L’Allemagne et l’Italie vont finir l’année 2023 en récession. Plombée par la crise énergétique et la remontée des taux, la croissance du PIB de la zone euro continue de patiner. Et les perspectives de 2024 sont assombries par l’essoufflement du commerce mondial et la propagation des effets de la politique monétaire à l’ensemble de l’économie. Les conséquences de la guerre au Proche Orient sont encore difficiles à mesurer à ce stade. Mais les tensions sur les marchés de l’énergie provoquées par cet affrontement fragilisent grandement la compétitivité de l’union monétaire.
L’Europe va-t-elle plonger en récession dans les mois à venir ? Après le rebond économique post-covid, la zone euro traverse une zone de fortes turbulences. La guerre en Ukraine et la crise énergétique ont brutalement mis un coup d’arrêt au rattrapage de l’économie européenne en 2022. L’Europe a certes échappé au scénario noir d’une croissance négative jusqu’à maintenant.
Mais les signaux négatifs vers la récession se multiplient. L’indice PMI, qui constitue un indicateur avancé très observé dans les milieux économiques et financiers, s’est replié au mois d’octobre à 46,5 après 47,5 en septembre. Le secteur privé a marqué sa plus forte contraction depuis 10 ans en dehors de la période de pandémie.
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Pour rappel, l’activité est en recul quand l’indice PMI est en deçà de 50 et devient positive au-delà de ce seuil. « Notre scénario principal est celui d’une récession en 2024 », explique à La Tribune, Christopher Dembik, économiste chez le groupe bancaire Pictet. « L’anomalie Covid est derrière nous. Mais le problème est que la croissance est très molle ». Dans « un monde de croissance faible », il y a « un scénario d’appauvrissement », poursuit-il.
Sur le plan budgétaire, plusieurs Etats ont déjà affiché leurs ambitions de rétablir l’équilibre des finances publiques et de tailler dans les dépenses. « En l’absence de relance budgétaire, qui est peu probable à ce stade, on voit mal comment la zone euro pourrait afficher une bonne performance économique en 2024 », explique-t-il. Sur le plan géopolitique, le risque de propagation du conflit au Proche-Orient est scruté de près par les économistes. Il est encore trop tôt à ce stade pour mesurer l’impact de cette guerre. Mais les récentes flambées des prix du pétrole montrent que l’inflation énergétique pourrait rapidement repartir à la hausse.
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L’Allemagne toujours en difficulté
L’Allemagne va-t-elle devenir « l’homme malade » de l’Europe ? Après plusieurs années de croissance dynamique, l’économie allemande peine à sortir du marasme et risque la récession. La guerre en Ukraine a ébranlé le modèle économique industriel très dépendant du gaz et du pétrole russes. Résultat, le produit intérieur brut a plongé en 2023 en territoire négatif.
« Le premier défi est la hausse durable des prix de l’énergie qui menace la compétitivité de l’économie allemande. Le prix de l’électricité serait sensiblement supérieur en Allemagne par rapport aux pays concurrents. Cela provoque de vifs débats outre-Rhin », a récemment rappelé l’économiste François Brunet de la direction du Trésor basé à Berlin.
A cela s’ajoutent les soubresauts du commerce international. Plombées par les confinements à répétition, les entreprises exportatrices allemandes peinent à retrouver leur niveau d’activité d’avant crise sanitaire. « Le commerce mondial est en berne. L’Allemagne est l’économie la plus exposée en zone euro », souligne Christopher Dembik. Grande partenaire de l’Allemagne, la Chine a appuyé sur le frein des importations européennes. Le coup de frein de la Chine pourrait une nouvelle mettre en difficulté de nombreuses ETI allemandes fortement dépendantes de l’étranger. Compte tenu du poids du PIB allemand dans l’économie de la zone euro, l’accumulation de ces déboires pourrait plomber la croissance de la zone euro et mener à la récession.
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Une croissance « poussive » en France
Quant à la France, le gouvernement table sur une croissance de 1,4% en 2024 dans le projet de loi de finances. Mais cette estimation est au-dessus du consensus des économistes (0,8%) a rappelé le Haut conseil des finances publiques dans un avis rendu fin septembre. L’OFCE projette une croissance de 0,8% l’année prochaine. « La croissance est poussive », a déclaré Mathieu Plane, économiste au centre de recherche rattaché à Sciences-Po.
Chez les entreprises, les tensions commencent à se multiplier. Les délais de paiement se sont allongés et les défaillances d’entreprises se normalisent. Après un gel de l’activité pendant une partie de la pandémie, les tribunaux de commerce ont repris leur audience à un rythme soutenu. « Il y a un changement de ton dans les tribunaux de commerce. Il va y avoir un peu de casse », prévient Christopher Dembik.
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L’Espagne pourrait tirer son épingle du jeu
Parmi les autres poids-lourds de la zone euro, l’Espagne pourrait tirer son épingle du jeu. Certes, l’OCDE table sur un essoufflement de la croissance de la péninsule passant de 2,5% en 2023 à 1,5% en 2024. Mais l’économie a profité de prix de l’énergie bien plus faibles qu’en Allemagne où de nombreux pays plus dépendants de l’envolée des tarifs des énergies fossiles.
« À la faveur du recul des prix de l’énergie et des mesures prises par les pouvoirs publics pour maîtriser l’inflation, telles que le mécanisme d’exception ibérique, l’inflation a reflué à 3.3 % en septembre 2023 », souligne l’institution.
Du côté de l’emploi, le taux de chômage pourrait refluer entre 2023 et 2024 passant de 11,9% à 11,5% de la population active après avoir culminé à près de 15% en 2021.
Les effets de la politique monétaire vont se propager en 2024
L’inflation a marqué le pas en zone euro. Après avoir culminé à plus de 10% en 2022, l’indice des prix à la consommation est redescendue à 4,3% en septembre dernier. Le durcissement de la politique monétaire et la réduction de l’assouplissement quantitatif (« Quantitative Easing ») vont avoir des conséquences sur l’économie européenne en 2024.
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La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé ce jeudi 26 octobre une pause dans la hausse des taux après dix augmentations consécutives. « Il est erroné de penser que la BCE va baisser ses taux rapidement. Le loyer de l’argent va rester élevé », estime Christopher Dembik. L’inflation a été divisée par deux en très peu de temps mais reste encore très éloignée de l’objectif d’inflation (2%) de l’institution de Francfort. En conséquence, la demande devrait continuer de s’essouffler en zone euro déjà fragilisée par la crise énergétique.
Avec la récession, une remontée du chômage à prévoir ?
Sur le front du chômage, les clignotants passent au rouge les uns après les autres. Le chômage en zone euro a atteint un point bas inédit de 25 ans l’été dernier. Mais déjà, le nombre de demandeurs d’emplois a commencé à remonter en France par exemple. Pour 2024, la Banque de France et l’OFCE prévoient une hausse du chômage après plusieurs années de baisses consécutives.
« Les mesures Covid sont en fin de course. Cela va avoir un impact sur les emplois maintenus pendant le Covid. Le retour des faillites et le resserrement des conditions financières vont mordre sur le marché du travail », a expliqué à La Tribune, l’économiste et présidente du conseil national de la productivité Natacha Valla. En Allemagne, le taux de chômage, au plus bas à 3%, a commencé à remonter. Et la panne de la croissance mondiale pourrait amplifier ce phénomène partout dans la zone euro.
Le spectre de la récession menace la zone euro en 2024 (latribune.fr)