Envolée des prix de l’énergie, moins d’importations de gaz russe, changement climatique… L’heure est à la sobriété énergétique ! Face à ces enjeux, les pays de l’Union européenne mettent en place des mesures pour réduire leur consommation d’énergie.
Le défi est de taille. Alors que la guerre en Ukraine se poursuit, l’Union européenne cherche à se débarrasser de sa dépendance aux énergies fossiles russes, tandis que le Kremlin baisse drastiquement ses exportations de gaz vers l’ouest. Au point de faire craindre aux Européens des pénuries cet hiver.
C’est pourquoi les Etats membres de l’UE se sont mis d’accord cet été pour réduire de 15 % leur consommation de gaz d’ici au printemps (par rapport à la moyenne des quatre dernières années). Cette mesure a été complétée par une obligation de réduire la consommation d’électricité aux heures de pointes, proposée le 7 septembre dernier par la Commission européenne.
Vendredi 30 septembre, les Etats membres ont finalement validé les objectifs de réduction globale de 10 % de la consommation d’électricité et ledit objectif de 5 % de la consommation d’électricité lors des pics de demande (voir encadré en bas de l’article).
Réunie autour de la Première ministre Elisabeth Borne, une partie du gouvernement a dévoilé les principales mesures françaises le 6 octobre, dont une aide au covoiturage pour les particuliers et la baisse du chauffage dans les bâtiments publics. En matière de sobriété énergétique, que font les autres pays européens pour préparer l’hiver ?
Allemagne
Bien souvent, ces mesures de sobriété énergétique dans les Etats membres sont prévues pour durer. Comme en Allemagne, où le plan du gouvernement dirigé par Olaf Scholz est de réduire la consommation de gaz de 2 à 2,5 %, et de faire économiser aux ménages, entreprises et administrations 10,8 milliards d’euros sur deux ans.
Concrètement, les bâtiments publics doivent être chauffés à 19 degrés maximum depuis le 1er septembre, à l’exception des services essentiels comme les hôpitaux. L’eau chaude est par ailleurs coupée pour le lavage des mains. Concernant les monuments souvent éclairés la nuit, à l’image de la porte de Brandebourg à Berlin, leur illumination est interdite (sauf lorsqu’elle contribue à la sécurité routière).
Pour les particuliers, il est interdit de chauffer les piscines avec des systèmes trop énergivores. Depuis le 6 octobre, un décret oblige les propriétaires à optimiser les systèmes de chauffage des logements.
Autriche
Les ministres autrichiens de l’Energie et de l’Economie ont présenté le 12 septembre le plan “Mission 11”, une liste de conseils adressés aux foyers pour faire économiser jusqu’à 11 % d’énergie par ménage. Cela inclut des mesures de réduction du chauffage ou encore d’économies sur l’éclairage.
Au niveau local, de nombreuses communes ont décidé de ne plus illuminer leurs ponts et leurs monuments après 23h. Appréciée des habitants comme des touristes, la grande patinoire habituellement installée sur la Rathausplatz à Vienne pourrait fonctionner au ralenti entre janvier et mars 2023.
Le pays compte par ailleurs mettre en place certaines restrictions pour les illuminations des fêtes de fin d’année : la capitale prévoit d’ouvrir son marché de Noël une semaine plus tard qu’en 2021. Quant aux chemins de fer ÖBB, l’équivalent de la SNCF en France, ils ont annoncé qu’ils baisseraient la température dans tous les bureaux et les gares et qu’ils favoriseraient l’utilisation des trains économes en énergie.
Le gouvernement pourrait prendre de nouvelles mesures dans les prochains mois en amendant la loi autrichienne d’efficacité énergétique. Adoptée en 2014, elle avait déjà été modifiée en 2020.
Espagne
Au cœur de l’été, le gouvernement espagnol a approuvé un plan d’économie d’énergie. Il dispose que les lieux publics fermés ne devront pas être climatisés à moins de 27 degrés et chauffés à plus de 19 degrés. Consigne a été donnée aux commerces de plonger leurs vitrines dans le noir dès 22h. Ces derniers ont aussi l’obligation d’afficher les mesures d’économie et ont dû s’équiper de portes automatiques afin d’éviter le gaspillage d’énergie. Des contrôles exceptionnels de l’efficacité énergétique de certains bâtiments sont prévus d’ici à la fin de l’année.
