Qu’est-ce que la politique agricole commune (PAC) ?

Mise en place en 1962, la politique agricole commune (PAC) est le principal poste de dépenses de l’Union européenne. Au fil des années, ses objectifs et son fonctionnement ont toutefois bien changé. Entrée en vigueur le 1er janvier 2023, la nouvelle PAC tente de rendre l’ensemble plus vert et laisse une plus grande marge de manœuvre aux Etats membres.

Qu'est-ce que la PAC ?
La Politique agricole commune a officiellement vu le jour en 1962 – Crédits : Artis777 / iStock

Dès les débuts de la construction européenne, la volonté de mettre en place une politique agricole commune aux six États membres est présente. Elle leur apparait alors nécessaire pour faire face à des prix mondiaux des céréales particulièrement élevés et remédier aux pénuries qui sont monnaies courantes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Si sa part a diminué au fil des années, elle demeure aujourd’hui le premier poste de dépenses de l’Union européenne, avec un peu plus de 30 % du budget. Pour la période 2021-2027, 386,6 milliards d’euros sont ainsi mis à disposition des bénéficiaires de la PAC.

Le 1er janvier 2023, de nouvelles règles sont entrées en vigueur, deux ans après la date initiale, en raison d’âpres négociations entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Parmi les nouveautés, la mise en place d’écorégimes, un système d’aides directes visant à promouvoir des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Autre élément : les plans stratégiques nationaux, des feuilles de route rédigées par chaque pays pour une période de 5 ans. Ces changements visent à rendre la PAC plus verte mais ils donnent également une plus grande marge de manœuvre aux Etats membres.

Quand est-elle créée ?

Le traité de Rome, signé le 25 mars 1957, définit d’ores et déjà les bases de la politique agricole commune en son article 39. Finalement mise en place en 1962, elle se fonde sur les principes suivants : 

  • L’unicité du marché, impliquant la libre circulation des produits agricoles sur le territoire des États membres et la mise en œuvre de moyens et mécanismes communs dans l’ensemble de l’Union européenne pour l’organisation de ce marché ; 
  • La préférence communautaire, qui protège le marché européen des importations à bas prix et des fluctuations du marché mondial ;
  • La solidarité financière : les dépenses imposées par la PAC étant prises en charge par le budget communautaire ;
  • Des prix minimums garantis pour les producteurs.

Deux instruments fondamentaux sont alors mis en place : les prix garantis et les restitutions aux exportations. En 1968, la création de l’union douanière supprime les droits de douane intracommunautaires. Un marché unique pour certains denrées alimentaires voit alors le jour. 

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Comment a-t-elle évolué ? 

Cette politique remplit d’abord parfaitement ses objectifs de productivité et de sécurité des approvisionnements. Mais à la fin des années 1970, la PAC devient victime de son succès, la production dépassant largement la production et engendrant d’importants excédents. D’autres critiques émergent également à cet époque. De l’extérieur, par des pays tiers qui trouvent que les prélèvements aux frontières font de l’Europe une “forteresse”. Mais également de l’intérieur, par les associations écologistes notamment qui dénoncent les effets néfastes du productivisme sur l’environnement. 

L’Union européenne instaurera alors plusieurs mesures pour tenter de limiter la production et assurer la compétitivité de l’agriculture européenne au niveau international.

Les années 2000 marquent enfin un tournant libéral pour la PAC. Les aides aux agriculteurs sont notamment “découplées” pour les inciter à s’adapter au marché. Une mesure qui signifie que ces derniers ne reçoivent plus les fonds en fonction du type et de la quantité de la production, mais de la surface de l’exploitation et du nombre de têtes de bétail. 

C’est à ce moment-là que la Commission européenne choisit également, pour faire face à la diminution de la population rurale, d’instaurer l’objectif de développement rural, communément appelé le “deuxième pilier” de la PAC.

Les dernières réformes entreprises dans les années 2010 ont accentué cette orientation libérale. Une autre priorité est cependant venue s’inviter : le besoin de favoriser des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. Par exemple, les paiements directs sont désormais conditionnés au respect de certaines règles environnementales, 30% étant réservés aux agriculteurs mettant en place des pratiques agricoles durables.

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Comment fonctionne la PAC aujourd’hui ?

La PAC est organisée autour de grands mécanismes, aujourd’hui séparés en deux “piliers”.

Premier pilier : soutien des marchés et des revenus agricoles

Le premier pilier concerne le soutien des marchés et des revenus agricoles et constitue le principal poste de dépense avec environ trois quarts des crédits.

Les aides directes aux agriculteurs représentent aujourd’hui le principal instrument de la PAC. Introduites par la réforme de 1992, elles visent à donner aux agriculteurs un revenu minimal garanti. Ces aides sont aujourd’hui pour la plupart “découplées” : elles ne dépendent pas du type de production mais de la surface au sol ou du nombre de têtes de bétail que possède l’exploitant. Les Etats membres ont cependant la possibilité de “coupler” une partie des aides pour favoriser certains types de productions lorsque celles-ci connaissent des difficultés. Pour toucher ces aides directes, les producteurs doivent respecter plusieurs critères environnementaux et de bien-être des animaux : c’est le principe de “conditionnalité”. En 2025, une “conditionnalité sociale” fera également son apparition : elle liera les paiements directs aux agriculteurs au respect des droits des travailleurs. 

