Fusion – Droit de la concurrence – L’UE bloque Daewoo et Hyundai – EURACTIV.fr

L’UE a bloqué, jeudi 13 janvier, la fusion des chantiers navals des groupes sud-coréens Daewoo et Hyundai, deux mastodontes mondiaux du secteur, redoutant « une position dominante » susceptible de renchérir le coût du transport de gaz naturel liquéfié, sur fond de flambée des prix de l’énergie en Europe.

Notifié en novembre 2019 à la Commission européenne, qui avait aussitôt ouvert une enquête approfondie, ce projet de fusion aurait donné naissance à un géant contrôlant près des deux tiers du marché mondial des gros navires de transport de gaz naturel liquéfié (GNL).

« L’acquisition de Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering par Hyundai Heavy Industries Holdings aurait réduit la concurrence », écrasant de son poids « un marché déjà concentré », a justifié la Commission, gardienne de la concurrence dans l’UE.

Bruxelles craignait que les armateurs européens n’aient pas un pouvoir de négociation suffisant face à un tel acteur dominant : « ils se seraient retrouvés avec peu d’alternatives, seule une poignée de concurrents auraient survécu », a insisté devant la presse la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager.

Bruxelles peut bloquer une fusion dès lors que celle-ci a un impact sur le vaste marché européen de 450 millions de personnes. « Peu importe où se trouvent les entreprises voulant fusionner. Ce qui importe c’est qu’elles participent à la concurrence pour répondre à une demande en Europe », a rappelé Mme Vestager.

Or, alors que le marché mondial de la construction de grands transporteurs de GNL a représenté quelque 40 milliards d’euros ces cinq dernières années, les clients européens ont compté pour environ la moitié des commandes, estime la Commission.

Mme Vestager a regretté que les deux groupes n’aient pas proposé de « mesures correctives » pour rassurer Bruxelles.

En cas de rapprochement Daewoo-Hyundai, les constructeurs navals restants, qui peinent déjà à résister à la pression des deux géants sud-coréens et à engranger de nouvelles commandes, auraient été contraints de s’aligner sur les prix du groupe fusionné, face à une clientèle « fragmentée » et « caractérisée par de petites commandes ».

La réduction du choix de constructeurs aurait conduit « à une hausse des prix (des navires) pour les clients de l’UE et, en fin de compte, pour les consommateurs d’énergie », observe l’exécutif européen.

« Déraisonnable » et « décevant »

« Les tarifs du transport ont explosé. Le risque est d’ajouter des prix encore plus élevés à des cours de l’énergie qui ont eux-mêmes flambé » ces derniers mois, expliquait en début de semaine à l’AFP une source proche du dossier, anticipant le refus de Bruxelles.

La question du transport est d’autant plus stratégique que les tensions avec la Russie pourraient inciter l’UE à diversifier ses approvisionnements en gaz et gonfler sa demande de GNL acheminé par bateau.

Après son enquête, d’une durée inhabituellement longue – plus de deux ans -, la Commission a également conclu qu’il serait illusoire d’imaginer l’arrivée de nouveaux acteurs susceptibles de bousculer la domination sud-coréenne. Bruxelles a pointé du doigt « des barrières très élevées » pour construire des transporteurs de GNL, « navires hautement sophistiqués et différenciés ».

Hyundai Heavy Industries Holdings a déploré le veto européen, le jugeant « déraisonnable » et « décevant ».

La fusion n’aurait pas étouffé la concurrence, a fait valoir le groupe sud-coréen en énumérant les rivaux potentiels: son compatriote Samsung Heavy Industries, le chinois Hudong Zhonghua, ou encore le japonais Mitsubishi.

Hyundai, qui n’exclut pas un recours devant la justice de l’UE, a rappelé que l’autorité de la concurrence de Singapour avait donné son feu vert à la fusion : cette dernière avait estimé que le fait de détenir une part de marché élevée ne conférait « pas nécessairement » une position dominante sur ce marché, où les commandes s’obtiennent généralement via des appels d’offres.

Il est rare que la Commission européenne bloque une fusion: sa dernière interdiction remonte à juin 2019, avec le refus d’un rapprochement des sidérurgistes indien Tata Steel et allemand ThyssenKrupp.

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