Les autorités espagnoles ont également fait savoir que de nouvelles mesures seraient prises avant l’hiver.
Grèce
En Grèce, le gouvernement mène de son côté une campagne de sensibilisation pour les économies d’énergie. En septembre, 23 propositions ont été adressées aux citoyens pour faire baisser la facture, dont l’isolement des espaces inutilisés dans les logements ou des petits gestes du quotidien (débrancher les appareils plutôt que les mettre en mode veille,…). La Grèce a par ailleurs utilisé les fonds européens pour un programme national de recyclage et de remplacement des appareils électriques, doté de 150 millions d’euros. Concernant les administrations publiques, le pays a fixé plusieurs objectifs à court et long terme : réduire la consommation d’énergie de 10 % immédiatement et d’au moins 30 % d’ici à 2030.
Selon le ministre de l’Environnement Konstantínos Skrékas, la consommation grecque de gaz naturel a déjà diminué en septembre de 40 % par rapport à la même période l’année dernière.
Le plan de sobriété énergétique en France
Dans l’Hexagone comme ailleurs, la sobriété n’est pas seulement une réaction à la volatilité des prix de l’énergie sur le marché ou au chantage russe sur le gaz, mais aussi une des réponses pour atténuer le changement climatique. Le plan français d’économie d’énergie, présenté par la Première ministre Elisabeth Borne le 6 octobre, contient une série de mesures pour les ménages, les entreprises et la fonction publique. Au-delà d’une baisse du chauffage, il n’y aura plus d’obligation d’avoir de l’eau chaude pour les sanitaires des bâtiments publics, sauf dans les douches.
L’indemnisation télétravail des agents de la fonction publique a été augmentée de 15 % et les véhicules de service auront pour consigne de baisser leur vitesse à 110 ou 100 km/h sur l’autoroute. Concernant les particuliers, un bonus de 100 euros va être instauré à partir du 1er janvier 2023 pour toute nouvelle inscription sur une plateforme de covoiturage. Quant aux entreprises, elles sont invitées à dresser leur propre projet d’économie d’énergie. Le gouvernement prendra des mesures plus contraignantes en cas d’échec de ce plan de sobriété. Certaines le sont déjà : il y a désormais une obligation d’éteindre les publicités lumineuses la nuit entre 1h et 6h du matin.
Interviewé le 14 juillet dernier au sujet des conséquences de la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron avait estimé qu’il fallait “entrer collectivement dans une logique de sobriété”. La France a déjà l’objectif de réduire de 10 % la consommation d’énergie sur les deux prochaines années par rapport à 2019. Une première pierre pour atteindre l’objectif de -40 % d’ici à 2050.
La diminution de l’éclairage dans les gares ou encore une réduction de la publicité lumineuse avaient déjà été annoncées et plusieurs collectivités avaient pris les devants. A Lille par exemple, il n’y a plus d’éclairage des bâtiments publics la nuit depuis le 5 septembre et les fontaines à eau n’ont pas été remises en fonctionnement.
Italie
Présenté le 6 septembre, le plan italien comprend des mesures similaires à celles des autres gouvernements européens. Cet hiver, il ne sera pas possible de chauffer à plus de 19 degrés les bâtiments publics ou les écoles. Dans le secteur résidentiel, il s’agira de baisser d’un degré le chauffage et d’attendre novembre pour allumer les radiateurs.
Du côté de l’industrie, le gouvernement avait engagé des discussions avec les entreprises afin de trouver les initiatives qui entraîneront les conséquences les plus faibles sur la production. L’Italie compte aussi maximiser la production d’électricité avec des centrales qui utilisent d’autres sources d’énergie que le gaz (charbon, fioul, biocarburants…).
Une inconnue demeure cependant. Lors des élections italiennes du 25 septembre dernier, le parti postfasciste Fratelli d’Italia est arrivé en tête et une nouvelle coalition d’extrême droite et de droite devrait prendre les rênes du pouvoir. Le nouveau gouvernement pourrait ainsi revenir sur certaines mesures ou en prévoir d’autres.
