Au sommet du Conseil européen, jeudi 23 et vendredi 24 juin à Bruxelles, les dirigeants devront se frotter à plusieurs grands enjeux. En particulier à la candidature de l’Ukraine à l’UE, sur laquelle ils doivent se prononcer. Mais aussi à l’élargissement européen dans les Balkans occidentaux ou encore aux propositions issues de la Conférence sur l’avenir de l’Europe.
Le programme s’annonce très chargé. Jeudi 23 et vendredi 24 juin, les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept ne manqueront pas de sujets de débat.
L’Ukraine en fait partie à plusieurs titres. En raison de sa candidature à l’intégration européenne mais aussi pour les conséquences alimentaires du conflit dans lequel la Russie l’a entraînée depuis le 24 février.
Il sera aussi question de l’élargissement dans les Balkans occidentaux (Macédoine du Nord, Albanie, Monténégro, Serbie, Bosnie-Herzégovine et Kosovo). Tout comme des suites à donner à la Conférence sur l’avenir de l’Europe, vaste exercice de démocratie participative à l’échelle de l’Union.
Achevée le 9 mai, celle-ci a donné lieu à plusieurs propositions ambitieuses de la part des citoyens, comme la fin du vote à l’unanimité au Conseil et le droit d’initiative législative du Parlement européen.
L’Ukraine bientôt officiellement reconnue candidate à l’UE
Un “consensus total” parmi les gouvernements des Vingt-Sept. C’est ainsi que le ministre délégué aux Affaires européennes Clément Beaune a qualifié, mardi 21 juin, la position de ses homologues à l’issue du dernier Conseil Affaires générales, destiné à préparer les rencontres du Conseil européen. L’ultime rencontre présidée par le ministre dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’UE (PFUE), qui touche à sa fin.
Sauf coup de théâtre, les Etats membres devraient donc octroyer à l’Ukraine le statut de candidat à l’adhésion à l’UE lors du sommet des 23 et 24 juin. Ce que confirmait par ailleurs une source à l’Elysée plus tôt dans la journée, faisant état de l’ ”espoir raisonnable” d’y “constater l’accord des Vingt-Sept”.
L’Ukraine, qui a déposé sa demande le 28 février, soit quatre jours seulement après l’invasion russe, a déjà reçu un avis positif de la part de la Commission européenne vendredi 17 juin. Tout comme la Moldavie, qui avait quant à elle candidaté le 3 mars.
Mais pas la Géorgie dont la dossier avait été déposé le même jour. Le 16 juin, les dirigeants français Emmanuel Macron, allemand Olaf Scholz, italien Mario Draghi et roumain Klaus Iohannis en visite à Kiev avaient appelé à l’octroi “immédiat” du statut de candidat à l’Ukraine. Un signal fort à l’égard de cet Etat en guerre.
Si les pays d’Europe centrale et orientale s’étaient rapidement montrés favorables à une reconnaissance de la candidature ukrainienne, d’autres avaient exprimé des réserves, à l’instar des pays scandinaves, des Pays-Bas, de l’Espagne et du Portugal. En cause notamment : le respect de l’état de droit, et en particulier la lutte contre la corruption, et l’écart entre les économies de l’Ukraine et de l’UE. L’avis de la Commission était cependant très attendu, et les positions des plus sceptiques semblent donc avoir évolué.
Le conseil cherche des réponses à la crise alimentaire mondiale
Un autre sujet occupera les chefs d’Etat et de gouvernement : l’impact du conflit russo-ukrainien sur le coût des denrées alimentaires. La guerre a particulièrement perturbé les exportations de céréales des deux Etats, qui comptaient pour 30 % de celles de blé et 20 % de celles de maïs avant la guerre.
De quoi conduire à l’explosion de leur prix et faire peser un risque de grave crise alimentaire dans certaines régions du monde très dépendantes des importations, telles que l’Afrique du Nord, le Proche-Orient et la Corne de l’Afrique.
Pour prévenir la catastrophe, la France a notamment avancé le 24 mars dernier une initiative intitulée FARM pour Food and agriculture resilience mission (Mission de résilience alimentaire et agricole). Un ensemble de mesures visant à améliorer le fonctionnement des marchés (empêcher les stocks trop importants, lutter contre la spéculation excessive et garantir la poursuite des exportations), à faire preuve de solidarité et à investir dans les zones les plus vulnérables.
