Les Coronabonds, pour aider les pays européens en difficulté, sèment la discorde entre les États membres – novethic.fr

Arnaud Dumas

L’idée d’une dette commune des États membres a refait surface dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Promus par les pays du Sud de l’Europe, notamment l’Italie, les Corona Bonds ont cependant été rejetés par les pays du Nord, dont l’Allemagne, qui rejettent tout principe de solidarité sur la dette. L’idée de l’utilisation du Mécanisme Européen de Stabilité pour venir en aide aux pays en difficulté semble faire plus consensus.

L’idée aura fait long feu. Depuis plusieurs jours, Giuseppe Conte, le Président du conseil italien, milite pour l’émission de Corona Bonds, une dette commune aux pays de la zone euro pour lutter contre la pandémie. Huit chefs d’État de la zone euro (France, Espagne, Grèce, Irlande, Belgique, Luxembourg, Slovénie, Portugal), se sont rallié à son initiative en début de semaine, peu avant la réunion du Conseil Européen du jeudi 26 mars après-midi, sur le thème du coronavirus. Sans succès.

Plusieurs pays, dont l’Allemagne et les Pays-Bas, ont rejeté l’idée de ces Corona Bonds. Pour ces pays du Nord de l’Europe, il n’est toujours pas question de mutualiser la dette, même dans un cas extraordinaire. Les Corona Bonds, ou obligations corona, s’appuient sur une idée ancienne dans la zone euro : celle d’émettre une dette commune, qui permettrait de financer les États les moins bien notés au prix de ceux les mieux notés. Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, cette idée permettrait d’aider les pays les plus durement touchés par une crise s’en prend à tous les pays sans exception.

Conflit Nord-Sud

Concrètement, la dette corona pourrait être contractée par une institution européenne, comme la Banque Européenne d’Investissement (BEI), et garantie par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), un dispositif créé pour aider les États faisant face à une situation difficile. Cette dette pourrait par exemple servir à financer les systèmes de santé des pays les plus exposés et dont la situation financière est la plus compliquée, comme l’Italie ou l’Espagne.

C’est justement là que se loge la discorde. Les pays du Nord de l’Europe rechignent à l’idée d’être solidaires d’une telle dette. Mettant en avant leurs propres finances publiques, ils préfèrent demander aux pays du Sud, moins vertueux, d’équilibrer leurs budgets. En clair, ils ne veulent pas risquer de devoir payer les dettes des pays plus en difficulté.

Angela Merkel, la chancelière allemande, préfère mettre en avant le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) pour venir en aide aux pays qui en auraient besoin. Une idée soutenue par Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, quelques jours avant la réunion du Conseil Européen. « Le Mécanisme Européen de Stabilité est prévu pour les situations de crise, nous sommes en crise. Des pays comme l’Espagne, l’Italie, font face à des situations très difficiles, c’est donc le moment de l’utiliser« , exhorte-t-il.

15 jours pour travailler sur la mise en œuvre 

Sorte de Fonds Monétaire International à l’européenne, le MES a été créé en 2012 au moment de la crise des dettes souveraines européennes. Il permet par exemple d’accorder des prêts à des États en difficulté à des taux plus faibles que les marchés. Ces aides du Mécanisme Européen de Stabilité sont soumises à des contreparties strictes, l’État y ayant recours devant procéder en général à de sévères réformes.

L’Eurogroupe, qui réunit les ministres des Finances de la zone euro, s’était déjà prononcé en faveur de l’utilisation du MES en début de semaine. Mais la France et les pays du Sud demandent que ce mécanisme soit assoupli, pour permettre de soutenir rapidement les pays en difficulté. « Ce mécanisme doit être utilisé de manière simple et sans fixer de conditions pénalisantes« , martèle Bruno Le Maire. Jeudi soir, les chefs d’État européens ont donné à l’Eurogroupe la mission de travailler sur les détails de mise en œuvre du MES. Il devrait rendre ses conclusions dans les quinze jours.