Grandes entreprises et transparence des chaînes d’approvisionnement

Primark, Ferrero, Unilever… de grandes entreprises acceptent d’être transparentes sur leur chaîne d’approvisionnement

En refusant de publier la provenance de l’huile de palme qu’ils utilisent dans leurs produits, des multinationales comme PepsiCo ou Kellogg’s ne respectent pas leurs promesses de lutter contre la déforestation, dénonce Greenpeace dans un récent rapport. Mises sous pression, les grandes entreprises jouent cependant de plus en plus le jeu de la transparence. En témoignent les engagements récents de Ferrero, d’Unilever ou de Primark de rendre accessible à tous leurs listes de fournisseurs.

En février dernier, la chaîne de vêtement à bas prix Primark annonçait la publication de l’ensemble de la liste de ses fournisseurs, soit plus de 1 000 usines réparties dans 31 pays. Une victoire pour la coalition d’ONG organisées au sein de la Clean Clothes Campaign et les près de 70 000 signataires de leur pétition demandant à ce que les grandes marques soient plus transparentes.

Des listes de fournisseurs accessibles à tous

En adhérant au pacte de la coalition, Primark s’est engagé à publier les noms et adresses de ses fournisseurs, le nombre de leurs travailleurs et la proportion hommes/femmes. Le tout actualisé deux fois par an et en format téléchargeable (1). A ce jour, seules moins d’une vingtaine (Asics, Adidas, Gap, H&M, Levis Strauss, Patagonia, Nike, ou Marks & Spencer) ont pris le même type d’engagement.

Et seules quelques marques, de niche, se risquent à aller plus loin. Icebreaker, une marque de vêtements outdoor de Nouvelle Zélande va ainsi jusqu’à publier la durée de sa collaboration avec ses fournisseurs pour montrer les relations de confiance ainsi tissées.

Dans un autre secteur, Unilever a lui aussi frappé fort. En mars, le groupe a publié la liste de ses 312 fournisseurs directs et des 1 400 usines d’huile de palme avec qui il travaille. « Non seulement, cela nous donne une meilleure visibilité sur la provenance de notre huile de palme mais cela nous permet également d’identifier de manière plus proactive les problèmes et d’y répondre plus rapidement, explique Unilever. De plus, en rendant ces données publiques, nous permettons à d’autres de faire remonter quelques réflexions et défis. Cela nous pousse à enquêter et à travailleur pour trouver des solutions aux côtés des fournisseurs, ONG, gouvernements et autres parties prenantes« .

Une pratique gagnant-gagnant

La pratique est pourtant encore peu courante dans l’agroalimentaire. Dans un rapport publié mi-mars, Greenpeace saluait d’ailleurs les efforts de Unilever et Nestlé, les deux seules grandes entreprises à se plier alors à l’exercice pour l’huile de palme. Dans la foulée, le 22 mars, Ferrero rejoignait le mouvement en publiant la liste complète des moulins qui approvisionnent ses fournisseurs.

Si ces opérations de transparence se multiplient, c’est notamment sous « la pression combinée de la société civile, des classements (CHRB ou Know the Chain), des réglementations (loi sur le devoir de vigilance en France ou sur l’esclavage moderne en Angleterre) et des investisseurs. Mais aussi de la technologie, comme l’usage de la blockchain« , analyse Tara Norton, managing director du réseau BSR (Business for Social Responsibility).

Une meilleure gestion des risques

Si la transparence a mis du temps à s’imposer c’est aussi que, pendant longtemps, elle a été le parachèvement d’une démarche de responsabilité et de traçabilité. « Désormais les entreprises n’attendent plus d’être parfaites pour publier, elles adoptent de plus en plus la technique des petits pas et c’est ce qui permet d’avancer vraiment. Plus les entreprises sont transparentes et plus elles engrangent des points dans leur dialogue avec les parties prenantes et les classements. Cela leur permet aussi de progresser dans le contrôle de leur chaîne d’approvisionnement et leur gestion des risques« , reprend la spécialiste.

« Quand des entreprises ont des difficultés à identifier tous leurs fournisseurs parce que l’information n’est pas suffisamment centralisée, le risque est important. Cela veut dire l’entreprise n’est même pas au stade de la détection des problèmes potentiels !« , abonde Sara Carvalho de Oliveira, analyste ESG chez Sycomore. Pour obtenir plus de transparence auprès des multinationales, les investisseurs se regroupent de plus en plus au sein de coalitions. En unissant leurs forces, ils peuvent ainsi peser de tout leur poids sur les mastodontes du textile ou de l’agroalimentaire, et ainsi toucher des milliers d’entreprises à travers le monde par ricochets.

Une chaîne d’alerte pour déceler les problèmes

Certes, quand les entreprises publient une liste de 1 000 fournisseurs, les investisseurs n’ont pas les moyens de traiter eux même la donnée, reconnaît Sara Carvalho de Oliveira. « L’objectif est plutôt de permettre à d’autres acteurs plus spécialisés d’exploiter ces données pour affiner l’évaluation du risque ou se pencher sur des cas précis. Cela se rapproche de ce que l’on a pu voir avec le reporting fiscal pays par pays demandé aux banques. Le travail mené par certaines ONG comme Oxfam a permis de révéler des incohérences dans les données publiées« , précise l’analyste.

Un article publié par Novethic.