Plusieurs type d’aides directes sont disponibles, sous réserve d’en respecter les critères :

  • Paiement de base : une aide à l’hectare harmonisée au niveau national ou régional ;
  • Paiement jeunes agriculteurs : pour agriculteurs de moins de 40 ans ou en nouvelle installation ;
  • Paiement redistributif : à la discrétion des Etats membres, qui peuvent allouer une partie des fonds destinés aux grandes exploitations à des exploitations de plus petite taille ;
  • Nouveau dispositif progressivement mis en place depuis le 1er janvier 2023, les écorégimes, qui remplacent l’ancien “paiement vert”, représentent 25 % des aides directes. Ils doivent promouvoir les pratiques favorables à la préservation de l’environnement et au climat. Ils deviendront obligatoires en 2025. La définition des écorégimes relève de la responsabilité de chaque Etat membre au sein des plans stratégiques nationaux (voir ci-dessous).

Une organisation commune des marchés agricoles (OCM) régit la gestion des marchés, les normes de commercialisation des produits et les exportations et les importations de l’UE. Subventions à l’exportation, intervention publique et stockage, aides à la production, quotas… complètent le système d’aides directes dans certains secteurs et/ou lors de crises économiques, sanitaires ou climatiques affectant les prix (“filet de sécurité”). Par exemple, une enveloppe de 698 millions d’euros avait été débloquée en faveur de l’élevage et les fruits et légumes face à l’embargo russe en 2015-2016.

Les mesures du premier pilier sont financées par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA)

Deuxième pilier : la politique de développement rural

Inaugurée en 2003, la politique de développement rural a pour objectif de maintenir le dynamisme socio-économique des territoires ruraux. Son enveloppe finance un large panel de mesures cofinancées par les Etats membres, allant de la modernisation des exploitations à la promotion du tourisme rural, en passant par la formation des agriculteurs, les aides à l’installation ou encore l’agriculture biologique.

Le second pilier est cofinancé par les Etats membres principalement au travers du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). D’autres fonds de la politique régionale comme le Fonds de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) ou encore le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) peuvent également être sollicités.

Ces fonds sont regroupés dans un cadre stratégique commun défini par chaque Etat membre, qui se déploie sous la forme de programmes opérationnels et de développement rural.

Plans stratégiques nationaux : une “renationalisation” de la PAC ?

Les plans stratégiques nationaux (PSN) sont l’autre grande nouveauté (avec les écorégimes) de la réforme de la politique agricole commune entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Chaque pays a ainsi envoyé avant la fin de l’année 2022 son plan permettant de planifier la stratégie nationale pour 5 ans (2023-2027). La France a par exemple vu sa copie validée le 31 août dernier. 

Selon le ministère français de l’Agriculture et de l’alimentation, ces documents couvrent les deux piliers et veillent à :

  • favoriser une agriculture intelligente et résiliente assurant la sécurité alimentaire ;
  • renforcer les actions favorables à l’environnement et au climat qui contribuent aux objectifs environnementaux et climatiques de l’Union européenne ;
  • renforcer le tissu socio-économique des zones rurales.

Cet élément constitue une nouvelle étape vers la “décentralisation” de la PAC, laissant une marge de manœuvre encore supplémentaire aux États membres. Une situation qui ne plait pas à certains membres du Parlement européen. Avec un tel système,“nous irons vers 27 politiques agricoles européennes divergentes et nous ne pourrons garantir une égalité de traitement entre les agriculteurs européens opérant au sein du marché unique”, avait déjà averti l’eurodéputée française Anne Sander (PPE) en octobre 2020.

Des négociations difficiles

Le processus législatif qui a conduit à la réforme de la PAC n’a pas été de tout repos. Présentée en 2018, la nouvelle PAC aurait dû entrer en vigueur le 1er janvier 2021. Mais en raison de négociations complexes, sa mise à feu a été retardée et programmée deux ans plus tard, en janvier 2023. 

Le 25 juin 2021, les négociateurs du Parlement et du Conseil sont finalement parvenus à un compromis. Une position validée trois jours plus tard par le Conseil de l’UE tandis que les eurodéputés devraient se prononcer en séance plénière après l’été. 

Elle a finalement été adoptée en décembre 2021.

Parmi les points d’achoppement figuraient les écorégimes. Le pourcentage des aides directes alloué à ce nouveau système était l’objet d’une discorde. Les eurodéputés souhaitaient qu’ils représentent au moins 30 % des paiements directs, quand les États membres se disaient prêts à accepter un seuil de 25 % maximum. C’est ce second objectif qui a été retenu à l’horizon 2025, chaque pays étant invité à progressivement les mettre en place en 2023 et 2024. 

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