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Un document fantôme proposant des modifications controversées des frontières dans les Balkans occidentaux a provoqué une tempête politique dans la région et à Bruxelles cette semaine. Alors que la plupart des fonctionnaires de l’UE n’avaient guère connaissance de ce dossier, le bureau du président du Conseil européen Charles Michel n’a pas pu nier l’avoir reçu.
Jeudi (15 avril), un média slovène, necenzurirano.si, a publié ce qu’il a qualifié de « document officieux » (Western Balkans – a Way Forward) prétendument rédigé par le Premier ministre Janez Janša, ou par quelqu’un de son cercle proche, proposant d’éventuels changements de frontières pour répondre au malaise persistant en ex-Yougoslavie.
M. Janša a nié avoir écrit le document et son bureau, contacté par EURACTIV, a déclaré qu’il « ne ferait pas d’autres commentaires » sur la question.
Les médias bosniaques ont été les premiers à révéler lundi (12 avril) que le Premier ministre slovène avait remis un document contenant des lignes directrices sur la « désintégration finale de l’ex-Yougoslavie » au président du Conseil européen Charles Michel en février ou mars de cette année.
Ils ont également dévoilé que le président slovène Borut Pahor avait abordé l’éventualité d’une « dissolution pacifique » de la Bosnie-Herzégovine lors d’une conversation avec la présidence collégiale de la Bosnie le mois dernier – ce que M. Pahor a confirmé, tout en insistant sur le fait que ses motivations étaient différentes et qu’il restait pleinement favorable à l’intégrité territoriale de la Bosnie.
Contexte
À la suite des guerres de Yougoslavie en 1991-1995 et de l’intervention américaine, la Bosnie-Herzégovine est devenue un État fédéral divisé en deux entités : la Republika Srpska (RS) et la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
Chacune dispose certes de son propre gouvernement, organe législatif et corps de police, mais les deux se rassemblent en un gouvernement central, lui-même dirigé par une présidence collégiale. La constitution veut en effet que les trois ethnies majoritaires du pays (serbe, bosniaque et croate) soient chacune représentées par un président.
Après les frappes aériennes de l’OTAN en 1999 contre les vestiges de l’ancienne Yougoslavie, l’ancienne province serbe du Kosovo a été créée en tant qu’entité distincte, déclarant unilatéralement son indépendance en 2008. Toutefois, le nord du Kosovo, composé de quatre municipalités à majorité ethnique serbe du Kosovo, échappe largement au contrôle de Pristina.
Contenu du document officieux
Les institutions de l’UE et les États membres partagent occasionnellement des documents officieux, confidentiels, mais non officiels, qui proposent des points de pourparlers ou des cadres de discussion possibles sur des sujets épineux afin de trouver un terrain d’entente.
Dans le cadre de cette affaire, le document propose des « solutions », dont « l’unification du Kosovo et de l’Albanie » et, en contrepartie, « le rattachement d’une plus grande partie du territoire de la Republika Srpska à la Serbie », ce qui revient à redessiner les frontières selon des critères ethniques.
La question croate en Bosnie-Herzégovine serait résolue par le rattachement des cantons à prédominance croate de Bosnie-Herzégovine à la Croatie, ou par l’octroi d’un statut spécial « sur le modèle du Tyrol du Sud », la province autonome principalement germanophone du nord de l’Italie. Le même statut est proposé pour « la partie serbe du Kosovo ».
L’intérêt de la Turquie
Lors d’un référendum, « les Bosniaques pourront choisir entre un avenir dans l’UE ou en dehors, comme la Turquie », indique le document officieux.
La Turquie est particulièrement intéressée par la région, mais l’UE n’a jamais envisagé de revoir à la baisse son ambition d’élargissement dans les Balkans occidentaux au profit d’Ankara.
En outre, le document officieux fait allusion à des « procédures silencieuses » en cours pour inclure l’exécution des plans par « les décideurs de la région » et « les décideurs de la communauté internationale ».
Dans un document croate antérieur, le ministre des Affaires étrangères Gordan Grlić Radman avait appelé à un soutien accru à la Bosnie, notamment pour ses efforts visant à améliorer le « paysage politique fragmenté et l’atmosphère de méfiance » qui règne parmi les représentants politiques du pays, et avait plaidé en faveur du statut de candidat à l’UE pour le pays.
La Slovénie figurait parmi les signataires, de même que la Bulgarie, Chypre, la Grèce et la Hongrie.
Le mutisme de Charles Michel
Invité à s’exprimer sur la réception ou non du document slovène par le bureau de Charles Michel, par des canaux officiels ou non, son porte-parole a déclaré à EURACTIV que le président « ne pouvait fournir aucun commentaire » à ce propos.
La Commission européenne et son service diplomatique (SEAE) n’étaient pas au courant du prétendu document non officiel sur les frontières dans les Balkans occidentaux.
« Le SEAE ne l’a pas reçu, n’est pas au courant de son contenu au-delà de ce qui a été révélé dans les médias », a déclaré Peter Stano, le porte-parole principal du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (HR/VP).
Les diplomates de l’UE ne sont pas au courant
Bruxelles et le HR/VP Josep Borrell ont souligné à plusieurs reprises le désir de l’UE de voir un engagement de réformes de la part des responsables bosniaques qui « permettrait au pays de progresser vers l’UE. »
Certains analystes ont également laissé entendre que les dirigeants slovènes ont peut-être sondé le niveau de mécontentement à l’égard de la Bosnie parmi les « grands acteurs », ou même en leur nom, au sein de l’UE.
One more obvious pt re: ?? ?? “dissolution” story: it’s not that anyone thinks Ljubljana is working twd BiH’s breakup. It’s that ?? is a known conduit for W.Balkan intel/policy in EU. So, if ?? ldrs are floating dissolution it means they’re doing so on behalf of bigger EU actors.
— Jasmin Mujanović (@JasminMuj) April 12, 2021
Cinq diplomates de l’UE contactés par EURACTIV ont cependant avancé qu’ils n’étaient officiellement pas au courant du document, car il « n’avait pas été introduit par les canaux officiels ».
Dans la pratique diplomatique, cela signifie que son existence peut être publiquement démentie à tout moment.
« Ce document officieux n’a pas fait l’objet de discussions entre les États membres. Il n’a pas non plus été distribué officiellement », a expliqué un diplomate européen.
« Cela ressemble à des actions provocatrices et à de la désinformation », a soutenu un autre.
Une présidence problématique ?
La Slovénie prendra la présidence tournante du Conseil de l’UE le 1er juillet. Les déclarations de M. Pahor et de M. Janša tombent à point nommé, car c’est à ce moment-là qu’une conversation plus concrète sur l’avenir des Balkans occidentaux est attendue au niveau de l’UE.
L’eurodéputée slovène Tanja Fajon (S&D) a déclaré jeudi que la « solution pour les Balkans était une perspective européenne claire, et non une redéfinition des frontières ».
Mme Fajon a mis en garde contre certains dirigeants européens qui mettent en avant « des idées perturbatrices et des tendances nationalistes, et qui, par des gestes peu diplomatiques, accablent de craintes supplémentaires une population déjà inquiète ».
« Toute idée de redéfinir les frontières entre les pays, notamment en Bosnie-Herzégovine, qui a subi le plus de dommages, est une démarche extrêmement dangereuse », a-t-elle ajouté.
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