Un article publié par notre partenaire Toute l’Europe
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Financée à ses débuts par les Etats membres, la communauté européenne avait pour ambition de fonctionner grâce à un budget autonome. Un projet resté en grande partie lettre morte, malgré la mise en place de ressources propres.
Une première communauté financée par les Etats
Ancêtre de la Communauté économique européenne (CEE), la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) est marquée par deux spécificités : un pouvoir budgétaire détenu par une autorité supranationale (la Haute autorité, qui deviendra la Commission européenne) et une relative indépendance des ressources. Indépendance qui ne survivra pas au passage à la CEE.
Créée en 1951, la CECA est financée par un prélèvement obligatoire sur les deux productions sur lesquelles elle repose : le charbon et l’acier. Ces prélèvements sont directs et ne transitent pas par le budget des Etats membres, ce qui assure à la CECA une certaine autonomie financière. Aujourd’hui encore, cette autonomie perdue du budget européen est au coeur des débats entre Conseil et Parlement européens. Sur ce point, le financement des communautés puis de l’Union a toujours été considéré comme un élément-clé du débat sur l’intégration européenne.
La création en 1957 de la Communauté économique européenne (CEE) et d’Euratom change donc la donne. La CEE ne porte en effet sur aucune production spécifique mais sur l’économie en général. Elle est financée dans un premier temps sur la base de contributions des Etats membres, établies selon une clé de répartition : 28 % pour l’Allemagne, la France et l’Italie, 7,9 % pour la Belgique et les Pays-Bas, et 0,2 % pour le Luxembourg. De fait, la Communauté est alors en état de dépendance budgétaire et politique par rapport aux Etats membres.
Ce système est cependant pensé comme transitoire. Le traité de Rome, qui régit la CEE, prévoit en effet dans son article 201 que « la Commission étudiera dans quelles conditions les contributions financières des États membres prévues à l’article 200 pourraient être remplacées par des ressources propres, notamment par des recettes provenant du tarif douanier commun lorsque celui-ci aura été définitivement mis en place ».
Ces ressources propres visent à constituer des moyens de financement indépendants des États membres, affectés une fois pour toutes à la Communauté sans autre négociation des autorités nationales.
La mise en place des ressources propres
En 1965, la Commission européenne formule des propositions sur le financement de la PAC, les ressources propres de la CEE et l’élargissement des compétences du Parlement. Elle prévoit notamment de transférer à la Communauté les prélèvements agricoles et droits de douane qui dérivent des politiques communautaires. La PAC a en effet vu le jour en 1962, et l’instauration d’un tarif extérieur commun aura lieu en 1968. Elle attribue en outre des pouvoirs budgétaires supplémentaires au Parlement européen et un rôle accru à la Commission. Par ailleurs, le traité de Rome prévoit que le vote majoritaire remplace l’unanimité au Conseil des ministres à partir de 1966.
De telles évolutions se heurtent à une forte opposition du général de Gaulle, qui y voit un abandon de souveraineté. L’impossibilité de trouver un accord est constatée le 30 juin 1965. La France pratique alors la « politique de la chaise vide » des mois durant au Conseil des ministres. Cette crise grave ne trouve son dénouement que grâce au Compromis de Luxembourg de 1966, qui maintient le principe du vote à l’unanimité au Conseil des ministres.
En 1969, un accord est finalement trouvé au Conseil européen et débouche sur le traité de Luxembourg, signé le 21 avril 1970. Le même jour, une décision du Conseil introduit le système des ressources propres à partir de l’année suivante, avec le remplacement progressif « des contributions financières des États membres par des ressources propres aux communautés ». Elles comprennent :
- Les droits de douane sur les importations de produits en provenance de pays tiers à la Communauté, dont la perception communautaire est progressivement mise en place entre 1971 et 1975 ;
- Les prélèvements agricoles sur les importations de produits couverts par la PAC, perçus intégralement par la Communauté depuis 1971 ;
- Les recettes basées sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui résultent de l’application d’un taux, uniforme pour tous les Etats membres, à une assiette harmonisée de TVA. Elles sont perçues à partir de 1980.
Jusqu’à l’introduction complète de ce nouveau système, les États membres sont tenus de verser les contributions financières nécessaires pour assurer l’équilibre budgétaire. De fait, celles-ci deviennent minimes de 1979 à 1981, avant d’être remplacées par des avances exceptionnelles en 1984 et 1985. Pendant ces quelques années, le budget européen est ainsi presque intégralement financé par ces trois types de ressources, deux « ressources propres traditionnelles » et une « ressource TVA », prélevées par les Etats pour le compte de la Communauté.
