Alors que les négociations pour les postes à responsabilités de l’UE ont commencé (cf. EIH 17/6/24), l’ordre institutionnel de succession a déjà désigné l’un d’entre eux. A partir du 1er juillet, la Hongrie de Orban prend la présidence du Conseil de l’UE pour 6 mois, concluant la présidence en trio amorcée par l’Espagne et dont la Belgique avait pris la suite ce semestre.
- Une perspective que certains députés européens avaient tenté d’empêcher, dès l’année dernière
- Ils considèrent alors que le pays s’était trop éloigné des standards européens en matière d’Etat de droit.
- De fait, le slogan et les priorités de la présidence, présentées le 18 juinaffichent une tonalité très trumpienne “Make Europe Great again”.
- Ils considèrent alors que le pays s’était trop éloigné des standards européens en matière d’Etat de droit.
La référence trumpienne pour une forme étonnante de nationalisme projeté sur l’échelle européenne «est la confirmation d’un mouvement que le Grand Continent a d’ailleurs, tout à son honneur, identifié avant les autres, en faisant apparaître le rôle gramscien de Viktor Orbán dans ce glissement».
Orbán a été celui qui a fait basculer l’extrême droite des positions anti-européennes du souverainisme à la papa: «sortie de l’Europe, à bas l’Europe, vive la nation», à: «notre objectif c’est de participer au pouvoir européen, d’exercer le pouvoir européen, et donc on fera ça de dedans, au lieu de prétendre qu’il faut être dehors». C’est un fait que l’on ne mesure pas forcément. En quelques années, une partie conséquente des forces eurosceptiques sont passées du Frexit au Make Europe Great Again.
- La Hongrie propose 7 priorités dont la compétitivité, “priorité essentielle » au point qu’elle devrait s’imposer à toutes les autres considérations, en particulier le Pacte vert, analyse Contexte.
- Attendu aussi mais plus mainstream, Budapest insiste sur le renforcement de la politique de défense et l’élargissement.
- Mais on peut craindre que le tropisme Poutinien ne se traduise par un ralentissement de la candidature de Kiev.
- C’est probablement la raison pour laquelle le Conseil européen vient de confirmer vendredi 21/6 l’ouverture officielle des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie.
- Viennent ensuite l’immigration illégale, la politique de cohésion, l’agriculture européenne et la démographie, obsession constante de la droite radicale européenne, dont Orban s’est fait le chantre (cf. EIH 22/9/22).
- Attendu aussi mais plus mainstream, Budapest insiste sur le renforcement de la politique de défense et l’élargissement.
MAKE EUROPE GROUND AGAIN par la Hongrie
La présidence hongroise du Conseil est trumpienne au-delà encore de son slogan, qui ressemble à un trolling malicieux. Les priorités abandonnent clairement l’État de droit et la transition écologique, qui étaient les priorités 1 et 3 de la précédente présidence belge.
- Malgré les soupçons, le gouvernement national-conservateur prétend conduire un semestre « normal », même si le contexte ne lui est pas favorable.
- En interne d’abord, avec la percée du nouvel opposant Péter Magyar, qui brigue plusieurs postes clés au sein du PPE et pourrait tenter d’offrir une alternative de centre-droit face au Fidesz.
Tisztelet és Szabadság Párt—le «Parti du Respect et de la Liberté»—a été créé de manière fantoche en 2021. En forme contractée, il se lit: Tisza. Comme le deuxième fleuve de Hongrie, après le Danube dont elle est un affluent. Pendant trois ans, le parti n’existait pas autrement que sur un bout de papier: il n’avait pas de représentant et ne prenait part à aucune élection.
Il y a quelques mois, un relatif inconnu, Péter Magyar—oui, Magyar, parfois le monde suit un script qui semble un peu trop évident—s’en est emparé.
Aujourd’hui, il a fait de Tisza la deuxième force politique du pays. La seule en mesure de menacer sérieusement Orbán et le tout-puissant Fidesz qui a hégémonisé l’espace politique et public de la Hongrie.