Début septembre, le ministère italien de la Transition écologique avait calculé que la réduction de la demande de gaz représentait 8,2 milliards de mètres cubes d’économies à réaliser. Le pays avait importé 29 milliards de mètres cubes de Russie en 2021, ce qui représentait 40 % des besoins italiens en gaz. La péninsule figurait ainsi parmi les pays européens les plus dépendants à l’énergie russe.
Lituanie
En Lituanie aussi, des initiatives ont été prises. Le gouvernement a calculé qu’il pouvait réduire de 20 % la consommation d’énergie du secteur public en deux ans. Cela comprend une extension du télétravail pour les agents, une réduction de la température à 16-17 degrés dans les bâtiments le week-end, mais aussi la fin de l’utilisation de l’eau chaude pour se laver les mains aux toilettes. Le ministère lituanien de l’Energie estime que 100 millions d’euros pourraient ainsi être économisés, sur les 800 millions d’euros en deux ans pour l’intégralité du plan national.
Les entreprises et les ménages sont aussi mobilisés. Il est conseillé aux premières de changer les fenêtres et d’installer des portes automatiques afin d’éviter les pertes de chaleur. Quant aux foyers, le gouvernement les incite à remplacer les chaudières inefficaces par des pompes à chaleur ou des systèmes plus économes en énergie.
Selon le gouvernement, l’abandon de la voiture personnelle au profit des transports en commun pourrait faire économiser près de 200 millions d’euros aux Lituaniens. Un temps envisagée, la proposition de limiter la vitesse maximale sur les autoroutes à 110 km/h pendant deux mois supplémentaires – d’octobre à mai, au lieu de novembre à mars habituellement – n’a pour l’instant pas été retenue.
De nouvelles mesures d’urgence
Au-delà des objectifs de réduction de 10 % de la consommation d’électricité (volontaire) et de 5 % pendant les heures de pointe (contraignante), les ministres européens de l’Energie, réunis vendredi 30 septembre, ont approuvé plusieurs initiatives afin de répondre à l’envolée des prix de l’énergie.
Ces mesures incluent la redistribution d’une partie des superprofits des producteurs d’énergie aux consommateurs. Une contribution de solidarité sera ainsi imposée aux entreprises du secteur des énergies fossiles qui réalisent des bénéfices exceptionnels. Les revenus des producteurs d’électricité peu chère seront par ailleurs plafonnés à 180 euros/MWh. Ces entreprises utilisant les énergies renouvelables, le nucléaire ou le charbon pour produire de l’électricité la revendait sur le marché à un prix élevé, tiré par celui du gaz.
En juin, l’Union a décidé que les installations de stockage souterrain de gaz dans les États membres devront être remplies à au moins 80 % de leur capacité avant le début de l’hiver 2022/2023 et à 90 % avant le début des hivers suivants. Le taux de remplissage à l’échelle de l’Union devra être de 85 % de la capacité totale des stockages souterrains en 2022.
En juillet, les États membres se sont engagés à réduire de 15 % leur consommation de gaz du 1er août 2022 au 31 mars 2023. En cas de risque important de pénurie et après avoir consulté les États membres, la Commission pourra déclencher une « alerte de l’Union » qui rendrait obligatoire l’objectif des 15 % des réduction.
Le 6 octobre, le Conseil a adopté un paquet de mesures mesures destinées à réduire les coûts de l’énergie. Les Etats membres devront réduire la consommation générale d’électricité de 10%, et de 5% aux heures de pointe. L’Union met en place un plafonnement des recettes issues du marché pour les producteurs inframarginaux, un prélèvement de solidarité pour le secteur des combustibles fossiles, et des mesures pour aider les PME en fixant un prix temporaire de l’énergie.
Le 20 octobre, les chefs d’Etat et de gouvernement ont demandé à la Commission et aux ministres de l’Energie de mettre en place un système d’achat conjoint de gaz, un nouvel indice de référence complémentaire qui reflète plus exactement les conditions du marché du gaz, un corridor de prix dynamique temporaire pour limiter immédiatement les épisodes de prix du gaz excessifs, un cadre temporaire de l’UE visant à plafonner le prix du gaz utilisé dans la production d’électricité, des améliorations du fonctionnement des marchés de l’énergie, des mesures de solidarité énergétique en cas de ruptures de l’approvisionnement en gaz, et des efforts accrus pour réaliser des économies d’énergie.