Pacte de stabilité et de croissance : la Commission européenne présente sa réforme

Mercredi 26 avril, l’exécutif européen a proposé de revoir en profondeur le pacte de stabilité et les règles budgétaires européennes instaurées par le traité de Maastricht en 1992. Prévoyant plus de souplesse dans la réduction du déficit et de la dette des Etats, le texte ne fait pas l’unanimité.

Le vice-président exécutif de la Commission européenne Valdis Dombrovskis (à gauche) et le commissaire européenne en charge de l'Economie Paolo Gentiloni (à droite) ont dévoilé les contours d'une réforme très attendue
Le vice-président exécutif de la Commission européenne Valdis Dombrovskis (à gauche) et le commissaire en charge de l’Economie Paolo Gentiloni (à droite) ont dévoilé les contours d’une réforme très attendue – Crédits : Christophe Licoppe / Commission européenne

Comment adapter les critères de Maastricht, vieux de près d’un quart de siècle et peu respectés, à la nouvelle situation économique de l’Europe et aux défis futurs, écologiques et militaires ?”, s’interroge Le Point en préambule. Mercredi 26 avril, la Commission européenne a tenté d’apporter une première réponse en formulant “des propositions visant à réformer le Pacte de stabilité et de croissance, qui fixe des limites aux déficits budgétaires et à la dette”, relève Bloomberg.

Pour Le Figaro, celles-ci “marquent un changement notable de philosophie par rapport aux règles qui prévalaient précédemment”. Certes, “les nouvelles règles ne touchent pas aux historiques et totémiques ‘critères de Maastricht’ relatifs au déficit public – toujours considéré comme excessif au-delà de 3 % du produit intérieur brut (PIB) – et à la dette publique qui doit être contenue sous le seuil de 60 % du PIB” [La Libre]. Pour autant, “les Vingt-Sept disposeront […] de davantage de marges de manœuvre”, note Le Figaro. “En clair, il incombera à chacun des Etats membres de définir sa propre trajectoire sur une période de quatre ans, allongée à sept ans si le pays en question effectue les réformes demandées par Bruxelles et les investissements jugés essentiels pour l’UE”, résume le quotidien français.

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Règles obsolètes

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, “les règles budgétaires sont […] suspendues” et ce “jusqu’à la fin de cette année, dans un contexte de crise énergétique et de guerre en Ukraine”, rappelle La Libre. Or, “en l’état actuel des finances publiques des Vingt-Sept, personne ne peut imaginer revenir aux règles existantes” [Le Monde].

La Libre juge que le Pacte de stabilité et de croissance, adopté en 1997, est devenu “obsolète, en partie inapplicable et contreproductif”. “Certaines [dispositions] étaient si sévères qu’elles n’étaient pas applicables, ce qui conduisait à une forme de nonchalance”, explique ainsi le commissaire à l’Economie Paolo Gentiloni dans une interview aux Echos. Les nouvelles règles doivent ainsi être plus “crédibles”, “ce qui signifie que des sanctions seront effectivement imposées” [Euractiv].

Le Monde souligne par ailleurs que les règles actuelles ont “contribué, après la crise financière de 2008, à brider les investissements et la croissance sur le Vieux Continent, lui faisant prendre un retard considérable par rapport à la Chine ou aux Etats-Unis”.

La trajectoire pluriannuelle de redressement des finances publiques aura donc une “pente plus douce pour les Etats membres qui s’engagent à investir dans des domaines […] tels que les transitions verte et numérique, le renforcement des capacités de défense ou de sécurité ou encore des mesures socio-économiques” [La Libre]. Même si la Commission européenne ne va pas jusqu’à exclure du calcul de la dette et du déficit ces investissements d’avenir. “Si vous augmentez la qualité de vos dépenses publiques en les orientant vers les priorités de l’UE, vous avez droit à un ajustement plus doux, vous gagnez en espace budgétaire”, abonde Paolo Gentiloni dans Les Echos.

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Personne n’est satisfait

Si la Commission a pris le temps de mûrir son projet depuis le lancement officiel des discussions en 2021, le sujet n’en reste pas moins conflictuel. “Les débats ont été intenses en son sein et avec les capitales”, constate Le Monde. Pas étonnant, tant le sujet de la dette et des déficits a “donné lieu, par le passé, à de belles empoignades entre le nord de l’Europe, prudent et économe, et le sud, dispendieux et leste avec ses engagements” [Le Point].

Pour autant, difficile de dire qui ressort gagnant de cette proposition : “pour l’Allemagne, [le texte] est trop mou, même si elle a obtenu quelques concessions. Les gouvernements des pays du sud de l’UE se plaignent qu’il est trop strict. D’autres pensent que Berlin a été trop écouté”, résume Politico.