Malgré l’hiver, le ciel est bleu pour Orbán: l’opposition est en miettes; le deuxième parti après l’indétrônable Fidesz est le néofasciste Mi Hazánk (Notre Patrie). Lors de la dernière grande élection de 2022 il avait écrasé son opposant, Márki-Zay. Quand nous l’avions interrogé, il ne nous avait certes pas impressionnés—mais personne n’avait prévu qu’après plus de dix ans à la tête du pays Orbán aurait encore réussi à gagner avec 20 points de distance contre une opposition unie.
La tempête arrive soudainement. Une nouvelle se diffuse; pour d’obscures raisons de clientélisme, la présidente du pays—une fidèle collaboratrice d’Orbán—a gracié un pédocriminel. La colère explose; sa démission entraîne dans sa chute la ministre de la justice, Judit Varga, une pièce clef du système Orbán et qui devait, initialement, conduire la liste Fidesz aux Européennes…
En catapultant la compétition politique directement à Bruxelles, les premières déclarations de Magyar donnent des gages clairs. Lutter contre la corruption, résorber la pauvreté en Hongrie mais aussi et surtout: soutenir l’Ukraine—une manière de se distinguer nettement du Premier ministre qui soutient objectivement Poutine.
Alors que Budapest va entamer une présidence tournante sur laquelle plane l’ombre de Trump, la vie politique hongroise a définitivement changé d’échelle: pour Orbán et son MEGA, le pari de l’Union est en train de devenir une question de survie.
- Ensuite, avec une Commission en fin de mandat et des Etats membres occupés à bien placer leur futur commissaire et un Parlement plus occupé à valider ou contrer certaines nominations, difficile d’imaginer une présidence hongroise très productive.
- La prochaine Commission européenne ne devrait pas être formée avant novembre-décembre 2024.
- Enfin, vis-à-vis du respect de l’Etat de droit et des valeurs européennes.
- La CJUE vient d’ailleurs de condamner la Hongrie à une amende de 200 millions d’euros pour non-respect du droit d’asile.
- Cette amende intervient alors que la Hongrie est déjà dans le radar du Parlement depuis plusieurs années sur la question des droits fondamentaux.
- En avril dernier, le Parlement avait condamné l’adoption de la loi sur la protection de la souveraineté nationale… et avait émis des doutes sur la capacité du pays à assurer la présidence de manière crédible.
Le mardi 30 mai, certains ministres des Affaires européennes ont fait part à la presse « de leur malaise à la perspective de voir la Hongrie de Viktor Orbán– illibérale et proche du Kremlin – occuper la présidence tournante » [Le Monde].Le Parlement européen, quant à lui, avait prévu d’adopter ce jeudi « une résolution appelant le Conseil à ‘trouver une solution adaptée‘ pour protéger les valeurs de l’UE » [La Libre]. Un texte finalement validé à une large majorité.
L’institution est en effet, « de longue date, très critique de la façon dont Viktor Orbán et son parti, le Fidesz, exerce le pouvoir en Hongrie depuis 2010« , poursuit le quotidien belge.Facilitateur de compromis. La présidence tournante du Conseil a pour rôle de faire avancer les travaux législatifs de l’UE en suscitant le compromis.
Elle « s’assure que ses invités se réunissent en harmonie, c’est-à-dire qu’ils peuvent exprimer leurs différences [mais] se quittent en bons termes et avec un objectif commun » [RTBF].Le pays qui l’occupe agit donc comme intermédiaire neutre, « une condition que la Hongrie ne pourra pas remplir en raison de ses nombreux conflits avec l’UE, selon le Parlement » [Reuters].
« Face aux nombreuses atteintes à l’indépendance de la justice et au pluralisme médiatique en Hongrie« , la Commission a notamment gelé des fonds européens destinés à la Hongrie en décembre dernier, rappellent Les Echos.
+ La lettre du dimanche du Grand continent.