Nouveau président de la Commission : les chefs d’Etat et de gouvernement prennent position

Un article publié par notre partenaire Toute l’Europe


L’Allemand Manfred Weber ? La Danoise Margrethe Vestager ? Le Français Michel Barnier ? Qui présidera la future Commission européenne ? Le 28 mai à Bruxelles, les chefs d’Etat et de gouvernement ont indiqué qu’ils comptaient bien garder la main sur le processus de sélection. Mais les négociations s’annoncent complexes… aussi bien entre eux qu’avec le Parlement européen.


Tirer les enseignements des élections européennes pour redistribuer les postes clés de l’Union… Voilà de quoi occuper, au moins jusqu’à la fin du mois de juin, les longues nuits bruxelloises. Et voilà donc ce qui était au menu le 28 mai, deux jours après la fin du scrutin, d’un dîner informel des chefs d’Etat et de gouvernement.

Les postes à pourvoir sont légion, de Bruxelles à Francfort. Président du Parlement européen, du Conseil européen, de la Banque centrale européenne. Haut-représentant de l’UE pour les affaires étrangères. Et surtout : président de la Commission européenne.

La répartition s’annonce complexe, tant les cartes ont été rebattues lors des européennes. Et tant l’équilibre entre Est et Ouest, grands et petits pays, hommes et femmes, ou encore droite et gauche est difficile à tenir.

Mardi soir, dans un premier temps, les dirigeants des 28 Etats membres ont donc chacun exposé à la table des négociations les critères qui devraient, selon eux, présider au choix du nouveau président de la Commission européenne. Mais tous ne sont pas d’accord. Et à cette équation s’ajoutent les eurodéputés, qui devront valider par un vote à la majorité absolue le candidat proposé par le Conseil européen.

Renouvelé avec un taux de participation en nette hausse par rapport à 2014, le Parlement européen et ses grandes familles politiques ont d’ailleurs estimé mardi que c’est eux qui devraient « être à l’initiative des négociations concernant le futur de l’Union européenne« .

Angela Merkel et les conservateurs soutiennent Manfred Weber

Du côté du Parlement européen, les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) constituent toujours le groupe le plus puissant (environ 24% des sièges dans le futur hémicycle). Leur « Spitzenkandidat » (candidat déclaré à la tête de la Commission européenne), l’Allemand Manfred Weber, réclame donc la présidence de l’exécutif européen, comme Jean-Claude Juncker l’avait obtenue en 2014. La chancelière allemande Angela Merkel a aussi confirmé, dès son arrivée à Bruxelles le 28 mai, qu’elle plaiderait « naturellement » pour le Bavarois, qui appartient à sa famille politique.

Mais en amont des élections européennes, les autres groupes politiques du Parlement européen avaient, eux aussi, désigné leur Spitzenkandidat. Et si, en 2014, les eurodéputés sociaux-démocrates (S&D) avaient pu faire un échange de bons procédés avec les conservateurs du PPE (la présidence du Parlement pour Martin Schulz ; la tête de la Commission européenne pour Jean-Claude Juncker), ces deux groupes ne sont plus suffisamment forts, désormais, pour jouer la partie seuls.

Emmanuel Macron et le nouveau groupe centriste que formeront les eurodéputés de la République en marche avec les libéraux de l’ALDE espèrent donc bien se positionner en nouvel arbitre. Voire plus si affinités…

Les centristes et Emmanuel Macron parviendront-ils à imposer un candidat alternatif ?

La Danoise Margrethe Vestager, qui a largement porté et incarné la campagne des libéraux pour les européennes, s’est progressivement imposée comme une Spitzenkandidatin sérieuse. C’est une femme, un critère qui comptera dans le choix des chefs d’Etat et de gouvernement, comme l’a expliqué mardi soir le président du Conseil européen Donald Tusk. C’est aussi une commissaire à la Concurrence respectée. Et membre de la famille politique la plus dynamique du Parlement européen (+38 sièges par rapport à 2014).