Mardi dernier, le ministre allemand de l’Economie Christian Lindner estimait en effet dans le Financial Times qu’il fallait “renforcer les règles fiscales de l’UE, et non les diluer”. Une intervention qui a forcé “la Commission à revoir in extremis sa copie [en exigeant] désormais que les plans nationaux fassent apparaître une baisse de la dette rapportée au PIB sur la période, que les dépenses publiques nettes croissent moins vite que la croissance potentielle et que les pays dont le déficit excède 3 % du PIB soient contraints de réduire de 0,5 point par an ce ratio”, liste Le Monde.

Politico s’avance pour sa part sur les négociations qui vont débuter : “ce qui est clair, c’est qu’il sera extrêmement difficile de parvenir à un accord entre les 27 pays de l’UE avant que les Européens ne se rendent aux urnes dans environ un an”. Et de conclure que “personne n’est satisfait. Mais, là encore, on s’y attendait”.

Qu’est-ce que le Pacte de stabilité et de croissance ?

Créé en 1997, cet instrument vise à garantir la discipline budgétaire des Etats de la zone euro, afin d’assurer la stabilité des prix et la croissance. Suspendues depuis 2020, ses règles s’apprêtent à être réformées.

Le pacte de stabilité et de croissance astreint les Etats membres à contrôler leur dette et déficit publique - Crédits : gaffera / iStock
Le Pacte de stabilité et de croissance astreint les Etats membres à contrôler leur dette et déficit publics – Crédits : gaffera / iStock

Le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) instaure un ensemble de critères que doivent respecter les Etats membres pour assainir leurs finances publiques et coordonner leurs politiques budgétaires en contrôlant les déficits excessifs et en réduisant les dettes publiques trop élevées.

Il reprend les principes édictés dans le traité de Maastricht, qui pose les jalons de la monnaie unique : les Etats s’engagent à maintenir leur déficit en dessous de 3 % du PIB et leur dette publique à un niveau inférieur ou égal à 60 % de leur PIB.

Quels sont les obligations initiales du pacte ?

Le 17 juin 1997 à Amsterdam, le Conseil de l’UE a adopté une résolution instaurant le PSC et précisé ses règles dans deux règlements (1466/97 et 1467/97). Ce cadre de coordination budgétaire accompagne alors les préparations au lancement de la zone euro, prévu le 1er janvier 1999. Il a depuis été révisé à plusieurs reprises. 

Le PSC s’appuie sur deux piliers : un volet préventif et un volet correctif. Le volet préventif du pacte” est régi par le règlement n° 1466/97. Il fixe des objectifs budgétaires pour tous les Etats membres et notamment ceux de la zone euro, dont le budget doit être proche de l’équilibre ou excédentaire.

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Le volet correctif, lui, vise les déficits excessifs conformément au règlement n° 1467/97 (il est aussi appelé “procédure concernant les déficits excessifs” ou PDE). Si un pays atteint un niveau de déficit excessif vis-à-vis des 3 % recommandés, et qui semble inquiétant pour la Commission, le Conseil ECOFIN (conseil des ministres des Finances de l’UE) lui propose des recommandations. Si aucune mesure de correction n’est prise par le pays dans un délai de 3 à 6 mois, le Conseil peut envisager d’imposer des sanctions au pays concerné.

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Comment ont-elles évolué ?

Après la mise en application officielle des règlements du PSC en 1998 et 1999, le Conseil a modifié certaines de ses règles en mars 2005. Les plafonds de déficit public (inférieur à 3 % du PIB) et de dette publique (inférieure à 60 % du PIB) sont réaffirmés. Mais un dépassement “exceptionnel et temporaire” des critères de Maastricht est alors toléré, afin de prendre en compte les réformes structurelles (portant sur les systèmes de santé et de retraite par exemple), les investissements dans la recherche et le développement, ou encore d’autres “facteurs pertinents” dans l’appréciation du respect de ces critères. Un Etat membre est également exonéré du respect de ces règles s’il entre récession (et non plus seulement en récession sévère avec une diminution de 2 % ou plus du PIB), et bénéficie de délais rallongés pour retrouver un déficit sous la barre des 3 %.

Avec la crise économique et financière de 2008, beaucoup d’Etats de l’Union se sont fortement endettés et ont creusé leurs déficits, bien au-delà des règles européennes. En 2009, le déficit français atteignait ainsi 7,5 % du PIB et la dette 77,6 %.

Les législateurs européens ont alors introduit, en 2011, le Semestre européen : celui-ci permet de superviser, grâce à un calendrier annuel précis, les projets économiques et budgétaires des Etats membres. Le cycle débute en novembre-décembre avec l’examen annuel de croissance, dans lequel la Commission européenne définit les priorités économiques générales de l’UE pour l’année à venir. Il se poursuit en février avec les rapports par pays, dans lesquels elle identifie les Etats présentant des déséquilibres macroéconomiques importants, et les invite par des “recommandations” à mettre en œuvre certaines mesures pour les corriger. Le Conseil européen se prononce à son tour en mars sur ces orientations. Avant le 15 avril, chaque Etat doit soumettre à la Commission sa stratégie budgétaire et son programme de réformes économiques. En mai, ceux-ci font l’objet de nouvelles recommandations de la Commission, que le Conseil européen approuve définitivement en juin avant d’être adoptées par les ministres des Finances nationaux. Enfin, au cours des six derniers mois de l’année (“semestre national”), les Etats doivent tenir compte de ces recommandations dans l’élaboration de leurs budgets nationaux pour l’année suivante. 

