Néonicotinoïdes : la France renonce aux dérogations

Lundi 23 janvier, le ministre français de l’Agriculture a annoncé que les néonicotinoïdes “tueurs d’abeilles” ne seraient plus autorisés dans le pays.

Marc Fesneau
Marc Fesneau, ministre français de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, ici lors d’un Conseil Agriculture en septembre 2022. Crédits : European Union

Lundi 23 janvier, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a déclaré renoncer à une “troisième année de dérogation sur l’enrobage des semences de betteraves” avec des néonicotinoïdes.

La fin des Néonicotinoïdes

Interdits depuis 2018 au sein de l’Union européenne, ces insecticides continuent pourtant à être utilisés dans une dizaine d’Etats membres. Le droit européen laisse en effet place à de possibles dérogations “dans des circonstances particulières […] en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables”. 

En France, une loi de 2020 envisage leur autorisation jusqu’au 1er juillet 2023. Deux de ces néonicotinoïdes sont efficaces contre la jaunisse des betteraves sucrières, la France étant le premier producteur européen en la matière. 

Le ministre français se conforme ainsi à une récente décision de la justice européenne. Quatre jours avant, le 19 janvier, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a en effet estimé que “les Etats membres ne peuvent déroger aux interdictions” dans le cas des semences traitées aux néonicotinoïdes. Ceux-ci sont particulièrement nocifs pour les abeilles et entraînent leur déclin, causant d’importants dommages en termes de biodiversité. 

Après un recours devant la justice belge, la Cour avait été saisie par le réseau d’associations Pesticide Action Network (PAN) Europe pour mettre fin aux nombreuses dérogations au sein de l’UE. 

Le ministre français a annoncé la mise en place d’aides en cas de perte de rendement des betteraviers. Le gouvernement souhaite également “déclencher une clause de sauvegarde auprès de la Commission européenne”, afin de s’assurer que les betteraves et le sucre importés de pays tiers soient également soumis à l’interdiction des néonicotinoïdes.

Un an de réflexion européenne

La directive sur l’utilisation durable des pesticides adoptée en 2009 vise à réduire les risques et les impacts de l’utilisation des pesticides sur la santé des populations et sur l’environnement. Cependant, elle a été critiquée pour sa piètre mise en œuvre dans la plupart des États membres.

Comme annoncé dans la politique alimentaire phare de la Commission, la stratégie « de la ferme à la table », cette dernière entend réviser la directive pour l’aligner sur les objectifs du Pacte vert européen (Green Deal) et atteindre l’objectif consistant à réduire de moitié l’utilisation des pesticides chimiques ainsi que les risques qui y sont liés.

Le ministre de l’époque, Julien Denormandie avait toutefois ajouté il y a un an sa marque à cette révision, notamment en voulant y garantir une référence à la législation distincte régissant les limites maximales de résidus (LMR) pour les pesticides.

« La nouvelle directive sur l’utilisation durable des pesticides doit permettre une harmonisation des pratiques à travers l’Europe, et je proposerais également, en tant que président du Conseil, que cette révision comprenne une disposition sur les limites maximales de résidus », avait-il confié aux journalistes avant sa première réunion du Conseil AGRIFISH en tant que président.

Cela permettrait de « contrôler ce qui arrive sur le territoire européen pour protéger nos producteurs et nos consommateurs », a-t-il ajouté, soulignant l’objectif d’« harmonisation interne, contrôle externe ».

Les traces que les pesticides laissent dans les produits traités sont appelées « résidus », et la limite maximale de résidus (LMR) est le niveau le plus élevé de résidus de pesticides qui est toléré par la loi dans ou sur les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux lorsque les pesticides sont utilisés correctement.

À l’heure actuelle, la Commission européenne n’a pas présenté de projets de révision de la législation sur les LMR.

Elle a plutôt adopté une approche par substance, s’engageant à tenir compte des aspects environnementaux lors de l’évaluation des demandes de tolérances à l’importation pour certaines substances de pesticides qui ne sont plus autorisées dans l’UE, tout en respectant les normes et obligations de l’OMC.

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