel accord consisterait en « un accord de nouvelle génération avec des clauses miroirs », qui faciliterait l’accès au marché européen pour les entreprises sud-américaines et qui serait « plus exigeant de part et d’autre avec nos agriculteurs », a-t-il estimé.
Sur la forme, c’est « intéressant, parce que c’est différent des propos qu’avait tenus l’ancien ministre du Commerce extérieur, Olivier Becht, en juin dernier, selon qui il fallait ‘évidemment conclure’ l’accord », explique Maxime Combes, économiste et tête de proue de l’opposition à l’accord, à Euractiv.
Sur le fond cependant, c’est insuffisant.
« Nous sommes déçus de lire que [la proposition de M. Macron] pourrait se limiter à quelques clauses miroirs dont nous savons qu’elles sont inefficaces », poursuit l’économiste.
Selon lui, « il faut envisager entre l’UE et le Mercosur un accord de coopération sur les sujets du 21e siècle (climat, déforestation, inégalités, éducation, technologies vertes, etc.) ».
Ce n’est pas impossible, si l’on en croit le ministre des Affaires étrangères français, Stéphane Séjourné. Alors qu’il avait indiqué en janvier qu’il ne « fermait pas la porte » à « autre chose », son cabinet à précisé à Euractiv qu’il « fallait considérer la relation UE-Amérique latine au-delà de la relation commerciale ».
D’ailleurs, la visite de M. Macron en terre sud-américaine fut l’occasion de rapprocher le Brésil et la France dans plusieurs domaines, comme la lutte contre la déforestation, la sécurité et la défense.
Le Brésil et l’Espagne prêts à signer l’accord UE-Mercosur malgré l’opposition de la France
Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a réaffirmé sa volonté de conclure l’accord commercial entre l’UE et les pays du Mercosur lors d’une réunion avec le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez à Brasilia mercredi (6 mars).
Besoin de précisions
Pour aller vers « autre chose », « faudrait-il d’abord savoir de quoi parlons-nous. Cela peut vouloir dire tout et rien », confie à Euractiv un diplomate européen issu d’un État membre opposé à l’accord.
Pour ceux qui sont favorables à l’accord en l’état, difficile de se positionner. « Nous n’avons pas de propositions concrètes [de la part de la France] », confie à Euractiv un autre diplomate européen.
En outre, « il est difficile de commenter les déclarations françaises alors qu’elle s’oppose à l’accord…. », poursuit-il.
La France s’oppose à l’accord certes, mais Emmanuel Macron est donc ouvert aux discussions.
« En tant que tel, le ‘non’ de la France a toujours été un ‘non’ à l’accord ‘en l’état’ et pas un ‘non’ définitif », résume Mathilde Duprès, codirectrice de l’Institut Veblen, association de recherche en politiques publiques, et figure de proue de l’opposition à l’accord.
Avec ces manœuvres, « [Emmanuel] Macron essaie de temporiser au moins jusqu’aux élections européennes », dit-elle à Euractiv.
L’accord UE-Mercosur ne devrait pas être conclu avant les élections européennes
Tout porte à croire que l’accord entre l’UE et le Mercosur ne sera pas conclu avant les élections européennes de juin prochain, confient à Euractiv France des parlementaires français et allemands au fait du dossier.
Nouvelles élections, nouveau tempo
Après les élections, l’atmosphère pourrait être différente.
Déjà que le législateur français s’oppose à l’accord UE-Canada (CETA), « cela deviendrait compliqué d’être audible » si l’exécutif n’affaiblissait pas sa position contre l’accord avec le Mercosur , expliquait lundi (25 mars) un conseiller gouvernemental à Politico.
Ce qui est certain, pour l’heure, est que les négociations se poursuivent à Bruxelles.
« Les équipes ‘UE-Mercosur’ restent en contact au niveau technique afin de progresser sur les questions en suspens », a déclaré à Euractiv le porte-parolat de la Commission européenne.
Aux deux président de marquer le fait que les discussions avaient lieu au niveau des négociateurs de l’UE et du Mercosur, non pas entre la France et le Brésil. « Je n’ai pas à discuter avec M. Macron parce que ce n’est pas un accord bilatéral», a déclaré sèchement Lula, sous l’oeil approbateur du président français.
Aucune date n’est confirmée, mais « il est prévu que les négociateurs de l’UE se rendent dans la région », ont conclut les équipes de la Commission.