Par ailleurs, l’adoption du budget annuel, initialement entre les mains du seul Conseil, est depuis 1975 sous la responsabilité partagée du Parlement européen et du Conseil. A plusieurs reprises, notamment en 1979 et 1984, le Parlement rejette ainsi les budgets qui lui sont proposés. Le cadre financier pluriannuel, instauré à partir de 1988, relève en revanche d’une décision du Conseil européen à l’unanimité.
L’introduction du « chèque britannique »
Le partage de la charge budgétaire des communautés CEE et Euratom a très tôt été source de divergences, voire d’affrontements, entre les pays contributeurs.
Ainsi le Royaume-Uni, dont le commerce est plus orienté vers les pays tiers que vers ses partenaires européens, se plaint dès son adhésion de devoir contribuer à une politique dont il ne bénéficie pas ou peu, la politique agricole commune, mais également du montant des droits de douanes sur le tarif extérieur commun.
Le pays obtient ainsi, lors du Conseil européen de 1975 à Dublin, que dès 1976 soit mis en place un mécanisme correcteur en sa faveur. Ce mécanisme est cependant soumis à des conditions strictes d’attribution, à savoir : un PIB par habitant inférieur à 85 % de la moyenne communautaire, un taux de croissance économique inférieur à 120 % de la moyenne communautaire, et une participation aux titres des ressources propres supérieure de plus de 10 % à la part dans le PIB. Or, ces conditions ne seront jamais remplies par le Royaume-Uni.
En 1979 cependant, la Commission européenne constate que la contribution britannique va atteindre 20 % du budget, pour ne profiter que de 10 % des dépenses. Le gouvernement britannique, alors dirigé par Margaret Thatcher, en profite pour négocier un mécanisme correcteur. C’est le fameux « juste retour » ou « chèque britannique » qui fait prononcer à Mme Thatcher la fameuse formule « I want my money back » (« je veux qu’on me rende mon argent »). Un second mécanisme est ainsi mis en place cette même année, puis un troisième en 1985 qui prévoit que cette correction soit financée par les autres Etats membres, avec une compensation pour l’Allemagne. Les Pays-Bas, l’Autriche et la Suède obtiendront également une compensation par la suite.
Budget européen : pays contributeurs et pays bénéficiaires
Les blocages institutionnels et la nécessité d’une réforme
Les difficultés quant à la constitution d’un budget communautaire (aujourd’hui européen) ne sont pas récentes. En 1979, 1984, 1985 et 1987, le Conseil et le Parlement européens ne parviennent pas à se mettre d’accord, dans les délais, sur le budget de l’UE de l’année suivante. Il faut dès lors recourir à un système complexe de douzièmes provisoires.
Douzièmes provisoires
Si le budget de l’UE n’a pas été adopté en début d’année, les dépenses peuvent être effectuées mensuellement par chapitre, dans la limite du douzième des crédits ouverts au chapitre en question du budget de l’année précédente ou du projet de budget proposé par la Commission, le plus petit des deux montants étant retenu. Cela cause des retards dans la mise en œuvre de programmes et dans le remboursement de paiements aux États membres.
L’une des raisons de la crise budgétaire de l’UE tient au fait que les recettes ont diminué pendant que les dépenses augmentaient. En effet, la baisse du tarif extérieur commun conduit notamment à une réduction du volume des ressources propres. Par ailleurs, la politique des marchés agricoles entraîne des dépenses de plus en plus importantes pour la PAC. Enfin, la perspective de l’adhésion de la Grèce en 1981, puis de l’Espagne et du Portugal en 1986, impliquent une augmentation des interventions dans le cadre de la politique agricole commune et de la politique régionale, sans que ces nouveaux pays ne contribuent suffisamment pour compenser les dépenses supplémentaires.
En 1984, le Conseil européen décide d’augmenter le taux maximal de mobilisation de la TVA. Mais cette solution est vite dépassée, la croissance des ressources fournies par la TVA étant trop faible. Ces contraintes rendent une réforme nécessaire.
