Publié le 03 octobre 2023
ÉNERGIE
C’est la révolte en interne. Plusieurs salariés ont contesté dans une lettre ouverte le rétropédalage de Shell sur sa politique environnementale. En juin dernier, le PDG avait annoncé renoncer à baisser sa production de pétrole pour miser sur la rentabilité. Des employés, dont un trader, avaient alors démissionné.
C’est un post sur le réseau social interne de Shell qui s’est répandu comme une trainée de poudre. Selon l’agence de presse Reuters, deux employés de la division bas-carbone du pétrolier ont publié sur l’intranet de Shell une lettre ouverte contestant le retour en arrière sur ses investissements dans les énergies renouvelables.
« Depuis longtemps, l’ambition de Shell est d’être un leader dans la transition énergétique. C’est la raison pour laquelle nous travaillons ici », indique la lettre adressée au directeur général Wael Sawan et au comité exécutif de Shell. « Les récentes annonces faites pendant et après la journée des marchés des capitaux (CMD) nous inquiètent profondément… Nous ne pouvons qu’espérer que l’apparence des annonces du CMD nous trompe et que Shell poursuive son chemin de leader dans la transition énergétique. »
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Retrait de certains investisseurs
Pour bien comprendre, il faut revenir au 16 juin dernier. Alors que se tenait à New York l’assemblée d’investisseurs de Shell, le PDG Wael Sawan a annoncé, contre toute attente, qu’il revenait sur ses objectifs de réduction de réduction pétrolière. La major avait pourtant annoncé deux ans plus tôt, en 2021, vouloir réduire de 1 à 2% par an sa production d’ici 2030. « La performance, la discipline et la simplification seront nos lignes directrices pour allouer notre capital et renforcer la distribution aux actionnaires, tout en permettant la transition énergétique », déclarait-il alors, misant ainsi sur une stabilisation de la production de pétrole et une accélération des activités de gaz naturel.
Si la majorité des investisseurs a donné raison à Wael Sawan – le cours de Bourse de Shell ayant progressé de 2% après cette annonce -, d’autres ont préféré se retirer. C’est le cas de l’Église d’Angleterre, qui détient plus de 10 milliards de livres sous gestion. « Nous ne pensons pas que le chemin choisi par l’entreprise soit le bon et nous avons donc demandé à nos gérants de désinvestir de Shell en actions et en dettes », écrivait alors Adam Matthews, directeur des investissements de l’Église d’Angleterre sur LinkedIn.
Rébellion des salariés Shell
Dans ce sillage, certains salariés étaient montés au créneau. Le trader phare de Shell, Steffen Krutzinna, avait annoncé dans un billet LinkedIn démissionner de la major pétrolière après ce rétropédalage. « Je perçois cela comme un changement radical des valeurs de l’entreprise, et j’ai le sentiment que les profits à court terme priment sur les responsabilités sociales et environnementales. Je ne veux pas en faire partie, donc je me retire », écrivait-il.
Lisette de Heider, salariée de Shell avait également réagi sur LinkedIn : « Depuis que Shell a dévoilé sa nouvelle stratégie et sa nouvelle orientation lors de la Journée des marchés de capitaux, j’ai du mal à trouver les mots justes pour décrire le malaise que je ressens avec une partie du récit ». Un autre employé, Wouter Drinkwaard travaillant lui aussi dans la transition énergétique du groupe lui répondait : « Comme vous, j’ai du mal à accepter la nouvelle orientation, et je sais que c’est aussi le cas de beaucoup de nos collègues du secteur des énergies renouvelables chez Shell. Il est bon de continuer à l’exprimer, y compris (et peut être surtout) en interne ! ».
1 000 likes et plus de 80 000 vues
Et c’est justement Lisette de Heider et Wouter Drinkwaard qui sont à l’origine de la lettre ouverte publiée en interne contestant la politique environnementale du groupe. Selon Reuters, elle a reçu en quelques jours plus de 1 000 likes et cumule plus de 80 000 vues. Surtout, elle a suscité des échanges de commentaires sur la plateforme, de la part même du PDG. « Pour une organisation au cœur de la transition énergétique, il n’y a pas de réponses faciles et les dilemmes ou défis ne manquent pas », a souligné Wael Sawan. « Nous apprécions que notre personnel soit engagé et passionné à la fois par la transition énergétique et par Shell », a répondu un porte-parole du groupe interrogé par Reuters.
Pour rappel, même avec une baisse de la production de 2% comme le prévoyait le scénario climatique de Shell – avant son rétropédalage -, cela n’aurait pas suffi à limiter le réchauffement à 1,5°C. Il aurait fallu, d’ici 2030, réduire la production dans une fourchette comprise entre 15% et 30%. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime également que pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris, il ne faut plus investir dans de nouveaux projets d’énergies fossiles.© 2023 Novethic – Tous droits réservés