Baptisé “REPowerEU”, le plan proposé par la Commission européenne le 18 mai a un objectif clair : se passer du charbon, et surtout du gaz et du pétrole en provenance de Russie d’ici à 2027. Pour cela, l’UE veut réduire la consommation d’énergie, diversifier l’approvisionnement en gaz et miser sur les énergies renouvelables.
L’Union européenne a tenté de réagir vite. Le 18 mai, soit quelques semaines après l’invasion russe en Ukraine, et conformément à la demande des Vingt-Sept réunis à Versailles les 10 et 11 mars, la Commission a présenté le plan REPowerEU. Son objectif : réduire massivement les importations de gaz russe d’ici à la fin de l’année 2022 et s’en passer totalement à l’horizon 2027.
La stratégie européenne repose sur quatre piliers : économiser de l’énergie, remplacer le gaz russe par d’autres hydrocarbures, promouvoir les énergies renouvelables et investir dans de nouvelles infrastructures comme des terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL).
L’UE a également mis en place un embargo sur le charbon russe, puis sur le pétrole russe acheminé par voie maritime.
De son côté, Moscou a progressivement coupé son approvisionnement en hydrocarbures à plusieurs pays européens. Le 24 juin, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé qu’elle présenterait un nouveau “plan d’urgence commun” pour se préparer à faire face à de nouvelles perturbations des livraisons de gaz russe.
REPowerEU pour économiser de l’énergie
La Commission souhaite renforcer les mesures d’efficacité énergétique (une moindre consommation pour le même effet), que ce soit dans les secteurs du transport, du bâtiment ou de l’industrie. Elle entend par exemple relever de 9 à 13 % l’objectif contraignant d’efficacité énergétique fixé par le paquet “Fit for 55”. Présenté en juillet 2021, ce dernier prévoit déjà de réduire la consommation européenne de gaz de 30 % d’ici à 2030. Mais selon les estimations de la Commission, “la demande de gaz de l’UE devrait diminuer plus rapidement que prévu” en raison notamment de la hausse des prix de l’énergie, couplée à la mise en œuvre de REPowerEU. Plus d’un tiers de ces économies proviendraient de mesures liées à l’efficacité énergétique.
Fit for 55
L’ajustement à l’objectif 55, ou “Fit for 55”, est un ensemble de mesures visant à réduire d’au moins 55 % les émissions nettes de gaz à effet de serre de l’Union européenne par rapport à 1990 d’ici à 2030.
Diversifier les approvisionnements
L’Union européenne dialogue aussi avec d’autres pays pour diversifier ses approvisionnements en énergies fossiles. Fin mars, un accord a été signé avec les Etats-Unis pour fournir des importations supplémentaires de gaz naturel liquéfié (GNL).
Si ces dernières augmentent progressivement depuis 2016, les deux parties comptent toutefois atteindre un rythme de 50 milliards de mètres cubes de gaz par an, là où la Russie en exportait vers l’Europe environ 155 milliards en 2021. Un bond dans les livraisons à travers l’Atlantique, qui nécessite des investissements dans de nouveaux terminaux aux portes du Vieux Continent.
La commissaire à l’Energie Kadri Simson a également signé mi-juin un protocole avec l’Egypte et Israël afin de “permettre une livraison stable de gaz naturel à l’UE”. Des achats groupés de gaz et d’hydrogène sont par ailleurs prévus, au sein d’une plateforme européenne commune.
Vers plus d’énergies renouvelables
Si elle souhaite diversifier ses importations d’énergies fossiles, la Commission ne met pour autant de côté l’objectif européen de neutralité climatique à l’horizon 2050. L’exécutif européen propose ainsi de faire passer de 40 % à 45 % l’objectif de l’UE à l’horizon 2030 en matière d’énergies renouvelables. REPowerEU porterait la capacité totale de production de ces énergies à 1 236 gigawattheures d’ici à 2030, et non plus à 1 067 gigawattheures comme envisagé en juillet 2021. Il s’agit notamment de doubler la capacité solaire photovoltaïque d’ici à 2025 et d’installer 600 gigawattheures de capacités de production d’ici à 2030.
L’UE parie également sur l’hydrogène : le plan fixe un objectif de 10 millions de tonnes de production intérieure d’hydrogène renouvelable et un chiffre similaire en matière d’importations à l’horizon 2030.
Un plan à 210 milliards d’euros
Ce vaste chantier stratégique nécessite, selon le Commission, 210 milliards d’euros d’investissements supplémentaires d’ici à 2027. Pour le financer, la Commission compte sur les économies dues à la la réduction des importations russes (100 milliards d’euros par an) et sur les prêts non utilisés du plan de relance européen. Les Etats membres pourraient aussi avoir le droit de transférer jusqu’à 7,5 % de leurs fonds de la politique de cohésion (26,9 milliards d’euros) et 12,5 % de leurs fonds de la Politique agricole commune (7,5 milliards d’euros) vers des projets REPowerEU.
Président de la commission des Régions au Parlement européen, l’eurodéputé Younous Omarjee (LFI, GUE/GNL) a toutefois fustigé ce mode de financement. “La possibilité déjà existante de transferts de 5 % représente une contribution suffisante de la politique de cohésion aux objectifs de REPowerEU, d’autant plus que la position initiale du Parlement européen était de rejeter tout transfert”, a-t-il expliqué dans un communiqué.
“Des garde-fous doivent être posés pour éviter la tentation de démunir la politique de cohésion d’une part importante de son budget au profit d’instruments centralisés négociés directement par les Etats membres”, ont par ailleurs prévenu la présidente et le président délégué de Régions de France Carole Delga et Renaud Muselier dans une lettre au Conseil.