Les réformes Delors et la création d’une programmation pluriannuelle
C’est le 18 février 1987 qu’est proposée la première réforme par le président de la Commission européenne, Jacques Delors. Ce « Paquet Delors I » introduit pour la toute première fois la notion de perspectives financières pluriannuelles. Il fixe des règles budgétaires pour la période 1988-1992, et consacre le financement du budget communautaire par une quatrième ressource : les contributions nationales inclues dans les « ressources propres » de la Communauté. Celles-ci sont proportionnelles à la part du produit national brut (PNB) de chaque Etat dans le PNB de l’UE.
Le montant global de cette ressource est, quant à lui, calculé par différence entre les dépenses et le produit des autres « ressources propres » : il s’agit donc, en théorie, d’un appoint destiné à équilibrer le budget communautaire. Il prendra cependant de plus en plus d’importance.
Par ailleurs, l’ensemble des ressources de la Communauté est désormais plafonné à un pourcentage du PNB des Etats membres : 1,15 % en 1988, 1,20 % en 1992, 1,27 % en 1999… jusqu’à 1,23% du RNB des Etats membres aujourd’hui.
Cette première réforme apaise également les tensions entre le Conseil, la Commission et le Parlement, puisque le budget pluriannuel est basé sur un accord interinstitutionnel qui fixe les priorités budgétaires et le cadre des dépenses communautaires.
Tirant un bilan positif de cette première expérience de cinq années, la Commission présente en 1992 le « Paquet Delors II » qui propose de renouveler cette programmation financière pluriannuelle avec un objectif de discipline budgétaire. Le 23 octobre 1993, l’accord interinstitutionnel est conclu. Dans un contexte économique morose, il prévoit des perspectives financières étalées non plus sur cinq mais sur sept ans (1993-1999). Les orientations précédentes sont poursuivies et les défis ambitieux liés à la signature du traité sur l’Union européenne sont pris en compte : freinage des dépenses agricoles suite à la réforme de la PAC en mai 1992, nouveau doublement des fonds structurels avec l’institution d’un Fonds de cohésion pour les pays les moins riches de la Communauté, réalisation de l’Union économique et monétaire (UEM).
Le budget au rythme des adhésions
En vue du futur élargissement de l’Union européenne, la Commission présente le 16 juillet 2000 son « Agenda 2000 », qui porte non seulement sur les perspectives d’adhésion de nouveaux Etats membres, mais sur une réforme du système des ressources propres de l’Union. Le Conseil européen de Berlin de mars 1999 dégage un accord politique sur les perspectives financières 2000-2006, qui sont formellement adoptées le 29 septembre 2000 et entrent en vigueur le 1er janvier 2002.
Pendant les années 2000, l’élargissement à 25 puis 27 Etats membres exige une solidarité communautaire largement accrue. Dès 2004, la Commission propose ainsi ses nouvelles perspectives financières pour la période 2007-2013 qui prévoient un accroissement des crédits et créent à nouveau de vives négociations entre les Etats membres. Un accord est finalement trouvé au sommet de la mi-décembre 2005 à Bruxelles, mais plafonne les dépenses à 1,045 % du revenu national brut (RNB) alors que le Parlement demandait un plafonnement à 1,18 %. Le Royaume-Uni accepte cependant que son « chèque » soit réduit de 20 %.
En 2013, les institutions européennes s’accordent sur un cadre financier pluriannuel en baisse : le budget 2014-2020 est inférieur de 3,5 % de moins que celui de la période précédente. Plus de deux tiers des dépenses doivent être consacrées à la politique agricole commune et à la politique de cohésion. Deux postes toutefois en diminution au profit de l’innovation, de la recherche, des infrastructures ou encore du programme Erasmus.
Le budget de l’Union européenne
Les négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel de l’UE, pour la période 2021-2027, sont pour leur part formellement engagées depuis mai 2018. Selon la procédure en vigueur, la Commission européenne a proposé une première mouture, à partir de laquelle les Etats membres négocient. En parallèle, sans que cela ait une valeur contraignante, le Parlement européen a fait part de ses positions, pour l’heure plus ambitieuses que les propositions de la Commission. A l’issue des négociations interétatiques, il reviendra aux eurodéputés d’approuver ou de rejeter le budget pluriannuel. Les élections européennes de mai 2019 gelant pour plusieurs mois l’activité législative, ce vote ne devrait avoir lieu qu’en 2020.
Budget européen : ce que contiennent les propositions de la Commission européenne