Maintenant que Manfred Weber incarne l’image d’un groupe politique en perte de vitesse au Parlement européen (le PPE a perdu 43 sièges), placer un autre Spitzenkandidat à la tête de la Commission européenne ne paraît plus impossible.

Mardi soir à Bruxelles, plusieurs chefs d’Etat ou de gouvernement se sont ainsi évertués à expliquer qu’en fin de compte, il ne s’agissait pas d’une question de « personne« , mais plutôt d’une question de « contenu » pour l’Europe. Comme le Néerlandais libéral Mark Rutte, qui a évoqué « l’économie, l’emploi, le changement climatique et les migrations » comme priorités. Mais aussi comme la chancelière allemande en personne qui, après avoir redit sa fidélité à Manfred Weber, a aussi parlé d’un impératif « d’efficacité » pour relever les « défis communs« , en ajoutant qu’en 2014, « Martin Schulz, qui avait de l’expérience, avait aussi été pour nous un Spitzenkandidat très acceptable« . D’aucuns, avant le sommet informel, murmuraient ainsi qu’Angela Merkel pourrait lâcher le candidat du PPE si l’Allemagne obtenait d’autres postes clés, comme la présidence du Parlement européen (un lot de consolation pour Manfred Weber), celle de la Banque centrale européenne, voire celle du Conseil européen, bien que la chancelière – dont le nom circule – ait formellement démenti tout intérêt pour ce poste.

De son côté, le président français a déclaré à son arrivée que Margrethe Vestager avait « les compétences » pour accomplir les nouvelles ambitions européennes… et notamment la lutte contre le changement climatique, de plus en plus chère aux électeurs. Outre cet appel du pied au groupe des Verts, il avait aussi déjeuné avec les Premiers ministres socialistes espagnol et portugais : Pedro Sanchez et Antonio Costa… Mais à la table des négociations mardi soir, c’est bien au Spitzenkandidat de leur propre famille politique que ces derniers ont apporté leur soutien : le travailliste néerlandais Frans Timmermans, candidat des sociaux-démocrates du S&D, le deuxième groupe du Parlement européen.

Michel Barnier, plus en lice que jamais ?

Une majorité finira-t-elle par se dégager en faveur de l’un de ces Spitzenkandidaten ? Quoi qu’il en soit, les chefs d’Etat et de gouvernement sont tombés d’accord pour rappeler le 28 mai que ce système n’avait rien « d’automatique« . D’après les traités, les Etats membres n’ont qu’à « prendre en compte » les résultats des élections européennes pour soumettre au vote des eurodéputés un candidat à la tête de la Commission européenne.

Emmanuel Macron dispose donc, plus que jamais, d’une marge de manœuvre pour pousser la candidature du Français Michel Barnier. D’autant plus que s’il est respecté pour avoir défendu les intérêts de l’UE lors des négociations du Brexit, ce membre charismatique du PPE représenterait, lui aussi, la première force politique du Parlement européen. Pour faire pencher la balance en sa faveur, le président français est allé jusqu’à rencontrer, en amont du sommet, les Premiers ministres populistes du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, Slovaquie, République tchèque). Leurs partis politiques siégeant dans quatre groupes différents du Parlement européen (PPE, CRE, S&D et ADLE), ces derniers ont décidé de défendre la candidature de leur propre candidat, le commissaire slovaque Maros Sefcovic (S&D). Mais selon un quotidien tchèque relayé par Euractiv, ils se seraient dit prêts à soutenir la candidature de Michel Barnier si M. Sefcovic obtenait le poste de Haut représentant de l’UE aux affaires étrangères…

Tous les jeux sont permis. Les chefs d’Etat et de gouvernement espèrent parvenir à se mettre d’accord lors du Conseil européen des 20 et 21 juin prochains. Et pour s’assurer d’être suivis par les eurodéputés lors d’un vote prévu à la mi-juillet, Donald Tusk a été mandaté pour démarrer, dès à présent, un round de consultations auprès du Parlement européen.


Crédits : Conseil européen