[ad_1]
En amont du sommet de l’UE de ce 19 juin, Amélie de Montchalin, secrétaire d’État aux Affaires européennes, estime que « les lignes bougent » y compris du côté des pays « frugaux ». Un article de notre partenaire, Ouest-France.
Les dirigeants européens se réunissent ce vendredi 19 juin pour un sommet en visioconférence consacré à deux gros dossiers : le plan de relance pour faire à la crise du coronavirus et la négociation sur les futures relations post-Brexit.
Sur le premier point, ça discute toujours un peu partout Europe. Avec, d’un côté, les partisans de cette relance budgétaire et de l’autre, quatre pays (Autriche, Suède, Pays-Bas, Danemark) très sourcilleux sur la dette. Sur le second point, les Britanniques ont fait savoir, vendredi dernier, qu’ils renonçaient à prolonger la période de transition pour leur sortie de l’Union européenne. Cela veut dire qu’au 1er janvier prochain, faute d’accord, l’impact risque d’être brutal.
La secrétaire d’État française aux Affaires européennes, Amélie de Montchalin, fait le point sur ces deux gros axes de travail. Entretien.
Vous venez de vous rendre en Autriche et aux Pays-Bas. Sur le plan de relance, est-ce que les récalcitrants évoluent ?
On donne une image assez fausse de ce que ces pays cherchent à faire et de la manière dont on travaille avec eux. Aujourd’hui, personne ne conteste le besoin d’un plan d’action européen face à la plus grave crise économique et sociale depuis la Seconde Guerre mondiale. On a déjà fait beaucoup de chemin en quelques semaines. L’économie européenne ne repartira pas si toutes nos économies ne repartent pas ensemble. Les Pays-Bas, par exemple, ont un excédent commercial de douze milliards d’euros par an avec l’Italie, c’est massif pour leur économie. Si l’Italie ne redémarre pas, les Pays-Bas ne redémarrent pas. Chacun s’en rend compte désormais.
Vraiment ?
La crise économique arrive partout. Tout le monde est confronté à des chutes de PIB de 7, 8, 9 ou 10 %. Partout en Europe, les entreprises et les syndicats appellent à ce plan. Il n’y a pas d’alternative nationale seule. Le débat que nous avons avec ces pays repose d’abord sur les spécificités nationales. Il faut partir des besoins propres à chaque pays. On ne crée pas un accord par bloc, personne ne parle au nom de l’autre. On doit aller dans le détail. Ensuite, il n’y aura pas d’accord si chacun n’est pas à même de faire adhérer sa population. Je ne crois pas à l’idée qu’on puisse tordre le bras à tel ou tel. Il faut convaincre.
Bougent-ils sur les transferts, les subventions, qu’ils refusent encore officiellement ?
Oui, plus personne aujourd’hui ne conteste l’idée qu’il faut s’endetter ensemble. Voyez déjà le chemin parcouru depuis quelques mois !
Mais quatre pays (Autriche, Suède, Pays-Bas, Danemark) parlent de prêts. Sont-ils ouverts à l’idée de transferts ?
Oui. Après, il faut voir dans quelle proportion, et comment cet argent est utilisé. Il ne s’agit pas de financer les déficits courants des États, mais de l’investissement.
Le Premier ministre suédois continue à parler de prêts…
Oui, mais les lignes bougent et on y travaille. Prenez Giuseppe Conte (le Premier ministre italien, N.D.L.R.), il a fait des déclarations très fortes affirmant clairement que cet argent n’est pas un pactole, c’est de l’investissement. Il a dit qu’il fallait accompagner cet investissement par des réformes profondes. Le plan de relance européen ne fera pas de miracle sans réforme et sans investissement à long terme. C’est bien pour cela que le budget européen 2021-2027 doit être ambitieux, au-delà de l’urgence.
La Commission propose 500 milliards de subventions budgétées, jusqu’où pourrait baisser ce chiffre initial ?
Les 500 milliards ne sortent pas de nulle part, ils reposent sur le travail mené par la Commission pour protéger les emplois et rester suffisamment compétitifs pour ne pas perdre des parts de marché face aux États-Unis et à la Chine qui, eux, investissent massivement. Pour la France et l’Allemagne, les 500 milliards d’euros de dotations budgétaires évoqués dans l’initiative du président de la République et de la chancelière doivent être absolument maintenus.