Reprise au niveau européen, FARM doit maintenant obtenir le soutien du plus grand nombre de pays possible pour être pleinement efficace, en particulier d’Etats clés du G20 comme l’Inde ou la Chine.
Ne pas oublier les Balkans occidentaux
Le thème de l’élargissement ne concernera pas que l’est de l’Europe mais aussi le sud-est du continent. Ou plus précisément les Balkans occidentaux, une région dont plusieurs pays sont formellement reconnus en tant que candidats à l’adhésion (Monténégro, Serbie, Macédoine du Nord et Albanie) ou comme candidats potentiels (Bosnie-Herzégovine et Kosovo).
Alors que l’attention se concentre sur l’Ukraine, hors de question pour les Vingt-Sept de laisser croire à ces Etats que le contexte les fait passer au second plan dans le processus d’élargissement. D’autant que des puissances concurrentes, Russie et Chine en tête, sont aux aguets dans les Balkans. L’une des questions à trancher sera l’ouverture ou non des négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie – elles le sont depuis plusieurs années avec la Serbie ainsi que le Monténégro.
Problème : la Bulgarie connaît d’importants différends historiques et linguistiques avec la Macédoine du Nord et y a jusqu’à maintenant mis son veto (en matière d’élargissement, l’unanimité des Etats membres est nécessaire). Etant donné que les Vingt-Sept ont décidé de lier la candidature macédonienne à celle de l’Albanie, la position du gouvernement bulgare durant les débats comptera donc beaucoup pour Skopje et Tirana.
A la tête de la présidence tournante du Conseil, la France a formulé une solution pour surmonter le blocage bulgare. Il a récemment été proposé à Sofia que le respect du futur accord bilatéral avec la Macédoine du Nord, qui réglera leurs différends, fasse partie du cadre de négociation du pays (la feuille de route qu’il doit suivre pour adhérer à l’UE).
Une proposition vue d’un bon œil par le gouvernement de Kiril Petkov. Mais en proie à une importante crise politique – un vote sur une motion de censure mercredi 22 juin pourrait faire tomber le Premier ministre – il semble peu probable que la Bulgarie lève son veto d’ici la fin de la semaine.
Et si en attendant l’intégration les pays candidats faisaient partie d’une Europe élargie ? Lors du Conseil européen des 23 et 24 juin, les dirigeants discuteront aussi du projet de Communauté politique européenne, proposé par Emmanuel Macron le 9 mai.
Le principe est de créer une structure rassemblant les pays d’Europe qui ne peuvent pas encore rejoindre l’UE ou qui ne le souhaitent pas autour de valeurs démocratiques communes. Cette organisation, qui se veut complémentaire à l’Union et non comme une alternative à l’adhésion, aurait vocation à faciliter les coopérations entre Etats dans des domaines de premier plan, tels que la sécurité, l’énergie ou encore les infrastructures.
Réviser les traités européens ?
La Communauté politique européenne a été dévoilée par le président français au Parlement européen à Strasbourg, le jour de la conclusion des travaux de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Une large consultation des citoyens des Vingt-Sept qui a fait émerger de nombreuses propositions pour faire avancer la construction européenne.
Parmi elles, la fin de l’unanimité lors des votes au Conseil de l’UE dans les domaines considérés sensibles, à l’instar de la diplomatie et de la fiscalité. Une autre mesure phare consisterait à doter le Parlement européen du droit d’initiative législative, dont la Commission européenne détient actuellement le monopole.
Ces propositions exigent une révision des traités pour être appliquées. Une perspective que le Parlement européen, en faveur des évolutions préconisées par la Conférence sur l’avenir de l’Europe, appelle de ses vœux. Le 9 juin dernier, les eurodéputés ont demandé, dans une résolution adoptée à une très large majorité, aux chefs d’Etat et de gouvernement de mettre sur pied une Convention pour réviser les traités européens.
Mais parmi les Etats membres, l’idée ne fait pas l’unanimité : 13 d’entre eux, principalement à l’est et au nord du continent, avaient fait part de leur opposition dès le 9 mai. “N’attendez pas de décision” à ce sujet lors du Conseil européen, prévient une source élyséenne qui explique que le consensus reste à bâtir. Convaincre tout le monde ne sera donc pas une mince affaire.