Emploi, formation, pauvreté : comment le sommet de Porto pourrait façonner l’Europe sociale

[ad_1]

A l’occasion du sommet social de Porto des 7 et 8 mai, Etats membres, partenaires sociaux et institutions européennes doivent s’accorder sur la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux pour les dix années à venir. Des discussions qui seront notamment axées autour de l’emploi, de la formation et de la pauvreté, trois grands objectifs proposés par la Commission européenne dans un plan d’action présenté début mars.

A Porto, l'ambition sera de faire du sommet des Vingt-Sept un tournant pour l'Europe sociale - Crédits : simplethrill / Flickr CC BY-NC-ND 2.0
A Porto au Portugal, l’ambition est de faire du sommet des Vingt-Sept un tournant pour l’Europe sociale – Crédits : simplethrill / Flickr CC BY-NC-ND 2.0

Avec l’apparition de la pandémie de Covid-19 sur son sol, l’Europe connaît sa plus grave crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale. Une crise aux conséquences sociales dévastatrices, bien que les systèmes de protection sociale européens ait permis de l’amortir en partie. Signe de leur efficacité face au choc provoqué par la paralysie de l’économie, le taux de chômage moyen dans l’Union européenne est passé de 6,5 % en février 2020 à 7,4 % un an plus tard. Une augmentation de moins d’un point permise en partie par les dispositifs de chômage partiel mis en place par les Vingt-Sept. Mais ce constat général ne doit pas masquer la détresse sociale à laquelle certaines catégories de population se trouvent particulièrement confrontées.

Parmi elles, les jeunes. Leur taux de chômage a crû de 2,2 points de février 2020 à février 2021 : alors qu’il touchait déjà 15 % des moins de 25 ans dans les Vingt-Sept, une part qui avait cependant constamment reculé depuis 2013, 17,2 % étaient concernés un an après. La pandémie a par ailleurs fait basculer nombre d’Européens dans la pauvreté, comme le notaient les Nations Unies en octobre 2020. A cette période, les associations caritatives estimaient que la crise avait fait plonger un million de personnes dans la pauvreté en France, rapportait l’organisation. Pendant le premier confinement, 45 % des bénéficiaires du Secours populaire étaient auparavant inconnus de l’association.

Les problématiques sociales, qui figuraient parmi les priorités de la Commission européenne avant l’arrivée du Covid-19, sont donc plus que jamais d’actualité, notamment à travers le plan de relance Next Generation EU de 750 milliards d’euros. Si ces questions relèvent avant tout de la compétence des Etats membres, l’UE n’ayant qu’une compétence d’appui en la matière, l’Europe sociale connaît un nouveau souffle depuis novembre 2017. La raison ? L’adoption du socle européen des droits sociaux par les institutions et les pays de l’UE, un ensemble de 20 principes appelés à guider les politiques sociales communautaire et nationales. Trois ans et demi plus tard, le sommet social de Porto, qui se tient les 7 et 8 mai, doit permettre de dresser un premier bilan de la mise en œuvre de ces principes tout en définissant les objectifs à atteindre à plus long terme.

En amont du sommet, la Commission européenne a présenté le 4 mars dernier un plan d’action relatif au socle européen des droits sociaux. Son but : préciser la mise en œuvre concrète des intentions affirmées dans le socle. Il définit donc un calendrier législatif mêlant propositions de directives, révisions de textes existants et nouvelles recommandations aux Etats membres. La Commission liste dans ce document trois grands objectifs à atteindre d’ici à 2030 et invite les Vingt-Sept à les adopter, ce qu’ils pourraient faire au sommet de Porto :

  • un emploi pour au moins 78 % des 20-64 ans
  • une participation à des activités de formation pour au moins 60 % des adultes chaque année
  • a minima 15 millions de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale en moins

Etant donné les compétences restreintes de l’UE en ce qui concerne le social, la volonté politique des pays européens sera un facteur déterminant de l’application de ces objectifs. S’ils venaient à être adoptées, ces trois caps liés à l’emploi, à la formation et à la pauvreté seraient intégrés au semestre européen, qui coordonne les politiques économiques et budgétaires des Etats membres. Et ceux-ci définiraient des objectifs au niveau national. Où en sont les pays de l’UE par rapport aux ambitions proposées par la Commission dans son plan d’action ?

Taux d’emploi : des progrès menacés par la crise

Avant le début des difficultés économiques provoquées par la diffusion du virus, le taux d’emploi de l’UE27 avait progressé de près de 5 points au cours des années 2010, de 68,2 % en 2009 à 73,1 % en 2019. Mais en 2020, le taux régresse, passant à 72,4 %, une tendance qui pourrait s’aggraver si la crise économique venait à s’intensifier. Ce qui a conduit l’UE a engager d’importantes ressources financières sur ce front.

Parmi elles, le Fonds social européen, qui représente à lui seul près de 10 % du budget communautaire et soutient l’emploi à différentes échelles dans toute l’UE. A cette manne financière s’ajoute celle de la Facilité pour la reprise et la résilience, pilier central de Next Generation EU pour un montant de 672,5 milliards d’euros. Dans sa recommandation du 4 mars au Conseil européen, la Commission enjoint les Etats membres à mettre en place des mesures de “soutien actif et efficace à l’emploi (EASE)” pour faire face à la crise du Covid-19 et mentionne spécifiquement ces deux sources de financement européennes.

Pour bénéficier des fonds de Next Generation EU, les plans de relance nationaux doivent par ailleurs favoriser, outre les transitions écologique et numérique, la résilience économique et sociale. Les plans nationaux s’avèreront cruciaux pour limiter l’impact social de la crise et aboutir sur le long terme à taux d’emploi supérieur à celui observé avant la pandémie, comme l’implique l’objectif de 78 % à l’horizon 2030 avancé par la Commission européenne.