En 2011, le “Six-Pack” (paquet gouvernance économique) a rendu les volets préventif et correctif du PSC plus contraignant. Il prévoit des procédures pouvant aboutir à des sanctions pour les Etats membres qui ne respecteraient pas la trajectoire définie dans le semestre européen. La Commission peut alors leur demander de mettre en œuvre certaines mesures dans un délai imparti.

En 2013, le “Two-Pack” (paquet surveillance budgétaire) précise le calendrier du semestre européen. Le projet de budget pour l’année à venir doit être transmis à la Commission avant le 15 octobre, celle-ci devant y répondre avant le 30 novembre. En cas de manquements graves, l’exécutif européen peut demander la révision de ce projet. 

En 2020, la pandémie de Covid-19 puis la guerre en Ukraine ont poussé l’UE à accorder une clause dérogatoire temporaire, prolongée jusqu’au 1er janvier 2024. Celle-ci autorise les Etats membres à dépasser les plafonds afin de faire face aux fortes dépenses inhabituelles.

Le PSC a également été complété par un traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de 2012, plus connu sous le nom de “pacte budgétaire européen”.

Celui-ci contraint notamment les Etats membres, et prioritairement ceux de la zone euro, à financer leurs dépenses par leurs recettes et donc à limiter le recours à l’emprunt. C’est la fameuse “règle d’or”, qui impose que le déficit structurel ne dépasse pas 0,5% du PIB pour les pays dont la dette publique excède 60 % du PIB. 

Si les politiques budgétaires d’un Etat en divergent trop, la Commission recommande au Conseil d’ouvrir une procédure pour “écart significatif”. La Commission adresse alors un avertissement et le Conseil des recommandations de mesures à prendre au pays concerné afin d’améliorer sa gestion budgétaire. C’était le cas par exemple pour la Hongrie ou la Roumanie en 2018 et 2019.

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Quelles sont les sanctions prévues ? 

Les Etats qui ne respectent pas les règles de coordination budgétaire peuvent être soumis à des sanctions. La principale procédure pouvant y conduire, après plusieurs étapes, est la procédure de déficit excessif (PDE). Elle est lancée par la Commission européenne contre un Etat membre qui dépasse le plafond de déficit budgétaire (ou de dette) imposé par le Pacte de stabilité et de croissance. Les éventuelles sanctions sont alors votées par le Conseil sur la base d’une recommandation de la Commission.

Dans le cas des pays de la zone euro, elles prennent la forme d’un dépôt financier auprès de la Commission (0,2 % du PIB) qui peut être converti en amende définitive (jusqu’à 0,5 % du PIB) si le déficit excessif n’est pas comblé. Pour l’ensemble des pays membres, les sanctions peuvent également amener à une suspension des paiements des Fonds européens structurels et d’investissement.

Dans les faits, aucun pays placé en procédure de déficit excessif n’a réglé d’amendes. La France a été placée en procédure de déficit excessif en 2009 mais en est sortie en 2018. 

Que prévoit la nouvelle révision ?

Face à la crise sanitaire puis géopolitique, plusieurs voix se sont élevées en Europe pour réviser une nouvelle fois le mécanisme de manière pérenne. La Commission, ainsi que plusieurs pays dont la France, l’Italie ou l’Espagne s’y sont montrées particulièrement favorables. Tandis que l’Allemagne et d’autres pays du nord défendent plutôt un retour au PSC proche de sa version traditionnelle. 

Un clivage qui reflète notamment les écarts de dette publique entre ces pays. Au Sud, celle-ci dépasse généralement les 100 % du PIB, tandis qu’au Nord elle se maintient plutôt entre 40 et 80 % du PIB.

A l’automne 2021, le commissaire européen à l’Economie Paolo Gentiloni a initié un débat sur une réforme du Pacte de stabilité et de croissance. Le 9 novembre 2022, la Commission européenne a présenté les premières pistes de sa réforme du PSC. Si celle-ci maintient les plafonds de dette (60 % du PIB) et de déficit publics (3 % du PIB), elle prévoit des périodes de 4 à 7 ans pour les atteindre et des plans de réformes plus adaptés à la situation particulière de chaque Etat membre. Les sanctions, moins lourdes, seraient en revanche appliquées plus efficacement qu’aujourd’hui. La Commission, qui a présenté ses propositions législatives le 26 avril 2023, espère parvenir à un consensus sur la réforme avant l’expiration de la clause dérogatoire temporaire prévue le 1er janvier 2024.

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Qu’est-ce que le Pacte de stabilité et de croissance ? – Touteleurope.eu