On ne parle pas de prêts en l’occurrence, mais de transferts ?
Je vous parle bien de dotations budgétaires.
Les Suédois demandent un dispositif de courte durée, fin 2022 ?
Il y a trois choses qu’on est tous en train de faire. Tout d’abord, la protection de l’emploi dans le contexte de crise, c’est le rôle du chômage partiel et des prêts de soutien à l’activité. Ensuite, le sujet, c’est comment on redémarre l’activité au cours des prochains mois. C’est l’objet des plans annoncés sur l’aéronautique, le tourisme, etc. Et il y a une troisième étape pour rendre notre économie plus forte, plus verte, plus résiliente et plus solidaire sur la réussite de notre transition écologique et numérique, pour des emplois pérennes et innovants face aux Américains et aux Chinois et cela, c’est l’ambition du budget européen.
Sur les futures relations post-Brexit, existe-t-il encore une marge pour un accord avec les Britanniques ?
On a eu une réunion très importante mardi à 27 avec Michel Barnier. Nous sommes très calmes, parce que nous lui avons donné un mandat très clair, parce que nous savons où nous voulons aller : la position que nous défendons n’est pas de faire gagner ou perdre l’un ou l’autre, mais de garder un partenaire solide, et une relation équilibrée. Nous ne céderons pas à la fébrilité. Le Royaume-Uni a davantage besoin que nous de cet accord. S’il n’y a pas d’accord, il y aura un choc supplémentaire au choc du Covid-19. Nous sommes d’autant plus calmes que ce sont les Britanniques qui mettent la pression sur le calendrier, car cela correspond à leur agenda politique. Au fond, on sait où on va. Sur tous les sujets, l’unité des « Vingt-Sept » est totale. Totale.
Y compris sur la pêche ?
En particulier sur la pêche. C’est un sujet hautement politique. Pour avoir un accord, il faut que chacun reste calme et réaliste. Sur la pêche, nous sommes très vigilants. Personne parmi les « Vingt-Sept », ne remet en cause le principe qu’il faut un accord sur tout, les sujets commerciaux, les conditions de concurrence équitable et la pêche, pour être d’accord sur quoi que ce soit.
Donc le groupe des huit pays concernés directement par les eaux britanniques est soutenu par les autres ?
Personne ne veut affaiblir ce mandat. L’Allemagne, qui va prendre la présidence du Conseil le 1er juillet, a aussi une position très claire. Tout le monde voit bien l’importance de lier tous les sujets ensemble. C’est la manière de protéger clairement nos entreprises, nos pêcheurs, nos agriculteurs, mais aussi nos investisseurs. Je rappelle que 70 % des poissons pêchés dans les eaux britanniques sont exportés vers l’Union européenne. Ils n’ont aucun intérêt à fermer leurs eaux aux pêcheurs français et européens.
Pour autant, un non-accord serait brutal…
Si les Britanniques ne peuvent plus exporter dans de bonnes conditions leurs poissons dans l’UE, ils souffriront beaucoup. Tout le monde sait très bien autour de la table que les enjeux sont partagés. La négociation est très différente de celle qui a prévalu jusqu’en février dernier. Jusqu’alors, on était dans une discussion politique avec une très forte dimension symbolique : la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Là, on est sur l’économie réelle, sur les biens qu’on échange. C’est à ce niveau-là qu’il faut placer la discussion.
Par prudence, vous vous préparez probablement à l’hypothèse d’un non-accord. Que prépare la France ?
Le Parlement, il y a trois semaines, a donné au gouvernement l’autorisation de procéder par ordonnances s’il n’y a pas d’accord avec les Britanniques sur un certain nombre de sujets. Sur le tunnel sous la Manche, la protection des épargnants, le secteur de la défense… Nous préparons aussi toutes les infrastructures nécessaires. Il y aura des contrôles à la frontière sur les marchandises et les personnes.
Lire la suite sur Ouest-France
[ad_2]