En ce qui concerne les jeunes, des dispositifs spécifiques ont été, entre autres, instaurés par les Etats membres dans le cadre de la Garantie pour la jeunesse, initiée en 2013. A travers ce dispositif, renforcé en octobre 2020, les pays de l’UE se sont engagés à garantir à tout jeune de moins de 30 ans une offre d’emploi, de formation continue, d’apprentissage ou de stage dans les quatre mois qui suivent la perte de son emploi ou la fin de ses études. Depuis sa création, plus de 24 millions de jeunes Européens y ayant eu recours ont accepté une offre, indique le site de la Commission européenne.

Formation : un long chemin à parcourir pour les Etats membres

Toute personne a droit à une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie, inclusifs et de qualité, afin de maintenir ou d’acquérir des compétences lui permettant de participer pleinement à la société et de gérer avec succès les transitions sur le marché du travail”. Il s’agit là du premier principe du socle européen des droits sociaux, signe de l’importance attribuée à la formation dans la politique sociale de l’UE.

La nécessité de former à tous les âges de la vie se fait sentir plus fortement encore avec la pandémie. Avant qu’elle ne survienne, l’économie se trouvait déjà dans une phase de profonde transformation, “un mouvement de destruction créatrice qui modifiait beaucoup les emplois”, expliquait l’économiste Nicolas Bouzou lors d’un débat organisé par le think tank Confrontations Europe début avril. En raison de la montée en puissance de certaines technologies, de nombreux travailleurs étaient amenés à acquérir de nouvelles compétences pour adapter leur emploi aux évolutions économiques, voire pour se reconvertir suite à la disparition progressive de leur métier. Parmi ces technologies et innovations de la “troisième révolution industrielle figurent “le numérique, la robotique, l’intelligence artificielle, les imprimantes 3D, les énergies renouvelables, les biotechnologies”, liste le chercheur. Celles-ci ont vu leur utilisation croître avec la crise, qui “a joué un rôle d’accélérateur de cette transformation structurelle”, comme le souligne Nicolas Bouzou, et qui a donc accentué les besoins de formation.

Face à ces changements, la Commission européenne propose que 60 % des adultes puissent suivre une formation chaque année, un objectif ambitieux au vu du dernier taux observé en la matière : en 2016, seuls 37 % des adultes en avaient bénéficié. Pour y parvenir, il faudra mobiliser les Etats membres, à qui revient principalement la compétence de légiférer sur cette thématique. 

Côté européen, de nombreuses actions sont néanmoins menées afin de promouvoir et d’élargir la formation. En juin 2016, la Commission européenne a adopté un agenda des compétences pour l’Europe, une série de dix objectifs pour améliorer la rencontre entre la demande et l’offre d’emplois en “dot[ant] les personnes de meilleures compétences”. Un agenda consolidé en novembre 2020 avec de nouveaux objectifs chiffrés à atteindre d’ici à 2025, dans le but de mieux prendre en compte les transitions écologique et numérique.

Cette destruction créatrice à l’œuvre sur le marché de l’emploi et les besoins de formation qu’elle engendre ont été pris en compte dans le plan européen Next Generation EU : le versement des fonds aux Etats membres est conditionné à ce que leurs plans de relance nationaux soient consacrés pour au moins 37 % à la transition écologique et pour 20 % au numérique. Des fonds qui pourront également financer des programmes de formation.

Risque de pauvreté ou d’exclusion sociale : un objectif ambitieux mais tenable

Sur le plan de la lutte contre la pauvreté, l’exécutif européen veut voir le nombre de personnes exposés à un risque de pauvreté et d’exclusion sociale diminuer de 15 millions d’ici à 2030 à l’échelle du continent. Un objectif qui, s’il était tenu, aboutirait à une amélioration significative de la situation. Cette ambition semble atteignable car elle s’inscrit dans la tendance observée lors de la dernière décennie. Entre 2011 et 2019, Eurostat fait savoir que le nombre d’individus concernés par cette situation avait baissé de 29,4 millions. En tenant compte de l’actuelle crise économique, un recul de 15 millions de personnes semble envisageable. Reste néanmoins à mesurer l’ampleur des dégâts causés par la crise du Covid-19 en la matière, les données relatives aux personnes en risque de pauvreté et d’exclusion sociale pour 2020 n’étant pas encore connus.

Si la pauvreté en tant que telle, et non le risque de la vivre, n’est pas directement visée par le troisième grand objectif quantitatif du plan d’action, il est à noter que le nombre de personnes considérées pauvres n’avait quant à lui pas connu d’amélioration pendant la précédente décennie. De 71,5 millions d’individus en situation de pauvreté monétaire en 2010, c’est-à-dire touchant moins de 60 % du revenu médian après transferts sociaux (seuil retenu par Eurostat), l’UE était passée à 72,1 millions en 2019.

Là encore, les compétences relatives au traitement de la pauvreté appartiennent en premier lieu aux Etats membres. Ce qui n’empêche pas l’UE de s’investir sur la question par le biais de certains programmes, tel que le Fonds européen d’aide aux plus démunis, qui participe au financement d’associations de lutte contre la pauvreté. Concernant les Vingt-Sept, la progression sur l’objectif de recul du risque de pauvreté ou d’exclusion sociale se réalisera aussi grâce aux politiques de promotion de l’emploi et de la formation, intimement liées à cette troisième ambition. 

[ad_2]

https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/emploi-formation-pauvrete-comment-le-sommet-de-porto-pourrait-faconner-leurope-sociale/