Pour cette édition spéciale des Capitals, le réseau EURACTIV a recueilli les réactions des États membres de l’UE face au nouveau pacte sur la migration et l’asile proposé par la Commission européenne.
Mercredi (23 septembre), l’exécutif européen a proposé que les États membres de l’UE partagent la responsabilité des demandeurs d’asile, et ce, en prenant part à un système de « solidarité obligatoire ».
Avec ce nouveau pacte, Bruxelles espère éviter une répétition de la crise migratoire de 2015 en donnant aux pays le choix entre relocaliser les migrants ou organiser des rapatriements.
Le point essentiel du nouveau pacte ? Les États membres devront soit accepter les demandeurs d’asile, soit prendre en charge le renvoi de ceux qui se sont vu refuser l’asile, soit offrir une aide financière sur le terrain aux pays européens en première ligne.
Cette mesure est destinée à aider les États membres qui ne veulent pas accepter de demandeurs d’asile. Mais un problème se pose : il n’existe pas encore de liste européenne commune des pays de retour sûrs, ce qui rendra le système proposé encore plus complexe à mettre en œuvre.
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Depuis l’arrivée de plus d’un million de migrants et de réfugiés en 2015, principalement via l’Italie et la Grèce, les 27 États membres de l’UE peinent à accorder leurs violons sur les mesures à prendre.
La commissaire aux affaires intérieures, Ylva Johansson, a immédiatement laissé entendre qu’il serait complexe pour les 27 de se mettre d’accord sur le pacte.
« Je pense qu’aucun État membre ne dira que c’est une proposition parfaite », a déclaré Mme Johansson. « Mais j’espère que les 27 États membres diront aussi que c’est une approche équilibrée et que nous allons travailler sur ce sujet […] Il s’agit de se rendre compte que nous avons un problème commun et que nous devons le gérer ensemble ».
Le réseau EURACTIV a recueilli les réactions du navire européen.
Les pays défenseurs du pacte
Les deux grands pays de l’UE, l’Allemagne et la France, se sont rapidement exprimés en faveur des propositions de la Commission.
Après avoir accueilli un million de réfugiés en 2015 et conclu un accord avec la Turquie pour réduire les arrivées en Méditerranée un an plus tard, la chancelière de l’Allemagne Angela Merkel, qui assure actuellement la présidence de l’UE, est le moteur du nouveau pacte sur les migrations.
Toutefois, les réactions de l’ensemble du sérail politique allemand à la nouvelle proposition ont été plutôt mitigées. Le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer (CSU) a salué le pacte, le qualifiant de « bonne base pour la poursuite des discussions », mais il a également encouragé les autres États membres de l’UE à « ne pas se dissimuler par réflexe » et à œuvrer plutôt à un concept commun.
Parallèlement à la publication du pacte, la France a déclaré qu’elle accueillerait 500 mineurs migrants du camp sinistré de Moria, soit 150 de plus que prévu initialement. Paris a aussi appelé à l’Italie à accueillir le navire humanitaire « Alan Kurdi », ainsi nommé en hommage au petit garçon syrien retrouvé mort noyé sur une plage turque en 2015, dont la photo avait ému le monde entier.
Les pays en faveur du pacte
Les pays en première ligne en Europe du Sud ont certes été plutôt satisfaits de la nouvelle tentative de politique migratoire de l’UE, mais pour beaucoup, ce pas en avant demeure insuffisant.
La migration constitue un sujet de discorde en Italie, où les arrivées ont presque quadruplé depuis 2019. Le Premier ministre Giuseppe Conte a qualifié le nouveau pacte de « pas important vers une politique migratoire véritablement européenne ».
« Le Conseil européen doit parvenir à un véritable équilibre de solidarité et de responsabilité. Il faut des garanties en matière de relocalisation : les pays de première arrivée ne peuvent pas gérer seuls les flux migratoires au nom de l’ensemble de l’UE », a déclaré M. Conte. Les responsables politiques et les organisations de la société civile ont salué les « points positifs » abordés dans le pacte.
Un autre pays de la ligne de front, la Grèce, a déclaré qu’il insisterait sur les relocalisations obligatoires. La proposition de la Commission européenne représente le fondement des négociations intenses qui se profilent à l’horizon, a déclaré le vice-ministre grec chargé de l’immigration Giorgos Koumoutsakos. « La Commission a tenté de concilier les points de vue divergents de différents groupes de pays », a-t-il souligné.
Cependant, il semble que la principale pression exercée par la Grèce en faveur des relocalisations obligatoires ne soit pas satisfaite de cette proposition. « Nous maintiendrons et défendrons nos positions initiales […] Il s’agit de la solidarité obligatoire et du partage équitable de la charge entre tous les États membres, en équilibrant la responsabilité portée par les pays de première ligne, y compris bien sûr les relocalisations ».
Pour l’Espagne, la proposition ne reflète pas la principale demande du pays, à savoir un « mécanisme de solidarité obligatoire » en Europe pour alléger la pression et la lourde charge qui pèse sur les pays d’entrée, et elle impose de nouvelles procédures aux frontières que le gouvernement espagnol ne partage pas.
Après neuf mois de négociations difficiles, Madrid n’avait pas beaucoup d’espoir de voir ses aspirations incluses dans le nouveau document, car il s’agit d’une proposition minimale que l’Espagne ne rejettera pas d’emblée, mais qu’elle n’applaudira pas non plus, ont déclaré des sources gouvernementales à El País.
Les pays opposés au pacte
Une tempête se prépare, car le groupe de Visegrad (V4) – Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie – mais aussi l’Autriche et la Slovénie ont récemment rejeté l’idée de relocalisation obligatoire et certains d’entre eux se sont fermement opposés à l’appel à la solidarité lancé par l’Europe du Sud.
Avant même que le pacte prévu ne soit établi, le chancelier de l’Autriche Sebastian Kurz avait déclaré qu’il ne fonctionnerait pas. Cependant, le ministre autrichien de l’Intérieur, Karl Nehammer, a fait l’éloge de la proposition de la Commission et a indiqué qu’il « se [réjouissait] des améliorations apportées dans la protection des frontières extérieures, les rapatriements et la coopération avec les pays tiers ». Les responsables politiques autrichiens sont particulièrement heureux que la proposition n’ait pas inclus la relocalisation obligatoire.
Les quatre pays du groupe de Visegrad ont annoncé – à la suite de l’initiative du Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki – qu’ils rencontreront la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen jeudi (24 septembre) au matin. Le Premier ministre slovaque ne participera pas à cette rencontre, mais il sera représenté par la Pologne en tant que président actuel du V4.
La Pologne avait dès le départ rejeté l’appel de l’Europe du Sud pour une relocalisation obligatoire des migrants. En outre, le gouvernement répète depuis 2015 que de nombreux travailleurs migrants de l’Est, en particulier d’Ukraine, viennent en Pologne et que Varsovie n’avait pas à aider le Sud.
Le gouvernement nationaliste de Hongrie a soutenu que les frontières extérieures de l’UE devaient « rester parfaitement étanches sur tous les tronçons ». Les autorités de Budapest ont insisté sur le fait qu’elles rejetteront tout chantage politique.
Depuis la crise migratoire européenne de 2015, le gouvernement du Premier ministre Viktor Orban a érigé des clôtures très bien gardées le long de ses frontières avec la Serbie et la Croatie, et a refusé d’accepter les quotas de relocalisation obligatoire de l’UE pour les réfugiés venant d’autres pays du bloc. Budapest a également construit des camps en « zone de transit » à la frontière pour les demandeurs d’asile, qui constituaient une violation à la législation européenne selon la Cour de justice de l’Union européenne.
En Slovaquie, le ministre des Affaires étrangères, Ivan Korčok, a déclaré que même si Bratislava devait encore étudier la proposition, celle-ci ne comptait pas pour les quotas obligatoires. « La relocalisation devrait se faire sur une base volontaire », a-t-il maintenu, tout en reconnaissant que chaque pays devrait participer à une solution commune en matière de migration.
D’après Lucia Ďuriš Nicholsonová, présidente de la commission EMPL au Parlement européen, la proposition montre que la question d’une relocalisation des migrants à l’échelle européenne est « tout sauf morte, comme le supposent les dirigeants de la minorité de blocage, y compris la Slovaquie ».
La République tchèque a salué le plan, car il n’est pas fondé sur des quotas obligatoires ; il renforce les procédures aux frontières extérieures et vise à rendre plus efficace le renvoi des migrants illégaux, a tweeté la secrétaire d’État tchèque aux Affaires européennes, Milena Hrdinkova.
« Il est juste que tous participent au système. Mais nous devons analyser les mécanismes proposés et leurs répercussions sur la République tchèque pour la suite des négociations », a renchéri Mme Hrdinkov. Les Tchèques s’opposent fermement à tout mécanisme basé sur des relocalisations obligatoires, comme l’a répété le vice-premier ministre Jan Hamacek. Il semble toutefois qu’ils puissent s’accommoder de la proposition actuelle.
La Slovénie soutient le principe de solidarité volontaire alors que le nouveau pacte s’appuie sur le principe de solidarité obligatoire, a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Aleksander Gerzina à l’agence officielle STA, précisant que Ljubljana était plutôt mécontente de la proposition.
Bien que le ministère de l’Intérieur ait refusé de commenter, M. Gerzina a déclaré que la proposition devait encore être examinée, mais a souligné que les autorités s’attendaient à ce qu’elle « prenne en compte les préoccupations de certains pays, dont la Slovénie, et inclue des propositions plus équilibrées », ce qui n’est pas le cas.
Les pays du sud-est de l’Europe comme la Bulgarie n’ont pas eu de réactions particulières, mais Sofia, contrairement à la Pologne ou à la Hongrie, n’est pas opposée à la relocalisation. Lors de la récente crise du camp de Moria, la Bulgarie a accueilli 20 mineurs non accompagnés. Étant donné qu’elle est le pays le plus pauvre du bloc, elle n’est pas attrayante pour les migrants.
(Alexandra Brzozowski, Euractiv.com | Anne Damiani, Euractiv France | Alessandro Follis, Euractiv Italie | Euroefe | Łukasz Gadzała, Euractiv Pologne | Zuzana Gabrižová, Euractiv Slovaquie | Georgi Gotev, Euractiv.com | Sarah Lawton, Euractiv Allemagne | Vlagyiszlav Makszimov, Euractiv.com | Sarantis Michalopoulos, Euractiv.com | Zoran Radosavljević, Euractiv.com)
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